Intervention 20 ans SIS
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Intervention 20 ans SIS
Colloque « 20 ans de Sida Info Service » Table-ronde « Etre séropositif au VIH/sida aujourd’hui en France » Intervention d’Eric P, Président des Jeunes Séropotes Paris Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Au nom des adhérents de l’association Jeunes Séropotes Paris, je tiens à vous dire combien nous sommes honorés d’avoir été contacté pour participer à ce colloque aux côtés de personnes aussi prestigieuses que sont le Professeur Pialoux et Monsieur Roméro. J’espère que les réponses que nous apporterons à l’objet de cette séquence seront à la hauteur de cet honneur. Mais avant de vous apporter ces éléments de réponse, je pense qu’il est utile de prendre un peu de temps pour vous présenter notre association puis les angles d’approche que nous avons privilégiés. Diapo n°1 En janvier 2006, un groupe de jeunes gays séropositifs parisiens, faisait le constat que l’offre associative classique généraliste et militante n’était pas adaptée à leurs besoins. Ils décident de créer un espace de convivialité pour les jeunes séropos de la population LGBT francilienne. L’association Jeunes Séropotes Paris est née. Dès le début, elle se donne l’objectif de favoriser les rencontres réelles afin de rompre l’isolement notamment amplifié par Internet, en regroupant des personnes ayant un parcours et un vécu communs de la séropositivité parce que l’ayant découvert après l’arrivée des trithérapies. Cela se fait en mettant en œuvre l’auto-support et l’échange d’expériences de manière informelle et conviviale. Diapo n°2 Mais attention : Jeunes Séropotes Paris n’est pas un club de rencontres, et nous n’utilisons internet que pour communiquer avec nos adhérents. L’association propose à ses adhérents un rendez-vous bimensuel, les Apéropotes. Nous nous retrouvons un mercredi sur deux dans un bar du centre de Paris qui nous accueille gracieusement. Chaque rencontre réunit une trentaine de membres, et c’est aussi pour nous l’occasion d’accueillir les personnes qui nous ont contactés via notre site web. Diapo n°3 De plus, une fois toutes les 6 semaines, une dizaine de Jeunes Séropotes se retrouvent chez l’un d’eux afin d’échanger en total auto-support, au cours d’un dîner convivial, leurs expériences sur différentes problématiques liées au VIH, le thème étant choisi à l’avance tout en étant assez large pour permettre les échanges. Un rendez-vous important pour l’association et ses adhérents est l’organisation 2 fois par an de week-ends de ressourcement à la campagne. Ils constituent un cadre privilégié pour le partage des vécus et des expériences. Le coût de ces week-ends est largement pris en charge par l’association grâce à des opérations de collecte de fonds dans le but de favoriser la participation de chacun. Enfin Jeunes Séropotes Paris favorise les propositions d’activités proposées par les adhérents eux-mêmes : soirées DVD, brunchs, sorties au théâtre, au cinéma, pique-niques… Le but de l’association est donc, à travers des activités conviviales, de permettre à ses adhérents de sortir de l’isolement dans une recherche de mieux-être permettant de mieux vivre sa séropositivité. Entre février et mi-octobre 2010, l’association a été contactée par 91 personnes. Diapo n°4 Une large majorité des contacts sont domiciliés à Paris/Petite couronne… …pour des âges largement compris entre 26 et 35 ans avec une part importante de moins de 25 ans. Diapo n°5 Diapo n°6 Au 15 octobre, l’association comptait 102 adhérents,… …pour la plupart domiciliés à Paris/Petite couronne… Diapo n°7 …et âgé majoritairement entre 26 et 46 ans avec 2 décades équitablement réparti. Cependant, on constate une faible adhésion des moins de 25 ans malgré un taux de contact important. Comme vous l’aurez compris, Jeunes Séropotes Paris n’est pas une association militante. Nous avons donc consulté nos adhérents autour de 4 questions afin d’être au plus proche des préoccupations des concernés. Diapo n°8 Ces questions sont les suivantes : 1 – La première question traite des problématiques auxquelles chacun est confronté en tant que séropositif (discrimination, stigmatisation, droits sociaux…). 2 – Puis nous avons demandé à nos adhérents comment ils imaginaient leur vie dans 20 ans ? 