Jean Sire - Histoire-de

Transcription

Jean Sire - Histoire-de
Jean Sire
Les marques de Jean Sire et d’Anne Bourgeois
Le deuxième fils de Guillaume Sire et de Marguerite Bourg naît vers 1709, à
Beaubassin. Prénommé comme son oncle, on le surnomme Jingo ou Genga.
Comme tous les membres de sa famille, il vit dans un climat imprégné
d’interminables conflits. Avant sa naissance, son village a subit deux attaques
du triste et célèbre colonel Church. Jean a tout juste quatre ans à la signature
du traité d’Utrecht, en 1713, mettant fin à la deuxième guerre intercoloniale.
À ce moment-là Beaubassin fait partie du territoire cédé aux Anglais, mais les
habitants l’ignorent. Le traité a mal défini les frontières et Français et Anglais se
disputent l’espace autour de l’isthme de Chignectou. Les gens de Beaubassin
aspirent à vivre en paix, loin des coups de canon. Jean fait partie de cette
génération d’Acadiens, et, en 1730, il accepte de prêter serment d’allégeance à
la couronne britannique. Il n’est pas le seul Sire; son père, ses oncles Jean et
Pierre et ses frères Michel et Pierre prêtent également ce serment. Par ce
dernier, ils s’engagent à rester neutre dans d’éventuels conflits entre la France et
l’Angleterre.
Trois ans plus tard, âgé de vingt-quatre ans, Jean épouse une jeune parente qu’il
courtise depuis quelques temps. Son mariage avec la cousine de son père est
célébré à Beaubassin, le 3 février 1733. Fille de Claude Bourgeois et d’Anne
Blanchard, Anne naît à Beaubassin et est baptisée le 10 août 1718. Son parrain
est Jacques Bonnevie et sa marraine, Anne Bourgeois. Anne porte donc le
même nom que sa marraine. L’acte de mariage de Jean et d’Anne comporte
une erreur puisqu’il y est écrit que le père d’Anne est Charles. Son acte de
baptême désigne Claude comme étant son père.
Ouvrons ici une parenthèse pour montrer jusqu’à quel point les Sire sont issus
d’une famille ‘’tricotée serrée’’. Jean, ses frères Michel et Pierre, ainsi que ses
sœurs Marie et Marguerite, épousent des cousins du troisième et du quatrième
degré. Cette génération de Sire, de Poirier et de Bourgeois sont tous des petitsenfants ou arrières petits-enfants de Jacques Bourgeois, le fondateur de
Beaubassin. Il faut aussi mentionner que leurs deux plus jeunes sœurs,
Madeleine et Rosalie, se marient avec les frères Vigneault. Ceux-ci sont les fils
de Jacques Vigneault, le deuxième époux de leur mère, Marguerite Bourg.
Cultivant la terre comme son père, Jean vit des jours heureux avec Anne qui lui
donne quatre beaux enfants dans les dix premières années de leur mariage.
Puis survient la guerre encore une fois. Les Acadiens respectent leur neutralité
dans cette troisième guerre intercoloniale débutant en 1744. En Amérique, les
1
combats se limitent à l’Acadie et mettent aux prises Canadiens et Français d’une
part, et Anglais d’autre part. Louisbourg, forteresse dont la construction débuta
en 1717 sur l’île Royale (Cap-Breton), tombe entre les mains des Anglais le 11
mai 1745 après un siège de six semaines. Trois ans plus tard, soit en 1748, le
traité d’Aix-la-Chapelle rend la forteresse à la France.
Louisbourg
Le cinquième de la forteresse originale a été reconstitué
Malgré la signature du traité, la paix n’en est pas moins précaire, car l’Angleterre
et son premier ministre, William Pitt, visent à chasser tous les Français de
l’Amérique du Nord. Le 30 avril 1750, le colonel Lawrence se présente à
Beaubassin dans l’intention d’y construire un fort. Sa surprise est vive en
apercevant la fumée qui s’élève des cendres de l’établissement. Devant l’arrivée
imminente des troupes anglaises, l’abbé Jean-Louis Leloutre se refuse à céder la
place. Il envoie les habitants se réfugier dans les bois et, à l’aide des Indiens
Micmacs, il met le feu aux bâtiments. Jean semble donc adopté la défense
passive comme la plupart des Acadiens. Il installe sa famille à «Baye Verte»,
près du fort Gaspareaux comme en fait foi le recensement de l’Acadie en 1752.
2
Depuis plusieurs années déjà, les colons du Massachusetts réclament les terres
de la Nouvelle-Écosse et la déportation de ses habitants. L’Angleterre, d’accord
avec le projet, en avait retardé l’application. Finalement, l’autorisation est
donnée en 1755. Le gouverneur de la Nouvelle-Écosse, Lawrence ordonne que
l’on commence à Grand Pré. Puis, il envoie Robert Monckton pour attaquer fort
Beauséjour et sa région. C’est là que ce sont réfugiés les Acadiens de
Beaubassin cinq ans auparavant. Le fort français n’a que peu de combattants
pour le défendre et il tombe aux mains des Anglais. La population s’enfuie
encore une fois, mais pour certains, c’est la catastrophe. Ils sont faits
