le lobbying : outil démocratique

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le lobbying : outil démocratique
Février 2016
LE LOBBYING :
OUTIL
DÉMOCRATIQUE
Anthony ESCURAT
www.fondapol.org
LE LOBBYING :
OUTIL DÉMOCRATIQUE
Anthony ESCURAT
La Fondation pour l’innovation politique
est un think tank libéral, progressiste et européen.
Président : Nicolas Bazire
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Directeur général : Dominique Reynié
Présidente du Conseil scientifique et d’évaluation : Laurence Parisot
La Fondation pour l’innovation politique publie la présente note
dans le cadre de ses travaux sur les valeurs.
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FONDATION POUR L’INNOVATION POLITIQUE
Un think tank libéral, progressiste et européen
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RÉSUMÉ
En France, la seule évocation du terme « lobbying » conduit généralement
à susciter la suspicion. Dans l’inconscient collectif, sa pratique nuirait
gravement à la santé démocratique. Elle est pourtant monnaie courante
et pleinement assumée dans une grande partie des pays occidentaux. Loin
de se cantonner à la simple caricature d’une activité occulte agissant aux
frontières de la légalité, le lobbying – souvent mal compris et mal défini –
constitue au contraire une démarche susceptible d’être bénéfique à la prise
de décision politique, à condition qu’il soit régulé.
Conditionnée par son héritage culturel, embrumée dans un halo idéologique,
l’approche française a longtemps été réfractaire à la participation des
groupes d’intérêt au processus décisionnel. Puisant ses racines dans la pensée
de Jean-Jacques Rousseau et de sa conception de la volonté générale, cette
aversion française s’est traduite par une hostilité farouche à l’égard des corps
intermédiaires. À l’opposé, la conception anglo-saxonne – considérant qu’il
serait vain de chercher à les interdire – a préféré encourager l’intervention des
lobbies au sein de la sphère publique, et ce tout en encadrant leurs pratiques.
Malgré le rejet dont il fait l’objet en France, le lobbying n’y est pourtant
ni un phénomène récent, ni un phénomène exceptionnel. Il est d’ailleurs
actuellement en pleine expansion. Une mutation qui résulte d’un effet de
ciseau conjuguant notamment intégration européenne et transformation de
l’État, et à travers lequel les groupes d’intérêt se sont fortement développés.
Désormais omniprésent dans l’espace public, pratiqué tant par les grandes
entreprises que par les partenaires sociaux, les ONG ou les think tanks, le
lobbying apparaît aujourd’hui comme un mode d’action incontournable du
débat démocratique.
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Dès lors, l’exception française en la matière réside en fin de compte davantage
dans un rejet d’ordre moral que dans la critique d’une pratique qui, dans les
faits, s’avère être une réalité à laquelle la France s’est manifestement bien
accommodée. Sans dresser une apologie naïve du lobbying ni, à l’inverse,
l’observer avec les seules lunettes de la défiance, cette note se fixe pour objectif
de lever le voile sur une activité inhérente au jeu politique. Dit autrement,
au-delà d’un travail de « dédiabolisation » qu’elle entend également mener,
c’est une rupture avec l’« hypocrisie française » en la matière dont il est ici
question.
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LE LOBBYING :
OUTIL DÉMOCRATIQUE
Anthony ESCURAT
Doctorant en science politique à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence
« Une nation ne peut se maintenir que si, entre l’État et les particuliers,
s’intercale toute une série de groupes secondaires. »
Émile Durkheim
LE LOBBYING À L’ANGLO-SAXONNE ET À LA FRANÇAISE
À l’origine, les systèmes politiques français et anglo-saxon ont en partage
une profonde méfiance à l’égard du lobbying, une pratique réputée coupable
d’altérer la bonne marche de la démocratie. Mais alors que la conception
anglo-saxonne a privilégié in fine une voie médiane et pragmatique en
choisissant d’inclure les groupes d’intérêt 1 au cœur du processus décisionnel,
l’approche française – enserrée dans son culte de la « volonté générale » – est
quant à elle longtemps demeurée hostile à leur intervention dans le champ
politique. Cette dichotomie entre deux manières d’appréhender la définition
du bien commun a donné naissance à deux modèles bien distincts.
1. Emiliano Grossman et Sabine Saurugger définissent les groupes d’intérêt comme des « entités cherchant à
représenter les intérêts d’une section spécifique de la société dans l’espace public » (« Les groupes d’intérêt
au secours de la démocratie ? », Revue française de science politique, vol. 56, n° 2, avril 2006, p. 299). Sont
ainsi inclus dans cette large définition les entreprises, les ONG et associations, les syndicats patronaux et
ouvriers, les mouvements sociaux, etc.
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Une conception anglo-saxonne perméable aux lobbies
Selon l’OCDE, les dépenses en matière de lobbying ont atteint aux États-Unis
3,28 milliards de dollars en 2008, pour un effectif total de près de 15 000
professionnels de l’influence officiellement accrédités auprès du Congrès.
Au Royaume-Uni, ils seraient, selon le Conseil de l’Europe, environ 14 000
à travailler dans un secteur pesant plus de 1,9 milliard de livres sterling 2
(environ 2,5 milliards d’euros). Au Canada, les proportions ne sont certes
pas équivalentes, mais l’OCDE y recense tout de même 5 000 lobbyistes 3,
dans un pays comptant moins de 40 millions d’habitants. Au regard des
ressources considérables employées, la pratique du lobbying n’est donc ni un
phénomène marginal, ni un phénomène récent dans le monde anglo-saxon.
Elle correspond au contraire à une tradition ancienne, profondément ancrée
dans l’ADN et le fonctionnement coutumier des systèmes politiques.
Au Royaume-Uni, il faut remonter au XIIIe siècle pour trouver les origines
de la première forme d’institutionnalisation des groupes d’intérêt. En effet,
lorsqu’en 1215, sous la contrainte, le roi d’Angleterre Jean sans Terre édicte sa
Grande Charte, il concède à ses barons la possibilité d’adresser des pétitions
au royaume s’ils considèrent que leurs droits sont d’une quelconque manière
violés par le régime 4. Il s’agit par conséquent de la première amorce de
limitation des pouvoirs de la monarchie et, en parallèle, de la première forme
de reconnaissance politique de l’expression des revendications privées.
Cette Grande Charte, confirmée et étendue par la quasi-totalité des souverains
qui succéderont à Jean sans Terre, constitue aujourd’hui encore l’un des
textes fondateurs du Royaume-Uni. Préfigurant la démocratie moderne
britannique, elle influencera l’organisation politique de l’ensemble des pays
anglo-saxons. Ainsi, près de six siècles plus tard, les Pères fondateurs des
États-Unis en transposent l’esprit et l’élargissent à l’ensemble de la société
civile dans la Constitution du 17 septembre 1787. Aux termes de son Premier
Amendement, celle-ci offre ainsi aux citoyens américains la possibilité de
s’adresser directement à leurs gouvernants pour faire valoir et défendre leurs
intérêts particuliers : « Le Congrès ne peut faire de loi pour limiter la liberté
de parole ou le droit des citoyens d’intervenir auprès du gouvernement pour
obtenir le redressement des torts. » Bien que la référence ne soit qu’implicite,
la première Constitution des États-Unis consacre bien le rôle central joué
par les groupes d’intérêt dans la vie démocratique américaine. Le lobbying
2. Conseil de l’Europe, Le Lobbying dans une société démocratique (Code européen de bonne conduite en
matière de lobbying), doc. 11937, 5 juin 2009, p. 13.
3. Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Lobbying, pouvoirs publics et
confiance, volume 1 : « Quel cadre législatif pour plus de transparence ? », Éditions OCDE, 2011, p. 3.
4. Pierre Bardon et Thierry Libaert, Le Lobbying. Dunod, 2012.
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apparaît alors comme un droit fondamental, une pratique inhérente au
fonctionnement politique.
Ces deux textes fondateurs illustrent l’importance de la prise en
considération de la société civile dans la culture politique anglo-saxonne.
Cette primauté donnée aux revendications privées a toutefois souffert de
contestations. En effet, bien que nantis d’une reconnaissance institutionnelle
dont ils seront longtemps dépourvus dans l’Hexagone, les lobbies anglosaxons n’en demeurent pas moins soupçonnés – notamment aux ÉtatsUnis – d’agir à l’encontre du bien commun. Perçus comme guidés par leurs
seuls intérêts égoïstes, utilisant des méthodes souvent opaques, parfois
en marge de la légalité pour faire pression sur les décideurs politiques,
les lobbyistes nuiraient – dans l’imaginaire collectif – à l’intérêt général.
Néanmoins, contrairement aux Français avec lesquels ils partagent cette
défiance originelle, les Anglo-Saxons décidèrent de faire de cette menace une
opportunité en intégrant les groupes d’intérêt au cœur du fonctionnement
démocratique. Cette approche pragmatique s’est alors mue en véritable
doctrine de gouvernance, favorisant l’expression de la diversité de la société
civile tout en permettant, corrélativement, à l’État de se délester du monopole
de la définition du bien commun 5.
Très critique à l’égard des lobbies qui selon lui « hantent les couloirs du
Congrès 6 », James Madison, quatrième président des États-Unis, est à
l’origine de cette vision de la démocratie fondée sur l’interaction des groupes
sociaux 7. Symbole du rapport ambigu qu’entretiennent les Américains avec le
lobbying, le « paradoxe de Madison », qui irrigue toute la conception anglosaxonne, s’interroge sur la manière de délier ce nœud gordien en évitant à la
fois de pêcher par excès d’autoritarisme – à savoir en limitant l’expression
des citoyens – tout en veillant à ce que la puissance publique ne se retrouve
pas aliénée aux seuls intérêts privés. Par conséquent, d’après Madison, bien
qu’ils constituent une menace pour la vie démocratique, les représentants
d’intérêt n’en sont pas moins une réalité avec laquelle, par pragmatisme et
en vertu des principes de liberté, il convient de s’accommoder.
En d’autres termes, la présence des lobbies dans le processus décisionnel
apparaissant inéluctable, il revient aux pouvoirs publics de favoriser leur mise
en compétition afin de se prémunir contre les éventuels excès d’un groupe
dominant – qui contreviendraient alors à l’intérêt général – et d’équilibrer
5. Voir Cédric Polère, Lobbying : l’influence des groupes d’intérêts s’accroît, et favorise une transformation de
notre modèle démocratique, Millénaire, juin 2007 (www.millenaire3.com/content/download/1385/19395/
version/1/file/lobbying.pdf).
6. Cité par Mourad Attarça, Une introduction au concept de « stratégie politique d'entreprise ». Une étude du
lobbying pratiqué par les entreprises en France, thèse, HEC Paris, 1999, p. 13, note 4.
7. Cédric Polère, op. cit., p. 8.
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les relations au sein du corps social. Résultat : de cette confrontation
des revendications catégorielles naît, par un jeu de contre-pouvoirs et
d’autorégulation, une sorte de point d’équilibre, compromis certes imparfait
mais se rapprochant bon gré mal gré du bien commun. Dans ce processus,
l’État joue, quant à lui, un rôle à la fois de caisse de résonance et d’arbitre des
intérêts particuliers. Des intérêts particuliers qui, retentissant au-dedans d’un
État régulateur, permettent à la société civile de concourir à la conception de
la décision publique et, en cascade, à la définition du bien collectif.
