La newsletter n° 29 "Diabétique de type expulsé"
Transcription
La newsletter n° 29 "Diabétique de type expulsé"
Angles de Vie Chroniques du diabète N° 29 - mai 2008 Diabétique de type expulsé Mme Sira Sidibé a un diabète de type 2 insulinotraité.Souffrant de graves et multiples complications (hypertension, rétinopathie sévère, importante déformation du pied), elle est aujourd’hui privée de carte de séjour et risque de se faire expulser au Mali, où sa vie est en jeu. Encore un jugement soigné de l’administration française. « Je suis arrivée en France le 14 juillet 1998 », raconte Sira Sidibé, une Malienne de 48 ans habitant à Paris. «Depuis, la préfecture m’a renouvelé ma carte de séjour pour des périodes d’un an ou de trois mois. Le 5 février 2007, ils ont arrêté. Ils ne m’ont rien dit. Rien expliqué. Le médecin de la Préfecture ne m’a pas rencontrée. Je ne touche plus rien depuis. La mairie me donne une aide pour le loyer et pour la scolarité de ma petite fille de 7 ans que j’élève depuis que sa maman est morte. Je ne sors pas, sauf pour aller à l’hôpital. Je porte une prothèse au pied. J’ai du mal à me déplacer. Une dame va pour moi aux Restos du cœur. C’est difficile. Des fois, la nuit, je ne dors même pas ». LE BLUES DE L’ÉTRANGER MALADE La situation de Mme Sira Sidibé est plutôt dramatique. Souffrant d’un diabète insulinotraité multi-compliqué : pied de Charcot1, hypertension artérielle ; dyslipidémie2, rétinopathie sévère3... Elle est maintenant privée de titre de séjour et se trouve en situation irrégulière, avec le risque à tout moment de se faire arrêtée, placée dans un centre de rétention administrative, puis expulsée. « Le cas de Mme Sira Sidibé est malheureusement un cas devenu assez classique d’étranger malade qui a eu droit à un titre de séjour pendant un temps pouvant durer plusieurs années et puis qui, brusquement, se trouve face à un refus de renouvellement », commente Maître Vanina Rocchicioli, avocate spécialisée dans le contentieux des étrangers malades. « Deux motifs sont invoqués par la Préfecture : soit l’état médical de la personne s’est amélioré. Soit son pays dispose maintenant des moyens de la soigner ». Ne pouvant pas arguer d’une guérison miraculeuse du diabète de Mme Sira Sidibé, la préfecture a donc estimé que le traitement nécessaire était maintenant disponible au Mali, une information, un véritable scoop, confirmée par le Tribunal Administratif de Paris, le 6 octobre 2007. 1 Maladie caractérisée par des dyslocations articulaires et des fractures osseuses, entraînant l’effondrement du pied. 2 Concentration anormalement élevée de lipoprotéines ou de lipides (cholestérol et/ou triglycérides) dans le sang. 3 Atteinte de la rétine pouvant conduire à la cécité. 1/2 www.afd.asso.fr AUX BONS SOINS DE LA PRÉFECTURE santé des pays d’origine ; bref, qu’il fassent du cas par cas et non des statistiques. Dans l’immédiat, en attendant ce beau jour, Sira vit dans l’angoisse. « J’espère que ma situation va s’arranger un jour » soupiret-elle. Nous aussi, Mme Sidibé. Nous aussi. Cette nouvelle serait une excellente nouvelle qui réjouirait tous les diabétiques maliens, si elle était vraie. Or, elle est fausse. Complètement, sinistrement fausse. « Sira Sidibé ne peut se passer d’une pompe à insuline et une pompe au Mali, ce n’est pas possible. Il faut la débrancher. Ça ne se discute pas, » réagit Stéphane Besançon, Directeur des programmes de l’ONG Santé Diabète Mali. « Il n’y a pas de pompes. Pas de sociétés qui commercialisent, qui entretiennent. Pour faire les réglages et l’entretien, elle serait obligée de revenir à chaque fois en France ». Et quant aux molécules dont elle a besoin - statines et ARA 2 celles-ni ne possèdent pas d’Autorisation de Mise sur le Marché malien. On les trouve, à prix d’or4 que dans 3 pharmacies. Oublions le laser ophtalmologique et l’appareillage podologique spécifique et signalons simplement que son traitement lui reviendrait, selon les calculs de l’ONG Santé Diabète Mali à 5 714 € par an, dans un pays où le salaire annuel moyen est de 780 €. « Dire que le traitement du diabète ne pose pas de problème au Mali, est un mensonge », s’indigne Stéphane Besançon. « Le cas de Mme Sidibé est assez surréaliste. Le médecin qui a pris cette décision, même s’il n’était pas bien informé sur la situation au Mali, même s’il subit des pressions, doit se poser des questions. Si Mme Sidibé est expulsée, son pronostic vital est en jeu ». À L’ARTICLE DE LA LOI L’article L.313-11, alinéa 11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, prévoit que « sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit (...) à l’étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...)». 4 70 € la boite de Tahor 40® ; 55 € la boite de Cotareg®. 5 Maux d’exil n° 21 – Décembre 2007. EN ATTENDANT MIEUX Alors que Mme Sira Sidibé a posé un recours - non suspensif - devant la Cour administrative d’appel de Paris, alors que la décision de cette Cour n’est pas attendue avant un délai de 6 mois, 1 an ; alors que sa carte vitale aura expiré en juillet et que Mme Sidibé n’aura plus accès aux soins... Force est de constater avec Vanina Rocchicioli que « depuis 3 ou 4 ans, les méthodes de la Préfecture, des médecins inspecteurs pour les étrangers malades, se durcissent. Les cas de refus se multiplient ». Selon les chiffres5 du Comède (Comité Médical pour les Exilés), le taux d’accord face aux demandes de régularisation médicale en région parisienne est passé de 100% en 2002 à 23% en 2007... Bien sûr, il est des malades, diabétiques ou autres, qui vont mieux. Dont le pays d’origine dispose maintenant des spécialistes, des médicaments, des équipements... aptes à le soigner. Mais peut-on vraiment croire à de si soudains, si spectaculaires progrès ? En réalité, on le sait bien, tout est ici question de pourcentages, de quotas. Soit. Mais, derrière ces chiffres se trouvent des malades, des êtres humains, des Madame Sidibé en somme. Le minimum du minimum serait que les médecins qui décident de la prolongation ou non de leur titre de séjour, étudient réellement leur dossier ; s’informent précisément de l’état réel du système de Rédaction : Renaud Alberny Coordination : Eva Pulcinelli Maquette : Florence Wetzel CONTACT Eva PULCINELLI Tél. : 01 40 09 68 57 Fax : 01 40 09 20 30 E.mail : [email protected] 2/2 www.afd.asso.fr