Comprendre la ville par la chrono-chorématique: un essai prometteur

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Comprendre la ville par la chrono-chorématique: un essai prometteur
M@ppemonde
Comprendre la ville par la chrono-chorématique :
un essai prometteur
Roger Brunet
Résumé.— Cet ensemble de chrono-chorématique urbaine est exemplaire par ses méthodes et par
ses résultats. Travail pluridisciplinaire de recherche de grande qualité éthique et esthétique, il livre une
approche efficace à la compréhension du développement et des structures urbaines. Il ouvre de larges
perspectives comparatives et des voies d’amélioration des modèles généraux de l’élaboration et des
transformations des espaces urbains, en relation avec les modèles généraux de la production de
l’espace géographique. On souhaite que se multiplient les études de cas, et qu’elles s’étendent à
d’autres milieux urbains, à d’autres cultures.
Bourg • Chrono-chorématique • Cité • Croissance urbaine • Modèle • Morphologie urbaine •
Urbanisation
Abstract.— Understanding the town through chrono-chorematics: a promising trial run.— This
group of urban chrono-chorematics is exemplary in both its methods and its results. The study is the
result of highly ethical and aesthetic pluri-disciplinary work. It offers an effective approach to
understanding development and urban structures. It opens up vast comparative perspectives and
makes way for the improvement of general models of development and transformation of urban spaces
in relation to global patterns of production of geographical space. Hopefully, further case studies will be
Chrono chorematic • City • Merchant town • Model • Urbanization • Urban Growth • Urban
morphology
Resumen.— Entender a la ciudad con la crono-corematica : una tentativa prometedora.— Este
conjunto de crono-corematica urbana es ejemplar por sus métodos y sus resultados. Este trabajo
pluridisciplinario de investigación de gran calidad ética y estética nos ofrece un acercamiento eficaz al
entendimiento del desarrollo y de las estructuras urbanas. El abre anchas perspectivas comparativas
y direcciones de mejoramiento de los modelos generales de la elaboración y de las transformaciones
de los espacios urbanos vinculados con los modelos generales de producción del espacio geográfico.
Se expresa el deseo de una multiplicación de los estudios de casos, en otros ambientes urbanos y en
otras culturas.
Casco • Crecimiento urbano • Crono-corematica • Morfología urbana • Pueblo Modelo •
Urbanización
Une belle recherche
L’équipe du Centre national d’archéologie urbaine nous a présenté avec talent les
fruits d’une belle recherche, belle à la fois dans les synthèses par période et dans les
excellentes études de cas. C’est une belle recherche pour au moins cinq raisons :
• c’est une vraie recherche coopérative, associant des chercheurs issus d’institutions,
de formations, de générations, de cultures et de lieux différents, ce qui n’est jamais
facile, mais très fructueux quand la symbiose réussit ;
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• l’on y voit avec sympathie des archéologues cultiver et développer non seulement
leur sens de la diachronie, mais avec tout autant de finesse et de géométrie leur sens
de l’espace ;
• la réflexion sur les structures et les champs va de pair avec la réflexion sur les
dynamiques (et inversement), les permanences sont évaluées et situées, et l’on voit
ici que l’étude structurale n’est (évidemment !) pas incompatible avec celle des
mouvements et des transformations, mais au contraire l’exige (et inversement
encore) ;
• c’est une recherche où se déploient, au-delà des analyses et par elles, une pensée
systémique et le sens de la dynamique des systèmes, et où, au-delà des études de
cas et à travers elles, il y a eu le souci de la généralisation, grâce à l’emploi raisonné
de modèles bien pensés, et en s’appuyant sur une information approfondie, aussi
précise que possible compte tenu de la difficulté de découvrir et d’interpréter des
traces très anciennes ; seuls les ignares en sciences (et certes la géographie n’en a
pas moins que l’archéologie) ne comprennent pas ce qu’est un modèle et à quoi il
sert, croient que c’est tout juste une simplification, une sorte de caricature ; et seuls
des esprits superficiels croient qu’il se conçoit et se dessine « de chic », à leur manière
pour ainsi dire ;
• une recherche enfin où se devinent et s’apprécient la subtilité des réflexions de fond,
et des choix tels que ceux qu’évoquait Christian Grataloup en identifiant des « coups
de force », qui sont, à vrai dire, très précisément des hypothèses de recherche
mûrement sélectionnées : il y a de la pensée dans ce travail.
