foyers maternels 92 - rap act 2012

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foyers maternels 92 - rap act 2012
FOYERS MATERNELS
« LE BIEF » &
« CLAIREFONTAINE »
RAPPORT D’ACTIVITE
2
0
1
2
-3-
AVVEJ - Foyers maternels,
Le Bief / Clairefontaine
Accueil de 55 jeunes femmes (12 à 26 ans) enceintes, ou avec un ou deux enfants de
moins de 3 ans.
-
17 familles - mères mineures ou jeunes majeures avec enfants - accueillies en mode
collectif dans deux foyers situés dans le département des Hauts-de-Seine : Le Bief à
Antony, Clairefontaine à Fontenay-aux-Roses.
-
38 familles - mères majeures avec enfants - accueillies en appartements autonomes dans
trois sites : 15 à Antony, 12 à Colombes, 11 à Fontenay-aux-Roses.
AVVEJ Foyers maternels Le Bief / Clairefontaine
Directeur
Thierry SIMON
Foyer Maternel Le Bief
Foyer Maternel Clairefontaine
Directrice adjointe
Hamida BENKHELFALLAH
Chefs de service éducatif
Dominique BOUFFLERD (Mme)
Béatrice MINGOTAUD
Service éducatif des jeunes mères majeures
(S.E.J.M.M.)
Service d’Accompagnement Individualisé
(S.A.I.)
Service éducatif des mères mineures
(S.E.M.M.)
Stéphanie ORINEL
Foyer Maternel Éducatif (F.M.E.)
Responsables Petite Enfance
Françoise FORET
Valérie BERTRAND
Espace Petite Enfance (E.P.E.)
Espace Multi-Accueil (E.MA.)
FOYERS MATERNELS LE BIEF / CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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FOYERS MATERNELS LE BIEF / CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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AVVEJ Foyers maternels. Foyers Le Bief et Clairefontaine
FOYER MATERNEL LE BIEF
4 rue du Moulin
92160 ANTONY
Téléphone :
01.46.68.81.48
Fax : 01.46.66.83.40
[email protected]
Autobus : ligne 197 - Paris : Porte d’Orléans Arrêt
« Mounié »
R.E.R. B4 -Direction St-Rémy-lès-Chevreuse – Gare
d’Antony
ACCUEIL :
1.
2.
3.
4.
23 mères de 12 à 25 ans et leur enfant de moins de 3 ans. Accueil de femmes enceintes
majeures.
Service éducatif de mères mineures : accueil collectif de 8 mères mineures avec un
enfant de 0 à 3 ans
Service éducatif de mères majeures : accueil de 15 jeunes femmes majeures (18 à
25 ans), enceintes ou mères avec un enfant de 0 à 3 ans, en studios autonomes dans le
quartier « les Baconnets », à Antony.
Espace petite enfance : Accueil collectif de jour de 12 places, pour les enfants des
mères mineures ou majeures.
Accueil Familial de jour pour 11 enfants, par des assistantes maternelles agréées de
jour (et, pour certaines, jour/nuit : agrément utilisé uniquement dans des situations
particulières).
MISSION :
L’institution reçoit des mères adolescentes ou jeunes adultes et leur enfant de 0 à 3 ans, dont le
lien qui les unit peut produire un risque pour le développement de l’enfant. Nous y menons une
action éducative auprès de l’enfant, garantissons le maternage nécessaire au tout-petit,
privilégions son éveil psychomoteur, son rapport à l’autre, développons son aptitude à
communiquer.
Nous lui assurons la présence fréquente et régulière de sa mère, ce qui lui permet d’établir un lien
affectif constant et suivi avec elle dans le cadre d’une vie commune. Nous intégrons un « dire »
entre l’enfant et sa jeune mère.
Nous essayons de rompre l’isolement des jeunes femmes, favorisons leur projet de vie en leur
apportant une aide matérielle et éducative : nous encourageons les apprentissages, la prise de
parole, et les accompagnons à assumer la responsabilité de leurs dires, leurs actes, leurs
engagements. Nous les autorisons aussi à penser, à poser la façon dont elles souhaitent mais
aussi peuvent être mère.
Les fondements de notre projet éducatif sont élaborés sur l’idée maîtresse que tout lien
maternel n’est pas par essence forcément « bon », mais qu’un petit enfant peut susciter chez sa
mère un réel désir de vie. Nous travaillons ainsi à :
1. Assurer au nouveau-né une sécurité affective minimale, lui permettre d’établir au
quotidien un lien avec sa mère, mais aussi son père quand ce dernier l’a reconnu ou
souhaite le faire, être éduqué, socialisé, et de ne pas souffrir précocement de graves
carences affectives. Évaluer l’existence ou non d’un lien familial possible dans la
continuité.
2. Rompre l’isolement de l’adolescente en rupture familiale qui a connu abandons, rejets,
placements. Contribuer à sa construction identitaire, à son individuation et à sa
socialisation : à l’inscrire dans « ici et maintenant » ; à lui donner les repères éducatifs et
ASSOCIATION VERS LA VIE ET L’EDUCATION DES JEUNES RECONNUE D’UTILITE PUBLIQUE
1, place Charles de Gaulle – 78067 St Quentin en Yvelines Cedex
Téléphone : 01.30.43.26.00 – Télécopie : 01.30.43.98.25
Courrier électronique Direction générale : [email protected]
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une perspective curative pour penser sa vie et grandir, à s’insérer socialement et
professionnellement et à appréhender sa fonction parentale à plein temps, ou
partiellement sans culpabilité.
3. Permettre le développement d’une relation entre une adolescente devenue mère et son
tout petit enfant en accompagnant le maternage, et en les initiant l’un et l’autre au
langage.
4. Permettre si possible à cet enfant de rompre avec le cercle vicieux de l’ignorance des
origines en intégrant son tissu générationnel (quand c’est réalisable). Autoriser le père qui
l’a reconnu à s’approprier sa fonction parentale et à appréhender ses responsabilités.
Inviter ses grands-parents à investir leur rôle.
AGRÉMENT :
Habilitation Aide Sociale à l’Enfance
STRUCTURE :
Directeur : Thierry SIMON
Directrice adjointe : Hamida BENKHELFALLAH
Chef de service éducatif : Dominique BOUFFLERD (Mme)
Responsable Espace Petite Enfance (jusqu’à fin septembre 2012) : Françoise FORET
Économe - Adjointe d'économat - Secrétaire de direction / Éducatrices de jeunes enfants Auxiliaires-puéricultrices, Assistante petite enfance / Assistantes maternelles / Éducatrices et
éducateurs spécialisés, Conseillère sociale et familiale / Puéricultrice – Infirmière - Pédiatre Psychologues / Maîtresse de maison - Surveillants de nuit et Agents techniques (Ménage,
Entretien)
ASSOCIATION VERS LA VIE ET L’EDUCATION DES JEUNES RECONNUE D’UTILITE PUBLIQUE
1, place Charles de Gaulle – 78067 St Quentin en Yvelines Cedex
Téléphone : 01.30.43.26.00 – Télécopie : 01.30.43.98.25
Courrier électronique Direction générale : [email protected]
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AVVEJ Foyers maternels. Foyers Le Bief et Clairefontaine
FOYER MATERNEL CLAIREFONTAINE
23 rue Boris Vildé
92260 Fontenay-aux-Roses
Tél : 01 46 01 54 70
Fax : 01 46 01 54 81
[email protected]
RER B - Direction Robinson. Arrêt Fontenay-auxRoses.
Bus : 194. Direction Chatenay-Malabry. Arrêt Jean
Jaurès-Carnot
ACCUEIL :
32 mères et leurs enfants de moins de 3 ans. Accueil de femmes mineures enceintes.
1. Foyer Maternel Educatif (F.M.E.) : collectif de 9 mères mineures ou jeunes majeures
avec enfant de 0 à 3 ans. Accueil de femmes enceintes.
Accueil des enfants à l’Espace Multi-Accueil.
2. Espace Multi-Accueil (E.M.A.) : accueil de 20 enfants en journée. 15 enfants des
mères accueillies au foyer maternel et (à terme) 5 enfants « extérieurs » (en projet).
Accueil en crèche. Pause-maman. Espace rencontre parent/enfant.
3. Service d’Accompagnement Individualisé (S.A.I.) : accueil en appartements
autonomes de 23 mères de 18 à 25 ans avec leurs enfants de moins de 3 ans.
Deux antennes :
o Colombes : 12 appartements, accueil des enfants par des assistantes maternelles
o Fontenay-aux-Roses : 10 appartements dont un appartement partagé, accueil des
enfants à l’E.M.A. ou par des assistantes maternelles.
MISSION :
Aider la jeune mère à construire une relation viable avec son enfant et à préparer son avenir et
celui de son enfant. Favoriser des temps de séparation sans que cela soit un drame, se soucier
de la place du père.
Favoriser l’insertion scolaire, professionnelle et sociale en apportant à la jeune mère l'aide
psychologique, affective et éducative qui lui permettra de prendre en charge, elle-même, ses
problèmes de manière autonome.
