Tim...un formidable espoir - Site de l`association des AET
Transcription
Tim...un formidable espoir - Site de l`association des AET
Tim. "Les coups les plus violents, je les ai reçus de celui qui aurait dû me prendre par la main…" Tim naquit à la fin des années cinquante, il est donc aujourd’hui quinquagénaire, et le moins que l’on puisse dire est que la vie ne fut pas toujours tendre avec lui. C’est à trois ans que le malheur le frappe pour la première fois et le laisse, abandonné par sa mère, attaché à un poteau au pied duquel il passe la nuit. Une patrouille de gendarmes le délivre au matin, frigorifié et effrayé, et il est rendu à son père. Celui-ci, frappé par le départ de sa femme, se met à boire ; trop, et Tim est confié à une tante qui le soigne comme son enfant. Puis, un jour, ayant trouvé une compagne, le père vient le rechercher. La compagne a cinq enfants, qu’elle soigne avec amour, mais Tim est pour elle le bâtard. Souvent féroces, les mauvais traitements commencent. Quand ce n’est pas la mégère, c’est le père, qui boit de plus en plus, et fait porter au gamin tout le poids de son ressentiment à l’égard de celle qui est partie. Jusqu’à ce jour où l’horreur est atteinte. Tim, après trois jours de coma, se retrouve à l’hôpital. Il y restera deux ans et demi, le temps de réparer les dégâts et de réapprendre à marcher – sa volonté, déjà, l’y aidera - sans la moindre nouvelle, et sans une seule visite de sa famille. Une famille dont il aura l’occasion de mesurer l’absence lors du séjour qui suivra dans un centre de rééducation d’Arcachon. Là, il aura le loisir d’observer la vie des enfants d’une maison du voisinage où demeure une famille heureuse ; une maison qui, dans sa mémoire, restera la maison du bonheur. Quand il est rétabli mais marqué, on s’en doute, dans sa chair et dans son esprit, une assistante sociale vient le chercher. Exposé dans une sorte de marché aux enfants abandonnés, soumis à l’examen et au choix des candidats à l’adoption, il reste sur le carreau. "Parce que nous sommes trop moches", lui dit un compagnon d’infortune qui s’est retrouvé dans la même situation. Une semaine plus tard, nouvel échec, et une psychologue, qui ne fait que consulter le dossier, le déclare malade. Les représentants de l’administration, dès lors, n’auront que rarement un beau rôle, la sensibilité n’est pas leur fort. Aussi, puisqu’il est malade, on décide de l’hospitaliser … dans une clinique d’internement. Il y devient une sorte de zombie ; heureusement, après neuf mois de ce nouveau cauchemar, un médecin, un vrai, un nouveau, voit du premier coup d’œil que Tim n’a rien à faire là. On le confie alors à une famille d’accueil, dans une ferme. Trois autres enfants y sont déjà accueillis et deux chambres sont préparées pour eux, mais elles ne servent que lors des visites de contrôle de l’assistante sociale car la fermière, à la fois abominable marâtre, tortionnaire et hypocrite grenouille de bénitier, une sorte d’esclavagiste, n’était intéressée que par l’argent que lui donnait l’administration. Mal nourris et corvéables à merci, les enfants vivent dans la grange et n’ont d’autre lit que la paille. L’école, les devoirs et leçons ne viennent qu’en dernier lieu, et les résultats, naturellement mauvais, sont la cause de nouveaux tourments. Les visites de l’assistante sociale ne servent à rien, et Tim en arrive à tenter de se suicider ; il se rate. Une violence supplémentaire du bourreau provoque une fracture, et ce n’est que le lendemain que le gamin est conduit à l’hôpital où les médecins comprennent ce qui se passe. Tim est alors confié à une autre famille où il trouve enfin l’amour qu’il cherche et, pendant quelques mois, vit heureux. Mais un jeu dangereux, en compagnie d’un autre gamin, se termine mal et le rêve se brise. L’étape suivante sera la maison de correction. Tim se trouve alors pris dans un système dénué de sensibilité ou, pour être direct, un monde où règne d’abord la brutalité. Celle des éducateurs, qui ont de leur métier une notion particulière, essentiellement fondée sur le châtiment corporel, une brutalité qui s’ajoute à celle de ses nombreux compagnons d’infortune dont, un temps durant, il deviendra le souffre-douleur. Soumis aux brimades des uns et des autres, Tim, pendant quelques mois, vit dans l’inquiétude permanente et se replie sur lui-même. Mais les malheurs endurés l’ont marqué, et peu à peu l’ont rendu résistant. Progressivement un esprit de révolte monte en lui, jusqu’au jour où les malheurs et souffrances jusque là endurés en font un fauve. La première réaction est d’une rare violence, et celui de ses compagnons d’infortune qui en a été la cause, et qui en fait les frais, ne l’oubliera sans doute pas. Nouveaux coups, reçus cette fois des éducateurs, et qui font office de punition, avant que Tim ne soit transféré dans une autre section, celle des "durs"… Ceux-ci n’ont pas volé leur qualification et s’en prennent immédiatement au nouveau venu. Une seule fois, car la réaction est immédiate et les meneurs en comprennent le sens, mais Tim est à nouveau envoyé un cran plus bas, chez les durs de durs, de cinq à six ans plus âgés que lui. Il n’est pas très rassuré mais, surprise !... il est bien reçu. Ses nouveaux camarades ont entendu parler de lui et l’accueillent comme un petit frère. Les autres, en revanche, ceux de la catégorie intermédiaire, ne sont toujours pas satisfaits et réussissent à le faire accuser d’une faute qu’il n’a pas commise. Nouvelle punition, totalement injustifiée, mais Tim sait d’où le coup est parti et, désormais sans peur, il le fait payer, comme il sait désormais le faire. Ses coups font mal, mais il sait bien entendu qu’il va devoir lui aussi payer un prix en retour. Il décide donc de fuir et, tentant le tout pour le tout, réussit à franchir le mur de clôture et ses barbelés. Le voilà libre ; il a douze ans… Sachant que l’on ne va pas manquer de le rechercher, il prend toutes précautions et ne marche que la nuit, de préférence en longeant les voies ferrées et en se nourrissant et désaltérant tant bien que mal, dans des conditions où l’hygiène n’a pas sa place. Il se rend malade, mais tient bon, gardant le cap sur Paris dont un camarade d’infortune lui a un jour dit que la ville était tellement grande que l’on pouvait aisément s’y cacher. Après bien des difficultés, en particulier la faim et la soif, il y parvient. Vivant de maraude et de rapine, dormant dans un abri à vélos, il survit. Mais y subit aussi la violence de certain personnage peu recommandable, une violence qui le blessera durablement… Puis il rencontre deux malfrats, l’un méchant et peu recommandable, l’autre plus humain qui le prend sous sa protection. La vie de Tim devient plus facile, mais cela a un prix, un temps durant il devient leur complice, assurant le guet lors des mauvais coups, puis devenant même acteur, gigolo à temps partiel. Il a quatorze ans, et frôle chaque jour un peu plus le risque de virer au banditisme. Mais cela ne dure qu’un temps, un jour, un coup auquel Tim ne participe pas tourne mal. Le méchant quitte la scène, le bon estime devoir changer de vie, et disparaît de celle de Tim qui se retrouve à nouveau livré à lui-même. La première période confortable de sa courte existence a pris fin et Tim retrouve son hangar à vélos ou à l’occasion une cave d’immeuble. Pour survivre, il doit trouver du travail. Avec l’aide d’un inconnu compréhensif, et au prix de quelques mensonges, l’oubli de papiers qui n’existent pas, il en trouve, et parvient sans peine à donner toute satisfaction à son patron. Les choses se normalisent un peu, en dépit des conditions de logement. Ainsi, la toilette corporelle se réduit-elle à une douche hebdomadaire, à la piscine voisine. Il travaille pour une épicerie qui a pignon sur rue. Cela lui vaut d’aller faire des livraisons chez des artistes, ou à la maison de la radio où il rencontre les Frères Jacques qui l’impressionnent par leur gentillesse et leur sérieux au travail. Il rencontre aussi Monsieur Léon, un clochard, naufragé de la vie, qui tint jadis le haut du pavé. Celui-ci se prend d’amitié pour Tim, et commence à combler ses lacunes culturelles. Mais un jour, Tim laisse tomber sa garde, et se fait surprendre par une patrouille de police. Fin de l’entracte, et retour chez un juge qui le renvoie dans une autre maison de correction où il est attendu d’un pied un peu trop ferme. Les violences recommencent, mais Tim s’est endurci, soudain il explose et fait face à ses tourmenteurs, avec suffisamment de détermination pour les inciter à se monter plus prudents ; cela ne suffira toutefois pas à empêcher les brimades. Elles ne dureront pas, car Tim est décidé à jouer son va tout. Il parvient rapidement à s’échapper à nouveau. Il regagne Paris où, à défaut de reprendre son travail, il retrouve un compagnon d’infortune, ainsi que son vieil ami Monsieur Léon. Mais peu après ce dernier disparaît, victime d’un accident de la circulation. Nouvelle épreuve, nouveau relâchement de son attention, il est repris. C’est alors l’amorce d’un changement qui peu à peu le conduira sur une nouvelle voie. Elle s’ouvrira avec la rencontre d’un nouveau juge, en fait une magistrate, en apparence revêche mais au cœur généreux, qui guide et soutient Tim dans ses efforts pour sortir du cycle infernal. Pour obtenir une dispense, il adresse une lettre - qui sort un peu de l’ordinaire - au Président de la République, afin d’obtenir l’autorisation de suivre un stage de tailleur de pierre. La réponse est favorable, et Tim en gardera une grande reconnaissance envers son "père administratif", le Président Pompidou. Le premier contact avec le chef de chantier qui va le prendre en apprentissage, un compagnon du devoir, est un