Les dimensions de la créativité : Entre anciennes catégories et
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Les dimensions de la créativité : Entre anciennes catégories et
Le lecteur trouvera ci-dessous une synthèse (traduction libre) d’un article paru dans le Creativity Research Journal de Janvier-mars 2011. Cette synthèse est sommaire. Son but est de permettre de se faire une idée sur la teneur de cette recherche. Donc désolé pour le français rudimentaire, mais le temps que j’ai consacré à ce résumé était très court. Si le lecteur veut, en toute légalité, lire l’article original, je peux lui fournir le fichier pdf. Les dimensions de la créativité : Entre anciennes catégories et nouvelles perspectives1 Dans le domaine de la créativité, plusieurs phénomènes (processus, réalisations) ont été définis comme créatifs. Une des stratégies pour amener de l’ordre dans la variété a été de distinguer différentes catégories de la créativité. L’article propose de substituer le concept de dimension à celui de catégorie. Cette approche permettrait d’élaborer de nouvelles perspectives à la fois dans les mesures à partir de tests et une nouvelle manière de prendre en considération le développement de la créativité chez l’enfant. Ce concept permettrait de trouver ainsi un compromis entre les deux positions extrêmes : ceux qui considèrent que le travail créatif est l’expression d’un fonctionnement autonome en relation avec un domaine auquel il appartient et ceux qui pensent que le processus créatif est unique et universel outrepassant les catégories. Plusieurs phénomènes peuvent être considérés comme créatifs : de la réalisation d’un tableau à l’élaboration d’une théorie, de l’invention du computer en passant par une improvisation théâtrale. La stratégie principale pour amener de la clarté dans cette variété de processus a été de diviser par « champ » ou « territoire » ce phénomène. Ce qui a amené, en gros, à considérer déjà une créativité de haut niveau (eminent-level creativity) et une créativité quotidienne. En considérant les manifestations variées de la créativité en termes de caractéristiques (features) qui peuvent exprimer des dimensions plutôt que des catégories discrètes, certains problèmes pourraient être résolus, entre autres, celui de l’incertitude quant à la classification de certains processus créatifs. Personne ne peut affirmer qu’une dimension serait exhaustive, comme personne ne peut dire que les dimensions repérées seraient indépendantes l’une de l’autre. En fait, les relations qui se tissent à travers les dimensions poseraient des questions qui ne pourraient trouver des réponses qu’en termes « d’agglomérats de dimensions ». Les catégories, elles, se réfèrent à différentes caractéristiques : le domaine (si oui ou non certaines caractéristiques sont acceptées dans un domaine), ou encore si le résultat du processus créatif provient d’un individu ou d’un groupe. La phase créative (creative episode) Une phase créative se constitue avec un début et une fin. Il y a une intention, un germe, un problème de départ, ensuite une progression, un processus qui permet d’aboutir le travail, et celui-ci peut-être partagé et jugé par les autres. Les dimensions de la créativité Plusieurs auteurs ont déjà suggéré l’idée de dimensions dans le processus créatif (Simonton, 2009 ; Sternberg, 2009 ; Czikszentmihalyi 1996) Csikszentmihalyi (1996) distingue trois catégories de la créativité. Il a étudié en particulier les domaines où la reconnaissance dans un milieu est donnée par des 1 Charlotte L. Doyle & Sarah Lawrence College. Creativity research Journal, 23 (1), 59-59, 2011. gardiens2. C’est la créativité avec un grand C. Il différencie de cela deux autres catégories : a. La personne performante, celle qui par exemple démontre des compétences particulières pour s’exprimer dans un groupe et la créativité personnelle (avec un petit c) qui se définit par une production personnelle, mais dont jamais personne n’en prendra connaissance. Richards (1999) suggère qu’une personne qui décore une maison avec originalité et goût manifeste une forme de créativité, c’est la créativité quotidienne. Dans ce cas une reconnaissance peut se manifester à petite échelle. À l’opposé se trouve la créativité éminente (grand C). Dans cette catégorie se retrouvent les idées, actions dans le travail et les loisirs. On y découvre deux caractéristiques : l’originalité et l’adaptation à la réalité dans le sens que les productions sont significatives pour les autres. La reconnaissance de la production ici est plus importante. Beghetto & Kaufman (2007) considèrent que l’enfant qui découvre une solution mathématique appartient au domaine créatif. Ces deux auteurs ont inventé le terme mini-c pour définir une créativité consistant à de nouvelles découvertes dans un domaine particulier pour un apprenant, mais qui n’aura rien d’original pour une autre personne qui connaît ce domaine. La reconnaissance ici (par un pair, sociale, etc.) n’est pas significative. Dans chacune de ses catégories, la dimension que l’on pourrait appeler « le niveau de reconnaissance » « magnitude of recognition » peut trouver place. Un pôle peut être défini par l’éminente créativité, l’autre par le mini-c. Cette