163 un pistolet à usage vétérinaire
Transcription
163 un pistolet à usage vétérinaire
Un pistolet à usage vétérinaire… En cette matinée du 15 février 1975, depuis la cité nougatine de Montélimar, j’advenais à Beaumont pour prendre mon service de nouveau secrétaire de mairie. A la vérité, il s’agissait d’un secrétariat à la fois humble et modeste de campagne en une mairie au bâtiment vieillot, non fonctionnel et totalement dépassé par rapport aux exigences modernes. Dans cette mairie, tout était ancestral. Pour moi, il importait de lui donner vie et aussi animation. En pénétrant dans cet espace public, le visiteur se trouvait saisi par des senteurs cumulatives faites de colle, de poussière et de renfermé mais aussi de produits ménagers. Cet assemblage d’odeurs propres à tous les secrétariats en autrefois traduisait aussi une organisation administrative, celle d’un autre temps forcément dépassé. Il m’appartenait de mettre en pratique des méthodes de travail différentes et novatrices. En nouveau responsable, il m’appartenait toutefois de me familiariser avec mon nouvel espace professionnel. Se déclinant en : Une simple armoire métallique contenant précieusement les registres d’état-civil, quelques placards de rangement disposés sous une banque, une pièce de petit rangement, une salle annexe dite du cadastre avec une série de plan cadastraux et leurs matrices… Une salle des délibérations du Conseil Municipal au mobilier rococo ou bien Henri II et quelques chaises destinées à l’intention du public. Et puis, en cette salle aussi des mariages, un placard mural de rangement. En fouillant dans ce véritable et innommable dédale, je devais découvrir sur une étagère, un pistolet à l’ancienne, un véritable riflard, associé à une boîte de cartouches, des munitions assez volumineuses et encore enduites de graisse. De l’avis de l’ancien secrétaire de mairie, il s’agissait d’une arme à vocation vétérinaire. Tant je devais laisser dormir, en gisement discret, ce curieux matériel d’une autre époque et de façon à ce que personne n’en fasse un usage hasardeux et éventuellement violent. Lorsque devaient être entrepris des travaux de réaménagement et d’amélioration du secrétariat de mairie, je devais installer cette arme et ses munitions dans l’armoire métallique du secrétariat. Et puis, le temps devait passer. Ce matériel devait un jour disparaître au fil des années se passant. En fait, il fut ni plus ni moins accaparé par quelque amateur d’armes. Ce pistolet lourd, métallique arme de poing m’avait-on dit qu’elle avait vraisemblablement servi pour abattre des bœufs ou autres animaux domestiques. Il comportait un barillet et un percuteur métallique. Les munitions étaient constituées par des grosses balles certainement en plomb. Tant je devais me méfier de cette proximité en laissant cette arme dans son étui et les munitions dans le leur. Dans l’ancien temps, les mairies rurales étaient équipées de ce genre de matériel très bizarre et à l’utilisation devenue désuète. Peut-être était-il dans les attributions du maire ou de son représentant et dans un contexte rural, de porter un coup fatal à tels ou tels bestiaux. Je dois aussi me souvenir qu’une un jour de Juillet du début des années quatre-vingts, j’avais invité le chef cantonnier à découvrir l’effet balistique de cette arme professionnelle, et dont personne ne connaissait l’existence. Nous nous dirigions vers la décharge municipale pour procéder à quelque carton avec cette arme pour se rendre compte si à force d’être inutilisée, oubliée dans son armoire, elle était encore opérationnelle et en état de fonctionnement. Effectivement, cette arme pouvait à nouveau être en service malgré le poids des années. A tel point qu’avec l’employé municipal et donc en ce jour d’inspection de la déchèterie, nous décidions de tirer sur des rongeurs pullulant dans ce lieu de l’ultime dépotage ménager. Chose accomplie, nous remisions cette arme dans son armoire de rangement et devions ne plus y porter attention. Et puis, les circonstances voulurent que je continue ma carrière professionnelle à la Communauté Urbaine de Lyon. Un nouveau secrétaire de mairie fut nommé à ma place. Quelques vingt années après que je sois admis à la retraite, je devais rencontrer mon remplaçant et lui parler de ce fameux pistolet, alors qu’il en ignorait totalement l’existence. De facto, il m’était confirmé que cette arme avait disparu à l’inventaire du matériel municipal administratif. Tant de mon temps, j’avais fait en sorte de considérer ce pistolet comme précieux témoin d’une époque villageoise révolue, tel un matériel dépassé mais porteur d’histoires peut-être collectives. Au secrétariat de mairie de Beaumont… Un pistolet à usage vétérinaire… Jean d’Orfeuille