La branche de noisetier

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La branche de noisetier
La branche de noisetier :
Anne A. d’après « le Char de la mort » de Anatole Le Braz
C’était par un beau soir de juin
Quand les nuits sont si douces
Et qu’on peut laisser les bêtes dormir dehors.
Pierrik s’en revenait de mener ses chevaux au pré.
Insouciant et gai,
Un brin de foin aux lèvres,
Le jeune homme marchait,
Sifflotant sous la lune.
Il songeait que bientôt,
Trois jours exactement,
Il serait à danser avec sa fiancée,
Et tous deux ôteraient
Leurs lourds sabots de bois
Pour sauter en riant par dessus l’feu d’ Saint-Jean !
Voici que tout à coup à l’encontre de lui,
Il entend cahoter une charrette à l’essieu mal graissé :
Wik-wak, wik-wak, se lamentait l’essieu.
« A n’en point douter, se dit-il,
Voici venir la brouette de la mort, « Karriguel ann Ankou » !
Enfin je vais pouvoir détailler tout mon Soult
Le fameux équipage tant redouté de tous! »
Avisant sur le bord une partie de fossé
Bien cachée par une grosse touffe de noisetiers
Pierrik descend dedans. Et attend !
Il la voit apparaître la sinistre charrette
Avec, marchant devant, un gros être bouffi,
Et puis menant les rênes et sur le siège assis,
Lui, Lui c’est à dire l’Ankou
Exactement semblable à sa statue dans l’église !
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Sa tête est de squelette,
Elle tourne sur elle-même
Telle une girouette ;
Luisant à ses côtés,
La faux, bien aiguisée, sa lame retournée ;
Cheveux filasse et longs.
Ses pantalons ? Des bragou-braz bretons
Et le chupenn brodé, gilet traditionnel
Aux rubans assortis à ceux du grand chapeau.
Les habits sont hors d’âge et tout effilochés,
Et s’approchant de lui ça sentait le pourri !
C’est à ce moment-là que dans un sourd craquement
L’essieu s’est brisé sec
Arrêtant la charrette.
L’Ankou s’est adressé à l’être allant à pied :
« Il nous faut réparer ! Pour faire un essieu neuf, prends une branche de
noisetier ! »
« Malheur ! » s’est dit Pierrik, qui regrette amèrement sa curiosité et sa
témérité !
Bravant les interdits
il avait pu le voir LUI !
De plus la voix funèbre, il l’avait reconnue
C’était celle du boucher, le dernier décédé
Au bourg l’année passée !
Mais les ouvriers de la mort ont font comme si de rien n’était :
Coupant, taillant, réparant.
Et la charrette est repartie
Se perdant dans la nuit.
Le jeune homme, sitôt rentré, s’est jeté sur son lit
Sachant bien que, sous peu, le châtiment viendrait !
Le lendemain matin, une forte fièvre l’a pris.
Et puis, le jour suivant, veille de la Saint-Jean,
Pierrik fut enterré, pleuré par les vivants.
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