C’est donc bien là une recherche à la fois éthique, parce qu’honnête, et esthétique,
car elle est belle.
Une recherche désintéressée
Cette recherche réunit des personnes de bonne volonté, qui avaient envie de
travailler ensemble, et sans financement particulier. C’est la recherche désintéressée
par excellence, la recherche pure : c’est notre « Princesse de Clèves ». Entre autres
mérites, elle a celui de nous faire oublier un instant les énormes pressions
contemporaines d’ambition utilitariste, dans un environnement où il n’est question que
de « compétitivité », de rentabilité, d’agences de moyens auxquelles on fait
soumission de projets, et de soumission à des demandes d’investisseurs en vue de
futurs profits. Elle se libère heureusement du règne du modèle quasi théologique de
l’Entreprise, nouvelle divinité par principe infaillible et de parfaite vertu, dont il faudrait
partout s’inspirer — en un temps où un président d’université se flatte bêtement de
« gérer son (sic) université comme une entreprise », et où tous les jours, à travers
faillites et scandales, se lisent dans les quotidiens des exemples manifestes de la
vertu, de l’infaillibilité et de l’exemplaire gestion de l’Entreprise…
Une recherche utile
Et cependant… et cependant je connais peu de recherches dont l’utilité soit aussi
évidente que celle-ci. Car elle nous fait mieux comprendre la ville et ses enjeux, cette
ville même où nous vivons, dans son élaboration, ses formes, son organisation, ses
différences et ses éventuelles ségrégations, ses inégalités de dynamismes, de
pressions et de problèmes. Certes, nous disposons de nombreuses histoires de
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villes ; mais il leur manque souvent l’intelligence de l’espace et de ses morphologies,
une mise en perspective, des possibilités de comparaison. Or cette recherche est
précisément fondée sur la comparabilité, grâce à l’emploi de modèles d’analyse et de
synthèse. Ce qui est bien le seul moyen sérieux d’apprécier la différence, de constater
et de mesurer l’originalité d’un sujet particulier, en quoi cette ville-ci s’écarte d’un
modèle assez général et dont on a pu établir la logique. Qu’est-ce qui est conforme,
qu’est-ce qui est différent ; qu’est-ce qui dure, qu’est-ce qui bouge, et pourquoi.
Or nous sommes dans une société de forte mobilité, où l’on change fréquemment
de ville dans le cours d’une vie. Il est essentiel de pouvoir s’y « retrouver », en fait
d’abord s’y trouver, autrement que par la liste des monuments et l’énumération
convenue de périodes du passé et des turpitudes des familles seigneuriales. Il existe
des associations pour aider les nouveaux arrivants, comme celles qui se regroupent
sous le label de l’Accueil des Villes de France (AVF) — et je me plais à rendre un
particulier hommage à celle de Tours, dont j’ai éprouvé la chaleur et l’utilité. Nous
gagnerions tous à ce qu’elles puissent assimiler et diffuser des connaissances et des
représentations inspirées de vos travaux. Il faut autre chose que de l’anecdotique et
de l’événementiel pour comprendre où nous sommes, dans quoi nous nous
plongeons en arrivant dans une nouvelle ville. Or, par ce genre d’étude, il devient
possible de situer et de comprendre. Aussi les collectivités locales seraient-elles très
avisées de soutenir ces efforts — le Conseil général d’Indre-et-Loire a su le faire (1).
Aux limites de la recherche
Les auteurs de cette synthèse ont eux-mêmes insisté sur leurs incertitudes, leurs
parts d’hypothèses et d’interprétations. Il va de soi qu’en son état présent, on devine
quelques limites et quelques marges de flou, comme dans toute recherche, surtout en
sciences humaines.
Certaines, d’apparence mineure, viennent des compromis nécessaires à toute
recherche coopérative, compte tenu des différences de points de vue, d’intérêts et de
cultures ; disons que, dans l’ensemble, archéologues, historiens et géographes ont
assez finement navigué parmi ces écueils.