dimension de la reconnaissance peut évidemment être nuancée. À relever la différence par exemple entre une reconnaissance institutionnelle (un prix prestigieux) et l’acceptation d’un article dans une revue. Runco (2010) définit la créativité personnelle comme un processus par lequel des aspects de l’expérience sont intentionnellement transformés. Cette définition recouvre celle de Csikszentmihaly (1996) concernant la personne ayant des compétences particulières dans un domaine donné. La définition de Runco prend comme critère la notion de transformation, ce qui permet d’englober la créativité comme une phase tout au long de la dimension de la reconnaissance du processus créatif, celleci pouvant s’étendre d’une créativité (petit c) à une créativité d’un niveau éminent (grand C). La transformation de l’expérience peut être vue comme la transformation d’une structure : que cette structure d’ailleurs soit celle d’un processus cognitif débouchant sur une nouvelle compréhension (d’un enfant), la structure d’un travail artistique ou la restructuration d’un paradigme suite à une révolution scientifique. Transformation de la structure On peut affirmer que le degré de reconnaissance saisit seulement une part de la distinction entre le haut niveau de créativité et la créativité personnelle et que le critère de transformation d’un domaine est tout aussi important. Stenberg (1999) suggère une dimension qui souligne la différence qualitative dans les différents types de contributions créatives dans un domaine. Il ajoute d’ailleurs qu’une caractéristique comme la reconnaissance par des « gardiens » démontre que le jugement des productions est contextuel. Ainsi les gardiens d’un domaine peuvent très bien rejeter une production, alors que ceux-ci peuvent l’accepter dans un autre domaine. Il est 2 Le lecteur trouvera un développement de cette conception systémique dans l’ouvrage « Psychologie de la découverte et de l’invention », pp. 40 et suivantes. donc nécessaire de bien distinguer la reconnaissance (sociale) de la dimension « transformation structurelle ». En effet, dans ce sens nous ne pouvons plus dire3 qu’une peinture de Van Gogh n’était pas créative dans son temps. Le degré de direction vers lequel pointe l’action créative ne varie pas (le peintre a réalisé quelque chose de nouveau en soi) alors que l’intensité de reconnaissance peut changer. La structure comme dimension peut ne pas affecter un domaine». Par exemple la transformation structurelle d’un processus cognitif chez un enfant n’affectera pas un domaine culturel (artistique, littéraire), néanmoins l’enfant aura découvert de nouvelles voies pour résoudre certains problèmes. Un artiste aura découvert un nouveau médium et bouleverse le domaine de l’art, alors qu’un enseignant qui découvre une nouvelle méthode d’enseignement ne touchera que ses étudiants. Le degré d’organisation d’un domaine. Csikszentmihalyi (1996) pointe deux extrêmes. L’un des pôles est les mathématiques, un langage clair et précis avec des lois logiques strictes. Il est facile pour ce domaine de savoir si une suggestion a une valeur ou non et si elle est susceptible de transformer ce domaine. La psychologie présuppose une organisation plus large est flexible. Ainsi il y a des champs qui sont plus ou moins diffus. Trouver une solution à un conflit moral, résoudre un problème éducatif sont des phases créatives dans des domaines flexibles. Simonton (2009) a pensé ce problème en terme qui évite une vision pyramidale entre la science et l’art. En général la physique étant mise en haut de la pyramide, la psychologie au centre (elle se rattache aux sciences exactes en tant que psychologie expérimentale, avec ses laboratoires, et à l’art quant aux méthodes qualitatives). L’auteur conçoit le problème de la classification des disciplines comme des régions que l’on peut penser horizontalement dans leur dimension de manière à ce qu’aucun domaine ne surpasse un autre. Cette perspective ainsi englobe de manière générale l’ensemble des domaines. À noter qu’Einstein aimait jouer du violon, mais la physique était le domaine dans lequel il a investi toute sa vie, alors que Grace Paley était à la fois reconnue par son talent d’écrivain, son engagement politique et son enseignement. Elle a donné un poids égal à ses trois domaines. Dès lors toute valeur de jugement sur une discipline et une comparaison interdisciplinaire n’a pas de raison d’être en particulier dans une vie créative. La représentation du projet créatif Chaque phase créative commence par un problème mal défini pour le créateur, dans le sens que celui-ci ne connaît aucun algorithme susceptible de le guider de la représentation initiale vers le but. Mais il y a des variations dans la structure et la spécificité de la représentation du projet de départ. Certains projets commencent avec des représentations très claires : pour trouver la structure de l’ADN, peindre une toile représentant la lumière à une certaine période de la journée. Mais pour d’autres créateurs, le projet de départ est beaucoup plus confus. C’est le cas dans le cadre d’un groupe de comédiens qui improviserait 3 En effet, Csikszentmihalyi (1999) affirme très nettement qu’une œuvre ne peut être considérée comme créative