L`or, toujours une valeur refuge
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L`or, toujours une valeur refuge
L’or, toujours une valeur refuge ? Les portefeuilles de vos clients vous donnent quelques frissons ? Voici quelques pronostics d’économistes de renom à propos du métal jaune. Tout ce qui brille n’est pas une occasion en or… Gérard Bérubé L’or devrait briller de tout son lustre. Pourtant, en dépit de cette crise mondiale qui défie, par son ampleur, la Grande Dépression des années 1930, le métal jaune ne joue toujours pas ce rôle de valeur refuge qui lui est traditionnellement dévolu ou reconnu. Pour Carlos Leitao, économiste en chef et stratège à Valeurs mobilières Banque Laurentienne, l’or ne deviendrait un incontournable que si les États-Unis s’enlisaient dans la crise et la déflation. L’économiste de renom Marc Faber estime que le métal précieux peut s’imposer en raison du risque inflationniste que font peser les imposants stimulants fiscaux et monétaires. Entre l’inflation et la déflation… L’or a-t-il mieux fait en 2008 ? C’est selon. En prenant comme point de référence le sommet de quelque 1 000 $US l’once en mars 2008, l’or, présentement, se maintient légèrement en deçà de cette barre1. « Considérant l’ampleur de la 1 Donnée de février 2009. mars 2009 7 Marc Faber Carlos Leitao www.conseiller.ca L’or, toujours une valeur refuge ? crise, qui est pire qu’en 1929, son cours devrait être beaucoup plus élevé. Le comportement de l’or est décevant », commente Marc Faber. Carlos Leitao n’est pas plus enthousiaste face au métal jaune. L’économiste en chef préfère miser sur le potentiel des éléments d’actif financier, qu’il estime supérieur à celui des éléments d’actif réel tel l’or. « L’or joue un rôle, c’est certain, mais il n’est pas très important », nuance-t-il. Celui à qui l’agence Bloomberg News a accordé le deuxième rang dans son classement 2008 des meilleurs économistes rappelle que cette mission de valeur refuge est présentement accolée aux bons du Trésor et au dollar américains. « C’est ironique parce que c’est par eux que la crise est arrivée. Peutêtre les gens se disent-ils que si l’on atteint le point où les États-Unis font faillite, plus rien ne tiendra. » Il reste que les États-Unis affichent l’économie la plus dynamique du globe. Les premiers à s’être englués dans la récession, ils seront vraissemblablement les premiers à se sortir du bourbier qu’ils ont créé. « Il y a tellement de richesses dans ce pays. Tellement de possibilités aussi. Il serait étonnant que leur cote triple A soit retirée, qu’il y ait perte de confiance envers cet actif », poursuit-il. Pendant ce temps, en Europe, la banque centrale a été trop prudente face à l’inflation et, du point de vue politique fiscale, cette « drôle de bête » qu’est l’Union européenne souffre d’un sérieux problème de cohésion, estime le spécialiste de Valeurs mobilières Banque Laurentienne. L’incontournable manque de liquidité Carlos Leitao rappelle que l’un des grands ingrédients de la présente crise L’économiste Carlos Leitao s’attend à un important rebond de l’activité économique en 2010, suivi d’une décélération marquée en 2011-2012. est le manque de liquidité : c’est le talon d’Achille du système. Et l’or n’est pas un placement liquide; il deviendrait attrayant dans le cas où les États-Unis ne parviendraient pas à s’en sortir. Si les États-Unis étaient contraints de monétiser leur dette, il s’ensuivrait une grande dépression et une déflation très forte. « On se retrouverait alors avec un scénario à la japonaise, à cette décennie [1990] perdue, dominée par la défla- Selon l’économiste Marc Faber, la vaste expansion de la masse monétaire qui a cours aura pour effet de déprécier la monnaie. Les États-Unis sont officiellement en récession depuis décembre 2007. « Ils ont été les premiers à entrer en récession et ils ont adopté des mesures vigoureuses », estime M. Leitao. www.conseiller.ca scénario à la japonaise impliquerait un plongeon du S&P 500 à 300 », illustre le célèbre gestionnaire. Cet indice boursier, représentatif de Wall Street, se situe présentement autour des 830 points. Celui que l’on surnomme Dr Doom, qui se classe dans le camp des contrarians, des anticonformistes, ne veut pas s’aventurer davantage. Il parle d’un rebond en bourse. Le mois dernier, autour d’une table d’experts organisée par l’hebdomadaire financier Barron’s, il voyait le S&P 500 remonter tion. L’investissement en actif financier serait alors hasardeux, l’actif réel serait à privilégier. Mais j’accorde très peu de probabilité à ce scénario. » Marc Faber avance une cible. « Un conseiller 8 à 1 100. Mais pour la suite, « il faudra voir dans trois mois ».2 Le gestionnaire d’origine suisse, auteur de la lettre financière Gloom, Boom & Doom Report, demeure favorable à l’or. Mais « je ne dis pas de tout mettre dans l’or », insiste-t-il, recommandant aussi d’accorder une attention aux liquidités. Si le métal jaune ne brille pas présentement de tous ses feux, son lustre est terni par l’absence momentanée d’inflation, par la faiblesse des taux d’intérêt et par une baisse de la demande à des fins commerciales et industrielles. S’ajoute cette perception voulant que, sur un horizon à long terme, les actions et