Bulle - La Gruyère
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Bulle - La Gruyère
4 Bulle La Gruyère / Mardi 8 mai 2012 / www.lagruyere.ch «Nous voulions quelque chose qui nous ressemble vraiment» BRIGITTE. Ce duo pop- folk-disco est l’une des révélations musicales de ces derniers mois. Pétillante, déjantée, Brigitte, qui jouera aux Francomanias de Bulle le 17 mai, a su créer un univers complet et cohérent. ÉRIC BULLIARD Elles ont choisi de s’appeler Brigitte, parce que ce prénom leur apparaît à la fois délicieusement rétro et tendrement subversif. Parce que Brigitte Bardot, Lahaie, Fontaine… Après divers projets chacune de son côté, les Parisiennes Sylvie Hoarau et Aurélie Maggiori ont créé ce joyeux duo en 2008. Une brune, une blonde, deux voix qui se mêlent dans une sorte de pop-folk-discosoul vintage et déjantée. Le tout dans un univers visuel qui emprunte au cinéma, à la photo, aux concerts des divas de jadis. Au succès du premier album Et vous, tu m’aimes? s’ajoute une tournée récompensée par la Victoire de la musique 2012 de la révélation scène. Entretien avec Aurélie, à quelques jours du concert de Brigitte aux Francomanias de Bulle. Vu de l’extérieur, l’ascension de Brigitte paraît fulgurante: concerts, album à succès, Victoire de la musique, bientôt le Zénith… Comment l’avez-vous vécue? Nous n’avons pas vraiment ce sentiment. Pour nous, les choses sont venues au fur et à mesure. On faisait de la musique depuis dix ans, l’une et l’autre, sans que ça marche. Brigitte a été créée il y a plus de quatre ans, nous avons passé une année à écrire des chansons ensemble, avant de commencer à faire des concerts, puis de sortir un premier EP, de signer sur un label et de sortir l’album il y a un an. Nous ne nous sommes jamais mis la pression. Nous étions tel- lement excitées de faire enfin quelque chose qui nous plaisait vraiment, dont nous étions fières, qui nous ressemblait à 100%. On a beaucoup travaillé, en mettant tous nos désirs, tous nos rêves de petites filles et de femmes. Après, le succès continue à nous faire halluciner, parce qu’on n’a pas l’habitude. Mais on ne s’en rend pas vraiment compte: comme on fait en moyenne cinq concerts par semaine, on vit sur la route et il n’y a que les salles pleines, avec des gens qui connaissent les chansons, qui nous donnent l’impression que ça marche. Brigitte, c’est tout un univers, que ce soit dans les clips ou dans la mise en scène: cet aspect visuel était-il présent dès la création du duo? Oui, nous avons tout de suite eu envie de faire des photos, avec des attitudes particulières, du papier ancien. Les clips ont été réalisés avant la sortie de l’album, nous en avons tourné deux aux Etats-Unis, un à Paris. En écrivant les chansons, nous avions en tête des images de désert et de films qu’on s’inventait ou qu’on a vus. Tout était présent. Les images, que ce soit les dessins, la vidéo ou la photo, sont très inspirantes. Je passe le plus de temps possible dans les musées et les galeries. Et la mise en scène? Elle est venue naturellement. Au moment de l’écriture, on rêvait de robes à paillettes, de chorégraphies, parce qu’on a aimé les divas de soul music et les Rita Hayworth, Marilyn Monroe. Nous avions envie de nous amuser avec ces codes-là et de les mélanger à autre chose. Les vidéoprojections sont aussi importantes, tout comme les références au cinéma: nos musiciens sont habillés en hommage à Stanley Kubrick et Orange mécanique. Cet univers, nous l’avons créé nous-mêmes: tout cela est aussi personnel que nos chansons. Vous avez une vraie complicité, alors que vous vous connaissiez peu avant Brigitte… Décalée, à la fois rétro et joyeusement branchée, Brigitte a créé son univers en toute liberté. MARK MAGGIORI On se suivait, on avait de l’admiration l’une pour l’autre, mais on ne se connaissait pas très bien. Dans le fait d’écrire des chansons à deux, il y a quelque chose d’extrêmement impudique, de très personnel. En nous retrouvant tous les jours de 8 h du matin à 16 h 30 – l’heure d’aller chercher les enfants à l’école – nous avons passé beaucoup de temps à raconter nos vies, à écrire, à parler, à rêver, à rire, à pleurer dans les bras l’une de l’autre… Le lien de notre amitié est né ainsi: on s’est rencontrées en écrivant ensemble. Peut-être que si nous avions été