que dans l’ultime reconnaissance sociale. Un tableau de Raphaël exprimerait la créativité de l’auteur que quand la société est émue par celui-ci. (p.44) un rôle. La longueur des phases Une personne pleine d’esprit peut immédiatement rétorquer avec humour à une question lors d’une discussion et pour le grand plaisir des interlocuteurs. Lors d’une improvisation, un groupe de théâtre peut très rapidement mettre en scène un drame ou une comédie en moins d’une demi-heure, alors qu’il faudra des années pour qu’un écrivain produise un roman ou un scientifique pour développer une théorie. La longueur d’une phase créative est une dimension manifeste, mais souvent ignorée. Les sous-phases (subepisodes) du processus créatif En utilisant l’idée de phases comme unité de mesure, implique l’idée que le processus créatif se compose d’« épisodes » ou « phases ». Celles-ci comprennent des sous-projets. Par exemple un écrivain organisera l’écriture de son livre en chapitres, le scientifique testera sa théorie en plusieurs expériences. Une dimension qui peut être pointée est celle qui se rattache au nombre de phases et de leur longueur, c’est l’ « intégrative complexity ». Ce concept permet de prêter attention aux liens, à la relation des éléments et des sous-phases les uns aux autres. Une invention peut présenter une grande complexité et comprendre plusieurs parties qui sont dépendantes les unes des autres. Un écrivain peut produire des nouvelles qui sont relativement indépendantes les unes des autres, alors que l’unité dans un roman pourra être plus manifeste. Sous-chapitre sur la théorie de l’incubation de Wallas (1926). L’auteur évoque la longueur de la préparation au processus créatif comme une dimension. p.55-56 L’auteur décrit le rôle dans la co-création et définit par la suite les cocréateurs. Les phases de créativités chez l’enfant Runco (1999) indique qu’une question récurrente, parmi les études sur la créativité, est celle de savoir si le jeune enfant serait créatif ou non. Certains auteurs ont affirmé que le jeune enfant préscolarisé serait plus créatif que l’enfant scolarisé. Une approche selon la notion de dimension développée ci-dessus indique que les questions du type : est-ce que le jeune enfant est créatif ? Ou de savoir si le jeune enfant serait plus créatif que les autres enfants plus âgés empêchent une analyse différenciée. Il s’agirait plutôt de se demander quel genre de phases créatives nous pouvons observer chez l’enfant et où celles-ci trouvent leur place dans le paysage de la créativité. Un enfant dont sa jambe est engourdie s’exclame : « Je ressens mon pied comme un soda ». Avec quelles dimensions peut-on analyser une telle créativité linguistique ? Cela a pris quelques secondes, avec presque aucune préparation. Mais ce type de déclaration est reconnue par l’adulte comme étant créative. L’enfant qui dessine des fourmis, car fasciné par cet insecte, peut réaliser plusieurs esquisses, dessins. Une telle phase de « créativité » si elle n’est pas comparable avec les esquisses que Picasso a réalisées pour Guarnica peut pourtant trouver des parallèles. Il y a chez l’enfant comme un processus en miniature. Une autre question concernant la créativité de l’enfant est de savoir si le développement de la créativité peut être lu en forme de U chez l’enfant. C’est-à-dire que des auteurs comme Gardner & Winner (1982) ont trouvé chez les jeunes enfants et adolescents une esthétique supérieure à ceux des classes élémentaires en termes d’expression. Une explication a été celle de dire que l’enfant devient plus conventionnel et le coût de cela est une moins grande expression. Une approche dimensionnelle serait de poser la question en ces termes : quel genre de phases créatives peuvent être analysées durant le développement de l’enfant en particulier dans le développement graphique ? Est-ce que ces phases sont intrinsèquement motivées (motivation intrinsèque) ? Est-ce que ces phases qui semblent manifester une chute apparaissent dans la découverte, par l’enfant, de la représentation en trois dimensions ? Dès lors, au lieu de nous demander s’il y a eu une perte de créativité, nous pouvons nous demander où, dans quelle phase le processus créatif de l’enfant varie dans ses dimensions. À propos de l’universalité ou de l’originalité des phases créatives Gruber & Wallace (2001) mettent l’accent dans leur recherche sur la créativité d’un niveau supérieur, suggérant que le travail de chaque personne créative est unique et que sont évolution doit être étudiée sans référence à une dimension universelle. Ward (2001) se fait l’avocat d’une stratégie différente, il recherche des principes universaux à l’aide d’études empiriques. Notre approche propose, quoique reconnaissant l’originalité du processus créatif, suggère, une vue médiane. Si chaque phase créative (épisode) est différente, chacune d’elle à une place dans les nuances et les variations des dimensions quant au domaine de la créativité. Si nous clarifions les différentes approches dans lesquelles les différentes phases (épisodes) varient, nous pourrons mesurer et apprécier l’originalité de chacune d’elle, mais aussi les principes qui illuminent et relient les différentes aires du paysage de la créativité.