Valons-nous huit chiffres?
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Valons-nous huit chiffres?
44 salaires Valons-nous huit chiffres? Marcel Ospel mérite-t-il ses revenus à huit chiffres? Tout le monde dira: non! Et Céline Dion? Richard Branson? Steve Jobs? Et vous et moi? Notre sévérité envers les uns et notre indulgence envers les autres reflètent notre perception du mérite et du besoin. Et surtout de l’injustice... quant à la justice, plus personne ne sait ce que c’est. L e Prof Tournesol avait de grands mérites, et Lucky Luke rendait de grands services. Mais aucun ne connut (ou voulut) la richesse: le premier vivait chez un ami capitaine, et le second cherchait les évadés sans prime. Argentiers déshérents Les hommes les plus riches du monde ne le doivent pas à leur salaire, mais à leurs profits: les 50 milliards accumulés en une courte vie par Bill Gates ou Warren Buffet valent plus qu’un revenu d’un milliard par an. Est-ce «mérité» ou «injuste»? En tout cas, ces fonceurs ne doivent rien à personne, hormis leurs clients, et l’Etat ne leur donne rien, pas même le chômage. Des «self made men», sinon «women»: dans la liste des 20 plus grosses fortunes du monde, on ne trouve plus guère les vieilles familles... pas même la Reine d’Angleterre. A la rigueur, Liliane Bettencourt, patronne de L’Oréal de la deuxième génération. Un cran plus bas, chez les patrons salariés, le revenu est à huit ou neuf chiffres «seulement», mais les hommes sortis du rang dominent aussi: Marcel Ospel commença simple apprenti, il a su séduire ses collègues, puis déçu les actionnaires, et c’est le droit du travail qui le sauvera bientôt de la dèche. Juste au-dessous des capitaines de finance ou d’industrie, on trouve des milliers de gens gagnant des millions par dizaines chaque année: des vedettes de la chanson, du cinéma, parfois de la peinture, quelques architectes... des couturiers et surtout leurs mannequins... même des cuisiniers... et bien sûr des sportifs. Les mieux lotis, d’ailleurs, percent le plafond des 100 millions: une journaliste étoile comme Oprah Winfrey a encaissé près de 300 millions l’an dernier. Et un écrivain fétiche comme Joanne Rowling tout autant, ce qui s’explique: notre monde a tant besoin d’un miracle, et Harry Potter lui en offre 100 pour quelques francs. La politique ne rapporte que six chiffres, car un client peut bouder Windows, mais tout citoyen paie le chef d’Etat: alors, un peu plus de deux cent mille dollars par an pour le Secrétaire général de l’Onu, le double pour le président des Etats-Unis, nourri-logé-blanchi. Moins en vue, les carrières juridiques sont très lucratives – trois ou quatre chiffres à l’heure – mais à nouveau, l’avocat ne plume que ceux qui le choisissent (parfois au pourcentage): les téléfilms montrent des héros du Barreau qui gagnent leur cause avant de gagner leur pain. La rouille de la fortune Bref, la richesse est tolérée sans limite quand elle s’affiche comme une démarche d’artiste qui ne coûte qu’à ses amateurs. Même Bill Gates est au fond un artiste: les logiciels relèvent du droit d’auteur. Et Daniel Vasella doit sa position chez Novartis surtout à une affaire de cœur. Mais la société moderne ne peut se contenter d'amour de l'art... sa prospérité est fondée sur la «croissance» par la technique: elle accorde la richesse aux uns contre le progrès pour tous... d’où Edison, Ford, Liebig, et Nobel il y a 100 ans. Désormais, l’Eldorado... on le cherche tour à tour dans les télécom, la biotech, les média ou la finance, chaque fois taxé d’un «génie» – hélas! – toujours plus éphémère. Même en électronique, les meilleures marges de profit sont faites dans les accessoires comme les souris, Daniel Borel (notre Bill Gates romand) l’a prouvé. En biologie, Philip Morris semble désormais plus prometteuse que Serono, comme on l’a vu à un récent congrès. Bref, le progrès technique vire à la guerre commerciale. Seule la médecine quotidienne permet encore aux plus malins d’avoir un confort bourgeois derrière une façade savante et sociale: les anesthésistes sont en tête des métiers lucratifs, en Amérique du moins. En dernier ressort, face à la dissolution de la méritocratie, la seule compétence qui fasse loi, depuis une génération, est celle du conflit d’intérêt. Plus rien Apprentissage L’APGCI (Association professionnelle des gérants et courtiers en immeubles) organise chaque année des tests d’aptitudes pour les candidats à l’apprentissage d’employé de commerce de la branche immobilière. Les intéressés peuvent télécharger le bulletin d’inscription sur le site Internet www.apgci.ch. Les tests auront lieu le mercredi 18 février 2009, à 14h00. Délai d’inscription: 6 février 2009. à voir avec les hautes lumières de la science, mais avec les dessous de table tournante: vendre un objet invisible – un produit financier ou un truc publicitaire – à un décideur qui n’est pas lui-même le payeur. Mais ce jeu de l’avion n’est pas le fait des seuls financiers: professeurs, journalistes, politiciens, syndicalistes se tiennent la main dans cette chaîne du menteur. Ça sert à ça Comme disait Marcel Dassault, l’homme alors le plus riche de France, «je ne mange pas dix poulets par repas, et un seul lit me suffit pour dormir». On ne peut jouir de la richesse en vase clos: Tamerlan l’avait bien compris, en enfermant dans une tour le sultan vaincu, avec son trésor. Croire que tous nos malheurs viennent des hommes d’argent – que nous nous ruinons tous à imiter – est une illusion. Depuis un siècle, toutes les grandes banques ont fait faillite; et les clients des petites aussi... sauf chez celles qui ont spéculé à la baisse! La technique est un moteur, mais le mouvement n’est pas la croissance. Comme à la veille de la Révolution, nos soucis sont plutôt «la faute aux» philosophes: si la justice est haussière, la vérité est baissière. n Boris Engelson pour en savoir plus On trouve sur le web des listes de hauts revenus, à commencer par celles de Forbes (mots clés : «best paid» ou «top earning»). Le Bureau International du Travail vient de sortir son premier «Global Wage Report», et a un annuel «Rapport sur le travail dans le monde» (voir aussi laborsta.ilo.org sans www, bfs.admin.ch et bls.gov). Ni le Bureau International du Travail, ni la Confédération Syndicale Internationale ne répondent aux questions non prévues par le règlement. Le directeur de l’Anpe a préfacé «Entrepreneurs aujourd’hui», par Thierry Demessence. Cité des Métiers et des Formations du 24 au 29 novembre 2009 L’APGCI (Associaton professionnelle des gérants et courtiers en immeubles) et la SR (Société des Régisseurs) seront présentes à la Cité des Métiers, du 24 au 29 novembre 2009. L’occasion pour les jeunes et moins jeunes de s’informer sur les métiers de l’immobilier. Pour informations: Secrétariat de l’APGCI, tél. 022 715 02 30 et www.apgci.ch. t o u t l’ e m p l o i • n o 3 8 9 • 8 d é c e m b r e 2 0 0 8