AGRÉMENT :
Aide Sociale à l’Enfance
ASSOCIATION VERS LA VIE ET L’EDUCATION DES JEUNES RECONNUE D’UTILITE PUBLIQUE
1, place Charles de Gaulle – 78067 St Quentin en Yvelines Cedex
Téléphone : 01.30.43.26.00 – Télécopie : 01.30.43.98.25
Courrier électronique Direction générale : [email protected]
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STRUCTURE :
Directeur : Thierry SIMON
Chefs de Service éducatif :
- Service d’accompagnement Individualisé : Béatrice MINGOTAUD
- Foyer Maternel Educatif : Stéphanie ORINEL
Responsable de l’Espace Multi-Accueil : Valérie BERTRAND
Pédiatre, psychologues, éducateurs spécialisés, infirmière, éducatrices de jeunes enfants,
auxiliaires de puériculture, C.A.P. petite enfance, assistantes maternelles, hommes d’entretien,
femmes de ménage, maîtresses de maison et personnels des Services Administratifs, secrétaires,
économe, adjointe d’économat.
ASSOCIATION VERS LA VIE ET L’EDUCATION DES JEUNES RECONNUE D’UTILITE PUBLIQUE
1, place Charles de Gaulle – 78067 St Quentin en Yvelines Cedex
Téléphone : 01.30.43.26.00 – Télécopie : 01.30.43.98.25
Courrier électronique Direction générale : [email protected]
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Foyers maternels Le Bief /
Clairefontaine
On se demandait si on serait des bonnes mères…
Discours des jeunes femmes, premières habitantes avec leurs enfants des
nouveaux locaux du Foyer Maternel Educatif Clairefontaine, prononcé lors de
l’inauguration le 6 avril à Fontenay-aux-Roses.
Bonjour, je m’appelle… Naomie. J’ai 17 ans. Je suis au foyer depuis le mois de janvier avec
ma fille Maéva qui a 3 mois. Vous avez vu notre exposition photos, appelée « Il était une
fois… ». Ces portraits, c’est nous et nos enfants.
Je vais maintenant vous parler de notre vie au foyer.
Il était une fois sept jeunes mères aux parcours tous très différents. Je vous ai déjà parlé de
ma fille, Maéva. Il y a aussi Laeticia et sa fille Marlène, Eurydice et sa fille Cynthia, Marie et
son fils Anys, Marina et sa fille Eden, Louise et sa fille Shirley et Claudia et sa fille.
Nos enfants, c’est ce qui nous rapproche. Mais il y a autre chose qui explique notre présence
dans ce foyer.
Des situations familiales compliquées ont fait de nous des mères différentes, des mères qui
ont vécu une grossesse chargée d’angoisses et d’appréhensions.
Comme toute femme enceinte, on se demandait si on serait des bonnes mères, si on serait à
la hauteur… De plus, du fait de notre jeunesse, il a fallu affronter d’autres difficultés : le
regard des autres, la culpabilité, les craintes liées à notre avenir, etc.
Qu’on l’ait choisi ou pas, on est là, avec nos enfants. Nos bébés ont entre 3 et 10 mois. Ce
sont des petits bébés qui évoluent tous à leur rythme, et qui se suivent. On apprend les unes
des autres, on se donne des conseils de mamans.
Chaque jour, on s’occupe de nos bébés. On est vraiment entourées, entourées par des gens
qui ont de l’expérience. Ça nous rassure, et ça rassure nos parents. Au foyer, on apprend à
être des mères, mais on peut aussi s’épanouir et vivre notre vie d’adolescente.
On est aussi ici pour construire notre avenir et celui de notre enfant, pour pouvoir ensuite se
lancer dans la vie adulte et affronter ses difficultés.
Pour écrire ce discours, je suis allée voir les autres filles. Etre au foyer n’est pas tous les jours
facile, mais on reconnaît que ça nous aide pour avoir une meilleure relation avec nos enfants,
être plus autonomes et rassurées en tant que mères.
Pour plusieurs, le temps qu’on passe ici avec nos enfants permet de créer un véritable lien
d’amour. Si en plus, ce temps nous permet d’avoir une formation ou un travail, nous pourrons
ensuite poursuivre notre route et avoir notre propre appartement.
Vivre avec nos enfants, libres et heureuses, avoir une meilleure vie, c’est ça notre but, et c’est
pour ça qu’on est ici.
Merci.
N.B. Les prénoms ont été modifiés.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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RENOUVEAU ET CONTINUITE
Thierry SIMON, Directeur
2012 aura été marqué pour les foyers maternels Le Bief et Clairefontaine par quatre
évènements majeurs : la mise en activité des nouveaux locaux du foyer maternel
Clairefontaine à Fontenay-aux-Roses, la poursuite de la réorganisation du foyer
maternel Le Bief à Antony, la reprise des accueils de femmes enceintes mineures ou
majeures, la vérification par l’action que les projets des établissements Le Bief et
Clairefontaine ne faisaient qu’un.
Cette actualité interne très dense, qui a mobilisé toutes les énergies sans pour cela les détourner
du travail quotidien, s’est déroulée dans un contexte d’interrogation sur les missions des foyers
maternels : alors que son public évolue (moins de mères mineures, augmentation de l’âge des
femmes au premier enfant, précarité croissante des familles monoparentales constituées très
majoritairement de femmes et d’enfant…), alors que des pères ou ceux qui occupent cette place
revendiquent parfois de jouer un rôle que les institutions d’accueil pour femmes isolées ne leur
permettent pas toujours de tenir auprès de leurs enfants, alors que des parentalités nouvelles
(dont on ne parle maintenant) bouleversent le discours sur la famille et imposent la notion de
droit à l’enfant,…
Les missions sont questionnées, les moyens mis en œuvre avec, les objectifs aussi.
Au niveau national, un « Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale »
préconise la création de centres parentaux, dont le statut permettrait la prise en charge des
pères au sein des centres maternels existants.
Parallèlement, dans le département des Hauts-de-Seine, les travaux autour du schéma
départemental de prévention et de protection de l'enfance et de la jeunesse 2012-2016,
confrontent l’offre départementale d’accueil en foyers maternels à la demande, questionnant
l’adéquation entre ces moyens et le public tel qu’il évolue, en nombre et caractéristiques.
Quoique la vocation régionale des foyers maternels Le Bief et Clairefontaine soit constante (62 %
des familles sont issues des différents départements d’Ile-de-France), son implantation dans son
territoire n’en est pas moins essentielle et les liens de partenariat avec les services
départementaux ont été permanents puisque 19 familles présentes au 31 décembre 2012 étaient
originaires des Hauts-de-Seine.
Si ce rapport d’activité est traversé de ces débats - les pères y sont particulièrement présents c’est qu’ils sont encouragés par la mise en place d’instances de réflexions, de formations
collectives, par le développement de partenariats avec des organismes à vocation d’insertion ou
de soutien, et d’échanges avec des établissements similaires. Il l’est aussi de façon implicite
quand de nouvelles modalités d’accueil sont expérimentées et ici évoquées. Les foyers maternels
Le Bief / Clairefontaine s’inscrivent dans une démarche de réflexion destinée à les projeter dans
la dynamique locale des politiques familiales et de protection de l’enfance.
Mais tels qu’ils sont, ils répondent à une nécessité sociale attestée par les 390 demandes
d’admission reçues, et les 95 familles concernées par nos actions en 2012. Les pratiques
éducatives qu’ils mettent en œuvre résultent d’un capital d’expériences accumulé au cours de
leur(s) histoire(s) auprès des femmes et des enfants. Si elles peuvent être améliorées, elles ne
sont ni sans efficience ni pertinence.
Il fallait donc revenir sur ce que les équipes éducatives font quotidiennement avec exigence et
modestie, avec ambition et engagement de leurs professionnels, par des contributions sur les
techniques d’accompagnement développées dans les différents services.
En effet, quelles que seront les évolutions du foyer maternel en tant qu’institution participant
d’une politique de soutien à la parentalité, la relation éducative est, et restera la pierre angulaire
de notre projet.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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1) Un
Alors que l’espace entre les deux foyers maternels de l’AVVEJ se tissait de fils plus ou moins
visibles depuis 4 ans, l’année 2012 aura été la première d’un fonctionnement des deux
établissements dans la plénitude de leur configuration respective, depuis la réouverture du Foyer
Maternel Educatif et de l’Espace Multi Accueil de Clairefontaine.
Le « dispositif », à défaut d’autre terme pour désigner cet ensemble, comprend donc quatre
services éducatifs d’accueil Mère/Enfant, deux en collectif, deux en hébergement individuel, deux
crèches collectives et trois pôles d’accueil d’enfants par des assistantes maternelles.
Il se répartit en plusieurs points du territoire des Hauts-de-Seine, dans le sud à Antony (42 % de
la capacité d’accueil), à Fontenay-aux-Roses (36 %), et dans le nord du département à Colombes
(22%).
Il accueille 55 familles monoparentales, femmes avec un ou deux enfants et des femmes
enceintes, mineures ou majeures.
Il y a bien des façons d’opérer des rapprochements et la science des organisations n’est pas
avare d’exemples de processus plus ou moins expéditifs.