Se fondant dans la pensée d’Adam Smith, l’approche anglo-saxonne cultive
donc l’expression des revendications privées dans la sphère publique et
considère, en somme, que la recherche de l’intérêt individuel concourt à
l’intérêt général. Appliquant au champ politique ce principe économique,
Jeremy Bentham, père de la doctrine utilitariste, affirme ainsi que les intérêts
particuliers constituent – au travers du « citoyen électeur » – la base de la
pyramide démocratique  : «  Comme chaque individu est le plus apte à désigner
la personne qui représentera le mieux ses propres intérêts, l’ensemble des
individus qui composent la communauté éliront nécessairement les hommes
qui représentent le mieux l’intérêt commun 8. »
Deux logiques – l’une culturelle, l’autre historique – fécondent cette
préférence anglo-saxonne pour la coconstruction de la décision publique.
La première réside dans la forte propension de la société civile à s’organiser
en associations pour défendre ses intérêts. Ainsi, comme l’observe Alexis de
Tocqueville à travers le prisme états-unien, « les Américains de tous les âges,
de toutes les conditions, de tous les esprits, s’unissent sans cesse 9 » et utilisent
ces associations pour faire valoir leurs revendications auprès des pouvoirs
publics. La seconde tient dans la fragmentation des systèmes politiques
et, plus précisément, dans l’autonomie – plus ou moins grande selon les
pays – dont disposent les pouvoirs locaux. Cette tradition décentralisatrice,
héritée notamment de l’empire colonial britannique et du principe de selfgovernment, offre une multitude de points d’accès aux groupes d’intérêt leur
permettant de participer, en tant que parties prenantes légitimes, à la gestion
de la vie de la cité.
Dans ce contexte, les lobbies constituent un rouage essentiel du processus
décisionnel anglo-saxon : « Tout autant que les partis politiques, ils
établissent ce qui est réalisable ou ce qui ne l’est pas, ce qui est susceptible
d’un traitement politique et ce qui doit être tenu à l’écart des décisions
8. Christophe Chauvet, « La notion d’égalité des chances chez Jeremy Bentham », Revue d’études
benthamiennes, no 3, novembre 2007, chap. II.1.2, § 34 (etudes-benthamiennes.revues.org/157).
9. Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, II, 2e partie, chap. V, in Œuvres, t. II, Gallimard,
Bibliothèque de la Pléiade, 1992, p. 621.
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autoritaires, ce qui sera présenté d’“intérêt public” ou – à l’inverse – comme
d’“ordre privé” 10. » À cet égard, les rapports entre groupes d’intérêt et
puissance publique tendent, dans l’ensemble des pays d’influence anglaise,
à être menés d’égal à égal 11.
Selon Tocqueville, ce « modèle d’État gouverné par la société » constitue un
rempart contre le « potentiel totalitaire de la démocratie majoritaire 12 ». Le
philosophe – infidèle à l’approche française que nous présenterons plus loin
et croisant le fer, entre autres, avec la pensée de Jean-Jacques Rousseau –
milite dès lors pour une inclusion des corps intermédiaires au processus
décisionnel, contre-pouvoirs selon lui indispensables à la bonne marche de
la démocratie.
Néanmoins, en dépit des vertus que lui reconnaît Tocqueville, cette
conception souffre, sous son vernis, de nombreuses limites. Parmi celles-ci,
au-delà des notions de trafic d’influence et de corruption politique – qui ne
sont ni assimilables à la pratique du lobbying en tant que telle, ni l’apanage
des sociétés anglo-saxonnes – se manifestent d’importantes inégalités entre
groupes d’intérêt, plus particulièrement en termes de moyens financiers
et d’accès aux pouvoirs politiques. Ces inégalités, face auxquelles l’État
apparaît relativement impuissant et qui contribuent à renforcer la perception
commune selon laquelle l’usage du lobbying ne profiterait qu’aux plus
forts, amènent à s’interroger sur l’équilibre des rapports de force dans les
démocraties anglo-saxonnes. Poussée à son paroxysme, cette « démocratie
des groupes » s’expose dès lors à être confisquée par une poignée d’acteurs
« privilégiés ».
Une tradition française hostile au lobbying
À la différence de l’approche anglo-saxonne, la tradition politique française
est rétive à l’immixtion des lobbies dans la fabrication de la loi et la définition
du bien commun. À travers cette conception, seuls les élus – uniques
récipiendaires de l’onction démocratique – en constituent les dépositaires
légitimes, s’arrogeant au côté de l’État le monopole de l’intérêt général. Au
nom de la volonté collective, élus et État agissent ainsi en remparts – supposés
hermétiques – face à l’interférence des égoïsmes catégoriels, coupables de
pervertir le processus démocratique.
10. Cédric Polère, op. cit., p. 9.
11. Voir Jack Hayward, « Groupes d’intérêt, pluralisme et démocratie », Pouvoirs, no 79, novembre 1996,
p. 5-19.
12. Luigi Graziano, « Le pluralisme. Une analyse conceptuelle et comparative », Revue française de science
politique, vol. 46, no 2, avril 1996, p. 196.
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Cette aversion franco-française pour le lobbying est le fruit d’un héritage
historique et politique ancien. Prenant appui sur la pensée de Jean-Jacques
Rousseau, la conception hexagonale voit dans les associations d’individus
un danger pour la démocratie ; la manifestation des intérêts particuliers
dans le processus décisionnel étant considérée comme une entrave à l’intérêt
général susceptible, en outre, d’agir concurremment à la puissance publique.
Ce faisant, mue par l’idée de promouvoir un bien prétendu supérieur – où le
collectif l’emporte sur le particulier, où l’individu s’efface derrière le citoyen –,
la vision rousseauiste sacralise la volonté générale censée transcender les
enjeux catégoriels : « La volonté générale peut seule diriger les forces de
l’État selon la fin de son institution, qui est le bien commun […]. Il importe
donc pour avoir bien l’énoncé de la volonté générale qu’il n’y ait pas de
société partielle dans l’État et que chaque citoyen n’opine que d’après lui 13. »
Avec Rousseau, le principe d’une démocratie fondée sur la « souveraineté
populaire » prend ainsi des allures de mythe, d’horizon politique et moral
indépassable.
En creux, à rebours du modèle anglo-saxon, la volonté générale française
ne résulte donc pas de l’agrégation des intérêts particuliers mais constitue
plutôt « une sorte d’instinct infaillible du plus grand nombre 14 ». Pour le
philosophe des Lumières, afin de préserver l’égalité entre les citoyens, cette
émanation de la volonté collective suppose dans la pratique qu’aucune
volonté particulière ne vienne parasiter son expression. De la sorte, dans
une stricte approche unitaire et jacobine de l’État, l’auteur du Contrat social
nie toute légitimité à la société civile constituée en groupes pour définir
l’intérêt général et concourir au bien commun, monopoles de l’État et des
élus. En d’autres termes, les lobbies ne sont pas solubles dans la République
rousseauiste, au sein de laquelle les notions d’« intérêt général » et de
« puissance publique » tendent à se confondre.
Théorisée par Rousseau, cette approche singulière puise toutefois ses racines
dans l’histoire de France. Ainsi, dès le Moyen Âge, les groupes d’intérêt sont
perçus comme des menaces par les gouvernants. D’après Cédric Polère, « la
monarchie avait essayé de réduire leur influence ou de les contrôler 15 ».
Cette hostilité s’est par la suite amplifiée sous l’Ancien Régime, se traduisant
notamment par l’abolition, en février 1776, par le contrôleur général Turgot,
ministre de Louis XVI, des nombreuses corporations qui avaient vu le jour.
13. Jean-Jacques Rousseau. Du contrat social, livre II, chap. I et III, in Œuvres complètes, t. III, Gallimard,
Bibliothèque de la Pléiade, 1964, p. 368-371.
14. Richard Dessens, Culture générale. Histoire et formation de la pensée politique, Publibook, 2009, p. 135.
15. Cédric Polère, op. cit., p. 9.
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Bien que réhabilitées par Necker quelques mois plus tard, elles n’en furent
pas moins corsetées par la puissance publique à travers une étroite tutelle
juridique et fiscale 16.
Ce rejet des organisations de défense d’intérêts fut perpétué par les tenants de
la Révolution, influençant ensuite la construction de l’État français moderne.
En réaction à l’Ancien Régime, la République s’édifie en effet sur le double
postulat de la volonté générale et de la souveraineté nationale. Creusets du
modèle républicain, ces deux principes, érigés en totems par l’Assemblée
nationale constituante, s’accommodent mal de la présence des lobbies dans
l’espace public. Dès lors, portant le sceau de la pensée rousseauiste, l’article
6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789
l’affirme sans ambages : « La loi est l’expression de la volonté générale. »
Dans ce sillage, la Constitution du 3 septembre 1791 abolit dans son
préambule les institutions qui « blessaient l’égalité et la liberté des droits »
et indique que, dorénavant, « il n’y a plus ni jurandes, ni corporations de
professions, arts et métiers ».
La même année, transposant dans la loi cet anathème constitutionnel, le
décret d’Allard et la loi Le Chapelier interdisent à leur tour la constitution de
corporations de métiers et les coalitions d’ouvriers ou de chefs d’entreprise
afin qu’aucun intérêt intermédiaire ne puisse interférer entre l’État et le
citoyen 17. « Il n’y a plus de corporations dans l’État ; il n’y a plus que l’intérêt
particulier de chaque individu et l’intérêt général. Il n’est permis à personne
d’inspirer un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un
intérêt de corporation 18 », justifiait Le Chapelier en 1791.
Au sortir de la Révolution, la construction de l’État français moderne,
obéissant toujours à l’esprit du « contrat social » de Rousseau, est alors
marquée par une profonde défiance morale et une vive réprobation judiciaire
à l’égard de toute manifestation d’intérêts particuliers dans l’espace politique.
Autrement dit, au nom de la volonté générale et au motif que rien ne doit
séparer les citoyens de la chose publique, la République choisit à travers un
cortège de textes législatifs de proscrire toute formation d’associations et de
syndicats, officiellement déclarés « hors la loi 19 ».
Néanmoins, la pensée rousseauiste tout comme le cadre réglementaire
qu’elle a inspiré ne résisteront pas longtemps à la confrontation avec le réel.
16. Ibid.
17. Ibid.
18. Séance de l’Assemblée nationale du 14 juin 1791, in Archives parlementaires de 1787 à 1860, 1re série,
t. XXVII, Paul Dupont, 1887, p. 210.
19. Emiliano Grossman, « Un cadre réglementaire pour le lobbying », Constructif, no 22, mars 2009 (revue en
ligne sur www.constructif.fr).
