Paysages et imagination. Apports et relations de l

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Paysages et imagination. Apports et relations de l
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Paysages et imagination. Apports et relations de l’imagination et des imaginaires au projet de paysage. — LACTH — 23 septembre 2015 Paysages et imagination. Apports et relations de l’imagination et des
imaginaires au projet de paysage.
Journée d’étude
“On rêve avant de contempler. Avant d'être un spectacle conscient, tout paysage est
une expérience onirique. On ne regarde avec une passion esthétique que les paysages
qu'on a d'abord vus en rêve. Et c'est avec raison que Tieck a reconnu dans le rêve
humain le préambule de la beauté naturelle. L'unité d'un paysage s’offre comme
l'accomplissement d'un rêve souvent rêvé, “wie die Erfüllung eines oft getraumten
Traums” (L. Tieck, Werke, t.V, p. 10). Mais le paysage onirique n'est pas un cadre qui
se remplit d'impressions, c'est une matière qui foisonne.”
Gaston Bachelard, L'eau et les rêves, José Corti, 1978
Décrite par la philosophie comme dépendante de deux structures cognitives : une faculté motrice et une faculté
imageante, l'imagination fait l'objet d'un paradoxe théorique. Faculté de l'esprit envisagé par Gaston Bachelard
comme puissance de déformation et de transformation du réel, activité mentale décrite par la psychanalyse
comme apte à imager tout à la fois le désir, la volonté, l’idéal, l’effroi et le convenu, elle est aussi envisagée, par
Jean-Paul Sartre notamment, dans sa capacité à "déréaliser", "absenter" voire "néantiser" son objet. Il ne s’agit
pas ici de discuter ou de trancher ce paradoxe mais de s’intéresser aux différents rapports qu'entretiennent ces
définitions de l’imagination et de l’imaginaire avec la formation et la transformation de ce que nous appelons
communément le « paysage ».
Il s'agit par cette journée thématique de s’intéresser à l'imagination et à l'imaginaire comme à des sources vives
qui ouvrent des horizons nous permettant d’agir sur le monde, irriguent toute à la fois la construction culturelle,
symbolique et collective du terme de paysage, la pratique effective de son aménagement par une sphère
professionnelle, et la réception de cette pratique aménagiste. Quelle part active l’imagination prend-t-elle dans le
projet de paysage ? Comment aide-t-elle à concevoir ? Ou comment handicape-t-elle la conception? Quels sont
les archétypes, stéréotypes, les fantasmes, les fixations, et/ou les mobilités et motricités psychiques qui président
à une imagination « paysageante »? Paysage est ici compris dans le contexte du projet de paysage, lequel associe
toujours une réalité matérielle, une histoire culturelle et une intention de transformation, de conservation ou de
mise en valeur de cette réalité. Dès lors, le terme de « paysage » induit une considération de la diversité des
enjeux et des acteurs.
Nous proposons ainsi trois axes de réflexion :
La pratique des paysagistes
Puissance transformatrice et imageante, faculté liée a priori à toute activité créative, l’imagination pourrait
naturellement se présenter comme l’une des activités majeures de la pratique du projet de paysage. Une
hypothèse voudrait que l'imaginaire d'un concepteur, comme celle d'un créateur, devrait rester secrète, sorte de
boite noire mettant à couvert toutes formes de transgressions, de régressions voire de naïvetés peu compatibles
avec le sérieux de l’ingénierie et de l’expertise. Une autre hypothèse envisage la possibilité d'échanges féconds
entre l'imagination et le savoir, le second ne recouvrant pas la première mais travaillant avec elle. Il s'agit ici de
recueillir des expériences à même de nourrir l'analyse de ces rapports entre imagination et projetation. Nous
proposons d'aborder cette analyse autours de trois questions : l'imaginaire d'un paysagiste est-il visible ? Est-il
dicible ? Est-il négociable ?
La première question interroge plus particulièrement les rapports de l'imagination avec les activités imageantes
ou représentatives induites par le projet. Dessiner, maquetter un projet est-ce donner forme à un imaginaire ? Estce incarner l'imagination ou l'impulser ? L'image projectuelle rend-t-elle visible l'à-venir ? et/ou rend-t-elle
invisible l'existant ? Quels sont les liens entre imaginaire et prise de conscience du lieu ?