D’autres limites tiennent à l’état des sources, de l’information, surtout pour les
périodes les plus anciennes, enfouies sous les sols épais de la ville : les archéologues
sont les premiers à nous dire qu’il y a encore beaucoup à attendre, et même peut-être
des changements de perspective, comme l’a bien montré le cas de Tours en ces
dernières années (2).
Quelques limites peuvent venir de la dualité entre un souci de généralisation et le
poids des études de cas entreprises, des représentations qu’elles ont induites. Par
exemple, il serait intéressant d’évaluer dans quelle mesure l’ampleur de
l’investissement sur Tours a pu influer sur le modèle général : dans certaines figures,
on le sent assez présent ; d’utiles corrections, d’ailleurs, ont pu être apportées. De
même sent-on quelque incertitude quant à l’éventail des tailles de ville auxquelles se
rapportent les modèles : villes « moyennes », sans doute, mais encore ? Jusqu’où
peut-on généraliser, à partir de quand devrait-on imaginer des variantes ?
Bien des limites sont nécessairement liées aux possibilités mêmes de l’expression
graphique : les cartes et les modèles graphiques en disent long, mais il faut qu’ils
conservent la qualité de l’information en respectant les règles de base de la
représentation et de la lisibilité ; il faut apprendre à les lire, et ils ne peuvent pas tout
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exprimer. Le danger peut être de vouloir leur en faire trop dire. Réciproquement, la
description littéraire peine parfois à faire voir les lieux et les arrangements des lieux
et des formes urbaines. Dans les travaux exposés ici, on apprécie d’autant mieux un
équilibre très intéressant : les images comme les textes sont d’une grande richesse,
et d’une convenable clarté. L’effort est plein de promesses, l’essai semble facile à
transformer.
Enfin, il est des limites qui tiennent à la qualité même de la recherche : plus on
cherche, plus on trouve et, en même temps, plus on ouvre de questions nouvelles et
de besoins de recherche. Le foisonnement est sensible dans ce travail et dans les
discussions qu’il provoque : il est sain et excitant, il ne doit pas être source de
confusion et d’irrésolution. Il semble que l’équipe a bien su faire le tri entre l’essentiel,
ce qui peut être considéré comme acquis, et ce qui ouvre débats et investigations.
Quelles perspectives ?
Dans quelles directions exprimer ces besoins nouveaux et orienter ces discussions
prochaines ? À ce stade, je ne puis évidemment retenir que quelques exemples,
esquisser quelques pistes, exprimer quelques curiosités.
Je mettrai de côté, non par désintérêt mais au contraire en raison de son évidence,
ce qui touche à l’animation des représentations : nous avons tous envie de voir les
périodes s’enchaîner, les structures se déformer, les lieux du changement s’illustrer
par la magie du mouvement. Il existe des logiciels adaptés : nul doute que l’on puisse
faire un film, ou au moins des séquences de tout cela, qui fixent les permanences et
fassent apprécier les transformations.
Sur le fond, deux domaines semblent plus particulièrement porteurs d’exigences.
D’une part, l’on apprécierait que des connaissances de même nature soient étendues
à d’autres villes, ou groupes de villes, françaises et européennes au moins : en
relation avec l’effort de généralisation, et en vue d’enrichir à la fois les modèles
généraux et les études de cas. Cela permettrait notamment de distinguer des soustypes, des modèles « régionaux » et, par là même et à l’inverse, de voir jusqu’où peut
aller la généralisation, et ce qu’il peut y avoir d’universalité dans le phénomène
urbain, à travers les différences de cultures et de cheminements ; et donc, de mieux
le comprendre. Certaines formes de ségrégation, de concentration, de hiérarchisation
semblent universelles, inhérentes à l’idée même de ville. Jusqu’où peut aller la
« réduction eidétique » en ce domaine ?
D’autre part, et simultanément, on souhaite voir approfondir la relation entre les
structures et dynamiques urbaines et les modèles plus généraux de l’organisation des
espaces géographiques — ou des territoires si l’on préfère ; par là, mieux comprendre
les logiques de la production de l’espace en général, de l’espace urbain en particulier ;
et réinjecter cette connaissance dans les modèles mêmes qui servent ici — afin que
la ville n’apparaisse pas comme un isolat. Je prendrai cinq exemples d’application de
ces deux ambitions, qui ne sont que deux aspects d’un même objectif.