peu rude, mais rapidement la confiance s’établit et les choses s’arrangent, sauf lorsque le tempérament violent de Tim reprend le dessus. La moindre provocation ou une impression ressentie suffisent. Le chef de chantier l’aide à se contrôler, et des progrès sont accomplis. Puis un jour, il a seize ans, Tim découvre une salle de boxe. Il y entre, attire l’attention du responsable qui lui fait faire un test. Convaincant. Tim est admis au club, et cette nouvelle activité l’aide à canaliser son instinct bagarreur. Il acquerra même une certaine notoriété sur le ring, tout en continuant de mener une vie agitée et souvent marquée par la violence. Mais parallèlement Tim a obtenu son CAP, il est devenu ouvrier qualifié, puis chef d’équipe. Il mène les deux activités en parallèle et parfois les combine, l’effort physique du travail devenant entraînement pour la boxe. La violence n’est toutefois pas encore contrôlée. Lors des virées du samedi soir la castagne a fréquemment sa place, mais aussi parfois dans la vie courante. Elle lui vaudra quelques sévères mises au point de l’employeur et de l’entraîneur, mais aussi, parfois, des regrets personnels. Ce sera spécialement vrai avec Jean-Marie, un jeune travailleur du chantier dont les motivations échappent totalement à Tim, qui le soupçonnera un instant de se payer sa tête… Un extra-terrestre, à ses yeux. Jean-Marie est un chrétien convaincu, également engagé au sein de l’Arche, une œuvre qui se consacre aux handicapés. Cela ne durera pas, Jean-Marie deviendra rapidement un exemple pour Tim. Il lui fera connaître un prêtre, Thomas Philippe, co-fondateur, avec Jean Vannier de l’œuvre en question, un prêtre que Tim cherchera sinon à éprouver, du moins à dérouter. C’est le contraire qui se produira, et voilà que progressivement Tim découvre des trésors d’amour chez ses nouveaux amis, mais aussi chez les blessés de la vie que sont les handicapés. Progressivement il passe de son état antérieur, pour le moins agité, à la foi religieuse. Toujours pressé, il voudra un jour devenir permanent de l’Arche, mais la responsable locale lui demande de patienter un an, afin de confirmer son choix. Les vieux réflexes se manifestent encore parfois, et Tim n’apprécie pas du tout ce qu’il prend d’abord pour un rejet. Sans plus réfléchir, il décide de changer d’air. Ne sachant où aller, il part au hasard, fait du stop, et tombe sur un jeune automobiliste qui se rend dans un lieu inconnu de lui. Coïncidence, voulant rompre avec sa récente expérience, il se retrouve à Taizé, au cœur d’un important rassemblement de jeunes, de retour, ou presque, à la case précédente… Il restera quelques jours en ce lieu, se faisant de nouveaux amis, puis commence un long périple, sac au dos, qui le conduira, dans la plupart des pays d’Europe, en Turquie, au Canada et ailleurs, mais désormais sans plus quitter ce monde au sein duquel il va progressivement trouver sa place, jusqu’à s’y intégrer. Après dix-huit mois d’errance et de séjours plus ou moins longs au sein de diverses communautés, sorte de parcours initiatique improvisé, il découvrira auprès de ses camarades féminines une image de la femme qu’il ne connaissait pas. Il fera aussi des rencontres inattendues dont le souvenir le marquera. Mère Teresa en particulier ; puis d’autres prêtres, taillés dans le même bois que le Père Philippe. C’est alors que, de passage à Paris, il apprend qu’une jeune fille précédemment rencontrée à l’Arche cherche à le rencontrer. Il la revoit, l’aide à refaire son appartement, ils deviennent amis. Sur ses gardes, ses expériences passées l’ont rendu méfiant, il finit par se dire que peut-être elle lui était destinée. La suite montre qu’il en est bien ainsi, mais il reste à prévenir la famille de la demoiselle en question, ce qui n’est pas facile en raison du passé de Tim. Mais une nouvelle coïncidence se produit, sans doute la plus étonnante, qui le ramène d’un seul coup quinze ans en arrière et lève les derniers doutes. La suite est heureuse, ce sera la revanche de Tim, l’enfant sans famille qui en trouvera une, celle de son épouse, mais plus encore, celle qu’il va maintenant fonder, la sienne, qui sera l’objet de toutes ses attentions, sans pour autant oublier ceux qui souffrent. Au total, un récit où les gens installés n’ont pas toujours le plus beau rôle, souvent surprenant et abrupt, mais dense et impressionnant ; le parcours d’un laissé pour compte, qui saisit les chances qui s’offrent à lui et sort finalement de son malheur, passant ainsi de la haine à l’amour. Un livre qu’il faut lire. J Martine (LM-LF 49-57). Source : Plus fort que la haine ; une enfance meurtrie : de l’horreur au pardon, de Tim Guénard., N° 5502 de la collection J’ai lu, série documents. Également publié par les Presses de la Renaissance et France Loisirs. Et l’on en parle sur la toile : il suffit de taper Tim Guénard…