La seconde question s'intéresse aux conditions professionnelles. L’imagination est-elle une activité
communicable dans le cadre des discours professionnels ? Est-elle directement valorisée comme faisant partie
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Paysages et imagination. Apports et relations de l’imagination et des imaginaires au projet de paysage. — LACTH — 23 septembre 2015 des compétences ou du travail attendu ? Ou bien est-elle recouverte par les dimensions du savoir, de l’analyse et
de la volonté, dimensions a priori plus objectives et/ou plus opérationnelles ? La dernière question tente enfin
d'interroger l'expérience des paysagistes sur les bonheurs ou les difficultés liées à l'imaginaire collectif.
Comment la faculté d’imagination du maître d’œuvre dialogue-t-elle avec un imaginaire collectif ? Un projet de
paysage est-il apte à engendrer un tel imaginaire ? Comment « le paysage » passe-t-il, ou ne passe-t-il pas, de
l’imagination de l’un à celle d’un autre, à celle d’autres, de beaucoup d’autres ?
L’approche historique
Deux entrées principales sont proposées pour les approches historiques, portant soit sur un projet précis, réalisé
ou utopique, soit sur l’œuvre d’un-e paysagiste. La première entrée s'attacherait explicitement aux imaginaires.
Elle chercherait soit à découvrir les images fixes, voire les stéréotypes et l'univers symbolique propre à un
concepteur, soit à montrer comment certains projets utilisent et mettent en scène les stéréotypes et symboles
attachés à un lieu ou un territoire, ou bien encore à décrire l’imaginaire propre à une période historique associant
par exemple, des réalisations, des éléments de discours, des modalités de représentation du paysage. Au-delà ou
en deçà du paysage, cette dernière approche est ouverte à l’histoire des jardins. La seconde entrée s'aventurerait à
décrire l'imagination propre à un concepteur ou à un projet comme faculté motrice (« faculté du possible » selon
Gilbert Durand), à savoir ce qui entraîne à une mise en forme, à une composition, à une spatialisation.
La réception des projets de paysage :
Que ce soit en milieu urbain, péri urbain ou rural, l’imagination et l’imaginaire participent-ils de la réception
(acceptation ou rejet) des projets d’aménagement paysager ? Cet axe de réflexion recouvre deux sortes
d’interrogation. L’imagination et l’imaginaire sont-ils partis prenante des discours promotionnels et critiques ?
Induisent-ils des pratiques, des usages, un attrait, un désintérêt, qui n’auraient peut-être pas été envisagés dans le
projet lui-même et qui lui apporteraient une interprétation nouvelle ? La première interrogation se fonderait sur
une analyse des discours ; d’une part, ceux du concepteur et de la maîtrise d’ouvrage via les supports de
communication et de promotion du projet, d’autre part, ceux des associations, de la presse (générale ou
spécialisée) et des habitants via l’ensemble des supports critiques. Il s’agirait alors de s’intéresser à l’apport et à
l’utilisation de l’imaginaire (en tant que réservoir d’images renvoyant à des structures fondamentales) et/ou à
l’apport de l’imagination (en tant que faculté) dans l’évocation d’un projet, sa définition dans un cahier des
charges, sa communication ou sa mise en discours. L’analyse critique pourra être conduite, entre autres, par le
souci d’évaluer si l’imaginaire mis en jeu (dans un projet ou un contre-projet), se révèle comme motif
d’adhésion, de conflits ou de désaffection de la part des différents acteurs et locuteurs concernés. La seconde
interrogation se fonde sur l’articulation féconde indiquée par Michel Conan à propos du jardin, entre la
conception d’un espace (avec ce qui le constitue concrètement), sa pratique (ou les activités qui s’y déroulent) et
le sens imaginé associé à son expérience (ou sa réception émotionnelle). Cette articulation entre projetation et
réception imaginée, permet d’interroger ce qui engage les personnes à réaliser certains gestes ou actions dans un
paysage conçu, parfois à d’autres fins.