amies avant, nous L’album donne l’impression de refuser toute limite. Etait-ce votre état d’esprit? Totalement! Pour toutes les deux, c’était notre ultime projet. Nous étions d’accord là-dessus. Donc, il fallait y mettre tout ce qui nous passait par la tête, tout ce que nous avions toujours rêvé de faire sans jamais avoir osé. Qu’on se pousse, qu’on se donne confiance et que ça nous plaise, que ça nous excite. aussi des sujets graves comme le suicide ou le fait de ne pas pouvoir être mère… Ça se passe ainsi dans la vie: il y a un paradoxe entre les moments graves et la façon légère qu’on peut avoir de les raconter. J’adore le théâtre de Tchekhov pour ces raisons-là: il se passe des choses graves, mais il y a toujours un élément comique. On rit et on pleure en même temps. C’est ça, le vivant. Ce n’est pas le pathos ou uniquement la légèreté: c’est un équilibre. On souligne souvent votre côté ludique, alors que vous abordez Vous avez un seul titre en anglais, très ironique, English n’aurions pas réussi à avoir cette magie-là. Cœur de pirate et ses parfums sixties Elle a débarqué du Québec en 2009, à 19 ans, avec son drôle de pseudonyme, ses tatouages et son minois de petite fille. Cœur de pirate, qui succédera à Brigitte sur la scène des Francomanias de Bulle le jeudi 17 mai, chante alors ses émois adolescents, d’une voix acidulée qui trouve rapidement son public. Qu’on imagine plutôt jeune et féminin. Ce carton initial aurait pu la bloquer. Mais Béatrice Martin (son vrai nom) n’est pas du genre à se laisser longtemps miner par le doute. La pression? «La seule que j’ai ressentie, c’est celle que je me suis mise toute seule, affirme-t-elle. Je voulais que les gens se retrouvent autant dans mes chansons que sur le premier album.» Fin 2011, elle sort Blonde et franchit avec aplomb l’écueil du deuxième album. Et rencontre un nouveau succès, porté par le single Adieu. Intemporel comme le yé-yé Cœur de pirate continue à parler de ses amours, de ses déceptions. Mais, musicalement, l’évolution est évidente: aux ballades dépouillées seule au piano (qu’elle n’a pas totalement abandonnées) succèdent des arrangements soignés, un son sixties. «J’avais envie de faire un truc un peu intemporel, un peu classique. Pour moi, le yé-yé, c’est ça», explique la demoiselle. Il y a un parfum Françoise Hardy-Brigitte Bardot dans Blonde, réalisé par Howard Bilerman (qui a no- tamment travaillé avec Arcade Fire). Pour ce jeudi 17 mai, il reviendra à Django Dass de lancer la soirée avec son jazz manouche qui, comme son nom l’indique, doit beaucoup à Django Reinhardt. Et qui, comme son nom l’indique, ne se prend pas trop au sérieux. Suivra LiA, le projet personnel du Jurassien Félicien Donzé (Ska Nerfs). Il a sorti l’année dernière un premier album de chanson rock plein de fraîcheur. Il sera ensuite temps de se déplacer vers la scène principale, où les Gruériens de Catillon, le groupe de Titi Sottas, verniront leur premier album, intitulé Combien de routes (La Gruyère du 24 avril). De nombreux invités sont annoncés pour l’occasion. EB song : chanter en français vous a-t-il paru évident, même si on sent des racines musicales anglosaxonnes? C’est notre langue. On connaît les subtilités du français, on peut mélanger différents registres, jouer avec un langage urbain, châtié, ou argotique, un peu canaille… En anglais, nous n’aurions pas ces subtilités. Comme on nous dit parfois qu’on devrait chanter en anglais, on a écrit English song, qui est en fait une pure chanson française… un peu en anglais! Au départ, vous vous êtes surtout fait connaître avec Ma benz, très étonnante reprise de NTM… C’était un concours de circonstance. On faisait déjà des concerts quand on nous a proposé de faire une reprise pour un concert qui devait clore un festival de films érotiques vintage. On a trouvé ça marrant et on a choisi ce titre parce qu’on aimait beaucoup cette chanson et NTM. Les premières idées, c’était de reprendre Gainsbourg ou Juliette Greco. Mais c’était trop attendu, moins excitant pour nous que de reprendre un classique du hip-hop, qui avait l’air d’être une chanson misogyne alors que, pour nous, c’est une chanson féministe… ■ En concert aux Francomanias de Bulle, Espace Gruyère, jeudi 17 mai. Cœur de pirate, 22 ans et deux albums à succès. www.francomanias.ch