3 – Ensuite, Le traitement comme outil de prévention : que cela t’inspiret-il ? 4 – Enfin, nous avons abordé les nouvelles stratégies de prévention du VIH que les séropos souhaiteraient voir apparaître ? La question du traitement comme outil de prévention n’était pas directement proposé dans les différents angles d’approche de cette tableronde. Néanmoins, il nous a semblé intéressant de sonder nos adhérents sur cette nouvelle donnée validée lors de la Conférence de Vienne. Et les réponses que nous avons obtenues nous ont confirmé dans ce choix. Mais avant de vous donner le résultat de ce questionnaire, il nous a semblé que ce message de contact que nous avons reçu au début de l’été répond à la question : qu’est-ce que découvrir sa séropositivité en 2010 ? Il vous éclairera aussi beaucoup mieux sur la raison d’être de notre association. Voici ce que nous écrivait Alex, âgé de 28 ans et habitant Paris le 16 juillet dernier : « Bonjour, Voilà, j'ai appris ma séropositivité il y a 5 mois. J'ai commencé mon traitement antirétroviral cette semaine. Cette année est une période très étrange de ma vie. J'ai entendu parler de votre association aujourd'hui par le psychologue qui me suit en ce moment. Diapos n°9 J'ai quelques amis de confiance, homos ou hétéros, qui sont au courant et qui me soutiennent. Néanmoins ca reste difficile parfois de se retrouver seul face à ses propres questions, ses propres craintes, quand personne dans son entourage n'est confronté à la même situation. On m'avait parlé d'associations comme AIDES ou ACT UP, mais je n'ai pas envie de faire de ma séropositivité une identité, une action militante et/ou politique. Je n'ai jamais fait de mon homosexualité - que j'assume pleinement cependant - une identité. C'est une partie de moi, mais ca ne me définit pas en tant que personne. Je n'ai pas envie que mon statut sérologique définisse qui je suis. Je n'ai pas d'autres drapeaux à porter que le mien. Mon psy m'a dit que votre association était différente et qu'elle n'avait pas cette vocation, à l'inverse d'associations plus "connues" du grand public. Diapos n°10 D'un point de vue physiologique et médical, j'ai l'impression qu'être séropo aujourd'hui, en France, n'est plus quelque chose d'insurmontable. J'ai le sentiment d'être très bien suivi et les médecins se veulent rassurants... Mais ca remet tellement de choses en question dans mon esprit, et depuis ces 5 mois, je me sens un peu désarmé face à cette "nouvelle" et "malencontreuse" étape de ma vie. Je me sens parfois envahi par le spectre de conneries que j'ai pu entendre depuis que je suis enfant sur le SIDA, et même si je pensais que ca ne m'atteindrait pas, que j'étais au dessus de tout ça... je réalise que ca m'affecte plus que je ne l'avais imaginé. Même ma sexualité est quasi au point mort. J'ai peur que ma famille l'apprenne un jour par accident. Mon regard sur moi-même a complètement changé. Il y a quelques jours, j'ai discuté avec un ami d'un ami qui m'a parlé de sa séropositivité. C'était un peu la première fois que j'échangeais une discussion avec une autre personne séropositive, outre mon conjoint avec lequel je suis plus ou moins séparé depuis. Je crois que j'aurais mieux fait de m'abstenir. Il m'a dit "bienvenue dans la famille", que selon lui, le VIH était un cadeau, j'en passe, et qu'il fallait en être fier. Je n'ai pas l'impression que ce soit une fierté, même si ce n'est pas une honte. Ce n'est pas non plus une famille. Et je ne crois pas non plus que ce soit un cadeau (je souhaite à tous les séronégatifs de le rester toute leur vie), même si ce n'est pas non plus une tare. Diapos n°11 J'aimerais penser qu'il y a une alternative à la stigmatisation et à l'apologie du virus. Je ne sais pas si votre association peut m'aider à trouver des réponses. Etant de nature réservé et solitaire, je n'ai jamais poussé les portes d'une association auparavant. Je suis un peu paumé. En tous les cas, merci de m'avoir lu. Alex. » Comme je vous le disais tout à l’heure, nous avons consulté nos adhérents. Seuls 1 sur 5 a répondu, ce n’est donc pas un résultat de sondage, cependant il est intéressant de savoir ce que les concernés ont à nous dire. Voici le résultat de cette consultation. A la question « Quelles sont les problématiques