Forum Opera - Opéra national de Lorraine

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Orphée et Eurydice - Nancy - Critique | Forum Opéra
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D’un trio faire un quatuor, ou presque
Orphée et Eurydice - Nancy
Par Laurent Bury | dim 03 Avril 2016 |
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Trois solistes pour un opéra d’une heure et demie, c’est peu, surtout quand deux des trois ont
finalement assez peu de choses à chanter. A défaut d’ajouter une voix supplémentaire – de nos
jours, il faut s’attendre à tout –, Ivan Alexandre a pris le parti, pour son Orfeo ed Euridice,
d’ajouter un personnage que le livret de Calzabigi ne prévoyait pas, mais dont l'introduction
semble parfaitement justifiée : grâce à la présence de la Mort, l’opéra de Gluck offre un
quatrième protagoniste à part entière, muet mais présent du début à la fin. Après avoir été un
Cupidon double de Chérubin dans les inoubliables Nozze di Figaro de Claus Guth à Salzbourg,
Uli Kirsch est non plus Eros mais Thanatos, dûment grimé en squelette pour la moitié
supérieure, motard gainé de cuir pour la partie inférieure. Dès les premiers instants de ce
spectacle visuellement splendide, initialement dirigé par Marc Minkowski lors de la
Mozartwoche 2014 à Salzbourg et repris peu après à Grenoble avec la même distribution, la
Mort est pour Orphée un rival, qui tente d’attirer à lui Eurydice, qui y parvient un moment, mais
qui doit finalement céder à la puissance de l’Amour devenu ici force vitale. Le combat entre les
deux entités se poursuit néanmoins jusqu’aux dernières secondes et l’issue en reste incertaine,
puisque Eurydice est également Eve, croquant la pomme que Thanatos lui tend durant le ballet
final avant de s’emparer de la planète Terre sur laquelle Eros voulait asseoir son autorité. Le
somptueux décor, pour une fois immobile, noir et or – et un peu rouge, aussi – qu’a imaginé
PierrePierre-André Weitz est à la fois théâtre dans le théâtre (référence sans doute inévitable pour le
mythe fondateur de l’opéra), boîte à multiples fonds incluant le harpiste Julien Marcou dont
l’instrument est chargé d'évoquer la lyre d’Orphée, et espace de jeu où une simple table dorée
se métamorphose en lit, en miroir ou en tout autre accessoire nécessaire. Le chœur, en
costume cravate, assiste d’abord aux amours éphémères d’Orphée et Eurydice comme autant
de spectateurs d’opéra, se range dans des tribunes latérales pour devenirs les âmes des
Enfers, puis s’en échappe pour reformer des couples d’amants à la fin de l’œuvre.
@ Opéra national de Lorraine
Si l’on savait déjà que l’Orchestre
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy bénéficiait d’un écrin où la
e
musique du XVIII siècle sonne admirablement, on n’avait jusqu’ici pas encore eu l’occasion
d’entendre son nouveau chef, Rani Calderon,
Calderon dans ce répertoire-là, puisqu’il n’avait encore
dirigé à l’Opéra de Lorraine que des œuvres écrites entre Nabucco et Turandot. Aucune
inquiétude à avoir, Gluck ne lui pose aucun problème, et Orphée est un opéra qu’il a déjà
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dirigé, ainsi que de nombreux Mozart. L’orchestre est moderne, mais la battue est vive, et les
trois actes sont enchaînés sans rupture et sans faiblir un instant.
Si le comédien Uli Kirch était déjà la Mort à Salzbourg il y a deux ans, le reste du quatuor est
entièrement renouvelé. Norma Nahoun est un Amour épatant, gavroche en perfecto à ailes
blanches, et séduit par sa vivacité. Véritable « compagna di morte », comme on dit dans un
autre opéra de Gluck, l’Eurydice de Lenka Máčiková
Má iková réussit à être émouvante pendant le peu
de temps qu’elle a à chanter, alors qu’elle est, elle aussi, présente du début à la fin de la
représentation. Reste Orphée, et c’est là qu’on hésite à parler de quatuor, dans la mesure où ce
qui devrait être un des sommets du triangle (ou du carré) n’en est peut-être pas le point le plus
solide. Non en termes de volume sonore : Christopher Ainslie possède une projection
amplement suffisante pour se faire entendre dans la salle, mais c’est plutôt sur le plan de
l’incarnation que le bât blesse, car cet amant éperdu semble assez peu concerné par le drame.
Pas d’un point de vue scénique, car l’acteur s’investit pleinement, avec un jeu tout à fait
physique, notamment dans son affrontement avec Thanatos. Non, c’est dans la voix que l’on
peine à percevoir les souffrances du personnage, en partie à cause d’un italien assez plat, en
partie sans doute à cause des couleurs du timbre même. L'intensité vibrante d’un Franco
Fagioli rendrait-elle désormais plus difficiles à accepter les notes droites de la majorité des
contre-ténors ? Gageons que Bejun Mehta à Salzbourg et Grenoble savait autrement toucher.
Le contre-ténor sud-africain fait pourtant une belle carrière, et la deuxième perte d’Eurydice lui
arrache enfin des accents moins placides. Peut-être Haendel, qu’il fréquente beaucoup, lui
convient-il mieux, et l’on espère pouvoir bientôt en juger.
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NOTE FORUMOPERA.COM Compositeur Gluck, Christoph Willibald
Oeuvre Orfeo ed Euridice
Artistes Calderon, Rani
Alexandre, Ivan
Ainslie, Christopher
Nahoun, Norma
Macikova, Lenka
Orchestre Symphonique et lyrique de Nancy
Ville Nancy
Saison SAISON 2015/2016
Infos sur l'oeuvre Action théâtrale en trois actes, livret de Ranieri de' Calzabigi
Créé au Burgtheater de Vienne, le 5 octobre 1762
DÉTAILS Mise en scène
Ivan Alexandre
Décors et costumes
Pierre-André Weitz
Lumières
Bertrand Killy
Orphée
Christopher Ainslie
Eurydice
Lenka Máčiková
L'Amour
Norma Nahoun
La Mort
Uli Kirsch
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Choeur de l'Opéra national de Lorraine
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
Direction musicale
Rani Calderon
Opéra de Nancy, dimanche 3 avril, 15 heures
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•
— Ah mais non, je parlais
de Jean-Michel, effectivement parfait
Emilia Marty au masculin. C'est dire s'il
— Alfredo avait à la fois
tendresse et admiration pour son frère. Il
en parlait en disant "nous sommes une
Mort du ténor Gegam Grigorian
•
— Découvert sur
le blog de Franz Muzzano, le Lenski de
Gegam Grigorian dans un "Kuda, kuda"
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AUTEUR
LAURENT BURY
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