Celui que nous avons choisi se caractérise par un déplacement progressif mais volontaire, parfois
insensible, jusqu’au moment où il s’est révélé que les établissements étaient indissolublement
liés, que retourner en arrière n’avait pas plus de sens que de s’arrêter en chemin.
L’opération ne visait pas à soustraire, diminuer, réduire ; elle devait être une addition de
propositions éducatives, de moyens, de compétences, de pensées, ce qui peut favoriser quelques
redistributions.
La gestion commune des admissions – comme porte d’entrée dans l’(es) établissement(s) – a
généré les premiers mouvements d’échanges virtuels par la mise en réseau, et d’échanges
physiques par des contacts téléphoniques et réunions des cadres en commission d’admission.
Elle a surtout créé un public unifié, orienté ici ou là en fonction des problématiques individuelles
et des possibilités de chacun des services, perçu comme entité par la statistique, permettant
l’analyse des besoins comme celle des actions mises en œuvre.
Et c’est par ce public constitué que les établissements Le Bief et Clairefontaine sont en passe de
devenir un.
S’en sont suivis la création de liens fonctionnels, l’acquisition d’un réflexe de recherche de
solution ici à un problème posé là, l’uniformisation de certaines procédures ou de règles de
gestion du personnel, mais aussi le choix de préserver les différences pour s’enrichir des
contraires :
Mise en place de deux instances de gouvernance : réunion des cadres (Directeur,
Directrice-Adjointe, Chefs de services éducatifs, Responsables de service Petite Enfance)
et commission d’admission.
- Services administratifs en relations fréquentes pour échange d’information et
harmonisation des procédures.
- Réunion mensuelle des infirmières pour réflexion et actions communes.
- Formations conjointes pour certains personnels (secrétaires, infirmières) ou collectives.
- Organisation du travail des hommes d’entretien.
- Surveillants de nuit appelés à effectuer des remplacements dans l’un ou l’autre
établissement.
- Groupes de travail ouverts aux professionnels des deux établissements : sur la place des
pères, sur l’accueil des femmes âgées de plus de 25 ans.
- Politique d’accueil des stagiaires.
- Partenariats envisagés ensemble.
- Etc.
La chronique de cette marche vers l’union est loin d’être achevée : l’habilitation du foyer
maternel Le Bief devant être renouvelée, l’opportunité d’une demande d’habilitation commune
aux deux établissements a été saisie et il est prévu qu’en 2014, le budget prévisionnel qui sera
préparé pour 2015 soit unique...
-
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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2) L’activité des foyers maternels en 2012
a) Demandes d’admissions
Nous avons reçu en 2012, 378 dossiers de demandes d’admission dont 81 en provenance des
Hauts-de-Seine.
Les âges sont ainsi répartis : 90 mineures, 212 femmes entre 18 et 25 ans, 76 âgées de plus de
25 ans.
Parmi les jeunes femmes mineures, 39 avaient un enfant et 51 étaient enceintes.
Si nous sommes en mesure d’accueillir des mineures enceintes à Fontenay-aux-Roses, il faut
qu’une inscription dans une maternité proche de l’établissement soit possible. Cette condition
n’est pas toujours réalisable quand la jeune femme est originaire d’un autre département ou de
la partie nord des Hauts-de-Seine.
b) Procédures d’admission
Nous avons initié 98 procédures d’admission pour 42 entrées.
c) L’activité
Nous avons accueilli cette année, présentes le 1e janvier 2012, sorties en cours d’année ou
toujours présentes au 31 décembre, ou bien entrées et sorties entre ces deux dates, 95 familles
monoparentales avec un ou deux enfants (49 au foyer maternel Clairefontaine et 46 au foyer
maternel Le Bief).
L’activité du foyer maternel Clairefontaine après trois années de déficit expliqué par la période de
fermeture d’une partie de l’établissement, a été excédentaire, ce qui est remarquable avec des
équipes nouvellement constituées. En revanche, elle ne l’a pas été au Bief.
Les obstacles se sont cumulés :
- Un nombre plus important de sorties par rapport aux années précédentes (25 contre
19 en 2011), qui augmente le nombre de périodes d’inoccupation des places.
- Des départs imprévus n’ayant pas permis d’anticiper de nouvelles procédures
d’admission.
- 4 accueils très courts (moins de 3 mois), avec hospitalisation, séparation mère/enfant,
réorientation.
- 4 accueils courts (entre 3 et 9 mois).
- 3 procédures d’admission initiées qui n’aboutissent pas en juin, alors qu’il est difficile
de programmer des entrées pendant la période estivale.
Au global, pour les deux établissements, l’activité est légèrement déficitaire.
AVVEJ Foyers maternels
Le Bief / Clairefontaine
Journées
Mère/Enfant
budgétées
18 792
Journées
Mère/Enfant
réalisées
18 361 > - 431
-2,22%
d) Durée des accueils/des parcours
Pour les familles qui ont quitté l’un des établissements pendant l’année (45), la durée moyenne
de l’accueil aura été de 12,36 mois.
Cette moyenne est relativement stable par rapport aux années précédentes et doit être analysée
pour être signifiante : le temps est un outil fondamental pour la rencontre éducative et sa
richesse n’est pas forcément en rapport avec sa durée, la brièveté comme la longueur pouvant
résulter d’une nécessité.
Par la loi, l’accueil des familles est limité par la date anniversaire des trois ans de l’enfant. Dans
notre projet, cet objectif n’est jamais présenté aux jeunes femmes, quel que soit l’âge de l’enfant
à son arrivée et à plus forte raison lorsqu’il va ou vient de naître, comme une perspective qui
devra nécessairement être atteinte.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
- 13 -
Des regroupements de temporalités permettent de dégager des constantes. Elles correspondent
à des parcours et à des types de travail éducatif, même si à l’intérieur de chacun des groupes,
ces parcours sont toujours singuliers :
-
20% durée inférieure à 6 mois (9) :
24% entre 6 et 12 mois (11)
36% des familles ont été accueillies entre 12 mois et 18 mois
20 % entre 18 et 24 mois (6) ou plus de 24 mois (3)
e) Sorties de l’établissement
Si le foyer maternel n’a pas vocation d’être un habitat social, il résout cette question
temporairement pour des familles qui ont dû pour beaucoup d’entre elles vivre un parcours
d’errance.
Le pourcentage important, 91%, de sorties des familles vers un logement mérite d’être analysé
attentivement puisque tous les logements ne se valent pas.
-
-
-
-
-
Un nombre significatif de logements indépendants, avec travail ou prestation sociale :
31% des modes de logement à la sortie, que la jeune femme s’installe seule avec son
enfant ou en couple.
Un type de sorties tend à se développer : de jeunes femmes vont en province, dans
des villes moyennes, pour s’installer là où les logements sont accessibles, en faisant
un pari sur l’emploi ou la formation, considérant que le logement est l’assise qui
permettra la poursuite de leur insertion sociale.
Les retours en famille sont parfois des solutions souhaitées et souhaitables, mais ne
peuvent être considérés comme des issues toujours positives en terme d’insertion. Ils
peuvent être un retour après un épisode de placement pendant lequel des relations
se seront apaisées, ils sont parfois le constat d’une impossibilité à trouver une
solution pour soi.
2 jeunes femmes originaires de Seine-Saint-Denis ont été orientées vers le Centre
Mères Enfants de l’association AVVEJ à Bobigny, mode d’accueil en appartement avec
bail glissant, qui permet donc le maintien dans l’appartement au-delà de l’accueil par
le service.
Ces statistiques illustrent un travail d’accompagnement social intensifié sur la question
de l’insertion par le logement. Il confirme aussi la nécessité de traiter cette question
au plus tôt sans donner l’illusion aux jeunes femmes que la durée de leur accueil
faciliterait les conditions de leur sortie. C’est pourquoi il est toujours affirmé que le
foyer maternel n’est pas une solution de logement durable.
3) Foyer Maternel Clairefontaine
Premières fois dans nos nouveaux locaux
Dans ce lieu, tout a été fait pour la première fois : premiers pas d’un enfant, premiers jeux,
premiers mots, premiers écrits professionnels, premiers rires et premières pleurs, premiers
départs de jeunes femmes, première démission, premier compte administratif, premières
réparations, premières admissions,… l’énumération des Premiers n’en finirait pas : les certitudes,
les doutes, les questions, les réponses puisqu’il en faut, les autres différées, les premiers
moments de plaisir partagé, les premières disputes, les premières réunions, etc…
Il a fallu tout apprendre dans ces nouveaux locaux, à se servir des espaces en s’appropriant ceux
qui ont été attribués aux uns et pas aux autres et ceux qu’il faut partager.
Georges Pérec l’a écrit : « Vivre c'est passer d'un espace à un autre, en essayant le plus possible
de ne pas se cogner. » On se cogne parfois à toute sorte de murs ou de barrières. Et on n’en a
pas fini. On passe par-dessus parfois parce qu’il faut bien avancer. Mais on apprend à vivre
ensemble et à travailler ensemble. Les enfants et les mères apprennent à vivre ensemble et aussi
séparément.
