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Résumé de l’interview de P. Botto, accidentologiste
Monsieur Botto travaille dans le monde de la sécurité routière des véhicules
industriels (camions, autocars, autobus), depuis plus de 35 ans.
Son travail consiste essentiellement à étudier le déroulement des accidents,
dans un but unique : celui de la protection des occupants.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi l’accident de Roquemaure a été aussi grave ?
Nous nous trouvons sur autoroute, on est au mois de juillet, il fait très beau, très chaud et cet accident a
lieu en pleine nuit, sur une ligne régulière. Le conducteur de cet autocar a fait 9.000 kms en 10 jours, ce
qui est absolument inimaginable. Je ne vois pas comment cet homme ne peut pas être fatigué. A cette
heure de la nuit, sur cette autoroute, le travail en tant que conducteur est quasiment nul, il n’y a rien à
faire : on ne négocie pas de courbes, on ne change pas les vitesses et quand on a pris des stupéfiants,
on fait comme tous les gens qui sont dans l’autocar, on s’endort…
Au moment où il ouvre les yeux, il y a une semi-remorque juste en face de lui. Au lieu de chercher à
l’éviter en douceur et lentement, c’est un coup de volant anormalement violent et là, c’est terminé, il perd
le contrôle de son véhicule. L’autocar traverse les voies, arrive sur la glissière centrale, se renverse (il
est encore aux alentours de 85 km/h). Il ripe pendant 80m avant de s’immobiliser.
Quand on observe le car accidenté, on voit la face qui s’est couchée sur la glissière et on a l’impression,
je dis bien l’impression, qu’il y a des déformations importantes. Ce qui a été abimé, c’est l’habillage
latéral de l’autocar. L’autocar par lui-même n’a rien ; la preuve en est que lorsque le juge décide de la
reconstitution, on met des gendarmes auxiliaires dans l’autocar, et qu’il n’y en a pas un seul qui ait du
mal à s’asseoir à sa place. Il n’y a aucune déformation de structure, par contre un bilan humain
catastrophique. 22 morts (un 23ème quelques jours plus tard) et au moins 7 blessés très graves. Parmi
les accidents d’autocar, ce n’est pas le plus grave mais c’est parmi les accidents les plus graves.
Les occupants ont été soit éjectés total, soit éjectés partiel et dans les deux cas, ce sont des
mécanismes lésionnels gravissimes. Ça veut dire que, si l’on attache correctement les gens dans cet
autocar, on n’a plus d’éjection totale ni d’éjection partielle et on a un bilan divisé par 4 ou 5.
À votre niveau, qu’avez-vous fait à la suite de cet accident ?
Avant cet accident, j’étais persuadé qu’il fallait ceinturer les gens, après je l’étais d’autant plus que
j’avais maintenant un exemple terrifiant, horrible, qui a apporté la preuve de ce que je disais depuis
quelques temps. J’ai multiplié mes interventions à travers toute l’Europe, avec des interventions aussi
bien à l’Assemblée Nationale à Paris, qu’à l’O.N.U. à Genève.
Dans l’accident de Roquemaure, y a-t-il eu des facteurs aggravants ?
Une cause ; un accident ça n’a jamais existé. Il y a toujours plusieurs facteurs entraînant un accident.
Pour Roquemaure, il y a eu la fatigue, la nuit, l’hypovigilance, l’endormissement, la monotonie de
l’autoroute, la chaleur, la prise de stupéfiants, et puis le véhicule en cause. Ici, c’est un autocar à étage.
Sur les 23 personnes tuées, on en a 22 en partie haute. Bien avant Roquemaure, on était persuadé que
chaque fois qu’on avait un autocar à étage accidenté, on avait un nombre de victimes anormal en partie
haute. Vous ne me ferez jamais monter dans ce type de véhicule !
Retrouvez l'interview vidéo dans son intégralité :
http://www.citoyenneteroutiere.org/media/interview-botto.html
Depuis quand le port de la ceinture est-il obligatoire dans les autocars ?