l’immobilier offrent un meilleur rendement que l’or. Il est également vrai que l’or n’est pas aussi monnayable que l’argent, déposé à la banque dans l’espoir que cette dernière sera en mesure de redonner cet argent à la demande, laisse-t-il tomber sur un ton quelque peu sarcastique. Marc Faber estime que cette vaste 2Propos recueillis fin janvier 2009. expansion de la masse monétaire qui a cours aura pour effet de déprécier la monnaie. Cette dépréciation, combinée à l’effet inflationniste de la croissance de la masse monétaire, redonne à l’or son étiquette de valeur refuge. D’autant qu’à ses yeux, les États-Unis ne sont pas nécessairement un endroit sûr pour mettre les liquidités à l’abri. En matière de conjoncture économique, le pire n’est pas derrière, soutient-il. « Avec toute cette monnaie qu’ils impriment, l’or s’en trouve favorisé. Avec ces taux d’intérêt de court terme à zéro, le coût d’opportunité s’en trouve réduit », ajoute le gestionnaire qui n’écarte pas la possibilité que la stagflation puisse emboîter le pas à l’inflation l’an prochain. L’offensive de la Fed Les besoins financiers des gouvernements sont énormes et sans précédent. Le financement requis par les États-Unis est évalué à 2 000 milliards $US cette année. Pour l’Europe, il devrait atteindre les 1 000 milliards de dollars, alors que celui des pays de l’Asie n’est pas encore chiffré. Au-delà de cette demande visant à financer dette et déficit, la Réserve fédérale (Fed) applique des mesures, dites quantitatives, qui font appel massivement à son bilan. Carlos Leitao ne s’en fait pas : « Un tel niveau de financement m’aurait inquiété si, au même moment, le secteur privé avait été en expansion. Il y aurait eu, alors, ce que l’on appelle un effet d’éviction (crowding out). » Les analystes du Mouvement Desjardins vont plus loin, dans leur Point de vue publié le 15 janvier dernier, en démontrant que, malgré l’offensive musclée de la Fed, « la masse monétaire n’est pas en voie d’exploser. Au contraire, n’eut été les gestes posés, la masse monétaire se serait même probablement repliée au cours des derniers mois, ce qui aurait accru les risques de déflation ». analyses et Prévisions L’économiste de Desjardins Hendrix Vachon retient dans son analyse que la banque centrale américaine parvient à éviter, pour l’heure, le recours à la planche à billets. Dans l’ensemble, l’effet devrait donc être neutre sur l’inflation. La Fed procède essentiellement par la vente de ses propres actifs, soit des titres du Trésor particulièrement prisés ces temps-ci, par un prêt consenti par le Trésor américain et par l’utilisation des réserves excédentaires des institutions financières, ces dernières demeurant assises sur des montagnes de liquidités. « Le resserrement des conditions de crédit par les institutions financières interfère dans le processus normal de création de la monnaie et sur la quantité de monnaie disponible dans l’économie », renchérit M. Vachon. « Étant donné que la masse monétaire subit des pressions baissières en raison d’une contraction du crédit par les institutions financières et que les interventions de la Fed sous-tendent une utilisation responsable de la planche à billets, les risques d’une inflation monétaire sont très faibles », ajoute-t-il. Le risque inflationniste vient plutôt de la stratégie de sortie que la banque centrale devra appliquer. « Des pressions inflationnistes à moyen terme pourraient surgir si la Fed attendait trop longtemps avant de dénouer ses engagements et de remonter ses taux d’intérêt directeurs. » « Il va bien falloir retirer tout cela ! », insiste Carlos Leitao. L’économiste soutient qu’une telle intervention des autorités monétaires, nécessaire dans les circonstances, ne sera pas sans créer des distorsions. Il s’attend à des cycles économiques de plus grande amplitude pour les prochaines années, similaires au paysage économique ayant prévalu au cours des années 1980 : un important rebond de l’activité économique en 2010, suivi d’une décélération marquée en 2011-2012. mars 2009 9 Un des grands ingrédients de la présente crise est le manque de liquidité. Et l’or n’est pas un placement liquide. Pour l’immédiat, « je ne suis pas aussi pessimiste que la Banque du Canada pour 2009, et pas aussi optimiste pour 2010. » Ses prévisions font ressortir une contraction du PIB de 1 % en 2009, suivie d’un rebond de 2 % l’an prochain. En janvier dernier, lorsqu’elle annonçait une réduction d’un demi-point de pourcentage de son taux cible, de 1,5 % à 1 %, la banque centrale canadienne a surpris en doublant sa cible de contraction du PIB à 1,2 % en 2009, contre 0,6 % lors de sa prévision d’octobre. Du même souffle, elle réajustait à la hausse sa cible pour 2010, le rebond attendu devenant 3,8 %, contre 3,4 % avancé précédemment, cette projection situant la banque parmi les prévisionnistes les plus optimistes pour 2010. Une semaine plus tard, le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, qualifiait d’improbable le basculement du Canada dans la déflation. L’évolution de l’indice des prix à la consommation devrait être négative au deuxième et troisième trimestres de 2009, mais ce recul attribuable à la chute des prix de l’énergie sera, pense-t-il, de courte durée. www.conseiller.ca