Chacun quand il arrive quelque part doit faire les choses pour la première fois, mais il est seul
dans sa condition. Ici, nous avons partagé ces premières fois, ce moment-là, unique et non
reproductible.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
- 14 -
Rien ne sera plus comme avant : on pourra refaire pareil ou à peu près, restaurer, corriger,
modifier, transformer et même initier… avec les mêmes ou ceux qui viendront. On fera des
choses inédites. Mais pour cela, on pourra s’appuyer sur une histoire, une expérience, une
mémoire. Ainsi naissent les institutions, quand les premières fois n’en sont plus.
INAUGURER ET APRES
Clara LESNE, éducatrice spécialisée au Foyer Maternel Educatif
Les quelques mots que les jeunes femmes du FME Clairefontaine ont prononcé le jour de
l’inauguration des nouveaux locaux (cf. texte en exergue à ce rapport d’activité) « ont donné
sens, s’il en était besoin au projet de réouverture de Clairefontaine» pour reprendre l’expression
du Directeur-Général de l’AVVEJ.
L’émotion que ce témoignage a suscité était en effet vive, tant pour les jeunes femmes, et les
personnes qui le découvraient que pour les éducatrices du foyer qui en avaient accompagné la
réalisation. Longtemps après les jeunes femmes continuaient d’en parler de façon enjouée…
Temps fort s’il en est, nous avons donc souhaité, à travers ce rapport d’activité, laisser ici une
trace de ce discours.
Et depuis ? Le travail autour du lien mère-enfant s’est poursuivi, avec le collectif comme support
à nos interventions. L’été 2012, deux séjours-vacances ont été réalisés, dans une logique
transversale FME/Espace Multi-Accueil, avec des éducatrices des deux services qui
accompagnaient les jeunes femmes et leur enfant.
Des départs de jeunes majeures au S.A.I. (Service d’Accompagnement Individualisé) ou d’autres
services, des orientations de prise en charge, dont une séparation d’une mère et son enfant,
respectivement orientées en foyer d’accueil d’urgence et en famille d’accueil.
Des arrivées aussi. La première jeune femme enceinte a été accueillie en octobre et a donné
naissance à son fils début décembre. L’axe médical de la prise en charge se renforce et les
pratiques éducatives évoluent, de fait.
Des groupes de travail et de réflexion ont été formés ; des formations et séminaires nous ont
permis des temps de réflexion et d’analyse de nos pratiques et des enjeux liés à l’accueil de ces
jeunes femmes mineures ou jeunes majeures, et leur enfant.
L’équipe a par ailleurs connu des évolutions dans sa constitution, suite au départ d’une
éducatrice spécialisée, remplacée rapidement, et à l’accueil d’un membre supplémentaire,
éducateur aux fonctions orientées vers le soutien scolaire et la médiation culturelle.
Car les jeunes femmes accueillies lors de l’ouverture, il y a un an, sont aujourd’hui toutes
scolarisées et nécessitent là-aussi un accompagnement autre que celui que l’équipe proposait
lors des premiers mois de 2012…
Autre évolution notable : ce dernier recrutement est donc masculin. Nous n’en sommes qu’aux
prémices mais il semble déjà que cela engendre un certain renouveau…
Gageons que toutes ces évolutions et les prochaines à venir seront l’occasion de continuer à
réfléchir à nos pratiques et l’accompagnement spécifique de ce public aux besoins multiples…
ADOLESCENTE ET MERE, RESPONSABLE(S)
Stéphanie ORINEL, chef de service éducatif du F.M.E.
Avant l’ouverture, nous avions eu des temps de travail avec l’équipe éducative et nous avions
longuement abordé certaines questions afin d’affiner nos axes de travail en lien avec le projet
pédagogique et éducatif de l’établissement.
La question du statut de l’adolescente et de la jeune mère a été longuement traitée et nous
avons mis en place au cours de cette année un certain nombre d’outils. Nous avons défini
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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plusieurs axes éducatifs figurant dans un projet personnalisé, permettant de définir des objectifs,
le but étant de les rendre actrices et les responsabiliser par rapport à ce projet de vie.
Cet outil a été construit à partir du contrat de séjour qui détermine les grandes lignes de l’accueil
en foyer maternel, déclinées de façon plus fine dans ce document.
Les éducateurs, éducatrices de jeunes enfants et éducateurs spécialisés rencontrent la jeune
femme et élaborent des axes de travail avec elle, en la plaçant en position de sujet.
Parmi les thèmes choisis : la vie sociale (comportement au foyer, relations extérieures, centres
d’intérêt), le projet professionnel, les relations familiales, la situation du couple parental, la santé,
le suivi psychologique et la gestion budgétaire et administrative.
Une autre partie concerne l’enfant, la relation à l’enfant et son statut de mère. Tout cela se
travaille au même moment, ce qui permet à l’équipe d’appréhender la complexité qu’il y a à
concilier statut de jeune mère et statut d’adolescente, et ainsi de guider la jeune femme.
En lien avec ce travail et mes observations, je souhaitais orienter les réflexions avec l’équipe
éducative autour de différents thèmes en particulier la notion de responsabilité.
Dans la situation des jeunes femmes que l’on accueille, il est important de leur rappeler leur
place d’adulte en devenir et aussi qu’elles sont actrices de ce devenir.
Elles sont adolescentes avec des préoccupations d’adolescentes, et elles n’échappent pas à ce
processus qui leur permet de devenir des adultes, à cette phase d’individuation où elles se
distinguent de leurs parents en remettant en cause l’autorité, les valeurs, questionnant des
parents parfois eux-mêmes en difficultés et construisant leur propre projet.
Le rôle de l’éducateur est bien de les accompagner dans la compréhension de tout cela et leur
rappeler qu’elles vont pouvoir faire leurs propres choix et qu’elles seront responsables de ceux-ci.
Enfant dans les situations que nous connaissons nombre d’entre elles ont « subi » les
événements, la famille leur a également transmis un certain nombre de valeurs, « l’habitus » et
elles sont au moment de ce passage de l’adolescence à la vie d’adulte en train de tout remettre
en question. Un désir d’émancipation qui se traduit sans doute aussi par les grossesses et ce
changement de rôle où elles deviennent à leur tour parents, imposant par-là même un autre rôle
à leurs propres parents, celui de grands parents.
La complexité de leur situation est double puisqu’à leur tour, elles vont devoir transmettre, alors
que simultanément, elles actionnent un processus de remise en question de ce qui leur est
transmis.
Elles devront écrire leur propre histoire et celle de leur enfant qui à son tour, un jour… D’où
l’importance, de leur rappeler le rôle déterminant qu’elles vont jouer avec cet enfant dépendant
d’elle et de ce qu’elles vont lui laisser en héritage.
Elles sont responsables de cet enfant juridiquement de par l’autorité parentale et bien
évidemment moralement, physiquement. Cela n’est pas facile quand soi-même on reste une
enfant/ adulte en devenir. Difficile pour elles de jongler entre les deux et de prioriser, et parmi
les jeunes femmes que nous accueillons, nous avons des enfants fragilisées par des relations
familiales conflictuelles ou une histoire de vie, et qui ont besoin de se reconstruire avant tout.
A force de voir la mère et ses responsabilités vis-à-vis de son enfant, il est possible que parfois
on en oublie l’enfant/ mère et j’ai constaté au cours de cette année que nombre d’entre elles se
sentaient soulagées lorsque nous les remettions à cette place.
Elles se sentaient rassurées d’entendre qu’elles aussi avaient besoin d’être protégées voire à
certains moments maternées. Il faut mettre cela en lien avec des histoires familiales où parfois,
elles ont été mises à des places d’adultes, où elles ne se sont pas senties protégées, contenues
par leurs propres parents.
Pour l’éducateur la difficulté est bien de les mettre à la fois en position de responsabilité et en
même temps, de ne pas oublier qu’elles sont encore des adolescentes, dans une phase de
changement normale et nécessaire, adolescentes qui ont besoin d’être mises à des places
d’enfant : protégées, sécurisées, encadrées et soutenues par des adultes bienveillants.
Parfois on peut remarquer à quel point l’enfant, celui de l’adolescente, n’est pas suffisamment
considéré. La question de l’intérêt de l’un et de l’autre peut être posée distinctement, quand la
mère est plus centrée sur ses préoccupations d’adolescentes et envahie par ses difficultés
personnelles. Il peut y avoir un moment où elle n’est pas en capacité d’être une mère
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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suffisamment protectrice, à « plein temps » et à ce moment précis de sa vie. Il faut pouvoir
parler de séparation, loin de l’idée d’abandon, accompagner la jeune femme dans une décision
qui devra être la sienne, pour elle et son enfant.
L’accueil de mineures en foyer maternel éducatif suppose une vision très large de la
problématique adolescente, de la protection de l’enfance, de l’accueil du jeune enfant et des liens
mère/enfant.
Je constate aujourd’hui que l’équipe du foyer maternel éducatif a su prendre en compte toutes
ces dimensions pour accompagner au mieux les jeunes femmes et leurs enfants et qu’elle a su
apporter la réassurance nécessaire. Il faudra ajuster au fil du temps nos pratiques mais nous
n’avons encore qu’un an d’expérience institutionnelle commune, et les problématiques des
jeunes femmes que nous accueillerons, permettront sans nul doute d’adapter notre
fonctionnement.