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| l’innovation politique
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Il s’écoulera en effet moins d’un siècle avant que l’interdiction des corps
intermédiaires soit finalement battue en brèche. Elle est ainsi levée en 1884 par
la loi Waldeck-Rousseau relative à la création des syndicats professionnels,
puis par la loi du 1er juillet 1901 autorisant la création d’associations. En
réalité, ces deux textes légalisent une pratique déjà largement répandue dans
l’Hexagone. En dépit de son interdiction, le mouvement syndical s’est en
effet fortement développé au cours de la seconde moitié du XIXe siècle :
on recensait déjà plus de 500 corporations en 1881 et des congrès ouvriers
s’étaient réunis successivement à Paris, Lyon et Marseille quelques années
auparavant. N’offrant finalement qu’un cadre légal à un état de fait latent,
la loi Waldeck-Rousseau stipule dès lors que « les syndicats ou associations
professionnelles […] pourront se constituer librement sans l’autorisation du
Gouvernement 20 ». Une rupture à la suite de laquelle se structurent aussitôt
de nombreux syndicats, dont la CGT dès 1895.
Un demi-siècle plus tard, le régime de Vichy dissout les organisations
professionnelles – patronales ou ouvrières – et crée en lieu et place les
corporations obligatoires uniques, auxquelles s’ajoutent nombre d’ordres
professionnels (experts-comptables, médecins, vétérinaires…) toujours en
vigueur aujourd’hui, mais qu’il soumet à la stricte tutelle de l’État. Bien
que, dès 1945, le gouvernement provisoire décide de desserrer cet étau en
réintroduisant l’autorisation des associations et en revenant aux lois de 1884
et de 1901, cet héritage laissera des traces, contribuant à alimenter l’image
négative accolée aux corps intermédiaires 21.
Dans ce contexte, en réaction, la IVe République fait preuve d’une plus
grande mansuétude à leur égard. Elle se caractérise ainsi par la forte montée
en puissance des groupes d’intérêt culminant, selon Jean Garrigues, avec
« les manifestations des bouilleurs de cru et le mouvement poujadiste qui
défendait essentiellement les “petits” artisans et commerçants 22 ». Leur
influence atteint un degré tel que les chambres d’agriculture parviennent,
par exemple, à faire élire en 1951 une cinquantaine de représentants à
l’Assemblée nationale, leur permettant ainsi de constituer leur propre groupe
parlementaire 23. Dans ce contexte, Frank Wilson avance qu’à cette époque
certains lobbies disposaient d’un pouvoir « équivalent sinon supérieur à
celui des partis 24 ».
20. Loi relative à la création des syndicats professionnels, 21 mars 1884, art. 2 (www.ihs.cgt.fr/IMG/pdf/
loi_1884.pdf)
21. Cédric Polère, op. cit., p. 8-9.
22. Jean Garrigues, « Lobbying et groupes de pression en démocratie », Territoires, no 520, septembre 2011,
p. 50.
23. Frank L. Wilson, « Les groupes d’intérêt sous la Cinquième République. Test de trois modèles théoriques de
l’interaction entre groupes et gouvernement », Revue française de science politique, vol. 33, no 2, avril 1983,
p. 220-254.
24. Henry Ehrmann, cité par Frank L. Wilson, ibid., p. 247.
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Le lobbying : outil démocratique
Face à cet essor et souhaitant se prémunir contre toute ingérence dans
le processus normatif, les artisans de la Ve République, eux, sont animés
par le désir de réintroduire une véritable distance vis-à-vis des corps
intermédiaires – dont ils dénoncent l’emprise sur le précédent régime – et
reviennent d’une certaine manière à la tradition rousseauiste. Gravant dans
le marbre cette volonté, la Constitution du 4 octobre 1958 institutionnalise
alors cette rupture dans ses articles 2 et 3 : « Gouvernement du peuple, par
le peuple et pour le peuple […]. La souveraineté nationale appartient au
peuple qui l’exerce par ses représentants et par voie du référendum. » La
nouvelle loi fondamentale française ignore donc ostensiblement les lobbies
et postule sans ambiguïté que la souveraineté nationale ne peut être morcelée
ni traversée d’intérêts particuliers. En affirmant dans son article 27 que
« tout mandat impératif est nul », elle impose par ailleurs un garde-fou
supplémentaire à l’encontre des éventuelles revendications catégorielles
dont les parlementaires pourraient se faire les porteurs. En somme, sans
entrer dans le détail du texte constitutionnel, un regard superficiel suffit
pour comprendre que la Ve République a été conçue pour limiter les
empiétements des lobbies sur le processus législatif. De la réduction du
nombre de commissions parlementaires aux procédures de vote en passant
par la limitation de la durée des sessions, tout semble avoir été fait pour
contenir l’influence des groupes d’intérêt. Au final, suivant l’héritage de la
Révolution comme de l’Ancien Régime, les constituants de 1958 s’opposent
à toute reconnaissance et association officielles des lobbies à la conception
de la loi.
Néanmoins, sous l’influence du général de Gaulle qui en avait émis
l’idée lors de son discours de Bayeux en 1946, la Constitution de la Ve
République institue le Conseil économique et social, une assemblée accolée
au Parlement où siègent, entre autres, les représentants des acteurs socioéconomiques, et ce afin que « se fasse entendre, au-dedans même de l'État,
la voix des grandes activités du pays 25 ». Bien qu’elle semble porter en elle
les germes d’une certaine inclination du pouvoir politique à reconnaître et
à favoriser l’expression des intérêts privés dans la sphère publique, cette
nouvelle assemblée tient davantage du symbole, puisqu’elle ne constitue
pas à proprement parler une troisième chambre parlementaire – son rôle
n’étant que consultatif – et qu’elle reste strictement subordonnée au pouvoir
exécutif. En d’autres termes, malgré cette forme d’institutionnalisation
jusqu’alors inédite, les lobbies demeurent en réalité confinés à la périphérie
de la conception de la décision publique et de la définition de l’intérêt général.
25. Discours de Bayeux 16 juin 1946 (consultable sur le site www.charles-de-gaulle.org).
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| l’innovation politique
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Cette tradition multiséculaire d’exclusion des groupes d’intérêt se conjugue,
en outre, à une hypercentralisation du pouvoir, cette autre spécificité
française consubstantielle à la construction de l’État et peu compatible
avec l’émergence des corps intermédiaires et l’exercice du lobbying.
Ainsi, à l’inverse des organisations politiques anglo-saxonnes fortement
décentralisées, la France se caractérise par une importante concentration
politique et administrative, sans comparaison dans le monde occidental.
Comme l’explique l’économiste Daniel Cohen, cet État omnipotent – legs
de notre histoire – a dès lors longtemps découragé toutes les « interactions
horizontales 26 ». Remarquablement illustrée par la formule de Louis XIV
(« L’État, c’est moi »), cette exception française – incarnée par le club des
Jacobins lors de la Révolution, puis perpétuée, sans véritable discontinuité,
de Napoléon à de Gaulle – s’avère néanmoins aujourd’hui vivement remise
en question, notamment sous l’effet conjugué de la construction européenne
et de la transformation de l’État. Alors que cette tradition centralisatrice
était hier peu conciliable avec le développement des groupes d’intérêt, son
étiolement offre aujourd’hui à la société civile (ONG, acteurs économiques,
mouvements sociaux…) une autonomie croissante, invitant par conséquent
à une plus grande participation des lobbies à la conception de la décision
publique.
LES FACTEURS DE CHANGEMENT
DE LA PRATIQUE DU LOBBYING EN FRANCE
Si certains discours hostiles au lobbying demeurent vivaces dans les chorus
politique et médiatique, il n’en demeure pas moins que, dans la réalité, la vieille
tradition française, pourtant fortement enracinée, semble ne pas avoir résisté
à l’usure du temps et, plus précisément, à l’émergence de nouveaux acteurs
politiques supra- et infranationaux. Deux forces motrices – l’intégration
européenne et la mutation de l’État – l’ont notamment fortement ébranlée
depuis trente ans, la faisant glisser progressivement vers le modèle anglosaxon. Cette conversion, encore relativement récente et inachevée, a ouvert
la voie à une plus grande participation des lobbies au processus décisionnel,
rebattant les cartes d’un mode de gouvernance à la française jusqu’alors
prisonnier de ses barrières culturelles et de son héritage politique.
26. Daniel Cohen, Le monde est clos et le désir infini, Albin Michel, 2015, p. 193.
18
D’après la Commission européenne, près de 15 000 lobbyistes, employés
par quelque 2 600 groupes d’intérêt de toute sorte (grands groupes, ONG,
cabinets de conseil, fédérations professionnelles, think tanks, etc.), travaillent
actuellement auprès des institutions communautaires 27. Bruxelles apparaît
dès lors aujourd’hui incontestablement comme la deuxième capitale
mondiale du lobbying après Washington.
Cet essor n’est toutefois pas nouveau. Comme le mettent en lumière Hélène
Michel 28 et Emiliano Grossman 29 dans leurs travaux respectifs, les groupes
d’intérêt – notamment économiques – ont largement façonné la construction
de l’Union européenne et en constituent, aujourd’hui encore, des acteurs à
part entière « capables d’entraîner les mécanismes et les acteurs politiques
dans le processus d’intégration 30 ». La place centrale qu’ils occupaient déjà
dans les années 1950 n’a donc cessé de s’accroître depuis lors, et ce de
manière spectaculaire.
Le développement du lobbying à Bruxelles s’est en effet accéléré à partir des
années 1980, conséquence de la volonté affichée par l’Europe – notamment
par la commission Delors – d’institutionnaliser le dialogue avec la société
civile afin, d’une part, de pallier son déficit supposé de légitimité démocratique
et, d’autre part, de répondre à la méfiance, voire au désintérêt croissant,
des citoyens à l’égard de l’action publique européenne. Dans ce cadre, à
travers la mise en place de l’Acte unique puis du traité de Maastricht, deux
étapes majeures de la construction européenne, la Commission a fait du
lobbying le mode de représentation légitime des revendications de la société
civile. Une société civile européenne incarnée et structurée in fine autour des
représentants des intérêts catégoriels, véritables professionnels de l’influence.
En des termes dont le parallélisme avec la conception anglo-saxonne
apparaît saisissant, force est de constater qu’à la faveur de l’extension des
compétences de l’Europe communautaire, ses institutions se sont montrées
de plus en plus enclines à dialoguer avec les lobbies. Des grandes entreprises
aux ONG en passant par les think tanks ou les fédérations professionnelles,
les groupes d’intérêt sont donc régulièrement consultés par les décideurs
européens, friands à la fois de l’expertise qu’ils leur fournissent, en amont,
sur des questions souvent complexes et de la légitimité qu’ils apportent,
Le lobbying : outil démocratique
L’intégration européenne
27. Centre des hautes études du ministère de l’Intérieur, Le Lobbying public auprès du Parlement européen,
fiche de synthèse, 30 mars 2015, p. 1.
28. Hélène Michel, « La “société civile” dans la “gouvernance européenne”. Éléments pour une sociologie d’une
catégorie politique », Actes de la recherche en sciences sociales, no 166-167, mars 2007, p. 30-37.
