LA VIDEO A LA DEMANDE ET LA TELEVISION DE RATTRAPAGE
Transcription
LA VIDEO A LA DEMANDE ET LA TELEVISION DE RATTRAPAGE
LA VIDEO A LA DEMANDE ET LA TELEVISION DE RATTRAPAGE EN EUROPE SYNTHESE Face à une offre foisonnante, les usagers vont privilégier le confort de visionnage et l’accompagnement éditorial Il est désormais classique de distinguer quatre grands types d’offres de programmes audiovisuels à la demande : - les offres légales de vidéo à la demande (VoD), gratuites ou payantes, proposent des catalogues de programmes de stock (films, fictions télévisuelles, documentaires, animation, programmes de formation) ; - les offres de télévision de rattrapage proposent, pendant une période limitée dans le temps, des programmes qui viennent d’être diffusés par une chaîne de télévision. Ces offres peuvent être gratuites ou payantes ; - les offres proposées par les sites de partage de vidéos, créées par des hébergeurs n’agissant pas comme éditeurs : ces offres proposent des programmes fournis par les utilisateurs ; - les offres pirates, proposées sur Internet, essentiellement dans le cadre de réseaux peer-to-peer, relayés par des sites indiquant aux utilisateurs où trouver les films qu’ils recherchent. En principe, seuls les deux premiers types d’offres correspondent à la notion de « service audiovisuel à la demande » telle que définie dans la Directive européenne sur les services de médias audiovisuels, adoptée en décembre 2008 et actuellement en cours de transposition en droit national par les Etats membres de l’Union européenne. Cependant, une des tendances intéressantes observables ces derniers mois est le rapprochement voire le mélange des types d’offres. Le rapprochement des hébergeurs de sites de partage de vidéos avec les acteurs professionnels Les hébergeurs de sites de partage (tels YouTube, Dailymotion), forts de leur succès d’audience, mais accusés de favoriser le piratage en tolérant que les utilisateurs postent des œuvres protégées, ont développé des stratégies visant à asseoir leur légitimité en tant que medium publicitaire. Ils ont de plus en plus veillé à retirer les vidéos postées sans autorisation et mis en place des systèmes de filtrage. Ils se sont rapprochés des acteurs professionnels (studios, chaînes de télévision, institutions…) pour leur proposer d’utiliser leurs capacités d’hébergement et partager les revenus publicitaires. Cette collaboration prend sur les sites la forme éditoriale de « chaînes » à l’enseigne de ces différents partenaires. Ces hébergeurs ont également passé des accords avec des sociétés de gestion collective, acceptant la rémunération des auteurs et compositeurs dont les œuvres sont diffusées. Le rapprochement de la prescription et de la vente Alors que l’offre de VoD se multiplie, les formes éditoriales qui permettent d’orienter le consommateur, de hiérarchiser les catalogues et de prodiguer des conseils se trouvent valorisées. Sur Internet en particulier, le format du magazine culturel et de la vente en ligne pourraient bientôt converger et faire suivre le conseil d’achat de sa réalisation. Premièrement, la prescription peut se faire par calcul de probabilités, comme c’est déjà le cas sur différents sites : l’acheteur d’un contenu (livre initialement, mais également VoD désormais) se voit proposer automatiquement d’autres achats similaires (genre, thème, auteur) à ses achats précédents. Deuxièmement, la prescription peut se présenter sous une forme plus élaborée : la présentation des films peut être accompagné de notes et de commentaires des usagers, ou encore de compléments biographiques ou critiques de l’œuvre mise en ligne. Ces formats éditoriaux permettent de guider les amateurs et de réduire au maximum l’écart entre l’invitation au spectacle et sa vente. La rentabilité incertaine des offres gratuites financées par la publicité La ressource publicitaire est prometteuse mais encore instable. Les offres gratuites en ligne financées par la publicité, qu’ils s’agisse des sites de partage, des portails de VoD gratuite tels que Hulu (États-unis) ou, en Europe, des sites de télévision de rattrapage des télévisions privées, rencontrent des succès d’audience indiscutables. Elles ont progressivement obtenu la reconnaissance des annonceurs et des agences comme un moyen d’atteindre des couches diversifiées de consommateurs et en particulier le public jeune, malgré des coûts pour mille qui restent élevés. Cependant, les opérateurs de ces offres sont confrontés, depuis le second semestre 2008, à la récession du marché publicitaire. Alors que ces offres sont encore en phase de montée en puissance, l’atteinte du seuil de rentabilité se trouve retardée, mettant parfois en péril la stabilité financière du projet et le niveau de l’emploi. Le modèle du « tout gratuit » se trouve dès lors remis en cause. Aux Etats-Unis, les