LE SERVICE D’ACCOMPAGNEMENT INDIVIDUALISE (S.A.I.) DANS UNE
NOUVELLE PHASE DE SON HISTOIRE.
Thierry SIMON, directeur
Le service qui accueille 23 mères et leurs enfants à Colombes et Fontenay-aux-Roses n’a pas
interrompu son activité pendant la période de reconstruction du foyer, l’antenne de Fontenayaux-Roses s’installant dans des locaux provisoires.
En 2012, le S.A.I. a connu plusieurs changements essentiels :
-
-
-
Installation de l’antenne de Fontenay-aux-Roses dans ses nouveaux locaux, bureaux,
salles de réunions ou d’entretien.
Modification du mode d’accueil des enfants de l’antenne de Fontenay-aux-Roses, une
partie d’entre eux étant accueillis par des assistantes maternelles, l’autre à l’Espace
Multi-Accueil réouvert.
Mise en place de l’accueil de famille par le service en deux temps, après une première
phase de 2 à 4 mois dans le collectif, au Foyer Maternel Educatif, en collaboration étroite
avec l’équipe éducative qui accompagne des mineures ou des jeunes majeures.
Renouvellement conséquent de l’équipe éducative de 8 professionnels, après la mutation
de deux éducatrices de jeunes enfants et le départ d’une auxiliaire de puériculture.
Possibilités offertes après la réouverture du foyer dans sa configuration optimale, par son
plateau technique reconstitué.
Ces changements concomitants ont mis en évidence l’assise solide du service : une expérience
conséquente du travail éducatif auprès des femmes et de leurs enfants, la compétence des
éducatrices spécialisées ou éducatrices de jeunes enfants restées en poste, l’investissement du
chef de service qui a assuré la continuité du projet et a su fabriquer l’amalgame à partir
d’éléments composites.
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RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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Béatrice MINGOTAUD, chef de service du S.A.I. :
« Trois personnes ont rejoint l'équipe : à Fontenay aux Roses, une Éducatrice de
Jeunes
Enfants ; à Colombes une Éducatrice Spécialisée et une Éducatrice de Jeunes Enfants.
Une page s’est tournée à Colombes où les quatre collègues travaillaient ensemble depuis sept
ans.
A Fontenay aux Roses la situation se présentait plus simplement car l'extension de cette partie
de l'équipe était plus récente. Mais l'ouverture de l'Espace Multi-Accueil (E.M.A.) allait modifier le
travail des Éducatrices de Jeunes Enfants, une partie des enfants de l'antenne y étant accueillis
en lieu et place d’assistante maternelle.
Parler de recrutement de nouveaux membres dans une équipe déjà constituée pose plusieurs
questions, au-delà des compétences de chacun d’entre eux.
En voici quelques-unes parmi d'autres :
Comment vont-ils s'intégrer à l'équipe, comment vont-ils appréhender le travail si particulier du
service, réussiront-ils à trouver leur propre façon de traiter les situations. Vont-ils pouvoir
apporter leur savoir-faire acquis lors de précédentes expériences ? Vont-elles réussir à prendre
en compte le point de vue de leur « binôme », l’éducateur spécialisé et l’éducateur de jeunes
enfants en référence sur une même situation, si essentiel à toutes les prises en charge ?
L'engagement de nouvelles personnes reste toujours un pari sur l'avenir ; conjointement c'est
une étape réjouissante.
Cela ouvre de nouvelles perspectives et oblige à re-questionner les options de travail, les choix
de fonctionnement, etc. et à regarder leur évolution. Mais aussi à miser sur de nouvelles
pratiques qui bousculent les précédentes.
Chacune a dû retrouver ses repères, découvrir et accepter d'autres manières de travailler. Il était
également nécessaire de recréer la complémentarité qui permet d'élaborer ensemble pour
chaque situation. »
Mais si le S.A.I. est constitué d’une équipe éducative répartie sur deux lieux, cette période de
changements a permis de rappeler que pour ce service, la notion d’équipe éducative recouvre
une réalité moins restrictive.
L’accueil des enfants est effectué quotidiennement par des assistantes maternelles salariées de
l’établissement : elles sont un repère de stabilité pour eux pendant la durée de leur accueil et
une référence pour leur mère. En lien avec les éducatrices de jeunes enfants, elles participent du
travail d’accompagnement effectué auprès des jeunes femmes et des pères quand ils viennent
chercher ou reconduire leur enfant.
La stabilité de l’équipe d’assistantes maternelles soutenues par les psychologues et la chef de
service a contribué à la permanence de l’action globale d’accueil mère/enfant, elle a favorisé la
transmission des pratiques aux nouvelles éducatrices de jeunes enfants et par là-même, leur
intégration dans le projet.
Il faut aussi pour constater comment un service passe sans rupture d’une phase de son histoire à
une autre, mentionner l’ancrage d’une culture du questionnement et de l’élaboration collective
(pour la seule période récente : écriture du projet de service en 2009-2010, participation à celle
du projet d’établissement en 2011, réflexion en cours sur des évolutions…), également, après
une phase d’interruption et un changement d’intervenant, la mise en place d’une supervision
d’équipe éducative, outil dont les vertus se sont avérées fédératrices.
Nouveaux espaces de travail pour l’antenne de Fontenay-aux-Roses
Les nouveaux espaces dédiés aux S.A.I. (bureau du chef de service, bureaux de l’équipe
éducative), ou partagés avec les autres services de l’établissement (salles d’animation, de
réunion, bureau des psychologues) ont été investis sans qu’ils aient été aménagés
« définitivement ».
Leur localisation à Fontenay-aux-Roses a rapproché les jeunes femmes dont les appartements
sont situés pour la plupart en centre-ville, et a permis la création de l’indispensable point de
convergence pour tous : femmes, enfants, pères, professionnels…
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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Leur intégration dans un complexe foyer collectif, crèche, administration, et précisément dans un
bâtiment où des fonctions transversales sont exercées (direction, secrétariat, économat, pôle
médical), où un autre service occupe une proportion importante de l’espace, l’Espace MultiAccueil (là même où une partie des mères accompagnent leur enfant tous les jours) n’est pas
sans effet sur l’appartenance du service à un projet global.
Elle apporte une dimension nouvelle aux modalités de travail et à l’accompagnement éducatif, et
alors que certaines mères croisent régulièrement les éducatrices spécialisées ou de jeunes
enfants qui les soutiennent dans leur projet, il faut apprendre à mesurer autrement
l’accompagnement à distance.
Si l’implantation de l’antenne de Fontenay-aux-Roses du S.A.I. facilite les rencontres formelles
(entretien d’admission, réunions internes au service ou avec d’autres professionnelles, ateliers,
consultation médicale), elle favorise aussi les échanges informels des membres de cette équipe
avec les autres professionnels, empêchant sans nul doute la tendance à l’isolement superbe
souvent constatée pour des équipes à faible effectif dès lors qu’elles sont isolées.
Nouvelles modalités de suivi médical
La réouverture du Foyer maternel Clairefontaine a permis la reconstitution d’une équipe de suivi
médical avec un pédiatre et une infirmière pour l’ensemble de l’établissement. Elle est venue
soutenir le travail d’accompagnement à la santé effectué par les éducateurs spécialisés auprès
des jeunes femmes et celui des éducatrices de jeunes enfants auprès des mères et de leurs
enfants.
Même si la ligne éducative n’a pas changé, soutenir la prise en charge du suivi médical, la leur et
celle de leur enfant, par les jeunes femmes et mères elles-mêmes, l’accompagnement médical
s’en est trouvé nettement amélioré :
-
-
La visite initiale de l’enfant chez le pédiatre. Dans les semaines qui suivent l’admission
dans l’établissement, les enfants sont rencontrés en consultation avec leur mère, visite
qui permet une connaissance de l’état de santé de l’enfant et peut favoriser pour
certaines pathologies, le soutien à la mère dans les soins à prodiguer et les démarches à
envisager.
Soutien aux éducateurs spécialisés sur la question de la santé des jeunes femmes
Mise en place d’ateliers avec animation conjointe infirmière/éducatrice de jeunes enfants.
Accueil de familles au S.A.I. en deux temps, après une phase d’accueil en collectif.
Ces modalités d’admission d’une famille dans le service est une évolution notable du projet
d’établissement et permise par la réouverture du Foyer Maternel Educatif (F.M.E.).
Les services des foyers maternels Le Bief et Clairefontaine sont pensés comme des entités
délibérément distinctes pour permettre la rencontre de la personne accueillie avec une équipe
spécifique, son choix personnel d’inscrire son parcours dans ce service-là, avec ces gens-là,
qu’elle aura rencontrés pendant la procédure d’admission.
Le parcours institutionnel avec un passage d’un service à l’autre peut s’avérer parfois
problématique pour l’équipe éducative du service « destinataire » quand l’idée d’un passage
obligé s’est installée dans l’esprit des personnes accueillies comme dans celui des professionnels
du service « expéditeur ».
Mais l’analyse des demandes d’admission avait fait apparaitre qu’un nombre important de jeunes
femmes présentant d’évidentes fragilités ou exprimant leurs inquiétudes, n’étaient pas en mesure
d’accéder directement à la vie autonome avec un enfant dans un appartement quelques jours ou
semaines après leur accouchement.