1. L’analyse des formes de retranchement des pouvoirs. Il a pu m’arriver d’insister
sur le lien étroit entre pouvoir et retranchement, qu’il s’agisse de pouvoir civil ou
religieux, du sacré ou du profane, lequel devient sacré à sa façon quand il est
suffisamment affirmé. On sait que les mots château (castrum) et temple viennent de
racines sémantiques exprimant la coupure, la séparation, la prise de distance : le
pouvoir se met toujours à distance, celle des barrières et des remparts, des parvis et
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des glacis, de la tribune et du piédestal. Nous avons même entendu ici parler de
« remparts symboliques » : ils expriment aussi cette prise de distance. Or celle-ci a
revêtu des formes très répétitives dans nos villes. Par exemple, la distinction entre le
quartier du château et le quartier de la cathédrale (voire celui de l’abbaye) ; plus
généralement encore, la dualité entre la « cité » des pouvoirs officiels (souvent
partagée entre un domaine du château et un domaine du clergé), et le « bourg », celui
des marchands, et plus généralement des « bourgeois » — également enclos, surtout
du XIIIe au XVIIe siècle, et distinct des faubourgs et de l’innommé du « bas peuple » et
du « plat pays ». Ces modèles sont tellement généraux qu’ils devraient figurer
d’emblée comme hypothèse de base dans l’organisation de nos villes aux époques
concernées : l’existence d’un castrum, ou citadelle, et peut-être mieux encore
l’opposition bourg-cité, qui se repère dans la plupart de ces villes, furent et demeurent
des structures générales, et fortes, comme la ceinture de boulevards à partir du XVIIIe
siècle, ou l’extériorité des hôpitaux et cimetières à d’autres périodes. Leur logique est
générale, et claire. Essayons de voir ce que donnerait leur introduction d’entrée de
jeu dans nos modèles.
2. La relation entre la voirie urbaine et la logique des réseaux urbains. Même
enceinte de remparts, la ville a fait partie de réseaux, et fait plus que jamais partie de
réseaux. Or il existe une logique générale de la distribution spatiale des villes et des
réseaux. Elle a été plus ou moins bien exprimée dans le modèle des lieux centraux.
Elle a une implication forte, qui n’a pas toujours été clairement perçue : la forme
théoriquement hexagonale des aires d’attraction, sur laquelle on a souvent insisté,
appelle la forme en treillage (trois directions) des voies qui relient les villes d’un même
niveau. Il en résulte que l’hypothèse initiale à formuler (et qui correspond en effet à
une large collection de cas) est que la ville est au centre, non pas du croisement de
deux axes, mais de trois axes ; en somme, qu’elle avait six portes. Que s’ensuit-il si
l’on part de là, et non d’un simple croisement ? Comment cette logique s’articule-t-elle
avec d’autres logiques urbaines, associées à la planification, comme celle qui se
fonde sur un plan en damier, où à la cosmologie, qui préfère quatre portes ? Voilà des
sujets à méditer et qui appellent de nouveaux éclairages.
3. Les phénomènes liés au dépassement de l’échelle locale et à l’intégration des
villes dans la nation, surtout à partir du XVIIIe siècle, parfois du XVIIe : le tracé des
grandes routes et des voies ferrées (comme, plus récemment, des autoroutes) ne
s’est « normalement » pas fait au milieu de la ville dense et surpeuplée, mais tangent
à la ville. Il a dès lors introduit une dissymétrie fondamentale, constitutive du tissu
urbain nouveau ; il a même entraîné des phénomènes de réfraction, par l’apparition,
au-delà de la grande voie qui s’impose aussi comme obstacle, d’un nouveau quartier,
comme un reflet de la ville qui est de l’autre côté, mais de dimension réduite. Le
phénomène est général — même le cas de Tours l’illustre paradoxalement : si la route
de Paris au Sud-Ouest traverse la ville en son plein centre actuel, c’est parce qu’au
milieu du XVIIIe siècle Tours comportait deux villes distinctes, séparées par des
terrains agricoles ; la nouvelle voie pouvait passer entre elles, elle était en fait
tangente aux deux villes à la fois… Plaçons cette tangence en hypothèse forte pour
cette période, et recherchons ce qui s’ensuit.
