Nabucco de G.VERDI - cercle lyrique de metz

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Nabucco de G.VERDI - cercle lyrique de metz
Nabucco de G.VERDI
Déplacement du Cercle Lyrique de Metz
Le 4 Décembre 2014
Opéra National de Lorraine-Nancy
Qu’on le veuille ou non Nabucco est un « péplum » au même titre qu’Aïda du même
compositeur ou qu’au cinéma Ben-Hur et plus récemment Gladiator de R.Scott. Ces types de
production supposent le déploiement d’un « grand spectacle » qui ne lésine ni sur les
personnages, ni sur les figurants et, encore moins, sur les décors et les costumes. Il suffit, pour
s’en convaincre, d’assister à une représentation d’Aïda ou de Nabucco dans les Arènes de
Vérone pour s’en convaincre. Pour autant ces « péplums » - au cinéma comme à l’opéra –
n’en sont pas pour autant des œuvres naïves voire enfantines que l’on feuillette comme un
livre de conte. Elles peuvent, à leur manière, soutenir en filigrane des propos plus subtiles sur
l’oppression, la révolte ainsi que déployer une critique à peine voilée de l’idéal belliciste de
certaines nations.
Le parti pris par John Fulljames, le metteur en scène, est de gommer les aspects
antiques du drame verdien – plus de palais de Babylone, plus de rives de l’Euphrate et plus de
jardins suspendus – pour « explorer ce Nabucco comme s’il s’agissait d’un drame religieux
qui concerne une communauté, une histoire à chaque fois remise en scène et qui, une fois
ainsi réappropriée, devient garnate d’une identité commune 1».
« Nabucco, écrit le metteur en scène, nous rappelle que le rituel religieux et celui du
théâtre sont étroitement liés – les racines de cette histoire se trouvent en partie dans la
synagogue et en partie sur la scène du théâtre2 ». Le metteur en scène s’inspire d’une passion
du Christ réalisée sous forme de pièce de théâtre communautaire jouée à Oberammergau tous
les ans pepuis 30 ans.
L’action de ce fait s’intéresse moins à l’histoire et aux affrontements entre les Hébreux
et les Assyriens – ce qui donnerait le côté « péplum » - qu’à « l’expression et l’affirmation de
l’identité d’un chœur, d’un peuple qui se retient comme étant lui-même fils de Dieu 3 ».
L’action toute entière se déroulera donc dans le décor unique – de D.Bird - d’une synagogue
où chaque phase de ce drame historique – par exemple la mise à sac du temple de l’acte 1 - se
verra traduite symboliquement par l’embrasement d’une maquette censée le représenter. Les
costumes de C.Cunningham obéissent à la même logique allusive par quelques détails qui
peuvent rappeler un orientalisme plus suggéré qu’affirmé. La plupart des choristes sont dans
1
Propos extraits de « Echos de la scène » par J.Fulljames dans le programme de l’Opéra National de Lorraine
idem
3
idem
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1
un costume gris dont on espère – en ces temps de restrictions budgétaires - qu’ils circulent de
théâtre en théâtre tant ils sont à la mode ! Il est alors bien difficile de les distinguer selon
qu’ils appartiennnet aux Hébreux ou aux Assyriens d’autant que des enfants habillés en
guerriers et armés de lances symbolisent eux aussi les affrontements sanglants entre les deux
communautés.
Le plateau vocal compense fort heureusement et fort magnifiquement une mise en
scène assez confuse et souvent en décalage voire à contre-temps par rapport au rythme tant de
l’histoire que de la musique. Le rôle de Zaccaria tenu par le basse Alexander Vinogradov
emporte largement les suffrages du public. Il allie à la fois beaucoup de souplesse dans son
chant en même temps qu’une puissance qui convient tout à fait à ce rôle charnière de l’opéra.
Elisabeth Blancke-Biggs étant souffrante ce soir là a été remplacèe par la soprano Raffaella
Angeletti qui a chanté le rôle de nombreuses fois notamment sour la direction de R.Muti. Sa
voix est puissante y compris dans les aigûs et elle donne vocalement à son rôle, Abigaille,
toute la dimension tragique et manichéenne qui lui convient. C’est la « méchante », celle qui
complote et manigance et qui périt finalement sous le poison qu’elle s’est elle-même conduite
à boire. La mezzo-soprano Diana Axentii campe une Fenena tout à fait convaincante dans sa
fragilité tragique puisqu’elle est prise entre ses devoirs – par rapport à son père – et ses
convictions –elle s’est convertie au judaïsme – et sa voix traduit bien les tourments de son
âme. Ismaele est interprété par le ténor italien Alessandro Liberatore……..un nom prédestiné
pour défendre et protéger Fenena et résister aux avances d’Abigaille. Son chant est clair et
assuré. Nabucco tenu par le baryton italien Giovanni Méoni est excellent même si en raison
de la lourdeur du rôle on sent quelques faiblesses dans la justesse à la toute fin de la
représentation.
Et, last but not the least, les chœurs réunis de l’Opéra Nationale de Lorraine et de
l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole ont uni leurs voix et leur savoir faire pour nous donner le
frisson qui, à Vérone, conduit le public italien à se souvenir du Va pensiero comme d’un
hymne qui prit dans l’histoire italienne le symbole de la lutte contre l’opresseur.
La direction musicale de Rani Calderon est assez « martiale » et traduit assez
soigneusement le rythme de l’œuvre particulièrement dans la direction des chœurs qui
occupent, on le sait, une place importante dans cette œuvre qui fût le premier grand succès de
Verdi qui fut crée à la Scala de Milan le 9 mars 1842.
Jean-Pierre Vidit
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