opérateurs de services gratuits tels que YouTube et Hulu ont récemment indiqué leur intention d’inclure dans leurs services une partie d’offre payante. Les progrès de la lutte contre le piratage Le développement d’offres légales de services de VoD payante reste entravé par l’importance du piratage. Celui-ci exerce une pression à la baisse sur les prix, oblige les opérateurs à réduire les fenêtres de diffusion (au risque de porter préjudice à l’exploitation en salles et à l’exploitation vidéo) et nourrit les réticences de certains ayants droit à mettre à disposition leurs catalogues sur Internet. Dans sa lutte contre le piratage en ligne, l’industrie a marqué des points dans les derniers mois : des lois ont été adoptées en Suède, en Finlande, en France. Le principe de la réponse graduée, très discuté en France, est à présent mis en œuvre en Irlande et examiné au Royaume Uni. La condamnation par un tribunal suédois du site de repérage de torrents The Pirate Bay a débouché sur un transfert de propriété du site et les déclarations d’intention des nouveaux propriétaires de transformer le site en une offre légale. De même, aux PaysBas, les opérateurs de Mininova, ou en Allemagne de Rapidshare, clament leur volonté d’éliminer de leurs sites les liens vers les programmes piratés. Ces déclarations demandent toutefois à être traduites dans les faits et le débat sur l’adoption de réglementation paraît avoir eu l’effet paradoxal de cristalliser l’existence d’un courant d’opinion favorable au piratage, qui prétend affirmer sa voix dans les enceintes parlementaires. Le lent démarrage des services de VoD payante Après une période de prudence, les studios hollywoodiens semblent reconnaître les opportunités offertes par les services de VoD payante et ont diversifié les modalités de commercialisation, tant aux Etats-Unis qu’en Europe. En Europe, les services de VoD proposant des films ou des émissions de télévision issus des catalogues des majors se sont multipliés, à l’initiative des constructeurs (tels Apple, Microsoft, Sony), des chaînes privées de télévision, des distributeurs de bouquets de chaînes (qu’il s’agisse d’opérateurs de bouquets satellitaires, de câblo-opérateurs, d’opérateurs de réseaux ADSL ou de télévision numérique terrestre). L’hétérogénéité des situations nationales et l’absence assez générale de transparence ne permettent pas de chiffrer avec précision le développement du marché de la VoD payante mais, en Europe, les tendances suivantes paraissent émerger : - la numérisation des réseaux câblés dans les grands marchés tels que le Royaume-Uni et l’Allemagne pourrait se traduire par la prépondérance du câble comme vecteur de la VoD payante ; - les opérateurs de communications électroniques actifs dans le domaine des offres triple play proposent généralement des services de VoD pour rendre leur offre plus attractive. Dans les pays tels que la France, l’Espagne, l’Italie et certains pays d’Europe centrale, ils occupent certainement une place significative sur le marché de la VoD payante, mais leur importance reste secondaire au Royaume-Uni et en Allemagne ; - lorsqu’ils sont confrontés à des services de VoD payante sur câble ou réseau ADSL, les services de VoD en ligne paraissent moins attractifs pour les consommateurs. Les services en ligne exploités par les constructeurs (Apple, Microsoft, Sony) par le biais de portails spécialisés permettant un téléchargement aisé paraissent destinés à un plus grand succès que d’autres types de services payants, qui semblent voués à une existence plus marginale, souvent concentrée sur des marchés de niche (films d’auteur, animation, documentaires,…). La télévision de rattrapage a très rapidement trouvé son audience en Europe La télévision de rattrapage s’est affirmée depuis deux ans comme un segment spécifique des services audiovisuels à la demande. Les diffuseurs ont en effet tendance à négocier les droits de diffusion en rattrapage comme faisant partie intégrante des droits de diffusion télévisés, à la différence des droits VoD pour les œuvres en catalogue. Les services de rattrapage sont généralement proposés gratuitement (pour les chaînes publiques et les chaînes financées par la publicité) ou dans le cadre des abonnements (pour les chaînes à péage). Le succès du BBC iPlayer au Royaume-Uni a illustré la capacité du service public à se confronter aux diverses modalités de diffusion d’un service de rattrapage. Cependant, le blocage au Royaume-Uni du projet de la plateforme d’archives Kangoroo ou, en Allemagne, les réductions du catalogue du service Mediathek de la ZDF indiquent que les pouvoirs publics, interpellés par les diffuseurs privés, entendent délimiter strictement les activités du service public dans le domaine émergent des services à la demande. L’enjeu de l’accès au poste de télévision Paradoxalement, alors