auxquelles tu es confronté en tant que séropositif ? », le premier retour est : encore faut-il connaître ses droits pour savoir s’il on est discriminé. C’est ainsi qu’il a été répondu « Je ne connais pas assez le droit pour savoir dans quelles situations je suis discriminé ou pas » et « Je ne pense pas avoir plus ou moins de droits sociaux ». Diapo n°12 La discrimination la plus citée concerne l’accès au crédit, notamment immobilier par l’augmentation significative du coût de l’assurance voir des refus d’assurance. La tentation est d’ailleurs grande de ne pas déclarer sa séropositivité lors de la demande de prêt. Vient ensuite la peur de discriminations dans le cadre du travail qui peut aller jusqu’à « Faire en sorte que l’employeur ne le sache pas ». Quant à la stigmatisation, elle est surtout vécue dans le cadre privé, ou tellement crainte qu’elle entraîne un refus d’annoncer sa séropositivité de peur des réactions ou du rejet, notamment auprès des partenaires sexuels et/ou affectifs. La question est alors : « si je lui dis mon statut, est-ce qu’il acceptera de vivre quelque chose avec moi ? ». Certains ont répondu ne pas avoir de problème de rejet/stigmatisation parce qu’ils cachent leur séropositivité. Un adhérent nous a même écrit : « Quand j’ai été contaminé, j’en ai parlé immédiatement à ma famille, à mes plus proches amis. Aujourd’hui je crois que je ne le ferais pas. Je romps progressivement avec presque toutes les personnes à qui je l’ai annoncé.» A cela s’ajoute la peur de la pénalisation de la transmission du VIH. Une problématique, qui n’est ni de la discrimination ni de la stigmatisation, peut concerner le séropositif en couple sérodifférent. Le manque de connaissance du fait que le traitement antirétroviral rend quasiment impossible la transmission du VIH peut ainsi avoir un fort impact sur la pérennité du couple, le partenaire séronégatif ayant peur d’être trop facilement contaminé ne serait-ce que par fellation non protégée. A la question « Comment imagines-tu ta vie dans 20 ans ? », le moins qu’on puisse dire c’est que pour un grand nombre, il est très difficile de se projeter dans le futur. « C’est difficile à dire », « C’est difficile de se projeter dans l’avenir », « Je ne l’imagine pas» ou « Je n’y pense pas encore » sont quelques-unes des réponses obtenues. Diapo n°13 Ou alors cela se fait de manière plutôt pessimiste avec des inquiétudes par rapport aux éventuels impacts des traitements antirétroviraux sur certains organes. Un tel souhaite « Vivre aussi normalement que possible, sans que le traitement n’ait complètement détruit son organisme ». Un autre craint d’être « plus vieux que vieux ». Un autre a peur de voir disparaître d’ici-là thérapeutique. la prise en charge du traitement et du suivi Imaginer sa vie dans 20 ans peut être aussi angoissant : « J’ai très peur de ce que sera mon état de santé dans 20 ans », « J’évite de penser à l’avenir, ce serait une source d’angoisses. Je préfère vivre le présent ». Mais l’espoir est quand même très présent. Un adhérent imagine sa vie « Sous traitement, sinon normale », un autre « Dans l’idéal : guéri ». Espoir que la recherche aura progressé avec des traitements meilleurs, plus simples et moins nocifs : « Une pilule à prendre une fois par mois et puis c’est tout » nous dit un adhérent. Espoir d’un vaccin. Espoir d’être encore capable de travailler. Espoir aussi d’une vie affective de qualité malgré la séropositivité, avec pour certains des enfants « Normalement, si tout va bien, avec mon conjoint on devrait dans 20 ans être à la retraite dans l’une de nos maisons de campagne, dans une société libre et bien moins violente que celle de ces temps-ci ». A la question « Le traitement comme outil de prévention : que cela t’inspire-t-il ? », près d’un tiers des répondants n’ont semble-t-il pas bien compris de quoi il s’agit ou confondent avec le traitement postexposition. Pour l’un « La prévention se fait avant d’être contraint de prendre des médicaments ». Pour l’autre cela lui inspire « l’augmentation du risque ». Diapo n°14 D’autres n’ont qu’une connaissance partielle du concept : « Si prendre une trithérapie dès le début de la prise en charge peut éviter de nouvelles contaminations, je suis pour. Mais mon médecin m’a dit qu’en général les contaminations