Infos-dijon.com (1) - Orchestre Dijon Bourgogne
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Infos-dijon.com (1) Dimanche 17 août 2014 Musicienne depuis 2001 à l’ODB, une Dijonnaise donne « sa » vérité sur la fin de l’ODB. Interview. Infos-dijon.com : Comment avez-vous débuté au sein de l’Orchestre Dijon Bourgogne ? « En 2001, j’ai été recrutée par ce qui s’appelait à l’époque l’orchestre du Grand Théâtre, qui était dirigé par Pierre Filippi. Je suis violoniste et c’est mon métier. Auparavant, j’étais passée par 20 ans de conservatoire, à Dijon puis à Paris au Conservatoire National Supérieur de Danse de Paris (CNSDP). J’ai passé un concours de recrutement à Dijon et j’ai été prise. J’ai connu « la belle époque » où l’orchestre du Grand Théâtre, qui existait depuis 1966, jouait 8 opéras et 4 opérettes par saison. A cette époque, le lyrique était une institution. Je travaillais aussi au sein de l’orchestre du conservatoire de Dijon, pour des activités pédagogiques ». Quel est votre statut professionnel ? « Je suis intermittente du spectacle. Je suis donc employée en CDD sur chaque production où je joue. J’ai donc de nombreux employeurs puisque je travaille aussi à l’extérieur de Dijon, en freelance à Paris, pour l’orchestre de Besançon. Tout ça pour pouvoir gagner décemment ma vie. L’ODB représente 60% de mon activité. A une certaine époque, l’Orchestre me fournissait 110 services par an environ voire, selon les saisons, 130 ! ». Combien gagnez-vous par an ? « Cela dépend des années mais entre 12000 et 8000 par an, via l’ODB. Après le transfert, nous sommes descendus à 75 services par an. Et d’une année sur l’autre, je ne savais plus à quelle hauteur j’allais travailler l’année suivante. Je n’avais plus aucune visibilité sur l’avenir». Comment avez-vous vécu ces premières années ? « En 2002, je me suis retrouvée reprise, au même titre que tous les artistes du Grand Théâtre (ballet, chœur, orchestre), dans ce qui devient le « Duo Dijon », fruit de la fusion du Grand Théâtre et de l’Auditorium. Je continue d’exercer mon métier avec, dès cette époque, une légère baisse de quantité de travail. Les directeurs se succèdent je suis toujours là, produis ma prestation avec autant de passion. En 2007, je commence à m’inquiéter suite au licenciement des onze membres du ballet. En 2009, un an après l’arrivée de Laurent Joyeux, la mairie nous signifie notre externalisation par transfert au sein de l’association La Camerata, qui a plutôt une vocation symphonique et chambriste, comme le prévoit son nom (camerata signifie musique de chambre, ndlr), et donc beaucoup moins lyrique ». Comment avez-vous vécu le transfert de 2009 ? « Ca a été un gros coup. Je l’ai vécu comme une mise au placard, pourtant présentée dans un magnifique écrin. Le 19 janvier 2009 au Foyer du Grand Théâtre, Laurent Joyeux et la mairie de Dijon ont expliqué qu’il s’agissait de « développer un orchestre régional à rayonnement national, doté des moyens financiers et logistiques pour le faire». Infos-dijon.com (2) Dimanche 17 août 2014 Laurent Joyeux était arrivé un an plus tôt, il venait de prendre la direction de l’Opéra de Dijon et Thierry Caens, à l’époque était encore directeur de la Camérata. Avant d’être remplacé en 2009 après le transfert. Moi, j’étais inquiète d’un changement de direction opéré si rapidement…en à peine 6 mois ». Pourtant, la mairie et l’Opéra parlaient d’un soutien important à l’ODB ? « J’étais rassurée. Je me suis dit : « ça y est, nous allons avoir des moyens financiers et matériels correspondant aux ambitions et la programmation lyrique, chère à mon cœur, est maintenue au cœur du projet ». Par ailleurs, la mairie se voulait aussi rassurante à l’époque sur la mise en place d’une convention tripartite (ville, opéra et Camerata) qui était censée garantir pour les années à venir du matériel, des moyens et un nombre de productions lyriques minimum. C’est cette convention qui sera dénoncée un an après et qui redeviendra bipartite, entre la mairie et la Camerata. Quant à lui, l’Opéra de Dijon n’avait plus aucune obligation vis-à-vis de l’ODB… ». Pourtant, la réalité sera différente… ? « La communication était rassurante, certes, mais en fait, sitôt le transfert effectué, je me suis retrouvée, avec les autres musiciens, à travailler en grande majorité dans la salle de la Chapelle de