29. Emiliano Grossman, « Les groupes d’intérêt économiques face à l’intégration européenne : le cas du
secteur bancaire », Revue française de science politique, vol. 53, no 5, mai 2003, p. 737-760.
30. Ibid., p. 737.
19
| l’innovation politique
fondapol
en aval, à leurs décisions finales. Une pratique aujourd’hui routinière,
érigée en nouveau paradigme de gouvernance et autour de laquelle s’est
rapidement développée une véritable « industrie de l’influence » dont les
cibles privilégiées sont la Commission et le Parlement. Bien qu’il pose la
question de la réelle représentativité des groupes d’intérêt parties prenantes
(renvoyant au passage aux nombreux débats qui entourent la notion même
de « société civile 31 »), ce modus operandi favorise néanmoins l’expression
de la diversité des intérêts particuliers du continent – ou tout au moins d’une
partie – et symbolise désormais l’ADN normatif européen.
Pour ce faire, la Commission a reconnu officiellement et à plusieurs
reprises le rôle positif joué par les lobbies dans le processus décisionnel
communautaire. Dès 1992, elle milite pour « un dialogue ouvert et structuré
entre la Commission et les groupes d'intérêts 32 ». Moins de dix ans plus
tard, dans son « livre blanc sur la gouvernance européenne », elle assure que
« les consultations [avec les lobbyistes] aident la Commission et les autres
institutions à arbitrer entre les revendications et priorités concurrentes 33 ».
En 2006, dans son « livre vert sur l’initiative européenne en matière de
transparence », elle considère le lobbying comme une activité inhérente à la
vie démocratique, « qu’elle soit menée par des citoyens ou des entreprises,
des organisations de la société civile et d’autres groupes d’intérêt ou par des
entreprises travaillant pour le compte de tiers », ajoutant que « les lobbyistes
peuvent contribuer à attirer l’attention des institutions européennes sur des
questions importantes 34 ». Enfin, dans le code de conduite établi en 2008 à
l’endroit des lobbyistes accrédités auprès de la Commission, cette dernière
affirme que « la représentation d’intérêts fait légitimement partie d’un
système démocratique 35 ». Symbole de cette formalisation des rapports avec
les groupes d’intérêt, un glissement sémantique s’opère alors progressivement
dans le champ lexical européen : on parle moins de « lobbying » que de
« participation de la société civile 36 ». Derrière cet habillage, compte tenu
de la place occupée par les lobbies dans le processus décisionnel et de leurs
31. Voir Philippe Aldrin, « La “société civile européenne”, entre idéal démocratique et contingences politiques »,
in Josiane Auvret-Frinck (dir.), Le Parlement européen après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, Larcier,
2013, p. 183-226.
32. Commission européenne, La Commission européenne publie le premier répertoire des groupes d’intérêts
pan-européens sans but lucratif, communiqué de presse 24 janvier 1997 (http://europa.eu/rapid/pressrelease_IP-97-56_fr.htm?locale=FR).
33. Commission des communautés européennes, Gouvernance européenne. Un livre blanc, 25 juillet 2001,
p. 18 (www.espaces-transfrontaliers.org/fileadmin/user_upload/documents/UE/Livre_blanc_Gouvernance_UE_
CE_2001.pdf).
34. Commission des communautés européennes, Livre vert. Initiative européenne en matière de transparence,
3 mai 2006, p. 5 (europa.eu/documents/comm/green_papers/pdf/com2006_194_fr.pdf).
35. Commission des communautés européennes, Initiative européenne en matière de transparence. Cadre
régissant les relations avec les représentants d’intérêts (registre et code de conduite), 27 mai 2008, p. 7 (ec.
europa.eu/transparency/docs/323_fr.pdf).
36. Hélène Michel, art. cit., p. 31.
20
Le lobbying : outil démocratique
modes d’interaction avec le pouvoir politique, il convient de souligner qu’il
s’agit bien d’un lobbying calqué sur le modèle anglo-saxon qui prévaut
aujourd’hui à Bruxelles. Un modèle qui, en raison de l’inflation normative
communautaire 37 et de l’élargissement des compétences des institutions
européennes, a essaimé sur tout le continent. En conséquence, l’intégration
européenne a permis de porter un éclairage nouveau sur le lobbying
dans l’Hexagone et constitue sans nul doute l’un des principaux facteurs
de l’évolution de sa pratique par les agents d’influence français. En effet,
confrontés à Bruxelles à un lobbying d’inspiration anglo-saxonne, ces
derniers ont été contraints – pour défendre au mieux leurs intérêts – d’en
épouser la culture et d’en appliquer les codes.
Or, la traditionnelle frilosité française en la matière a longtemps constitué un
handicap. Pour preuve, dans un premier rapport publié en 2002, la Chambre
de commerce et d’industrie de Paris (CCIP) pointait du doigt l’important
retard accusé par les entreprises tricolores en comparaison notamment à leurs
concurrentes du nord de l’Europe, dépourvues de tout frein culturel 38. Un
diagnostic partagé par Sylvaine Poillot-Peruzzetto, selon qui « la réputation
française en matière de lobbying est plutôt décevante puisqu’à ce jeu, les
Néerlandais et les Britanniques seraient des virtuoses, les Irlandais seraient
excellents, les Allemands efficaces et les Français, légers et en retard 39 ». Dans
son rapport d’information publié en 2004, le député Jacques Floch abonde
dans le même sens et, plus globalement, dresse le constat d’une présence
française à Bruxelles « plus faible que celle de nos concurrents 40 ». Enfin,
plus symboliquement, Michel Clamen nous révèle que des groupes d’intérêt
britanniques officiaient déjà à Bruxelles « avant même que le Royaume-Uni
ne soit entré dans le marché commun 41 ». Comme en témoigne le dernier
rapport publié sur le sujet par la CCIP, le retard des lobbyistes français
semble néanmoins s’être en partie comblé 42. La conséquence d’une prise de
conscience à la fois des pouvoirs publics 43 et des lobbyistes eux-mêmes.
37. Environ 80 % du droit français résulterait de débats européens.
38. Chambre de commerce et d’industrie de Paris, Renforcer le lobbying des entreprises françaises à Bruxelles,
rapport présenté par M. Jacques Derieux au nom de la Commission du commerce international, 5 septembre
2002.
39. Sylvaine Poillot-Peruzzetto, « Le Lobbying des entreprises françaises auprès des institutions
communautaires », Annuaire français des relations internationales, vol. II, 2001, p. 393.
40. Jacques Floch, Rapport d’information sur la présence et l’influence de la France dans les institutions
européennes, Assemblée nationale, rapport no 1594, 12 mai 2004, p. 12 (www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/
europe/rap-info/i1594.pdf).
41. Michel Clamen, « Lobbying : de l’histoire au métier », Géoéconomie, no 72, novembre-décembre 2014,
p. 170.
42. Chambre de commerce et d’industrie de Paris, Lobbying des entreprises françaises à Bruxelles. Nouveau
contexte et nouvelles pratiques, rapport de M. Jean-Claude Karpeles, 22 septembre 2011 (www.cci-paris-idf.fr/
sites/default/files/etudes/pdf/documents/lobbying-entreprises-francaises-kar1109.pdf).
43. Ces dernières années, le ministère des Affaires étrangères et le secrétariat général des Affaires
européennes ont multiplié les campagnes de communication afin de sensibiliser les entreprises françaises à
la pratique du lobbying en vigueur à Bruxelles.
21
En résumé, les règles du jeu démocratique en vigueur à Bruxelles couplées à la
compétition entre groupes d’intérêt étrangers ont poussé les acteurs français
à importer la pratique anglo-saxonne du lobbying, faisant de l’intégration
européenne l’un des principaux moteurs de son développement à l’intérieur
de nos frontières. Plus qu’ouvrir une brèche, la construction européenne a
jeté une lumière nouvelle sur la manière de concevoir la décision publique
dans l’Hexagone et, ce faisant, a profondément ébranlé les fondations d’une
approche française jusqu’alors rigoureusement hermétique aux groupes
d’intérêt.
fondapol
| l’innovation politique
La mutation de l'État
La seconde dynamique à l’œuvre est quant à elle endogène. Face à
l’essor de la mondialisation, pris dans l’étau de la montée en puissance
d’acteurs politiques supranationaux (Union européenne) et infranationaux
(collectivités locales), l’État fait depuis plusieurs années l’objet d’une vaste
transformation. Corollaire de l’émiettement des centres de prise de décision,
cette mutation se traduit dans les faits par un rétrécissement progressif du
champ de compétences de la puissance étatique symbolisé entre autres par
un net retrait de la sphère économique 44.
En effet, au cours des dernières décennies, l’État a abandonné bon nombre
de ses prérogatives au profit notamment de l’Union européenne (politique
monétaire, réglementation commerciale…), et des collectivités locales
(transports, formation professionnelle, développement économique…). À ce
partage vertical des compétences s’ajoute, de manière horizontale, l’émergence
des autorités administratives indépendantes qui interviennent dans des
domaines aussi variés que l’audiovisuel (Conseil supérieur de l’audiovisuel),
la concurrence (Autorité de la concurrence), les marchés financiers (Autorité
des marchés financiers) ou le nucléaire (Autorité de sûreté nucléaire).
Sur le plan économique, depuis plus de trente ans et au nom de la « “réforme
de l’État”, terme vaste et assez flou 45 » employé par les gouvernements de
gauche comme de droite, le modèle dirigiste français a été pas à pas détricoté,
sonnant le glas de l’hyper-interventionnisme qui le caractérisait jusqu’alors.
Ainsi, des privatisations du tournant de 1983 puis de la période Jospin en
passant par les politiques de déréglementations amorcées durant les années
1990 jusqu’à l’essor des partenariats public-privé et l’instauration des
délégations de service public au début des années 2000, la mainmise de l’État
sur l’économie s’est peu à peu effritée. Une érosion qui, en décloisonnant les
44. Emiliano Grossman et Sabine Saurugger, « Les groupes d’intérêt français : entre exception française,
l’Europe et le monde », Revue internationale de politique comparée, vol. 11, no 4, octobre 2004, p. 507-529.
45. Ibid., p. 514.
22
Le lobbying : outil démocratique
frontières entre secteurs public et privé, a favorisé l’immixtion des groupes
d’intérêt dans les processus décisionnels 46. En conséquence, sur le modèle
anglo-saxon et au fil du désengagement de l’État, il apparaît aujourd’hui de
plus en plus admis que les acteurs privés participent aux services publics et,
nolens volens, à la conception de l’intérêt général.
En parallèle, comme le démontrent Sabine Saurugger et Emiliano
Grossman, la décentralisation a, elle aussi, constitué un puissant catalyseur
de cette mutation. En octroyant davantage d’autonomie aux collectivités
territoriales, les lois successives de décentralisation ont délesté l’État d’une
partie de ses compétences, le confinant à un « “noyau dur” de domaines
politiques 47 ». Plus largement, le mouvement de redistribution des pouvoirs
initié par la décentralisation a revisité en profondeur la manière de gouverner
en adoptant – notamment au niveau local – une démarche plus inclusive,
perméable aux groupes d’intérêt. Un diagnostic décrit par Patrick Le Galès
à l’échelon communal où associations et chefs d’entreprise participent
désormais pleinement, aux côtés des élus, à la définition et à la mise en
œuvre des politiques publiques territoriales 48.
