Anémie maternelle : quand référer à l`obstétricien ?

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Anémie maternelle : quand référer à l`obstétricien ?
Anémie maternelle : quand référer à l’obstétricien ?
Dr Béatrice Guyard-Boileau, Dr Laure Connan, Charlotte Vaysse
Gynécologue-obstétriciennes
Cellule du Réseau Matermip/CHU de Toulouse
Pourquoi s’intéresser à l’anémie maternelle ?
Il existe peu d’intérêt pour l’anémie de la femme enceinte, qui est souvent banalisée ! Peu d’exploration le plus souvent, pas
de contrôle de l’amélioration biologique par exemple. Ceci est en contradiction avec la nécessité d’arriver à l’accouchement
avec un taux d’hémoglobine satisfaisant pour une femme enceinte (autour de 11 g au moins). En effet, au cours de
l’accouchement, les pertes sanguines peuvent être importantes, et une patiente anémiée courra plus de risque de présenter
des complications. Les constations du groupe de travail portant sur la mortalité maternelle sont en effet édifiantes. En
effet, lors de ces enquêtes portant sur trois années consécutives, les causes obstétricales sont toujours les premières
impliquées dans les décès maternels ( 95 des 141 décès), et la première place est occupée par les hémorragies, qui
représentent 30 décès (soit encore 21% de tous les décès). 22 de ces 30 décès par hémorragie ont été jugés évitables par
le groupe de travail (erreur thérapeutique dans 10 cas et traitement inadéquat dans 8 cas).
L’objectif est donc d’améliorer nos pratiques si nous le pouvons et de réduire ainsi le nombre de patientes anémiées en salle
de naissance.
Par ailleurs, il existe une association statistique entre anémie maternelle (surtout si sévère) et complications de la grossesse,
en particulier hypotrophie fœtale et prématurité.
Pour toutes ses raisons, l’anémie maternelle nécessite notre attention à tous !
Qui référer à l’obstétricien pendant la grossesse ?
Peu de recommandations abordent ce sujet : encore une fois l’anémie paraît être banalisée ! . Dans son récent communiqué
(Juillet 2007), l’HAS classe l’ »anémie gravidique » (page 33) en facteur de risque modéré, puis que la référence à un
obstétricien n’est que « conseillée » (référence A). A noter que la drépanocytose est l’autre fois où l’anémie est citée dans ce
même document (Page 29), avec une consultation recommandée auprès de l’obstétricien en cas de drépanocytose
hétérozygote (A2), et un suivi par l’obstétricien de toute la grossesse en cas de drépanocytose homozygote (classe B). Les
thalassémies ne sont mentionnées nulle part !
Pour essayer de shématiser les femmes enceintes anémiées devant être référées à l’obstétricien, quelques grandes lignes
peuvent être dégagées des communications précédentes :
1. Si on suspecte ou on connaît les anomalies de l’hémoglobine (drépanocytose, thalassémie..)
2. Si on suspecte une cause obstétricale, au premier rang duquel une pathologie hypertensive avec HELLP (et donc
hémolyse intravasculaire)
3. Si l’anémie jugée ferriprive ne répond pas au traitement par le fer
4. Si la tolérance maternelle de l’anémie est mauvaise (essoufflement, vertiges répétés, etc), car peut être existe-t-il
une autre cause, qu’elle soit obstétricale ou non (cardiomyopathie de la grossesse, hydramnios)…
5. En cas d’hémoglobine inférieure à 7g (pour envisager une transfusion sanguine)
Qui référer à l’obstétricien dans le post-partum ?
Nous n’avons retrouvé aucune recommandation sur ce sujet . Il paraît logique de référer les patientes suivantes :
1. En cas de saignements génitaux plus importants ou prolongés qu’habituellement car il est nécessaire de suspecter une
cause obstétricale (rétention post-accouchement, endométrite en particulier)
2. Si l’on suspecte une autre cause obstétricale : aggravation d’un HELLP dans un contexte de pathologie hypertensive
dans le post partum par exemple
3. Si la tolérance maternelle de l’anémie est mauvaise (essoufflement, vertiges répétés, etc), car peut être existe-t-il
une autre cause, qu’elle soit obstétricale ou non (cardiomyopathie de la grossesse, embolie pulmonaire, endocardite…)…
4. En cas de contexte social très défavorisé (carences alimentaires importantes) pour initier éventuellement la prise en
charge globale mère-enfant (relais PMI à partir de la maternité).
5. En cas d’hémoglobine inférieure à 7g, surtout si non connue (pour envisager une transfusion sanguine ?)
Il est frappant qu’il n’existe pas actuellement de recommandation précise sur le sujet. Cependant, l’expérience, l’intuition,
ainsi que l’appréciation clinique du médecin doit jouer un grand rôle dans l’orientation clinique que l’on donne aux différentes
patientes. Il apparaît important de ne pas banaliser l’anémie pendant la grossesse et le post-partum, car celle-ci peut-être le
point d’appel d’une pathologie sous-jacente grave, y compris obstétricale, mais aussi hématologique.

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