4. Une analyse précise des phases d’occupation des sols sous la forme de grandes
surfaces, exigeant des terrains bon marché (ou d’énergiques expropriations), depuis
les hôpitaux médiévaux, du XIXe siècle et actuels hors de la ville, les casernes du XIXe
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siècle, les terrains de sports, les zones industrielles, les campus universitaires, les
zones commerciales, les cimetières contemporains, et toutes nos zac et autres zup.
Ici s’introduisent de nouvelles logiques, mais tout aussi compréhensibles et qui
relèvent à la fois des stratégies du foncier, et de la spéculation foncière, des
possibilités offertes par les nouveaux modes de transports, collectifs ou individuels, et
de quelques modes, comme celle qui voulait que les étudiants débarrassent le centreville au lieu de l’inquiéter. De nos jours, certains de ces grands blocs deviennent des
« friches », des réserves foncières, offrent de nouvelles perspectives à la spéculation
immobilière, et aussi à des municipalités avisées qui savent s’en servir pour le bien
public. Une analyse précise de ces vastes implantations — les unes situées dans
l’intervalle bon marché entre les grandes voies d’accès (casernes, campus, hôpitaux
du XIXe siècle, ensembles de sports), les autres au contraire sur ces axes (zones
commerciales et d’entrepôts) — est à même d’enrichir ces modèles et la réflexion sur
l’aménagement des villes.
5. La prise en considération de l’environnement de la ville, et des aires d’attraction
urbaine, dans leurs rapports avec la forme même de la ville. Les fameux hexagones
sont contraints par bien des pressions, et notamment par l’inégale densité des
constellations urbaines. Prenez l’exemple d’un val, comme le val de Loire. On pourrait
penser que les facilités de circulation le long du val assurent une plus grande
extension à l’aire d’attraction d’une ville du val le long de celui-ci. Ce serait vrai si la
ville était seule. Justement, elle ne l’est pas : les villes sont nombreuses dans le val,
et la terre y est chère parce que disputée. De ce fait, c’est le contraire qui se passe ;
les aires d’attraction s’étirent perpendiculairement au val, ainsi que la forme de la ville.
Ce constat est vrai pour toutes les formes d’axes urbains, façades littorales, etc. Dans
le cas de Tours, l’allongement se traduit même par un dédoublement des zones
d’activité périphériques, l’une à Tours-Nord, l’autre à Chambray-lès-Tours au sud,
chacune servant sa moitié de département, ou peu s’en faut.
Ce ne sont là que quelques curiosités personnelles, exprimées comme néo-Turon
et archéo-chorématicien, deux titres qui m’autorisaient à accepter de tirer ces
quelques conclusions (3). On peut en trouver bien d’autres. L’essentiel est de savoir
sortir à tout moment de l’espace urbain considéré, pour intégrer des logiques qui le
dépassent et néanmoins le modèlent vigoureusement. Ce travail nous permet de
réfléchir un peu mieux à tout cela, sur la très longue période et sans inhibitions ; et
ainsi d’ouvrir un large éventail de discussion.
Notes
1. Malheureusement, l’État a cru devoir supprimer en 2010 cet excellent instrument qu’était le Centre
national d’Archéologie urbaine, qu’il avait décentralisé au château de Tours.
2. Voir GALINIÉ H., dir. (2007). Tours antique et médiéval. Lieux de vie. Temps de la ville: 40 ans
d'archéologie urbaine. Tours: FERACF, suppl. Revue archéologique du Centre de la France, n°30, 440
p. + 1 cd-rom. ISBN: 978-2-913272-15-6. J’en avais donné un compte rendu dans Mappemonde, n°92
de 2008 (http://mappemonde.mgm.fr/num20/librairie/lib08402.html).
3. Ce texte reprend, pour l’essentiel les conclusions que l’on m’avait demandé de tirer du colloque de
présentation des principaux résultats de la recherche, tenu dans les salons du Conseil général d’Indreet-Loire à Tours en juin 2009.
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