Tromperies, mensonges et faux-semblants

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Tromperies, mensonges et faux-semblants
Tromperies, mensonges et faux-semblants
Au Théâtre Garonne, trois acteurs du collectif Tg STAN interprètent « Trahisons »,
d’Harold Pinter. La première de la version française de cette mise en scène avait lieu à
Toulouse.
Le collectif flamand Tg STAN est à nouveau présent au Théâtre Garonne avec « Trahisons ».
La première de la version française de cette mise en scène avait lieu à Toulouse, le 15 mai.
Tromperies, mensonges, faux-semblants, sont au cœur de cette pièce orchestrée par le
dramaturge anglais Harold Pinter, maître de l’ambiguïté des relations humaines. Jolente de
Keersmaeker, Franck Vercruyssen et Robby Cleiren interprètent ce triangle amoureux au fil
d’une dramaturgie racontant à rebours les tourments entre Emma, son mari Robert et son amant
Jerry – eux-mêmes collègues et amis de longue date – depuis les retrouvailles des anciens
amants dans un bar jusqu’à la naissance de leur passion dix ans plus tôt. Entre temps, ces troislà nous feront vivre les moments de suspicion, de tensions, le temps des jeux sournois et des
aveux, les souvenirs de bonheur et de déception.
Nous sommes dans la middle class anglaise, dans le milieu de l’édition où l’on disserte de
littérature, de talents à découvrir, de William Butler Yeats pour mieux cacher les petites lâchetés
et faiblesses des uns et des autres, les égoïsmes, les non-dits. Harold Pinter ne cherche pas à
condamner le fautif ou à prendre parti pour la victime puisque, de toute évidence, chacun est la
victime de l’autre. Il nous laisse assister à la dissection lente et savoureuse des rapports d’amour
et d’amitié dans ce qu’ils ont de plus humains, banals, vulnérables, cruels. Un cadre intimiste
au décor minimal, les acteurs déplacent eux-mêmes tables et chaises. La lumière se fait
déclinante au fur et à mesure du flash-back, partant d’un éclairage plein feux pour aller vers
l’obscurité, vers le secret, l’adultère ; verres à demi remplis et restes de nourriture s’amoncellent
en bord de scène, rythmant les années de partages et de rendez-vous amoureux et amicaux.
Cette scénographie sobre fait la part belle au jeu. Un jeu équilibré entre les trois acteurs, juste
et sensible, jusque dans leurs trébuchements, certes dû à leur français encore hésitant mais
convenant parfaitement à la duplicité et au problème de communication de leurs personnages.
Si Jolente de Keersmaeker et Robby Cleiren ont du mal à nous faire passer la passion charnelle,
leurs échanges sur le mode de la mélancolie y sont en revanche délicats et émouvants. Quant à
Franck Vercruyssen – membre fondateur de Tg STAN -, il est comme toujours touchant et
troublant. Il donne au rôle du mari trompé trompeur, un aplomb, une colère rentrée et une
dérision très british, oserait-on dire de ce Flamand au charme mystérieux. Dans cette pièce-ci,
pas de jeu «dedans-dehors» typique de Tg STAN, mais une incarnation subtile, nuancée et
drôle, aussi, comme c’était le cas pour « Après la répétition » – repris en début de saison avec
le même Franck Vercruyssen – et qui nous réconcilie avec les Anversois après le bancal
« Onomatopées » présenté en février dernier avec De Koe.
Sarah Authesserre, 22 mai 2014
une chronique de Radio Radio