Quand arrive l’accident de Roquemaure, nous sommes depuis longtemps en train de travailler sur le
problème des éjections totales et partielles lors des accidents d’autocars. On a déjà, malheureusement,
une série nombreuse et on est déjà persuadé qu’il faut aller vers le port obligatoire. Cet accident va nous
donner l’illustration et la preuve formelle de ce qu’on avait déjà pressenti. C’est à partir de 2003 (8 ans
après Roquemaure), que le port de la ceinture est devenu obligatoire. Néanmoins il faudrait que les
autorités soient un peu plus sévères pour le port de la ceinture, c’est pas très compliqué à vérifier et je
regrette que cela ne soit pas fait plus souvent.
Pouvez-vous nous dire pourquoi il y a un tel décalage entre la ceinture de sécurité en
voiture et dans les autocars ?
L’accidentologie des voitures commence fin des années 70, l’accidentologie des autocars, en 1980.
Donc, il faut laisser le temps de faire l’analyse d’un grand nombre de cas, de mener beaucoup d’études
pour arriver à apporter la preuve scientifique qu’effectivement il y a la nécessité de ceinturer les gens
aussi dans les autocars.
Pensez-vous que cette obligation est globalement respectée ?
Je ne pense pas qu’elle le soit correctement. Si certains la mettent systématiquement, en revanche, il
reste une majorité de gens qui ne se ceinturent pas encore dans les autocars en France, contrairement
à ce qui se passe en Australie, par exemple. Ainsi faudrait-il que les contrôles sur le port de la ceinture
soient renforcés.
Y a-t-il des moyens techniques réalistes pour la favoriser ?
On peut citer la présence des pictogrammes, les campagnes de sensibilisation (elles ne sont pas assez
nombreuses) les équipements analogues aux voitures (sonnerie en cas de non respect) mais ce dernier
point est très couteux et jugé non rentable (en termes de nombre de morts voir point suivant sur la
sécurité des autocars)…. Je crois qu’il serait plus intéressant, plus ingénieux, sans doute plus efficace
d’essayer, petit à petit, de faire comprendre aux gens que dans les autocars on se ceinture comme dans
une voiture. Moi, je crois que c’est là qu’on a plus de chance de progresser, y compris au niveau des
enfants.
Les exigences françaises cassent-elles la concurrence avec les pays étrangers ?
Il n’y a pas d’exigence française spécifique. Aujourd’hui, c’est une réglementation européenne et pas
franco-française. Le port est obligatoire en Europe, il est obligatoire en Australie, il est obligatoire dans
beaucoup de pays. Donc ce n’est pas spécifiquement français, mais la problématique du port est la
même dans tous les pays, à l’exception de l’Australie, où effectivement on retrouve le plus de gens
ceinturés dans les autocars.
L’autocar est-il un moyen de transport collectif sûr ?
Dans nos autocars, le nombre de victimes annuel est extrêmement bas. Il faut le dire, le répéter haut et
fort : le véhicule sur la route en France, le plus sécurisant, et de très loin, c’est l’autocar.
Aucun véhicule n’est aussi sécurisant que l’autocar. En outre, c’est un véhicule propre (c’est lui qui a le
moins d’émissions nocives), de surcroît, c’est un véhicule extrêmement économique.
Retrouvez l'interview vidéo dans son intégralité :
http://www.citoyenneteroutiere.org/media/interview-botto.html
Existe-t-il une charte des bons autocaristes ?
La charte des bons autocaristes existe, et dans de nombreuses langues Elle ne parle pas que de
sécurité, mais aussi de l’équipement des véhicules et de la qualité de service. C’est une charte qui
permet de transporter les gens de façon raisonnable et responsable. Ce document existe, oui. Et quand
on observe l’évolution de pays comme la Chine ou l’Inde, on ne peut que constater que le transport en
autocars a de très beaux jours devant lui. Dans ces pays, et de nombreux autres, l’autocar et l’autobus
sont devenus des solutions quasiment uniques ; des solutions excellentes…
Retrouvez l'interview vidéo dans son intégralité :
http://www.citoyenneteroutiere.org/media/interview-botto.html