Stéphane Freiss

Transcription

Stéphane Freiss
Tony GOMEZ
LE PARIS DE...
Stéphane Freiss et Tony GOMEZ
Lever de rideau. Nous sommes dans une
chambre d’hôpital. Tu es Ricky, un écrivain qui vient enfin de connaître la consécration. Mais , au chevet de ton père
mourant, tu te retrouves face à l’incompréhension…
C’est vrai…Pour moi, ce qui est très beau
dans cette scène, au-delà du rapport père
fils, c’est l’incommunicabilité. Ils sont
arrivés à un stade de rapport où ils n’ont
plus rien à se dire. Un mur les sépare, avec
de l’amour de chaque côté, mais qui ne
peut plus circuler. Et pour ne pas parler de
la dernière scène , c’est vrai qu’on a tous
rêvé un moment dans sa vie, que, tout
d’un coup, on puisse dire aux gens qu’on
aime, de dire sans pudeur les choses que
l’on ressent. Tu sais, moi je me rends
compte qu’avec mon propre père, les rares
conversations profondes où l’on s’est dit
des choses intimes , ce fut souvent par
hasard et furtivement. Imagine la scène :
dans les escaliers en sortant de chez moi,
il a mis son manteau. Je suis encore à la
porte, la lumière s’est éteinte. On est dans
le noir, il est cinq marches plus bas et, tout
à coup, dans ce rapport, où on n’est plus
en face à face, les masques tombent et les
vérités qu’on avait besoin de se dire se
disent…
On a plus souvent tendance
à se dérober en fait…
Oui ! Et puis surtout on utilise dans nos
sociétés modernes une arme tordue et
dangereuse, c’est le cynisme. Quand tu ne
veux pas montrer quelque chose de toi, tu
mets un humour au énième degré, tu
choisis ton degré et ça va être une pirouette pour ne pas te révéler…
Mais le cynisme n’est pas non plus
à la portée de tout le monde !
Non, mais ou tu as cet humour là, ou tu as
la violence. Avec cet humour là, tu ne fais
rien de méchant, tu te dérobes… C’est
comme si être sincère aujourd’hui c’était
pratiquement ridicule, puéril dépassé,
démodé…Moi j’ai envie que ce soit le
contraire.
Il faut aussi savoir provoquer ces
moments, c’est le plus difficile non ?
Le plus gros regret que je peux avoir, c’est
de n’avoir pas pu poser à temps les questions que j’avais à cœur aux gens que j’aimais. Que ces questions puissent rester
sans réponses c’est terrible, c’est mon
plus grand regret …
favoris
Son quartier favori
Le quartier Latin entre le Ve
et le VIe à faire à pied : j’adore !
Avec le Jardins du Luxembourg,
les brasseries alentours,
pour rêver, écrire et boire un
coup… Mais aussi le Théâtre
de l’Odéon… Je pourrais vivre
en autarcie dans ce tout petit
périmètre car tout est là !
Ses boutiques
Le Paris de…
Victoire
Stéphane Freiss
Et paradoxalement, son succès d’écrivain,
il le doit à sa vie, ses origines…
Ce qui est très beau dans la pièce, c’est
qu’il fait son succès- non par sur ses deux
premiers bouquins que personne n’a lu mais sur sa vie, dans ce livre à peine
romancé. C’est comme les acteurs : plus
tu te mets à distance de toi, plus tu dis des
choses intimes de toi… Si tu me demandes
moi, Stéphane Freiss, de parler de moi,
j’aurai certainement plus de difficulté que
si je me sers d’un personnage comme on
le fait maintenant pour te parler des
choses me concernant.
ment auquel te contraint le succès. Parce
que plus tu as du succès, plus on va vouloir
entendre de toi des choses qui vont dans le
sens de ce succès. C’est contre l’idée du
succès que de dire « tu sais, je suis fragile
sur ce point là, tu sais je suis pas très riche
»… Non ! tu es successfull ! Donc tout va
bien ! Tu te retrouves avec des menottes,
certes dorées, mais des menottes quand
même ! Tu n’as plus de liberté pour être
toi-même, les gens ont envie de te voir là
où ils veulent te voir, parce que ça les
rassure, parce que ça les honore…
J’ai toujours eu un peu
peur de l’enfermement
auquel te contraint
le succès.