l’Hôpital Général, qui était devenue notre nouveau lieu de travail ». En quoi ce lieu est problématique pour des musiciens… ? « La Chapelle est un lieu dédié à la prière, pas pour faire de la musique. L’acoustique est déplorable, il n’y a pas de chauffage. Elle n’est pas faite pour ça ». Et les promesses sur le niveau de services annuels ? « Dans le même temps, Je constate aussi que les productions lyriques promises se comptent désormais à deux par an contre 8 à la « grande époque » La majeure partie de nos concerts se font dans des petites salles (jauge de 160/200 personnes) et nous accédons à l’auditorium et au grand théatre assez rarement. Alors qu’il y avait 1600 personnes à l’Auditorium pour les Noces de Figaro. L’auditorium permettait à l’orchestre de remplir trois soirs de suite 1600 places ». Comment avez-vous vécu l’épisode du Ring de Wagner, mis en place par l’Opéra et auquel l’ODB n’a finalement pas participé ? « A l’annonce du projet de Laurent Joyeux, ma première réaction a été de m’étonner. Dans quelle mesure une telle production, à l’échelle de Dijon, n’allait-elle pas être un gouffre financier par rapport à la taille potentielle du public concerné ? Mais en tant que musicienne le projet était évidemment passionnant ». Et les débuts du Ring, au niveau de l’ODB ? Etait-ce aussi « passionnant » ? « Moins quand j’ai pris connaissance des conditions de travail imposées par Laurent Joyeux à l’orchestre. Il s’agissait de travailler 6h payées 3, cela correspond à deux services payés au prix d’un seul. Le tout avec un rythme effroyable d’enchainement de répétitions ». Infos-dijon.com (3) Dimanche 17 août 2014 Finalement, l’ODB s’est retiré du projet… ? « Face au désarroi de l’ensemble de l’orchestre, Daniel Weissmann, le directeur de l’ODB, nous retire du Ring qui, de toute façon, ne nous aurait pas permis d’assurer notre mission de proximité pour la suite de la saison, en « mangeant » à lui seul 60 % du budget annuel pour la saison 2013- 2014 ». La ville, dans la foulée, a baissé la subvention de l’ODB… ? « On l’a pris comme une trahison de la municipalité par rapport au « projet ambitieux » vendu en 2009 au moment du transfert. C’était aussi la confirmation des craintes qui avaient pu naitre quelques années auparavant au moment du transfert. Et en répercussion l’orchestre risque de fermer. Nous, les musiciens, on apprend tout ce volet financier en mai 2014 ! Nous prenons aussi connaissance du fait que l’argent des subventions promises dès le transfert n’a pas été attribué au coût réel ». Quelle a été votre réaction et celle des musiciens ? « Je ne trahirai personne dans l’orchestre en disant que c’est le choc absolu pour nous d’apprendre que la subvention diminue suite aux problématiques du Ring. C’est aussi un choc d’apprendre que structurellement parlant, l’association Camerata n’a jamais eu les fameux moyens financiers et logistiques promis ». Le 16 juin dernier (lire notre article), Christine Martin, adjointe à la culture déclarait : « la ville soutiendra l’ODB en 2015 à hauteur de 2013 », c’est-à-dire revenir à la subvention annuelle habituelle de 830 000 euros (et non de 650 000 suite à l’affaire du Ring, ndlr). Avant que la ville n’annonce que, suite à un audit et à une « gestion financière hasardeuse », elle ne versera pas la somme ponctionnée en 2013 faisant défaut pour terminer la saison 2014… ? « Le 16 juin, j’entends Christine Martin nous dire d’être patients quant aux solutions qui vont être trouvées. Mais là, immédiatement je me dis : « les vacances arrivent bientôt, si la Camerata s’arrête à ce moment-là ça ne fera pas trop de vagues ». Ce qui est confirmé le 17 juillet dernier par le mail de Daniel Weissmann aux musiciens (lire notre article)». Quelle a été votre réaction suite à l’annonce du directeur et de l’ODB ? « J’ai été atterrée par le discours qui consiste à faire croire que jouer dans cet orchestre n’est que de l’argent de poche pour les musiciens ! 60% des musiciens ne peuvent vivre de leur métier sans l’orchestre, de plus, enseigner la musique et la jouer vont de pair dans ce métier». Comment envisagez-vous l’avenir… ? « Très sombre…changer de métier sans doute… à moins que je joue du violon dans la rue (sourire)… Et avec la fin de l’ODB, c’est surtout tout un pan de la culture dijonnaise qui s’écroule…» Propos recueillis par Bruno LÉDION