Dit autrement, l’État ne détient plus aujourd’hui le monopole de l’action
publique. La dispersion de son autorité, résultat de l’émergence d’une
« gouvernance à niveaux multiples 49 », a diminué sa marge de manœuvre
et, par ricochet, multiplié les points d’accès des groupes d’intérêt aux centres
de pouvoir politique, passant ainsi d’une logique de gouvernance verticale
à une culture plus contractuelle. Désormais fragmentées en une mosaïque
d’acteurs parties prenantes, les politiques publiques ne se définissent donc
plus en vase clos.
Sans conclure à une complète « anglo-saxonisation » de l’approche française,
on peut néanmoins observer – à gros traits – que les effets combinés
de l’intégration européenne et de la mutation de l’État, en contribuant
notamment à brouiller les repères traditionnels entre espace public et
sphère privée, ont progressivement favorisé l’accès des groupes d’intérêt aux
processus décisionnels. Plus symboliquement, c’est la sacro-sainte fiction
française d’une décision publique indemne du lobbying qui s’est brisée sur
la réalité, vidant d’une partie de sa substance la grammaire rousseauiste sur
laquelle elle était jusqu’alors indexée.
46. OCDE, « Les lignes directrices de l’OCDE pour la gestion des conflits d’intérêts dans le service public »,
Synthèses, octobre 2005 (www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round4/2.%20Synthèse%20
lignes%20directrices%20ocde%20conflits%20d'intérêts%20OCDE_FR.pdf).
47. Emiliano Grossman et Sabine Saurugger, art. cit., p. 515.
48. Patrick Le Galès, Le Retour des villes européennes, Les Presses de Sciences Po, 2003.
49. Emiliano Grossman et Sabine Saurugger, « Les groupes d’intérêt au secours de la démocratie ? », Revue
française de science politique, vol. 56, n° 2, avril 2006, p. 299.
23
En somme, sans tambour ni trompette, la France s’est bel et bien convertie
au lobbying. Reste désormais à en encadrer la pratique afin de se prémunir
contre ses excès potentiels.
fondapol
| l’innovation politique
L’ENCADREMENT DU LOBBYING
Le développement du lobbying dans l’Hexagone a initié, au début des
années 2000, les premiers débats parlementaires sur son encadrement. Or,
un rapide coup d’œil sur les législations étrangères en la matière amène à
contredire une idée assez largement répandue dans l’inconscient collectif : les
pays où la présence des lobbyistes est la plus importante sont généralement
ceux disposant des cadres juridiques à la fois les plus anciens et les plus
contraignants. La France, quant à elle, handicapée par sa traditionnelle
hostilité à l’égard des corps intermédiaires, s’est dotée tardivement d’une
première forme de réglementation, encore largement perfectible à la lumière
des standards fixés par les pays anglo-saxons et l’Union européenne
notamment.
Zoom sur les réglementations américaine, québécoise et européenne
États-Unis
Comme le souligne l’OCDE, en Amérique du Nord « les lois sur le lobbying
sont la règle plutôt que l’exception 50  ». Les États-Unis, premier pays au monde
à avoir réglementé les activités d’influence, font ainsi figure de pionnier et,
aujourd’hui encore, de référence en la matière. En effet, dès 1946, le Congrès
américain impose, par le biais du Federal Regulation of Lobbying Act, la
création d’un registre des lobbyistes. Au lendemain d’une vague de scandales
révélant les faiblesses de ce registre, le dispositif est renforcé en 1995 à travers
le Lobbying Disclosure Act qui étend la réglementation au personnel des
deux chambres parlementaires ainsi qu’à celui de l’exécutif. Cette nouvelle
loi s’intéresse également aux aspects financiers du lobbying en exigeant des
entreprises et des cabinets spécialisés « des estimations de bonne foi des
recettes et des dépenses 51 » liées à ces activités. Plus récemment, dans le
50. OCDE, Lobbying, pouvoirs…, op. cit., p. 143.
51. Ibid., p. 69.
24
sillage du texte de 1995, le Legislative Transparency and Accountability Act,
adopté en 2007, instaure la publication de rapports trimestriels présentant
les recettes générées et les dépenses engagées en matière de lobbying ainsi que
la divulgation des contributions financières versées par les groupes d’intérêt
aux partis et responsables politiques 52. Enfin, alors que les reconversions des
anciens membres du Congrès vers le monde du lobbying sont légion outreAtlantique, Barack Obama a interdit – à l’orée de son premier mandat – la
pratique du « pantouflage » par les membres de l’exécutif 53.
Bien que le gouvernement canadien ait encadré le lobbying dès les années
1980, la province du Québec a décidé de resserrer l’arsenal législatif
fédéral en 2002 via la « loi sur la transparence et l’éthique en matière de
lobbyisme ». Celle-ci institue ainsi l’obligation pour les groupes d’intérêt de
s’inscrire à un registre public dès lors qu’ils engagent une action d’influence.
Allant bien au-delà d’une simple accréditation, cette obligation impose au
nom du principe de transparence la déclaration des différentes rencontres
et communications écrites ou orales entre le groupe d’intérêt concerné et les
différents titulaires de la charge publique visés, qu’il s’agisse de responsables
politiques ou de hauts fonctionnaires. Enfin, le texte québécois exige la
divulgation des honoraires perçus par les cabinets de conseil en lobbying 54.
À ce dispositif réglementaire élargi est assortie la création d’un poste de
« commissaire au lobbyisme » dédié à la surveillance et au contrôle des
activités d’influence.
Le lobbying : outil démocratique
Québec
Union européenne
Face au vent de critiques dont la culture « pro-lobbying » des institutions
communautaires a été la cible au début des années 1990, le Parlement
européen a créé en 1995 un registre des représentants d’intérêt accompagné
d’un code de bonne conduite 55. En parallèle, à la suite des préconisations
émises par le rapport Nordmann, les eurodéputés se sont vu contraints
de déclarer leurs sources de revenus ainsi que leurs différentes affiliations
professionnelles 56.
52. Ibid., p. 70.
53. Ibid.
54. Ibid., p. 149.
55. Service de recherche du Parlement européen, Registre de transparence de l’UE, Briefing, décembre 2014
(www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2014/542170/EPRS_BRI(2014)542170_FR.pdf).
56. Cornelia Woll, L’Initiative européenne pour la transparence : quelle réglementation pour le lobbying à
Bruxelles ?, Centre de recherches internationales (Ceri), Sciences Po/CNRS, mai 2007 ((www.sciencespo.fr/
ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/art_cw.pdf).
25
| l’innovation politique
fondapol
Compte tenu des nombreux procès en probité intentés à la Commission ainsi
qu’à l’essor du lobbying au sein de l’ensemble des institutions européennes,
il s’est ensuivi au cours de la première décennie des années 2000 une série
de nouvelles initiatives visant à encadrer les activités d’influence. Impulsée
par la commission Barroso, elle débouche sur la publication en 2006 du
livre vert en matière de transparence. Celui-ci aboutit à la mise en place, en
juin 2008, d’un registre – facultatif – des représentants d’intérêt accrédités
auprès de la Commission (qui en était jusqu’alors dépourvue) puis, trois ans,
plus tard à la signature d’un accord interinstitutionnel entre la Commission
et le Parlement. Cet engagement bipartite inédit, renforcé en 2013, impose
notamment aux lobbyistes, au-delà de l’inscription au registre commun, de
fournir des informations plus détaillées aux autorités bruxelloises : dépenses
annuelles engagées en matière d’influence, nombre de personnes impliquées
dans ces activités, financements reçus des institutions européennes, etc. 57
Bien que le registre commun demeure facultatif, le Parlement européen
considère qu’il couvre aujourd’hui « environ 75 % des organisations actives
du secteur privé et 60 % des ONG actives 58 » à Bruxelles. Une nouvelle
version de l’accord interinstitutionnel, allant vers encore plus de transparence
via notamment une accréditation obligatoire, est actuellement à l’étude par
la nouvelle commission Juncker.
Le cadre réglementaire français et ses limites
Le terme « lobbying » a fait pour la première fois officiellement son
apparition à l’Assemblée nationale en 2004 lors de la parution d’un rapport
parlementaire sur l’influence de la France au sein des institutions européennes.
Tirant de l’obscurité une pratique qu’il considère comme largement répandue,
Jacques Floch, son auteur, y dresse le constat d’une France emprisonnée dans
sa suspicion envers les groupes d’intérêt, alors que ces derniers constituent
pourtant une réalité face à laquelle députés et sénateurs se retrouvent aux
premières loges. Appelant à cesser cette « hypocrisie ridicule 59 » ainsi
qu’à désépaissir l’opaque brouillard qui flotte au-dessus du jeu législatif
hexagonal, le rapport plaide pour une institutionnalisation du lobbying et la
mise en place d’un cadre réglementaire et déontologique ad hoc 60.
57. Service de recherche du Parlement européen, op. cit., p. 4.
58. Ibid.. p. 7.
59. Jacques. Floch, op. cit., p. 71.
60. Ibid.. p. 67.
26
Le lobbying : outil démocratique
Dans les pas de ce premier rapport, deux propositions de résolution sont
déposées à l’Assemblée nationale en 2006 61 et 2007 62 afin d’établir « des
règles de transparence concernant les groupes d’intérêt ». Signée chacune
par une quinzaine de députés, elles postulent – à contre-pied de la tradition
française – que « le lobbying est une activité qu’il serait vain de chercher à
interdire. Elle constitue d’ailleurs une forme d’expression de la société civile
[…]. À ce titre, le lobbying peut aider l’Assemblée nationale à accompagner
avec constance les évolutions économiques, sociales, scientifiques et
culturelles 63 ». Dans ce contexte, tout en militant pour une reconnaissance
des activités d’influence, les deux résolutions proposent de les encadrer en
créant un registre des lobbyistes, en restreignant l’accès au palais Bourbon et
en y instaurant des règles de bonne conduite. Bien que novatrices, ces deux
tentatives parlementaires n’ont finalement pas abouti.
En 2008, la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale
a publié, quant à elle, un « livre bleu du lobbying en France 64 », nouveau
plaidoyer pour la reconnaissance et l’encadrement des groupes d’intérêt.
Invitant à « favoriser le lobbying au lieu de le craindre 65 », le rapport loue,
dans son préambule, les vertus des groupes d’intérêt et la valeur ajoutée
qu’ils apportent – notamment en termes d’expertise – aux débats législatifs.
Prenant à témoin les modèles américain, britannique et allemand, il atteste
que « les pays performants et modernes développent, eux, le lobbying 66 ». À
cette aune, Jean-Paul Charié, son rapporteur, propose, entre autres, de créer
un registre national des lobbyistes pour faciliter leur identification et leurs
échanges avec les parlementaires, de mettre en place un code éthique et, plus
symboliquement, d’ouvrir une salle réservée au lobbying au sein même du
palais Bourbon 67.