se faisaient par des gens ignorant leur statut sérologique et récemment contaminés.». Un autre a évoqué que « Cela implique de dépister de force la terre entière ? ». Certains s’interrogent sur les conséquences en termes de propagation des IST de l’abandon du préservatif et sur la faisabilité économique Un certain nombre y voit quelque chose de bénéfique au niveau individuel et collectif. Un adhérent a répondu : « Quoi qu’on en dise, le préservatif est un moyen de prévention contraignant et dont l’usage devient de plus en plus difficile avec le temps. Alors si le traitement peut être un outil de prévention et que son coût est inférieur, au final, au coût social des contaminations pourquoi pas ». Pour un autre : « Cela devrait coûter cher, mais cela en vaut la peine : le sida disparaîtrait assez rapidement de la planète. ». Certains y voient l’espoir d’une vie sexuelle « normale » et le signe que la vie de couple même avec un partenaire séronégatif est possible sans crainte de contamination et sans utilisation du préservatif. Enfin, une minorité rejette totalement ou partiellement le bénéfice des traitements : « Si j’avais le choix je ne prendrais pas de médicaments pour éviter de polluer mon corps. Quel est l’effet du traitement sur l’organisme à long terme même s’il est un outil efficace contre le virus ? ». Enfin, à la question « Quelles nouvelles stratégies de prévention du VIH souhaiterais-tu voir apparaître ? », certains s’interrogent : « Pourquoi est-ce toujours aux séropositifs de porter la prévention ? » Pour d’autres, la meilleure stratégie de prévention est d’ordre pharmaceutique, avec la mise en place de vaccins, prophylactique et thérapeutique, voir la banalisation de la prise d’une sorte de pilule du lendemain ou de la veille qui s’achèterait aussi librement que les préservatifs. Diapo n°15 Le besoin de repenser les messages de prévention, notamment au niveau audiovisuel, est largement partagé en montrant le quotidien des personnes séropositives. Il s’agit d’informer la population de la réalité de la vie d’une personne séropositive, avec les traitements quotidiens, les problèmes médicaux qu’elles encourent dans le futur, les risques de discrimination… en montrant que cela peut atteindre même ceux qui pensent être prudents par une baisse de la vigilance sous l’effet de la prise d’alcool, de drogues… Il est demandé de démultiplier les messages de prévention pour que chacun puisse s’y reconnaître qu’il soit célibataire, séronégatif ou séropositif, en couple, mono ou multipartenaires… en intégrant les dernières connaissances scientifiques et notamment l’impact des traitements sur la charge virale spermatique, puisque la très grande majorité des contaminations ont lieu lors de rapports sexuels. Il faut pour y arriver lever les blocages liés aux tabous des relations sexuelles, changer le regard culpabilisateur que la société jette sur ceux et celles qui sont contaminés. Cela passe par une meilleure formation du personnel médical pour qu’il parle de sexualité avec les patients, et notamment les personnes séropositives. Le besoin de faire en permanence de la prévention auprès des jeunes est mis en avant, puisqu’ils ont moins peur de la maladie. Pour cela il faudrait faire sérieusement de la prévention dans les écoles, plusieurs fois par an, dès la 6ème. Il est rappelé que la bête noire, ce n’est pas le séropositif mais le virus, et qu’il ne faut donc pas stigmatiser les personnes séropositives en les montrant comme quelqu’un de maléfique ou de dangereux. Par exemple, l’utilisation de la photo d’un « minet » avec comme slogan « Le SIDA est beau » a été mal vécue par certains qui l’ont interprétée comme si un séropositif n’avait qu’une idée en tête : vous séduire pour vous transmettre le VIH. Le dépistage systématique voire obligatoire n’est proposé que par 2 personnes. Enfin, des propositions concrètes portent notamment sur le préservatif. Un adhérent écrit : « L’attitude la plus naturelle, c’est le sexe sans préservatif. Cela ne fait que 25 ans que l’on doit utiliser le préservatif. Il faudrait réorienter la charge érotique vers le préservatif. ». Enfin, je terminerai par cette proposition on ne peut plus claire : « La capote gratuite partout et pour tout le monde. » Je vous remercie de votre attention.