Plutôt que de répondre définitivement à ces nombreuses questions, l’ambition de cette journée d’étude est de les
illustrer ou de les incarner par la présentation de pratiques projectuelles, éventuellement artistiques,
pédagogiques, théoriques ou socio-politiques, qui renvoient, d’une manière ou d’une autre, au projet de paysage.
On y cherchera moins à produire “un cadre qui se remplit d'impressions”, qu’à rassembler “une matière qui
foisonne” (Bachelard) et qui met en mouvement.
Cette Journée thématique, ouverte, entre autres, aux jeunes chercheurs et doctorants, participe à un appel à
contributions (qui sera lancé au printemps 2015) portant sur la même thématique pour une publication dans le
numéro 14 de la revue Projets de paysage, à paraître au premier semestre 2016. (www.projetsdepaysage.fr)
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Paysages et imagination. Apports et relations de l’imagination et des imaginaires au projet de paysage. — LACTH — 23 septembre 2015 Bibliographie indicative
• BACHELARD Gaston, La poétique de l’espace, Paris, Les Presses universitaires de France, 1957
• —, L’air et les songes. Essai sur l’imagination du mouvement, Paris, José Corti, 1943
• —, L'Eau et les rêves : essai sur l'imagination de la matière, Paris, José Corti, 1941
• COLLOT Michel La Pensée-Paysage, Arles, Actes-Sud, 2011
• CONAN Michel Gardens and Imagination : Cultural History and Agency, Washington, Dumbarton
Oaks Research Library and Collection, 2008
• DAMASIO Antonio R. L’erreur de Descartes, Paris, trad. par Marcel Blanc, éd. Odile Jacob, 2001
• DURAND Gilbert L’Imagination symbolique, Paris, Les Presses universitaires de France, 1964
• — Les Structures symboliques de l’imaginaire. Introduction à l’archétypologie générale, [1960], Paris,
Dunod, 1992
• JACKSON J.B. De la nécessité des ruines, trad. de l'américain par S. Marot, Paris, du Linteau, 2005
• —, A la découverte du paysage vernaculaire, Arles, Actes Sud, 2003
• SARTRE Jean-Paul, L’imaginaire, Paris, Gallimard, 1940
• —, L’imagination, Paris, PUF, 1936
• SIMONDON Gilbert Imagination et Invention, (cours 1965-1966) Les Éditions de la Transparence,
Chatou, 2008
• Terrain, 60 : [n° thématique : V. Manceron et M. Roué (éd.), L’imaginaire écologique], 2013.
Direction scientifique
Sylvie Brosseau (Architecte-chercheure, université Waseda, Tokyo), Sabine Ehrmann
(Artiste, Docteur en Esthétique, Enseignante et chercheuse en Paysage, Ensapl,
LACTH) et Catherine Grout (Professeure d’esthétique, HDR, ensapl, chercheure au
LACTH)
Suivi
Mathilde Christmann
Contact
[email protected]
Calendrier
19 février : lancement de l’appel à participation
1er avril : envoi de la proposition
2 mai : avis du comité scientifique
10 juillet : envoi de la proposition développée
23 septembre 2015 : Journée d’étude
Lieu
ens{ap}Lille et LACTH
Organisation
ens{ap}Lille
Soutien
MEDDE, ens{ap}Lille
Comité scientifique
Sylvie Brosseau, Sabine Ehrmann, Catherine Grout, Louis-Michel Nourry (Professeur
honoraire des Ecoles d'Architecture, Historien des jardins et du paysage), Rita
Occhiuto* (Professeure à la Faculté d’Architecture, Université de Liège, architetepaysagiste), Anne Sgard* (Professeure associée à l’université de Genève, géographe)
(*sous réserve)
Modalités de
contribution
•
•
Une proposition résumée de 1500 à 2000 signes sera transmise à Mathilde
Christmann, [email protected] , au plus tard le 1er avril afin d’être
soumise au comité scientifique.
Les contributions développées autour de 5000 signes doivent parvenir au plus tard
le 10 juillet.