Le projet d’établissement conçu en 2011 avait intégré cette donnée et prévu l’accueil d’une
famille au S.A.I., avec procédure d’admission menée par l’équipe de ce service, puis une
« rétrocession temporaire » par un relais du Foyer maternel Educatif en accueil collectif pendant
une période de ré-assurance et d’observation de 2 à 4 mois. Dès lors, la rencontre est bien
effectuée avec le S.A.I., qui diffère de quelque temps son accompagnement en s’appuyant sur le
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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travail d’accueil d’une autre équipe éducative, dont les modalités d’intervention ont été délimitées
d’entrée.
Cette démarche qui suppose qu’une place soit disponible au F.M.E. a pu être expérimentée une
fois en 2012 et si dans ce cas, on a pu vérifier l’intérêt de cet itinéraire programmé, il n’est pas
suffisant pour en tirer des conclusions générales.
De nouveaux projets ont été initiés ou poursuivis :
A Colombes :
- Un atelier massage tous les quinze jours, plus particulièrement adressé aux jeunes
enfants. L'infirmière de l'établissement et une éducatrice de jeunes enfants l'animent à
tour de rôle. Lieu de relaxation et de calme, permettant à la maman comme à son enfant
de souffler.
- Une matinée à la bibliothèque chaque semaine, ouverte aux jeunes femmes qui le
souhaitent accompagnées de leurs enfants. Lecture collective et découverte sont au
programme.
- La Papothèque (temps de rencontre enfants, assistantes maternelles, éducatrices de
jeunes enfants dans les locaux du service) a été reprise par les nouvelles
professionnelles, une fois par semaine en deux groupes d'assistantes maternelles avec
les enfants qui leur sont confiés.
A Fontenay aux Roses :
L'Atelier Rencontre et Partage a lieu une matinée tous les quinze jours. Il regroupe
les assistantes maternelles et les deux E.J.E. Une des idées initiales était de favoriser la
rencontre des enfants avec toutes les assistantes maternelles.
Un atelier d'éveil corporel se déroule deux fois par mois. Il est animé par l'infirmière
de l'établissement et une éducatrice de jeunes enfants. Il facilite la découverte par les
jeunes femmes de l'évolution de leurs enfants au niveau corporel.
Un après-midi à la médiathèque chaque semaine, ouvert aux jeunes femmes et à
leur enfant en fonction de leur disponibilité. Lieu d'échanges, de lecture et de trouvaille.
4) Foyer maternel Le Bief
Le foyer maternel Le Bief a vécu en 2012 une année de transition entre départs en retraite,
réorganisation et nouveaux projets. Transition ne vaut que d’un point de vue institutionnel
puisque le terme est sans signification pour les jeunes femmes et les enfants accueillis qui ont
vécu une année sans transition d’aucune sorte, la continuité de l’accueil ayant été assurée :
-
Poursuite de la réorganisation des différents services.
Reconstruction de l’équipe de l’Espace Petite Enfance.
Installation de professionnels dans leurs nouvelles fonctions.
Départs en retraite de trois professionnels.
Mise en place d’outils nouveaux.
Accueil de femmes enceintes.
Création d’astreintes au S.E.J.M.M. (accueil en appartements).
Trois départs en retraite
Combien faut-il de départs en retraite pour que ceux qui restent éprouvent le sentiment qu’une
page se tourne, qu’une génération s’efface ? Ce n’est pas tant le nombre de départs que la place
occupée par les professionnels en partance, ce n’est non plus une affaire de hiérarchie, mais une
question de présence, comme l’on dit d’un acteur qu’il a de la présence à l’écran même s’il n’est
pas au premier plan.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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En 2012 au Bief, trois professionnels d’une certaine ancienneté sont partis en retraite :
-
-
-
M. RAVON, éducateur depuis 1992, référence éducative pour les femmes accueillies en
même temps qu’image masculine, maintenant en voie de disparition en ce lieu très
féminisé,
Mme FORET, responsable de l’Espace-Petite Enfance depuis 2001, infirmière
puéricultrice, elle a animé l’Espace Petite Enfance avec le souci permanent de placer
l’enfant au cœur de la prise en charge,
Mme CARLE, psychologue qui a accompagné les équipes des deux services éducatifs
depuis 2007.
Au moment où il quitte l’institution et tourne pour lui-même la page du travail salarié, et quand
bien même ses projets personnels seraient stimulants, il sait que quelque chose s’achève, à
regret ou soulagé, qu’il n’en sera plus de ces débats, de ces discussions, de ces enjeux, de cette
énergie déployée pour affirmer ses positions, de ces rencontres avec l’autre, de ces projets que
l’on a élaborés et réalisés, ou qui reportés se feront plus tard ou jamais.
Mais cet achèvement n’est pas que seulement pour lui : le salarié qui part emporte une part de la
mémoire de l’institution. C’est pourquoi celle-ci s’impose de marquer un temps d’arrêt pour
s’interdire l’amnésie. Il faut ici saluer le travail accompli, pas toujours lisible, emporté lui aussi
avec les jeunes femmes et les enfants de passage, ce temps que le salarié leur a consacré, dont
on ne sait pas ce qu’ils en ont gardé, dont on sait juste qu’il a été et qu’il fallait qu’il soit.
Dans ce bilan d’activité, il convenait de souligner qu’en 2012, trois salariés sont partis en retraite
et qu’à eux trois, ils avaient effectué 37 années de travail auprès des femmes isolées avec enfant
de moins de trois ans.
Mais sans plus attendre, l’institution doit se réinventer avec d’autres professionnels : on effectue
un remplacement poste à poste, on profite d’un départ pour retoucher l’organigramme, on
modifie une fiche de poste...
Après le départ de Mme Forêt, Mme Bertrand, responsable de l’Espace Multi-Accueil du foyer
maternel Clairefontaine a effectué un intérim de responsable de l’Espace Petite Enfance. Cet
intérim qui se prolongera deux mois en 2013 a permis de réorganiser l’établissement et
d’attendre le recrutement qui viendra compléter l’équipe d’encadrement.
Modification de l’organigramme du foyer maternel Le Bief
Le Bief est constitué de trois services : accueil en internat pour 8 mineures avec enfant
(S.E.M.M.), accueil en appartements de 15 majeures avec enfant (S.E.J.M.M.), - ces deux
services étant placés sous la responsabilité d’un même chef de service -, Espace Petite Enfance,
crèche interne pour 12 enfants et accueil familial par des assistantes maternelles pour 11
enfants, service sous la responsabilité de Mme FORET puis Mme BERTRAND par intérim à partir
d’octobre.
Cette période d’intérim en fin d’année a permis d’élaborer une organisation différente de
l’établissement, pour que le poste de chef de service soit plus cohérent, que l’équipe éducative
du S.E.J.M.M. soit renforcée, et consécutivement, de prendre le temps du recrutement.
1) Regroupement du S.E.M.M. (accueil en internat des mineures) et de l’E.P.E. (crèche
interne)
Ces deux services situés à la même adresse seront placés sous la responsabilité d’un
même chef de service.
2) Création d’un poste de Coordonnateur au S.E.J.M.M.
Un coordonnateur, en lien avec la Directrice-adjointe, aura la responsabilité d’organiser
le travail de l’équipe éducative et de garantir le suivi de projet personnel des jeunes
femmes avec leur enfant.
Il conviendra d’analyser avec recul cette réorganisation des services qui sera mise en
œuvre début 2013.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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Le Service Educatif de Jeunes Mères Majeures dans une dynamique positive
Le S.E.J.M.M. accueille 15 mères et leurs enfants en appartements autonomes situés aux
Baconnets à Antony, les enfants étant accueillis pour partie chez des assistantes maternelles et
pour l’autre à la crèche collective du foyer (E.P.E.)
L’équipe a été recomposée, le positionnement différent de l’éducatrice de jeunes enfants a
modifié les modalités du suivi des enfants, les locaux permettent de recevoir mères, enfants et
assistantes maternelles pour des rencontres collectives, un atelier cuisine le dimanche, des
astreintes de week-end et jours fériés ont été mises en place, deux femmes enceintes ont été
accueillies, l’infirmière très impliquée dans ce suivi, un travail de supervision engagé, deux
séjours de vacances organisés en été, un projet d’accueil-jeu dans les cartons…
Création d’astreintes
Les interventions de l’équipe éducative sont planifiées en journées et en soirées pendant les
jours de semaine, à l’exception d’une intervention mensuelle de l’éducatrice de jeunes enfants
qui anime un atelier un dimanche par mois.
Si l’accueil d’une jeune femme dans un appartement autonome suppose qu’on ait pu estimer
comme suffisante sa capacité à assumer seule la vie domestique et la solitude avec un enfant,
cette évaluation ne peut garantir l’évolution de la situation personnelle et familiale et la jeune
femme, alors que l’isolement est un mode de vie inédit pour elle, que les fragilités peuvent se
révéler bien après l’admission, que des évènements sont imprévisibles, sans parler des aléas
matériels pouvant provoquer des réactions psychologiques surprenantes, clé perdue le samedi,
fuite d’eau le dimanche…
D’autant que le projet d’accueil de femmes enceintes supposait une disponibilité quotidienne.
