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Erdogan fait vaciller l'accord avec l'UE
Le président turc s'oppose à une réforme de la loi antiterroriste exigée par Bruxelles pour une exemption
de visa, dont Ankara a fait une condition indispensable pour appliquer l'accord sur les migrants.
Dans un discours enflammé, Recep
Tayyip Erdogan a également exhorté
le Parlement turc à soumettre dans
«les plus brefs délais» à référendum
une réforme constitutionnelle qui renforcerait les prérogatives présidentielles, au lendemain de l'annonce du
prochain départ du Premier ministre,
Ahmet Davutoglu.
L
a Commission européenne a
donné cette semaine son feu
vert à cette mesure, à condition que
la Turquie remplisse dans les délais
les 72 critères exigés par l'UE, parmi
lesquels figure une redéfinition de la
loi antiterroriste, jugée trop large,
en conformité avec les normes démocratiques européennes.
«L'UE nous demande de modifier la loi antiterroriste. Mais alors
dans ce cas nous dirons : "Nous
irons de notre côté et vous du vôtre"», a tonné l'homme fort de la
Turquie lors d'un discours public à
Istanbul, «allez vous accorder avec
qui vous pouvez».
Si Ankara affirme avoir rempli la
plupart des 72 critères, un assouplissement de la loi antiterroriste est un
sujet délicat en Turquie, embourbée
dans le conflit kurde dans le Sud-Est
et secouée par une série d'attentats
attribués au groupe État islamique
(EI). «Nous ne pouvons pas nous
permettre de faire ces changements pendant que la lutte intensive contre le terrorisme est en
cours», a déclaré le ministre des Affaires européennes Volkan Bozkir,
cité par le quotidien Sabah.
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«Gros
risque»
Conséquence, «il y a désormais
un très grand risque pour que l'accord sur les migrants s'effondre»,
a indiqué Amanda Paul, du groupe
de réflexion European Policy Center. Si Ankara ne remplit pas tous les
critères exigés par Bruxelles, il serait
«difficile de voir comment l'UE
peut légitimement procéder à la
libéralisation des visas», a-t-elle
ajouté.
La Turquie en a fait une condition
indispensable pour continuer d'appliquer l'accord controversé sur les
migrants, en vertu duquel elle a notamment accepté le retour sur son
sol de tous les migrants entrés illégalement en Grèce depuis le 20 mars.
L'annonce du départ prochain du
Premier ministre, Ahmet Davutoglu, artisan de l'accord côté turc, a
plongé l'Europe, où il était un interlocuteur jugé fiable, dans l'expectative. Berlin a dit espérer la poursuite
d'une «coopération bonne et
constructive» avec le prochain chef
du gouvernement turc.
«C'est un peu tôt pour dire si (le
départ du Premier ministre turc)
aura des implications (sur les relations UE-Turquie) et le cas
échéant lesquelles», a réagi jeudi la
chef de la diplomatie européenne,
Federica Mogherini.
La mise à l'écart de Davutoglu ouvre la voie au renforcement du pou-
voir du président Erdogan, qui a
paru moins enthousiaste que son
Premier ministre à l'idée d'un rapprochement avec l'UE et a fait de la
présidentialisation du régime l'une
de ses priorités.
Le Premier ministre sortant a piloté, côté turc, les discussions avec
les responsables européens qui ont
abouti le 18 mars à un accord avec
l’Europe sur les migrants qui pourrait rapporter aux citoyens turcs une
exemption de visas dans l’espace
Schengen d’ici fin juin.
«Pourquoi ne changez-vous
d'abord pas votre mentalité alors
que vous permettez à des terroristes de dresser des tentes à côté du
Parlement européen?», a dit Recep
Tayyip Erdogan vendredi sous les
applaudissements de la foule venue
l'écouter, vraisemblablement en référence à une action récente de militants kurdes près du Conseil de l'Europe.
Les tensions sont récurrentes entre
l'UE et le président turc, accusé par
ses détracteurs de dérive autoritaire
en multipliant notamment les procès pour «insulte» contre les journalistes et en exigeant la levée de l'immunité des députés pro-kurdes.
Son Premier ministre à peine
évincé, Recep Tayyip Erdogan a souhaité vendredi un référendum rapide sur un changement de la
Constitution en vue d'une présidentialisation du régime, qui consacrerait son pouvoir incontestable en
Turquie, «une nécessité urgente»,
a-t-il déclaré à Istanbul, appelant à
soumettre le projet «dans les plus
brefs délais» à un vote populaire.
Pour y arriver seul, le parti AKP au
pouvoir a besoin de 330 des
550 voix du Parlement, où il en détient actuellement 317. Si Recep
Tayyip Erdogan semble à ce stade
exclure des législatives anticipées,
certains observateurs estiment
qu'il pourrait être tenté de le faire,
alors que deux des trois partis de
l'opposition parlementaire sont en
crise.
Photos : nicolas klein
LE CAMP DE NIZIP-2 EN IMAGES
Le camp est situé à une dizaine de kilomètres de la ville de Nizip, dans une région aride
couverte de champs d'oliviers et de pistachiers. Il est entouré de grillages.
Quelques
chiffres
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2012.
Des ateliers de confection permettent aux réfugiés de
gagner un peu d'argent en vendant leur production.
Le premier réfugié syrien est
arrivé sur le sol turc en avril
La Turquie accueille actuellement 2 700 000 réfugiés
syriens enregistrés et dont les
empreintes digitales ont été relevées, selon le ministère turc de
l'Intérieur.
270 000 réfugiés sont répartis dans 26 camps dans
10 provinces turques.
Chaque jour, 120 enfants
naissent dans les camps de
réfugiés, selon le sous-secrétaire
adjoint aux Affaires étrangères,
Murat Salim Esenli.
La grande majorité des réfugiés syriens vivent donc
dans les villes, dont par exemple
400 000 à Istanbul ou Gaziantep ou encore 180 000 à Kilis
(ville avant la guerre de 100 000
habitants à la frontière syrienne). «Il n'y a pas une seule
ville turque sans réfugiés sy-
Depuis sa création il y a trois ans, le camp a vu la naissance de 346 enfants. Un hôpital est
mis à la disposition des réfugiés.
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riens», constate ainsi Fuat Oktay,
le président de l'Agence turque
de gestion des catastrophes
(AFAD).
La Turquie a consacré
10 milliards de dollars à
l'aide humanitaire aux Syriens,
d'après les chiffres de l'AFAD.
Dans le camp de Nizip-2,
chaque personne (enfant et
adulte) reçoit 85 livres turques
par mois (environ 25 euros).
L'électricité et l'eau sont gratuites. Un petit supermarché propose des produits de base à des
prix inférieurs à ceux du marché.
Des ateliers de confection, où officient en très grande majorité
des femmes, permettent aux réfugiés de pouvoir vendre leur
production et de gagner un peu
d'argent.
Les entreprises turques ne
sont autorisées à embaucher qu'une proportion de 10 %
de réfugiés syriens parmi leurs
employés. «C'est une façon de
convaincre les locaux que les
Syriens ne volent pas leur travail, un moyen de préserver la
paix sociale», relate Fuat Oktay.
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Près de 1 900 enfants vivent dans le camp.
Persönlich erstellt für: asbl asti
CRISE DES RÉFUGIÉS DOSSIER
samedi 7 et dimanche 8 mai 2016