Bien que ses propositions soient finalement restées lettre morte, les nombreux
échos suscités par ce livre bleu ont incité les présidents de l’Assemblée
nationale et du Sénat à se saisir de la question quelques mois après sa
publication ; le premier en confiant au député Marc Le Fur la présidence
61. Proposition de résolution parlementaire no 3399 du 30 octobre 2006 tendant à modifier le règlement
de l’Assemblée nationale pour établir des règles de transparence concernant les groupes d’intérêt (www.
assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion3399.asp).
62. Proposition de résolution parlementaire no 156 du 11 septembre 2007 tendant à modifier le règlement
de l’Assemblée nationale pour établir des règles de transparence concernant les groupes d’intérêt (www.
assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion0156.asp).
63. Ibid., exposé des motifs.
64. Rapport d’information sur le lobbying présenté par M. Jean-Paul Charié, Assemblée nationale, commission
des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire, rapport no 613, 16 janvier 2008 (www.
assembleenationale.fr/13/pdf/rap-info/i0613.pdf).
65. Ibid., p. 5.
66. Ibid., p. 6.
67. Ibid., p. 54.
27
| l’innovation politique
fondapol
d’une délégation spéciale sur le lobbying, le second en chargeant cinq
sénateurs 68 de mener des réflexions visant à encadrer les activités d’influence
au palais du Luxembourg.
Résultat de ce « lobbying pro-lobbying », en 2009, les deux assemblées ont
modifié à quelques mois d’intervalle leur règlement intérieur. De concert,
elles ont instauré, entre autres, la création d’un registre des lobbyistes 69 leur
facilitant l’accès aux couloirs du Parlement ainsi que la mise en place d’un
code éthique. Derrière ce corset réglementaire finalement peu contraignant,
cette reconnaissance inédite du lobbying par le législateur constitue une
véritable révolution au pays de Rousseau.
Dans ce sillage, en 2013, face aux insuffisances manifestes du registre
de l’Assemblée nationale où seuls 173 représentants d’intérêt étaient
accrédités 70 lors de la précédente législature, le député Christophe Sirugue,
successeur de Marc Le Fur à la présidence de la délégation chargée des
représentants d’intérêt, publie un nouveau rapport destiné au président
de l’Assemblée nationale assorti de quinze propositions visant à encadrer
plus en profondeur les relations entre députés et lobbyistes 71. Mis en place
le 1er octobre 2013, le nouveau dispositif vient notamment renforcer les
obligations déclaratives imposées à ces derniers et instaure l’obligation pour
les députés de mentionner dans leurs rapports d’information les noms de
l’ensemble des groupes d’intérêt auditionnés au cours de leurs travaux. Cette
« empreinte législative », promue par des associations telle que Transparency
International 72, renverse dès lors la responsabilité en déplaçant le curseur
réglementaire des lobbyistes vers les parlementaires, invités à leur tour à plus
de transparence.
Malgré les avancées notables que porte en lui cet aggiornamento 73, ce cadre
normatif n’en demeure pas moins insuffisamment adapté à l’architecture
institutionnelle hexagonale. En effet, en encadrant uniquement le jeu
parlementaire, ces règles nouvelles font abstraction des autres lieux de
pouvoir autour desquels gravitent les groupes d’intérêt : cabinets ministériels,
68. Composée de Jean-Léonce Dupont, alors vice-président du Sénat, Michelle Demessine, Christiane
Demontès, René Garrec et Jean-Paul Virapoullé.
69. Alors que cette inscription est facultative à l’Assemblée nationale, le Sénat l’a quant à lui rendue obligatoire.
70. Contre 115 au Sénat fin 2012. Voir Jean-Louis Nadal, Renouer la confiance publique. Rapport au président
de la République sur l’exemplarité des responsables publics, La Documentation française, janvier 2015, p. 68
(www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/154000023.pdf).
71. Rapport présenté par M. Christophe Sirugue, président de la délégation chargée des représentants d’intérêts
et des groupes d’études, au nom du groupe de travail sur les lobbies à l’Assemblée nationale, Assemblée
nationale, 27 février 2013 (www.assemblee-nationale.fr/representants-interets/rapport_bureau_2013.pdf).
72. Transparency International France, Encadrement du lobbying à l’Assemblée nationale. Le deuxième bilan
de TI France, 2011 (www.transparency-france.org/e_upload/pdf/deuxieme_bilan_de_ti_france.pdf)
73. Notons, par ailleurs, la publication des rapports Sauvé (2011), Jospin (2012) et Nadal (2015) sur la
transparence et la déontologie de la vie publique, qui traitent notamment de la question des conflits d’intérêts
frappant les principaux titulaires de la charge publique.
28
administrations centrales et autorités administratives indépendantes au
niveau national, ainsi que, sur le plan local, services déconcentrés de l’État et
collectivités territoriales, entre autres. Les enjeux ne sont pourtant pas minces,
puisque – certes à des degrés variables – le lobbying y est omniprésent. La
preuve en est donnée par Mourad Attarça selon qui les lobbyistes français ne
passeraient pas plus de 30 % de leur temps au Parlement 74. La réglementation
des arènes politiques auxquels les représentants d’intérêt consacrent les 70 %
restants – soit la majorité de leur activité – reste donc encore à écrire.
La France doit regarder la réalité en face : les lobbies sont désormais
omniprésents dans l’espace public. Dans un contexte national où la défiance
à l’égard des responsables politiques est inversement proportionnelle à la
vitalité électorale – en témoigne la progression constante de l’abstention
observée depuis maintenant plusieurs décennies –, les groupes d’intérêt
bousculent notre conception de l’intérêt général et la notion même de
démocratie. Sous les coups de butoir de la mondialisation et de l’intégration
européenne, force est de reconnaître que le modèle de gouvernance jacobin
tout comme le concept de « volonté générale » tel que théorisé par Rousseau
ont vieilli et font figure aujourd’hui de cartes postales un peu jaunies.
Canal d’expression désormais privilégié par une partie de la société civile, le
lobbying constitue dès lors – dans une vision pluraliste du fonctionnement
politique – un outil d’aide à la prise de décision, susceptible de rapprocher les
citoyens de la chose publique et, chemin faisant, de contribuer à raviver une
démocratie aujourd’hui moribonde. Parce qu’ils sont à la fois les porteurs
légitimes de revendications catégorielles mais qu’ils suscitent en même temps
des préoccupations dans l’opinion publique, les lobbies ne peuvent demeurer
à la périphérie des processus décisionnels ni à l’ombre du régulateur. Bien
que l’Assemblée nationale et le Sénat aient tenté ces dernières années de
répondre à ce double enjeu, ces initiatives parlementaires demeurent encore
trop lacunaires pour clore les débats.
Le lobbying : outil démocratique
POUR UNE RÉFORME DU LOBBYING EN FRANCE
74. Mourad Attarça, « L’utilisation de la communication et de l’information dans les démarches de lobbying des
entreprises : enjeux managériaux et sociétaux », Revue française du marketing, no 211, février 2007, p. 65-92.
29
Or, dans ses vœux aux Corps constitués, le président de la République a
déclaré le 20 janvier 2015 que « pour rendre encore plus claire la confection
des lois et des règlements, il faudra un meilleur encadrement des groupes de
pression ». Le prenant aux mots, nous formulons ci-dessous quelques pistes
de réformes se proposant de mieux encadrer le lobbying sans pour autant
l’entraver. L’émergence d’un lobbying institutionnalisé, plus transparent et
éthique, contribuera dès lors, à sa mesure, à renouer progressivement la
confiance à la fois avec les corps intermédiaires et, plus largement, avec la
vie publique.
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| l’innovation politique
Proposition no 1
Charger la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) –
en lien avec les différentes institutions publiques concernées – d’une mission
de surveillance et de contrôle des activités de lobbying et nommer, au sein
de son collège, un vice-président dédié sur le modèle du commissaire au
lobbyisme québécois. Dans cette optique, renforcer les missions assignées
à la Haute Autorité en matière de relations entre titulaires de la charge
publique et représentants d’intérêt, et faire de celle-ci l’organe référent pour
l’ensemble des acteurs parties prenantes.
Proposition no 2
Compte tenu du renforcement du rôle des commissions parlementaires,
rendre obligatoire la publication par chacune des commissions de l’Assemblée
nationale et du Sénat d’un rapport annuel sur le lobbying, faisant notamment
état de l’ensemble des organisations ou personnalités auditionnées lors de
l’examen des textes législatifs.
Proposition no 3
La grande majorité des textes de loi examinés par le Parlement étant de
l’initiative du pouvoir exécutif, étendre l’« empreinte normative » récemment
mise en place par l’Assemblée nationale au gouvernement en rendant
obligatoire la publication par celui-ci des organisations ou personnalités
consultées lors de la préparation des projets de loi 75.
75. Inciter également le Sénat – qui en est aujourd’hui dépourvu – à se doter de l’« empreinte normative »
mise en place par l’Assemblée nationale.
30
Proposition no 4
Dans le sillage de l’extension de l’« empreinte normative » au gouvernement,
créer un registre des représentants d’intérêt et établir un règlement
intérieur en matière de lobbying au sein des cabinets ministériels, des
autorités administratives indépendantes et d’une partie des directions des
administrations centrales des ministères. Rendre obligatoire la publication
annuelle d’un rapport mentionnant les organisations ou personnalités
consultées par ces différents organes publics.
Inciter les collectivités territoriales 76 et obliger les principaux services
déconcentrés de l’État 77 à se doter d’un registre des représentants d’intérêt,
d’un règlement intérieur encadrant les activités de lobbying ainsi qu’à
publier chaque année un rapport mentionnant les organisations ou
personnalités consultées par les autorités délibératives locales ainsi que par
les hauts fonctionnaires d’État et territoriaux lors de la production d’une
série de textes définis (contrat de plan État-Région, schéma régional de
développement économique, d’innovation et d’internationalisation, schéma
régional d’aménagement et de développement durable du territoire, plan
local d’urbanisme intercommunal…).
Proposition no 6
Sur le modèle du dispositif mis en place par la Commission européenne
et les États-Unis, imposer aux représentants d’intérêt accrédités auprès
des différentes institutions publiques (Parlement, autorités administratives
indépendantes, collectivités locales…) de déclarer de bonne foi les dépenses
engagées pour leurs activités d’influence, tous types de financements publics
perçus ainsi que, dans le cadre de cabinets spécialisés, la liste des clients pour
lesquels ils opèrent.
Le lobbying : outil démocratique
Proposition no 5
76. Conseils régionaux, conseils départementaux, intercommunalités, métropoles, grandes villes.
77. Cabinet du préfet de région et/ou de département, Secrétariat général aux affaires régionales (SGAR),
Secrétariat général aux affaires départementales (SGAD), Direction régionale des entreprises, de la
concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), Direction régionale de l’environnement,
de l’aménagement et du logement (Dreal), Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt
(Draaf), Agence régionale de santé (ARS), etc.