Le lien avec l’institution était bien sûr toujours possible, mais il ne permettait pas de déclencher
une intervention sur le registre du soutien éducatif.
Les membres de l’équipe du S.E.J.M.M. étaient conscients de cette insuffisance de notre
dispositif et c’est sans réticence qu’ils ont contribué à la réflexion sur la mise en place
d’astreintes en journée, samedi et dimanche et jours fériés.
Si elle est récente, l’expérimentation à partir de juillet 2012 a permis aux professionnels de noter
un changement important dans la qualité de la relation établie avec les jeunes femmes, ce
contraste suffisamment net pour que l’on puisse parler d’un avant et d’un après.
En effet, elle a permis de réduire de façon significative la distance entre l’équipe de
professionnels et les jeunes femmes dont le sentiment d’abandon pendant les week-ends était
souvent exprimé.
Le fait qu’elles puissent joindre un professionnel en capacité d’intervenir est en soi un soutien
psychologique important. Il faut remarquer qu’elles n’ont pas cherché à galvauder ce possible,
ayant compris que cette disponibilité devait répondre à des situations ayant un caractère de
gravité, d’exception, d’urgence. L’accueil des femmes enceintes a pu se réaliser. Les
professionnels souvent inquiets en fin de semaine de l’évolution de situations sur lesquelles ils
n’auraient pu agir, apprécient que leur travail d’accompagnement soit plus cohérent et plus
serein.
Le Service Educatif de Mères Mineures
(S.E.M.M. : accueil de 8 mères mineures en collectif)
Installation d’un atelier d’écriture professionnelle
Les écrits professionnels sont un enjeu essentiel du travail éducatif mené auprès des familles
accueillies. S’ils sont un outil d’élaboration (écrire pour organiser la pensée) et un outil de
transmission destiné notamment aux services de l’aide sociale à l’enfance, ils sont la traduction
en mots du regard porté sur des enfants, leur mère, leur père, des jeunes femmes, de jeunes
hommes et sur la façon dont ils sont parents.
Ces mots doivent être lucides et bienveillants, dire ce qu’il faut et pas plus, ne pas être de
travers ni trop connotés, et ce n’est pas qu’une question de grammaire.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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De surcroit, ils doivent être lisibles ici et maintenant, dans plusieurs années ou même décennies
par celles et ceux au sujet desquels on aura écrit.
Les formations ponctuelles peuvent avoir un intérêt mais les effets quand il y en a ne sont pas
durables.
Un atelier d’écriture professionnelle a été mis en place pour permettre à une équipe d’éducateurs
de travailler collectivement sur ces écrits. L’atelier est animé par une intervenante spécialiste de
l’écriture et avertie de l’environnement professionnel dans lequel nous évoluons.
Par cette instance de travail régulière et après quelques mois, il apparait que ce temps collectif
consacré à la recherche des mots pour le dire et au travail sur la phrase, enrichit l’analyse de la
situation en question, tant il est vrai que le mot juste quand il est trouvé rend justice au sujet
dont on parle.
Thierry SIMON, directeur
5) Dans la famille monoparentale,… le père.
Les foyers maternels Le Bief et Clairefontaine accueillent, comme le spécifie l’article L.222-5 du
Code de l’Action Sociale et des Familles, « les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs
enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique, notamment
parce qu'elles sont sans domicile.» et qui sont pour cela « prises en charge » par les services de
l’Aide Sociale à l’Enfance.
Mais ces familles monoparentales que nous accueillons présentent des configurations différentes
selon la place qu’occupe le père de l’enfant : reconnaissant ou non, détenteur ou non de
l’autorité parentale, présent ou non, auprès de l’enfant, auprès de la mère, distant ou mis à
distance,… ou selon la place qu’occupe éventuellement – à la place ou en plus - un nouveau
compagnon de la mère, beau-père de l’enfant, parfois lui-même reconnu comme père...
Le foyer maternel est une institution française dont l’histoire s’inscrit dans l’histoire des femmes,
de la maternité, de la famille, des représentations parentales et de la filiation.
Depuis plusieurs décennies, la question de la filiation s’est détachée de la celle du couple dont la
forme, le statut, la durée ont évolué. Le père n’est plus désigné en tant que tel par le seul fait
qu’il est marié avec la mère : il lui faut effectuer un acte juridique pour reconnaitre l’enfant.
Dans nos institutions à vocation éducative, à l’instar des mères qui ne peuvent être considérées
pour leur seule fonction maternelle, il n’est pas inutile de rappeler que les pères ne sont pas que
des pères.
Ce sont souvent des hommes très jeunes, rarement à l’aise avec une paternité qu’ils n’ont pas
toujours choisie, qu’ils n’ont que rarement envisagée avant d’y être confrontés.
Ils sont presque toujours en difficulté sociale, en situation de dépendance familiale quand ce
n’est pas de précarité. Les difficultés personnelles sont fréquentes, il arrive que dans leur
histoire, ils aient croisé les services de l’Aide Sociale à l’Enfance.
La suite de l’Article L.222-5 du C.A.S.F. qui fonde la légitimité du foyer maternel en tant
qu’institution, les concerne : « Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les établissements
ou services qui accueillent ces femmes organisent des dispositifs visant à préserver ou à
restaurer des relations avec le père de l'enfant, lorsque celles-ci sont conformes à l'intérêt de
celui-ci. »
Le premier constat s’impose : si la loi a discriminé la catégorie des femmes isolées avec enfant
de moins de trois ans pour qu’ensemble ils soient pris en charge par l’A.S.E., elle n’a pas eu
autant de prévention pour les hommes – les foyers paternels n’existent pas - dès lors qu’ils sont
dans une situation comparable, isolés avec le besoin d'un soutien matériel et psychologique,
notamment parce qu'ils sont sans domicile.
Il n’est pas surprenant que la loi ait répondu à la situation la plus courante, les femmes ont
majoritairement la charge des enfants et la famille monoparentale type est constituée d’une
femme et d’enfant(s) qui de ce fait, sont les premières victimes de la pauvreté.
Mais en ne permettant pas aux pères à difficulté égale de bénéficier des mêmes droits, elle
favorise la reproduction de la figure dominante.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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En revanche, la loi a bien prévu que soient mis en œuvre des dispositifs pour préserver ou
restaurer les relations avec le père de l’enfant, même si c’est l’intérêt de l’enfant qui est ici
recherché.
C’est dans ce contexte que nous, professionnel(le)s de foyer maternel, intervenons auprès du
père. Pour résumer, nous intervenons parce que la famille est dite monoparentale même s’il y a
deux parents, que la mère est le parent à qui l’enfant est confié, que le père est considéré
comme absent, même s’il a reconnu l’enfant, même s’il verse (situation exceptionnelle il est vrai)
une pension à la mère pour l’enfant.
Le père ne nous intéresse pas en tant que personne ayant un projet personnel
qu’éventuellement nous pourrions soutenir, il nous intéresse, qu’il se soit désigné ou qu’il l’ait été
par la mère, en tant qu’il assume une autorité parentale, et la loi le souligne, l’intérêt de l’enfant
est d’avoir des relations préservées ou restaurées avec son père.
Notre mission auprès de ce dernier s’inscrit dans une action de soutien à la parentalité et le foyer
maternel n’en ayant pas l’exclusivité, elle doit s’accomplir par une action en réseau dans le but
de favoriser l’émergence et l’exercice d’une coparentalité. Sans « mandat » légal pour agir
auprès de lui, son acceptation de ce soutien que nous proposons, peut être implicite ou explicite
mais relève de la condition sine qua non.
Les pères ont donc droit d’entrée dans les foyers maternels Le Bief et Clairefontaine : ils y sont
reçus par les chefs de service éducatif, par les éducatrices de jeunes enfants, par la
psychologue... Ils peuvent y rencontrer leur enfant, en parler, l’accompagner chez l’assistante
maternelle, aller le rechercher, participer à des temps Père/Enfant, des temps de rencontre avec
l’enfant et la mère, sous le regard ou non d’un professionnel. Il est sollicité quand la mère a
besoin par contrainte, convenance ou simplement pour « souffler »…
En octobre 2012, nous avons mis en place un groupe de travail intitulé « L’Autre parent : le
père, le beau-père, la question paternelle ». Il réunit des professionnels des deux
établissements avec quatre objectifs :
1. Répertorier les différentes places occupées par les pères ou beaux-pères, les divers
modes de fonctionnement et les comportements, pour améliorer notre connaissance des
diverses modalités d’exercice de la fonction paternelle par les hommes qui l’assument
auprès des enfants accueillis en foyers maternels.
2. Répertorier les pratiques mises en œuvre en tant que « dispositifs visant à préserver ou
à restaurer des relations avec le père de l'enfant, lorsque celles-ci sont conformes à
l'intérêt de celui-ci. » et ce, dans les différents services qui accueillent les familles en
appartement autonome ou en collectif, dans les services qui accueillent les enfants dans
des structures d’accueil collectif (E.P.E., E.M.A.) ou sur un mode individualisé par une
assistante maternelle.