Comment appréhendes tu le succès ?
Pour moi, le succès n’a de sens que si il
me permet d’accéder à mes choix. Mais
ensuite, les choix de ce succès, je ne les
aime pas car ils sont aliénants !
Inévitablement, un jour ou l’autre, ils vont
créer une pression sur ton caractère, sur
ta personnalité. Moi, ce que je voudrais
c’est garder une vraie intégrité, pas seulement dans mon regard sur la vie mais sur
le regard que les gens porteront sur moi.
Parce qu’il s’agit de moi, et si moi je m’accomplis, je sais que les gens que j’emmène avec moi seront heureux. Ils pourront
me regarder dignement et je pourrais les
regarder dignement. Le théâtre, c’est un
lieu extraordinaire ! Il y a plus que le
spectacle. Il y a le rêve que tu fais quand tu
regardes, au milieu des mots, il y a la projection de ta propre vie. Le théâtre est un
art très difficile : terriblement humain et
très touchant. Il te donne des envies
d’honnêteté et de respect des spectateurs,
qui ont échappé à la facilité de se mettre
devant la télé…
L’autre thème central de la pièce, c’est le
succès et l’importance qu’on lui accorde
dans notre société. Alors que le succès
ce n’est pas forcement la réussite financière, ni la réussite personnelle…
Absolument, c’est tellement vrai ce que tu
dis. Et je te dirais même que le piège dans
lequel certains artistes se sont retrouvés
enfermé, c’est qu’ils n’ont plus d’espace
de vie entre ce succès et ce qu’ils étaient
vraiment. Moi si tu veux c’est pour cela que
j’ai mis ce temps à exister publiquement.
Car, j’ai toujours eu peur de l’enferme-
Cette pièce nous confronte également
à l’irréversible…
Oui, en plus du reste, il y a ça !
Tu as la mort au sens propre, la mort qui
va arriver à certains personnages, notamment au père, et puis la mort des illusions
aussi. La mort de tout : de la jeunesse
comme de l’espoir. Là, tout à coup, en
trois jours – le temps de la pièce - le sens
de ses actes et de ses choix se fait. Alors
évidemment, il n’a plus de père, il n’a plus
de femme, il n’a pas d’enfant… Il est seul,
mais en même temps il est moins ébranlable. Il s’est rempli d’émotions et de
Et pourtant là, depuis que nous parlons,
tu t’es déjà beaucoup dévoilé…
Oui ! Parce que je joue des personnages
qui sont à une vraie distance de moi. Et
c’est ce qu’il fait aussi . Il écrit une chose
qui est à une certaine distance et, dans ce
sas entre lui et le personnage, il espère
recréer un lien avec ce monde là. Mais au
fond il ne rejette ni son judaïsme, ni ses
origines modestes. Il n’a pas honte de ça.
“
Pour revenir à Brooklyn Boy, une des
idées fortes, c’est le rejet de ses origines
par
ton personnage.
Ce n’est pas tout à fait un rejet… Il a besoin,
il veut commencer à exister pour ce qu’il
est. Il veut se débarrasser d’un héritage
qui est plus un poids qu’une liberté. Il a
l’impression qu’en reproduisant le schéma
du père et de la mère il va être comme
son copain dans la pièce, destiné à être ou
marchand de chaussures ou à tenir un
Délicatessen... Il n’en a pas honte mais il
pressent qu’il y a quelque chose qui l’appelle ailleurs. Ce besoin de liberté c’est au
début une fuite. Mais une fuite qui le fait
souffrir, car il aurait voulu vivre en harmonie avec ce monde dans lequel il a grandi.