31
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| l’innovation politique
Le lobbying : outil démocratique
L’État administratif et le libéralisme : une histoire française
Lucien Jaume, juin 2009, 16 pages
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NOS DERNIÈRES PUBLICATIONS
Valeurs d’islam
Dominique Reynié (dir.), préface par le cheikh Khaled Bentounès, PUF, janvier 2016,
432 pages
Chiites et sunnites : paix impossible ?
Mathieu Terrier, janvier 2016, 44 pages
Projet d’entreprise : renouveler le capitalisme
Daniel Hurstel, décembre 2015, 44 pages
Le mutualisme : répondre aux défis assurantiels
Arnaud Chneiweiss et Stéphane Tisserand, novembre 2015, 44 pages
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| l’innovation politique
L’Opinion européenne en 2015
Dominique Reynié (dir.), Éditions Lignes de Repères, novembre 2015, 140 pages
La noopolitique : le pouvoir de la connaissance
Idriss J. Aberkane, novembre 2015, 52 pages
Innovation politique 2015
Fondation pour l’innovation politique, PUF, octobre 2015, 576 pages
Good COP21, Bad COP21(2) : une réflexion à contre-courant
Albert Bressand, octobre 2015, 48 pages
Good COP21, Bad COP21(1) : le Kant européen et le Machiavel chinois
Albert Bressand, octobre 2015, 48 pages
PME : nouveaux modes de financement
Mohamed Abdesslam et Benjamin Le Pendeven, octobre 2015, 44 pages
Vive l’automobilisme ! (2) Pourquoi il faut défendre la route
Mathieu Flonneau et Jean-Pierre Orfeuil, octobre 2015, 40 pages
Vive l’automobilisme ! (1) Les conditions d’une mobilité conviviale
Mathieu Flonneau et Jean-Pierre Orfeuil, octobre 2015, 44 pages
Crise de la conscience arabo-musulmane
Malik Bezouh, septembre 2015, 40 pages
Départementales de mars 2015 (3) : le second tour
Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach, août 2015, 56 pages
Départementales de mars 2015 (2) : le premier tour
Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach, août 2015, 56 pages
Départementales de mars 2015 (1) : le contexte
Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach, août 2015, 44 pages
Enseignement supérieur : les limites de la « mastérisation »
Julien Gonzalez, juillet 2015, 44 pages
34
Politique économique : l’enjeu franco-allemand
Wolfgang Glomb et Henry d’Arcole, juin 2015, 36 pages
Les lois de la primaire. Celles d’hier, celles de demain.
François Bazin, juin 2015, 48 pages
Économie de la connaissance
Idriss J. Aberkane, mai 2015, 48 pages
Lutter contre les vols et cambriolages : une approche économique
Emmanuel Combe et Sébastien Daziano, mai 2015, 56 pages
Unir pour agir : un programme pour la croissance
Alain Madelin, mai 2015, 52 pages
Nouvelle entreprise et valeur humaine
Francis Mer, avril 2015, 32 pages
Les transports et le financement de la mobilité
Yves Crozet, avril 2015, 32 pages
Numérique et mobilité : impacts et synergies
Jean Coldefy, avril 2015, 36 pages
Islam et démocratie : face à la modernité
Mohamed Beddy Ebnou, mars 2015, 40 pages
Islam et démocratie : les fondements
Aḥmad Al-Raysuni, mars 2015, 40 pages
Les femmes et l’islam : une vision réformiste
Asma Lamrabet, mars 2015, 48 pages
Éducation et islam
Mustapha Cherif, mars 2015, 44 pages
Que nous disent les élections législatives partielles depuis 2012 ?
Dominique Reynié, février 2015, 4 pages
L’islam et les valeurs de la République
Saad Khiari, février 2015, 44 pages
Islam et contrat social
Philippe Moulinet, février 2015, 40 pages
Le soufisme : spiritualité et citoyenneté
Bariza Khiari, février 2015, 56 pages
L’humanisme et l’humanité en islam
Ahmed Bouyerdene, février 2015, 56 pages
Éradiquer l’hépatite C en France : quelles stratégies publiques ?
Nicolas Bouzou et Christophe Marques, janvier 2015, 40 pages
35
Coran, clés de lecture
Tareq Oubrou, janvier 2015, 44 pages
Le pluralisme religieux en islam, ou la conscience de l’altérité
Éric Geoffroy, janvier 2015, 40 pages
Mémoires à venir
Dominique Reynié, janvier 2015, enquête réalisée en partenariat
avec la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, 156 pages
La classe moyenne américaine en voie d’effritement
Julien Damon, décembre 2014, 40 pages
Pour une complémentaire éducation : l’école des classes moyennes
Erwan Le Noan et Dominique Reynié, novembre 2014, 56 pages
L’antisémitisme dans l’opinion publique française. Nouveaux éclairages
Dominique Reynié, novembre 2014, 48 pages
fondapol
| l’innovation politique
La politique de concurrence : un atout pour notre industrie
Emmanuel Combe, novembre 2014, 48 pages
Européennes 2014 (2) : poussée du FN, recul de l’UMP et vote breton
Jérôme Fourquet, octobre 2014, 52 pages
Européennes 2014 (1) : la gauche en miettes
Jérôme Fourquet, octobre 2014, 40 pages
Innovation politique 2014
Fondation pour l’innovation politique, PUF, octobre 2014, 554 pages
Énergie-climat : pour une politique efficace
Albert Bressand, septembre 2014, 56 pages
L’urbanisation du monde. Une chance pour la France
Laurence Daziano, juillet 2014, 44 pages
Que peut-on demander à la politique monétaire ?
Pascal Salin, mai 2014, 48 pages
Le changement, c’est tout le temps ! 1514 - 2014
Suzanne Baverez et Jean Sénié, mai 2014, 34 pages
Trop d’émigrés ? Regards sur ceux qui partent de France
Julien Gonzalez, mai 2014, 48 pages
L’Opinion européenne en 2014
Dominique Reynié (dir.), Éditions Lignes de Repères, avril 2014, 284 pages
Taxer mieux, gagner plus
Robin Rivaton, avril 2014, 38 pages
L’État innovant (2) : Diversifier la haute administration
Kevin Brookes et Benjamin Le Pendeven, mars 2014, 52 pages
L’État innovant (1) : Renforcer les think tanks
Kevin Brookes et Benjamin Le Pendeven, mars 2014, 52 pages
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Pour un new deal fiscal
Gianmarco Monsellato, mars 2014, 8 pages
Faire cesser la mendicité avec enfants
Julien Damon, mars 2014, 48 pages
Le low cost, une révolution économique et démocratique
Emmanuel Combe, février 2014, 48 pages
Un accès équitable aux thérapies contre le cancer
Nicolas Bouzou, février 2014, 48 pages
Réformer le statut des enseignants
Luc Chatel, janvier 2014, 8 pages
Un outil de finance sociale : les social impact bonds
Yan de Kerorguen, décembre 2013, 36 pages
Pour la croissance, la débureaucratisation par la confiance
Pierre Pezziardi, Serge Soudoplatoff et Xavier Quérat-Hément, novembre 2013,
48 pages
Les valeurs des Franciliens
Guénaëlle Gault, octobre 2013, 36 pages
Sortir d’une grève étudiante : le cas du Québec
Jean-Patrick Brady et Stéphane Paquin, octobre 2013, 40 pages
Un contrat de travail unique avec indemnités de départ intégrées
Charles Beigbeder, juillet 2013, 8 pages
L’Opinion européenne en 2013
Dominique Reynié (dir.), Éditions Lignes de Repères, juillet 2013, 268 pages
La nouvelle vague des émergents : Bangladesh, Éthiopie, Nigeria, Indonésie,
Vietnam, Mexique
Laurence Daziano, juillet 2013, 40 pages
Transition énergétique européenne : bonnes intentions et mauvais calculs
Albert Bressand, juillet 2013, 44 pages
La démobilité : travailler, vivre autrement
Julien Damon, juin 2013, 44 pages
LE KAPITAL. Pour rebâtir l’industrie
Christian Saint-Étienne et Robin Rivaton, avril 2013, 42 pages
Code éthique de la vie politique et des responsables publics en France
Les Arvernes, Fondation pour l’innovation politique, avril 2013, 12 pages
Les classes moyennes dans les pays émergents
Julien Damon, avril 2013, 38 pages
Innovation politique 2013
Fondation pour l’innovation politique, PUF, janvier 2013, 652 pages
Relancer notre industrie par les robots (2) : les stratégies
Robin Rivaton, décembre 2012, 32 pages
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Relancer notre industrie par les robots (1) : les enjeux
Robin Rivaton, décembre 2012, 40 pages
La compétitivité passe aussi par la fiscalité
Aldo Cardoso, Michel Didier, Bertrand Jacquillat, Dominique Reynié et
Grégoire Sentilhes, décembre 2012, 20 pages
Une autre politique monétaire pour résoudre la crise
Nicolas Goetzmann, décembre 2012, 40 pages
La nouvelle politique fiscale rend-elle l’ISF inconstitutionnel ?
Aldo Cardoso, novembre 2012, 12 pages
Fiscalité : pourquoi et comment un pays sans riches est un pays pauvre…
Bertrand Jacquillat, octobre 2012, 32 pages
Youth and Sustainable Development
Fondapol/Nomadéis/United Nations, juin 2012, 80 pages
fondapol
| l’innovation politique
La philanthropie. Des entrepreneurs de solidarité
Francis Charhon, mai / juin 2012, 44 pages
Les chiffres de la pauvreté : le sens de la mesure
Julien Damon, mai 2012, 40 pages
Libérer le financement de l’économie
Robin Rivaton, avril 2012, 40 pages
L’épargne au service du logement social
Julie Merle, avril 2012, 40 pages
L’Opinion européenne en 2012
Dominique Reynié (dir.), Éditions Lignes de Repères, mars 2012, 210 pages
Valeurs partagées
Dominique Reynié (dir.), PUF, mars 2012, 362 pages
Les droites en Europe
Dominique Reynié (dir.), PUF, février 2012, 552 pages
Innovation politique 2012
Fondation pour l’innovation politique, PUF, janvier 2012, 648 pages
L’école de la liberté : initiative, autonomie et responsabilité
Charles Feuillerade, janvier 2012, 36 pages
Politique énergétique française (2) : les stratégies
Rémy Prud’homme, janvier 2012, 44 pages
Politique énergétique française (1) : les enjeux
Rémy Prud’homme, janvier 2012, 48 pages
Révolution des valeurs et mondialisation
Luc Ferry, janvier 2012, 40 pages
Quel avenir pour la social-démocratie en Europe ?