que toutes les analyses mettent en évidence le succès de la vidéo sur Internet, la possibilité d’offrir des services à la demande sur l’écran de télévision est devenue une préoccupation majeure des différents types d’acteurs industriels. A l’heure des écrans plats et de la haute définition, le téléviseur reste le terminal de prédilection pour visionner les programmes de longue durée (films, fictions télévisuelles). L’accès aux écrans de télévision est plus aisé pour les chaînes de télévision originellement dédiées aux programmes linéaires et qui ont développé leur service VoD, que pour les services à la demande qui se sont développés directement sur Internet : ces derniers doivent en effet négocier l’accès avec les câblo-opérateurs ou les opérateurs de service de télévision sur réseaux ADSL (IPTV). D’autres solutions sont offertes par le recours aux consoles de jeux ou à des set-top boxes dédiées comme intermédiaires entre Internet et le téléviseur. Mais le marché paraît s’orienter vers des téléviseurs et des lecteurs Blu-ray intégrant les possibilités de connexion à Internet. Aux Etats-Unis, les constructeurs de l’électronique grand public ont récemment passé des accords avec les principaux services de VoD, les hébergeurs de sites de partage vidéo et les opérateurs de portails afin de permettre la mise à disposition de ces services sur les téléviseurs connectés (enabled TV sets). L’apparition d’offres à la demande en téléphonie mobile Durant ses premières années, l’offre audiovisuelle destinée aux téléphones mobiles, via les réseaux 3G, était constituée de chaînes de télévision et de courts programmes accessibles en direct ou par téléchargement via Internet sur le site de quelques opérateurs. En lançant, pour son iPhone, un nouveau modèle technique et économique, celui des applications pour mobiles (« Apps ») facilitant l’accès aux services Internet, Apple a dynamisé le marché de l’offre à la demande en ligne : il est à présent possible d’accéder facilement sur le mobile – via les réseaux 3G mais également le Wifi - à des services à la demande tels que l’iTunes Store, les services de rattrapages de chaînes d’information, de chaînes sportives ou encore l’offre de sites de partage de vidéos. D’autres constructeurs tels que Nokia et Sony Ericsson tentent à leur tour de mettre en œuvre un tel modèle. Mesure du succès et transparence La croissance des différentes formes d’offres audiovisuelles à la demande met en évidence diverses questions de transparence et de mesure du succès. Pour l’instant, rares sont les initiatives publiques visant à collecter auprès des opérateurs les données statistiques permettant une perception précise des offres et de leur succès. Les données sur les marchés sont quasi exclusivement le fait d’élaboration de consultants privés, contraints de travailler sur des hypothèses non nécessairement étayées par des données solides. Cette absence de transparence, outre le fait qu’elle peut être problématique pour les ayants droit, peut nuire au développement du marché et aux investissements. On notera cependant les initiatives prises par le monde professionnel en vue de créer des normes et une transparence méthodologique pour la mesure de l’audience des services financés par la publicité : les acteurs du monde publicitaire revendiquent en effet l’élaboration de données fiables, permettant la comparaison de la consommation audiovisuelle des services linéaires et non linéaires, de la consommation en direct ou en différé et sur les trois types d’écrans (écrans de télévision, écran d’ordinateur, écran de téléphone mobile). L’importante fragmentation des marchés La multiplication des plates-formes techniques, des services, des modalités commerciales, s’ajoutant aux traditionnelles segmentations administratives et culturelles du marché audiovisuel européen, entraîne une importante fragmentation des marchés des services à la demande. A l’utopie initiale d’un rapport direct entre les producteurs et les consommateurs se substitue la réalité d’un marché extrêmement complexe. Cette complexité ouvre de nouvelles possibilités aux distributeurs et autres intermédiaires qui se spécialisent dans l’élaboration de nouveaux contrats adaptés à la diversité des segments. Le débat lancé par la Commission européenne sur la généralisation des licences multiterritoriales en vue de faciliter la circulation des œuvres sur le marché européen a mis en évidence une polarisation entre, d’une part, de grands opérateurs internationaux (en particulier constructeurs, hébergeurs de sites de partage et éditeurs de portail à vocation internationale) et, d’autre part, les acteurs traditionnels de la scène audiovisuelle (producteurs, distributeurs, diffuseurs), qui considèrent que cette fragmentation tend à protéger les petits opérateurs et donc la diversité culturelle.