Il n’y est pas arrivé parce qu’il était appelé
à vivre une autre vie, qui passait justement
par la fuite de Brooklyn, le mariage avec
une black… Il a fait des actes très forts
Ses lieux
Impossible que vous l’ayez
manqué ! Cette rentrée est
la sienne. D’abord au Cinéma,
où il est à l’affiche simultanément de “5x2” et du “Grand
Rôle”, et bien entendu sur
les planches au théâtre - qu’il
affectionne particulièrement avec “Brooklyn Boy”.
Modèle masculin par excellence, Stéphane Freiss est
avant tout un comédien hors
pair. Aujourd’hui, je l’attendais
au Bar des Théâtres,
face à la Comédie des
Champs-Elysées, mais c’est
finalement dans sa loge
qu’il me reçoit...
pour signifier aux gens qu’il aimait, qu’il
avait besoin d’exister pour lui. Il avait envie
de rompre avec l’inéluctabilité du passage
de la transmission.
„
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forces, pour aborder en homme, en maturité, les prochains choix qu’il devra faire. Il
ne sera plus le jeune Brooklyn boy qu’il a
quitté…
Cette pièce se passe à Brooklyn mais elle
aurait pu se passer à Paris...
Oui mais ce qui est intéressant dans le
judaïsme américain c’est qu’il n’est pas
estampillé communautaire…Tu as le petit
ghetto juif de Brooklyn mais c’est l’exotisme du judaïsme qui plaît là-bas. Mais oui,
on pourrait transposer la pièce à Paris car
elle se traduit bien en français. Les sentiments exprimés sont universels que ce
soient les rapports père fils, l’intolérance,
l’excès, le rapport de couple mixte…
“
„
Je me sens très citadin,
très attaché à Paris.
Plus qu’une boutique c’est
un état d’esprit, c’est une philosophie. C’est se sentir bien
dans ses fringues sans
que tu montres que tu portes
quelque chose… L’élégance doit
être discrète, elle est d’abord
pour toi.
10 rue colonel Driant Paris 1e.
Tél. : 01 42 97 44 87
Paul Smith
22-24 bd Raspail Paris 7e.
Tél. : 01 42 84 15 30.
Ses restos
Le Stresa
Accueil toujours aussi simple,
vrai, intègre… J’aime beaucoup
les restaurants italiens
et en particulier celui-là.
7 rue de Chambiges, Paris 8e.
01 47 23 51 62.
Le Bistrot
du sommelier
De Philippe Faure-Brac. C’est
lui qui m’a formé au vin et au
goût du partage !
97 bd Haussmann Paris 8e.
Tél. : 01 42 65 24 85
Tu es un vrai Parisien,
tu es né dans le huitième ?
Oui et je n’ai jamais quitté Paris, sauf
depuis cette année où j’ai pris une maison
à Sèvres. Mais je me sens très citadin, très
attaché à Paris. C’est la ville qui m’a vu
grandir et que j’ai vu grandir. Et puis j’ai eu
ces derniers temps un peu un ras le bol
avec le stress, la pollution, le nombrilisme… Là, je respire un air plus agréable et
je reste à 10 minutes de Paris, mais ça me
change la vie.
Paris pour toi, c’est la capitale de… ?
…mon enfance. Pour moi, Paris c’est
d’abord ça. Je me souviens quand je quittais mon papa rue de la Béotie et que j’allais rue du Général Foy pour aller au
Lycée… Je me souviens du chemin, des
boutiques que je voyais, des deux passages piétons… C’était mon village et il avait
un sens, une odeur, il avait un bruit, il avait
un temps, moi j’aimais ça. Aujourd’hui, j’utilise la ville autrement et je la regarde un
peu moins mais je trouve quand même
que malgré tout avoir 300 pièces et films
par semaine à ta disposition et autant de
musées et le fait que tu puisses vivre le
jour et la nuit…c’est extrtaordinaire. De
toutes les capitales du monde, ça doit être
celle où tu es le plus heureux pour vivre….
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N°6 - JEUDI 21 OCTOBRE 2004 - L’hebdo des bons plans et des petites annonces

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