Sir Stuart Bell, décembre 2011, 36 pages
38
La régulation professionnelle : des règles non étatiques pour mieux
responsabiliser
Jean-Pierre Teyssier, décembre 2011, 36 pages
L’hospitalité : une éthique du soin
Emmanuel Hirsch, décembre 2011, 32 pages
12 idées pour 2012
Fondation pour l’innovation politique, décembre 2011, 110 pages
Les classes moyennes et le logement
Julien Damon, décembre 2011, 40 pages
Réformer la santé : trois propositions
Nicolas Bouzou, novembre 2011, 32 pages
Le nouveau Parlement : la révision du 23 juillet 2008
Jean-Félix de Bujadoux, novembre 2011, 40 pages
La responsabilité
Alain-Gérard Slama, novembre 2011, 32 pages
Le vote des classes moyennes
Élisabeth Dupoirier, novembre 2011, 40 pages
La compétitivité par la qualité
Emmanuel Combe et Jean-Louis Mucchielli, octobre 2011, 32 pages
Les classes moyennes et le crédit
Nicolas Pécourt, octobre 2011, 32 pages
Portrait des classes moyennes
Laure Bonneval, Jérôme Fourquet et Fabienne Gomant, octobre 2011, 36 pages
Morale, éthique, déontologie
Michel Maffesoli, octobre 2011, 40 pages
Sortir du communisme, changer d’époque
Stéphane Courtois (dir.), PUF, octobre 2011, 672 pages
La jeunesse du monde
Dominique Reynié (dir.), Éditions Lignes de Repères, septembre 2011, 132 pages
Pouvoir d’achat : une politique
Emmanuel Combe, septembre 2011, 52 pages
La liberté religieuse
Henri Madelin, septembre 2011, 36 pages
Réduire notre dette publique
Jean-Marc Daniel, septembre 2011, 40 pages
Écologie et libéralisme
Corine Pelluchon, août 2011, 40 pages
Valoriser les monuments historiques : de nouvelles stratégies
Wladimir Mitrofanoff et Christiane Schmuckle-Mollard, juillet 2011, 28 pages
39
Contester les technosciences : leurs raisons
Eddy Fougier, juillet 2011, 40 pages
Contester les technosciences : leurs réseaux
Sylvain Boulouque, juillet 2011, 36 pages
La fraternité
Paul Thibaud, juin 2011, 36 pages
La transformation numérique au service de la croissance
Jean-Pierre Corniou, juin 2011, 52 pages
L’engagement
Dominique Schnapper, juin 2011, 32 pages
Liberté, Égalité, Fraternité
André Glucksmann, mai 2011, 36 pages
Quelle industrie pour la défense française ?
fondapol
| l’innovation politique
Guillaume Lagane, mai 2011, 26 pages
La religion dans les affaires : la responsabilité sociale de l’entreprise
Aurélien Acquier, Jean-Pascal Gond et Jacques Igalens, mai 2011, 44 pages
La religion dans les affaires : la finance islamique
Lila Guermas-Sayegh, mai 2011, 36 pages
Où en est la droite ? L’Allemagne
Patrick Moreau, avril 2011, 56 pages
Où en est la droite ? La Slovaquie
Étienne Boisserie, avril 2011, 40 pages
Qui détient la dette publique ?
Guillaume Leroy, avril 2011, 36 pages
Le principe de précaution dans le monde
Nicolas de Sadeleer, mars 2011, 36 pages
Comprendre le Tea Party
Henri Hude, mars 2011, 40 pages
Où en est la droite ? Les Pays-Bas
Niek Pas, mars 2011, 36 pages
Productivité agricole et qualité des eaux
Gérard Morice, mars 2011, 44 pages
L’Eau : du volume à la valeur
Jean-Louis Chaussade, mars 2011, 32 pages
Eau : comment traiter les micropolluants ?
Philippe Hartemann, mars 2011, 38 pages
Eau : défis mondiaux, perspectives françaises
Gérard Payen, mars 2011, 62 pages
L’irrigation pour une agriculture durable
Jean-Paul Renoux, mars 2011, 42 pages
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Gestion de l’eau : vers de nouveaux modèles
Antoine Frérot, mars 2011, 32 pages
Où en est la droite ? L’Autriche
Patrick Moreau, février 2011, 42 pages
La participation au service de l’emploi et du pouvoir d’achat
Jacques Perche et Antoine Pertinax, février 2011, 32 pages
Le tandem franco-allemand face à la crise de l’euro
Wolfgang Glomb, février 2011, 38 pages
2011, la jeunesse du monde
Dominique Reynié (dir.), janvier 2011, 88 pages
L’Opinion européenne en 2011
Dominique Reynié (dir.), Édition Lignes de Repères, janvier 2011, 254 pages
Administration 2.0
Thierry Weibel, janvier 2011, 48 pages
Où en est la droite ? La Bulgarie
Antony Todorov, décembre 2010, 32 pages
Le retour du tirage au sort en politique
Gil Delannoi, décembre 2010, 38 pages
La compétence morale du peuple
Raymond Boudon, novembre 2010, 30 pages
L’Académie au pays du capital
Bernard Belloc et Pierre-François Mourier, PUF, novembre 2010, 222 pages
Pour une nouvelle politique agricole commune
Bernard Bachelier, novembre 2010, 30 pages
Sécurité alimentaire : un enjeu global
Bernard Bachelier, novembre 2010, 30 pages
Les vertus cachées du low cost aérien
Emmanuel Combe, novembre 2010, 40 pages
Innovation politique 2011
Fondation pour l’innovation politique, PUF, novembre 2010, 676 pages
Défense : surmonter l’impasse budgétaire
Guillaume Lagane, octobre 2010, 34 pages
Où en est la droite ? L’Espagne
Joan Marcet, octobre 2010, 34 pages
Les vertus de la concurrence
David Sraer, septembre 2010, 44 pages
Internet, politique et coproduction citoyenne
Robin Berjon, septembre 2010, 32 pages
Où en est la droite ? La Pologne
Dominika Tomaszewska-Mortimer, août 2010, 42 pages
41
Où en est la droite ? La Suède et le Danemark
Jacob Christensen, juillet 2010, 44 pages
Quel policier dans notre société ?
Mathieu Zagrodzki, juillet 2010, 28 pages
Où en est la droite ? L’Italie
Sofia Ventura, juillet 2010, 36 pages
Crise bancaire, dette publique : une vue allemande
Wolfgang Glomb, juillet 2010, 28 pages
Dette publique, inquiétude publique
Jérôme Fourquet, juin 2010, 32 pages
Une régulation bancaire pour une croissance durable
Nathalie Janson, juin 2010, 36 pages
Quatre propositions pour rénover notre modèle agricole
fondapol
| l’innovation politique
Pascal Perri, mai 2010, 32 pages
Régionales 2010 : que sont les électeurs devenus ?
Pascal Perrineau, mai 2010, 56 pages
L’Opinion européenne en 2010
Dominique Reynié (dir.), Éditions Lignes de Repères, mai 2010, 245 pages
Pays-Bas : la tentation populiste
Christophe de Voogd, mai 2010, 43 pages
Quatre idées pour renforcer le pouvoir d’achat
Pascal Perri, avril 2010, 30 pages
Où en est la droite ? La Grande-Bretagne
David Hanley, avril 2010, 34 pages
Renforcer le rôle économique des régions
Nicolas Bouzou, mars 2010, 30 pages
Réduire la dette grâce à la Constitution
Jacques Delpla, février 2010, 54 pages
Stratégie pour une réduction de la dette publique française
Nicolas Bouzou, février 2010, 30 pages
Iran : une révolution civile ?
Nader Vahabi, novembre 2009, 19 pages
Où va l’Église catholique ? D’une querelle du libéralisme à l’autre
Émile Perreau-Saussine, octobre 2009, 26 pages
Agir pour la croissance verte
Valéry Morron et Déborah Sanchez, octobre 2009, 11 pages
L’économie allemande à la veille des législatives de 2009
Nicolas Bouzou et Jérôme Duval-Hamel, septembre 2009, 10 pages
Élections européennes 2009 : analyse des résultats en Europe et en France
Corinne Deloy, Dominique Reynié et Pascal Perrineau, septembre 2009, 32 pages
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Retour sur l’alliance soviéto-nazie, 70 ans après
Stéphane Courtois, juillet 2009, 16 pages
L’État administratif et le libéralisme. Une histoire française
Lucien Jaume, juin 2009, 12 pages
La politique européenne de développement : Une réponse à la crise de
la mondialisation ?
Jean-Michel Debrat, juin 2009, 12 pages
La protestation contre la réforme du statut des enseignants-chercheurs :
défense du statut, illustration du statu quo.
Suivi d’une discussion entre l’auteur et Bruno Bensasson
David Bonneau, mai 2009, 20 pages
La lutte contre les discriminations liées à l’âge en matière d’emploi
Élise Muir (dir.), mai 2009, 64 pages
Quatre propositions pour que l’Europe ne tombe pas dans le protectionnisme
Nicolas Bouzou, mars 2009, 12 pages
Après le 29 janvier : la fonction publique contre la société civile ?
Une question de justice sociale et un problème démocratique
Dominique Reynié, mars 2009, 22 pages
La réforme de l’enseignement supérieur en Australie
Zoe McKenzie, mars 2009, 74 pages
Les réformes face au conflit social
Dominique Reynié, janvier 2009, 14 pages
L’Opinion européenne en 2009
Dominique Reynié (dir.), Éditions Lignes de Repères, mars 2009, 237 pages
Travailler le dimanche: qu’en pensent ceux qui travaillent le dimanche ?
Sondage, analyse, éléments pour le débat
Dominique Reynié, janvier 2009, 18 pages
Stratégie européenne pour la croissance verte
Elvire Fabry et Damien Tresallet (dir.), novembre 2008, 124 pages
Défense, immigration, énergie : regards croisés franco-allemands sur trois
priorités de la présidence française de l’UE
Elvire Fabry, octobre 2008, 35 pages
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LE LOBBYING :
OUTIL DÉMOCRATIQUE
Par Anthony Escurat
En France, la seule évocation du terme « lobbying » conduit généralement à susciter
la suspicion. Dans l’inconscient collectif, sa pratique nuirait gravement à la santé
démocratique. Elle est pourtant monnaie courante et pleinement assumée dans une
grande partie des pays occidentaux. Loin de se cantonner à la simple caricature d’une
activité occulte agissant aux frontières de la légalité, le lobbying – souvent mal compris et
mal défini – constitue au contraire une démarche susceptible d’être bénéfique à la prise
de décision politique, à condition qu’il soit régulé.
Malgré le rejet dont il fait l’objet dans l’Hexagone, le lobbying n’y est pourtant ni un
phénomène récent, ni un phénomène exceptionnel. Désormais omniprésent dans
l’espace public, il est aujourd’hui en pleine expansion. Dès lors, l’exception française
en la matière réside en fin de compte davantage dans un rejet d’ordre moral que dans
la critique d’une pratique qui, dans les faits, s’avère être une réalité à laquelle la France
s’est manifestement bien accommodée. Sans dresser une apologie naïve du lobbying
ni, à l’inverse, l’observer avec les seules lunettes de la défiance, cette note se fixe pour
objectif de lever le voile sur une activité inhérente au jeu politique. Dit autrement, au-delà
d’un travail de « dédiabolisation » qu’elle entend également mener, c’est une rupture avec
l’« hypocrisie française » en la matière dont il est ici question.
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