prisonniers le 27 octobre. Parmi eux se trouvent Jean Sire, sa femme et ses
enfants, sa mère et son beau-père, les enfants de ce dernier et plusieurs frères
et sœurs de Jean avec leur famille.
Commence alors une suite d’événements tragiques. Comme on le sait déjà, ils
ont été séparés; les uns en Géorgie, les autres en Caroline du Sud. Jean est
placé avec sa famille à Savannah, en Géorgie. Sa belle-fille, Marguerite Dugas,
donne naissance à un enfant le 22 décembre 1755, à Savannah. On sait
également que les enfants de Marguerite Bourg et ceux de Jacques Vigneault se
sont retrouvés l’année suivante en Géorgie, puis à New York, à Leicester, à
Boston et ailleurs au Massachusetts. Leur errance dans les colonies de la
Nouvelle-Angleterre cesse avec leur retour aux îles Saint-Pierre et Miquelon.
Avant son arrivée à Miquelon, il semble que Jean se soit arrêté à Chedabouctou
avec : «sa femme Anne Bourgeois, cinq enfants et trois petits enfants : Jean, sa
femme Marguerite Dugas et leurs deux garçons Jean et Fabien; Rose, son mari
Jean Hébert et leur fils Jacques; Marie; Amand; François, âgé de 14 ans.» Ils
arrivent donc à Miquelon en 1766.
3
Chedabouctou en Nouvelle-Écosse
Le recensement de Miquelon, en mai 1767, mentionne Jean et sa famille sous le
nom de Cyr. On y retrouve aussi les noms des sœurs Boudrot, Louise et
Rosalie, futures épouses d’Amand et François Sire. Aspirant enfin à la paix et la
tranquillité, ils croient que leur malheur est chose du passé, mais un autre les
attend. Le ministre des Affaires étrangères à Paris croit que les Acadiens nuiront
au commerce de la pêche aux îles car ce sont plutôt des cultivateurs. En 1767, il
ordonne qu’on les rapatrie dans la métropole. Cependant, les Acadiens
éprouvent des difficultés à s’adapter et les autorités françaises les autorisent à
retourner aux îles Saint-Pierre et Miquelon dès l’année suivante. Une fois de
plus, Jean Sire et sa famille embarquent à bord de navires pour la grande
traversée. Il vient ainsi rejoindre son frère Pierre, revenu à Miquelon avec
femme enfants en 1768.
De cultivateur qu’il était en Acadie, Jean devient finalement un pêcheur à
Miquelon. Le recensement de 1776 démontre qu’il est désormais bien installé,
car il possède : «une maison, ½ grave, ½ goélette, une jument, une vache, trois
moutons». François, âgé de vingt-deux ans, habite toujours avec ses parents.
On pourrait croire que Jean Sire pourra enfin terminer ses jours tranquillement
sur sa ferme à Miquelon. Il n’en est rien. On dirait que le sort s’acharne sur
cette famille durement éprouvée. Au moment de la révolution américaine, la
France se range du côté des Rebelles. Il n’en faut pas plus aux Anglais pour se
venger en attaquant St-Pierre et Miquelon. En 1778, l’amiral anglais Montaguës
s’empare des îles, détruit toutes les installations et déporte les mille trois cents
habitants vers la France. Jean Sire, Anne Bourgeois et leurs enfants débarquent
en Aunis, le Charente-Maritime d’aujourd’hui. On les retrouve à La Rochelle,
4
dans la paroisse Saint-Jean-du-Perrot. Jean et Anne ne reverront pas leur
patrie. Cette famille est décimée en quelques mois : Pierre, le frère de Jean,
meurt en décembre 1778 à Saint-Servan, près de Saint-Malo en Bretagne; Jean
et Anne décèdent respectivement le 6 et le 7 février 1779, à La Rochelle, suivi de
leur petit-fils Jean, âgé d’un mois; puis Rosalie, en mars 1779, Madeleine, le
mois suivant, et Anne en janvier 1781. Ces dernières, des sœurs de Jean, sont
également toutes trois décédées à la paroisse St-Jean-du-Perrot. Plusieurs
facteurs expliquent ces nombreux décès (il y en eut cent deux) : les Acadiens de
Miquelon, entassés sur quatre goélettes, ont fait une affreuse traversée et, par
la suite, ont été logés dans des conditions défavorables.
Le quartier du Perrot
(17e siècle)
Tout comme le quartier Saint-Nicolas (J),
le quartier Saint-Jean-du-Perrot (K) est, à
l’origine, un îlot avec chapelle situé à
l’entrée du port de La Rochelle. Ces deux
paroisses sont les quartiers des marins.
C’est là qu’on retrouve Jean Sire, son
épouse Anne Bourgeois et leurs enfants.
Deux d’entre eux, Amand et François sont
des marins à La Rochelle.
Paroisse Saint-Jean-du-Perrot
5
Le clocher Saint-Jean
«Le quartier du Perrot était celui des
Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem
où arrivaient les pèlerins venant de la
terre sainte et devant rester en
quarantaine. La chapelle Saint-Jean des
Hospitaliers est devenue l’église SaintJean-du-Perrot lorsque le quartier a été
relié définitivement à la ville (de La
Rochelle).»
L’église est détruite en 1887; il ne reste
que le clocher.
Carte et photo proviennent du site Racines rochelaises
Doris Long
24 août 2005
6

Documents pareils