3. Elaborer ou initier l’élaboration d’un ou plusieurs documents de communication à
destination des pères et/ou des beaux-pères : livret d’accueil, dépliant de présentation,
fiches techniques sur ses droits...
4. Réfléchir à l’opportunité de mettre en œuvre de nouvelles pistes de travail et d’actions en
direction des pères, éventuellement des couples.
Thierry SIMON, directeur
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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Béatrice MINGOTAUD, chef de service du Service d’Accompagnement Individualisé et Aurore
GILLARD, éducatrice de Jeunes Enfants, apportent ici une contribution à cette réflexion
institutionnelle, à partir d’une pratique éducative mise en œuvre dans un contexte précis.
Le S.A.I. accueille 23 familles monoparentales constituées d’une femme avec un ou deux
enfants. Les appartements meublés et indépendants, à proximité des bureaux du service de
Colombes ou Fontenay-aux-Roses, sont mis à disposition des familles le temps de leur accueil.
Elles sont accompagnées à distance par une équipe pluridisciplinaire, éducatrices spécialisées, de
jeunes enfants, psychologue, et bénéficient de l’intervention de l’équipe médicale de
l’établissement, pédiatre et infirmière. T.S.
LE PERE, ET LE SERVICE D’ACCOMPAGNEMENT INDIVIDUALISE POUR
FEMMES ISOLEES AVEC ENFANT
Béatrice MINGOTAUD, chef de service et Aurore GILLARD, éducatrice de Jeunes Enfants au
S.A.I. (Service d’Accompagnement Individualisé).
La position de l’établissement et a fortiori celle du Service d’Accompagnement Individualisé est
de soutenir la place du père qu’elle soit réelle ou symbolique, quelle que soit la situation du
couple parental.
Au moment de leur accueil, elles sont isolées. Souvent, en rupture avec une partie de leur famille
proche : parents, grands-parents,... leur grossesse ayant déclenché des réactions variées et
fréquemment d'éviction.
Les réactions à cette annonce sont plus complexes en ce qui concerne le père de leur enfant.
Parfois, il y a une première étape de rejet de la grossesse et un retour autour de la période de
l'accouchement ou plus tard ; dans d’autres cas cette réaction est définitive.
Parfois, la première réaction ayant été négative, la jeune femme fait le choix de le tenir à
distance, même si l’opinion du père a évolué. Quelles que soient les réactions, les relations du
couple sont mises à mal.
Dès le processus d'admission, nous évoquons la question du père de leur enfant avec elles; nous
leur expliquons que nous la traiterons, cette question, quelle que soit leur situation familiale. Et
nous nous adaptons à chacun de ces parcours dans leur particularité.
Un binôme de référents, composé d'une Éducatrice Spécialisée qui se préoccupera plus
particulièrement de l'accompagnement social et d’une Éducatrice de Jeune Enfant qui se
consacrera plus spécifiquement à l'enfant, intervient en « interaction » sur chaque situation.
C'est donc l’Éducatrice de Jeunes Enfants qui abordera en premier lieu la question du père. Mais
chaque personne travaillant au service y est confrontée et la traite de sa place auprès des jeunes
femmes : éducatrice spécialisée, éducatrice de jeunes enfants, chef de service, directeur.
Quand cela devient possible nous le rencontrons au service en présence de la Jeune Femme, ces
entretiens permettent de faire connaissance et de présenter le service et son fonctionnement. Ils
facilitent si besoin l’organisation de rencontres régulières entre le père et son enfant. Il est aussi
question d'aborder ou d’affiner les droits et les devoirs de chacun dans le cadre de l’exercice de
l’autorité parentale.
Nous prenons le temps nécessaire à l’instauration d’une relation de confiance avec la jeune
femme avant d'aborder ce sujet qui se décline en tellement d’autres. Nous savons que nous
allons peut-être les « bousculer », parfois les « perturber », mais nous constatons que cette
étape est indispensable à la construction de leur avenir. Notre souhait est qu'elles se saisissent
de cette question, que nous puissions les soutenir mais en aucun cas « de faire à leur place ». Si
leur réflexion n’aboutit pas durant la durée de leur accueil, nous savons que les éléments
évoqués lors de ce passage peuvent faire leur chemin ultérieurement.
Régulièrement, nous nous interrogeons sur leurs capacités à supporter et à accepter ce qui
pourrait s’apparenter à des ingérences dans leur « sphère privée » : comment se débrouillentelles de nos questions qui peuvent leur paraitre intrusives ? Comment évaluent-elles le degré
d'intimité qu'elles ne souhaitent pas dépasser ? Comment arrivent-elles à gérer leurs sentiments
parfois ambivalents, à nous en transmettre quelque chose ? Comment prennent-elles nos
suggestions pour permettre une évolution alors qu’elles avaient « choisi » le statut quo ?
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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Comment supportent-elles la remise en cause de leurs certitudes, notre insistance pour qu'une
démarche auprès du Juge aux Affaires Familiales se mette en route ?
Le déroulement de quelques situations apporte des réponses,… et d’autres questions.
Le père et son frère (Caroline et Isabelle).
Caroline et sa fille Isabelle sont arrivées au S.A.I. après avoir passé plusieurs mois chez ses
parents. Malgré les relations conflictuelles, ils l'avaient accueillie après son accouchement car elle
se retrouvait sans hébergement. La solution n'était que dépannage.
Le couple parental séparé depuis plusieurs mois était en relation téléphonique et se rencontrait
occasionnellement. Son accueil au S.A.I. était la première expérience de vie seule de la jeune
femme avec sa fille.
Caroline se présentait comme quelqu'un connaissant tout, était sûre d'elle-même et de ses choix
pour sa fille. Il n'en était rien, c'était sa façon de se protéger et d'affronter les autres.
Nous l'avons sollicitée pour rencontrer le père de sa fille à de nombreuses reprises mais sans
résultat.
Elle nous avait présenté l'oncle paternel d'Isabelle comme celui qui assumerait « un rôle de
père », le mettant tellement en avant que nous avons été amenés à nous interroger sur sa réelle
place dans sa vie.
Quand nous l'avons rencontré pour échanger avec lui sur cette place, il nous a présenté ce choix
simplement. Son frère, en grandes difficultés, lui avait demandé d’être son relais car il n'était
pas en mesure d'assumer sa place de père. Il avait trouvé normal de répondre positivement et
de prendre soin d’Isabelle avec l'aide de sa femme ainsi que de soutenir Caroline.
Il avait une bonne relation avec Isabelle et lors de conflits avec Caroline restait disponible pour
sa nièce.
Caroline a pu compter sur lui : il l'a soutenue financièrement quand cela était nécessaire, il l'a
accompagnée lors de déplacement, a pris le relais auprès de sa nièce lors de week-end ou de
soirée, lorsqu'elle en a eu besoin à sa reprise de travail.
Jusqu'à leur départ du S.A.I., il a été présent et soutenant.
Les relations avec cette jeune femme ont beaucoup évolué au cours de son accueil. La rencontre
avec l’oncle d'Isabelle a été un tournant dans notre façon de traiter la référence à l'image
paternelle, auprès de Caroline et sa fille.
Trois mois avant leur départ du service, le père d'Isabelle l'a reconnue ; il semblait prêt à
reprendre une place.
Le père et sa mère (Marie, Alphonse & Marco)
Marie est mère de deux enfants : Alice et Marco qui ont le même père, Corentin.
Les enfants ne sont cependant pas nés du même désir de paternité. Le couple vivait une relation
amoureuse lorsqu'ils parlèrent de la conception d'un enfant. Marie désirait être mère et se sentait
prête à l'être. Corentin souhaitait « transmettre » un enfant à sa mère avant son décès qu'il
redoutait, car elle était malade.
Marie et Corentin se sentaient en harmonie avec ce choix, confiants dans leur désir d’être
parents. Ils prénommèrent leur enfant en accolant les débuts de leur prénom ; ils scellèrent leur
vœu.
La grossesse de Marie posa bien des questions non présagées. Les tumultes commencent.
Après la naissance de Marco, les difficultés matérielles sont prégnantes. Pas de toit stable, pas
d'emploi... La nouvelle place de chacun se pose. Le couple se disloque. Et Alice qui s'annonce
d'un trait bleu 3 mois plus tard. Garder l'enfant ? un enfant relie... peu de temps puisqu’ils se
séparent quelques mois plus tard non sans violence. Marie accouche d’Alphonse qui ne
rencontrera pas son père ce jour-là.
Marie arrive au Foyer avec une date d'audience chez le Juge aux Affaires Familiales. Elle a
contacté un avocat, préparé sa demande : l'exclusivité des droits de garde.
A l'audience, le juge a posé un droit de visite pour Corentin chaque semaine. Corentin a
demandé au juge à voir ses enfants avec sa mère. Marie est furieuse. Pour elle, "père" n'est
qu'un titre qu'il endosse pour donner ses enfants à sa mère. Marie ne comprenait pas l’attitude
de Corentin. Pour elle, il se défausse de sa responsabilité et lui renvoie une solitude immense.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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Nous rencontrerons Corentin et nous nous accorderons sur une visite bimensuelle dans une salle
de l'établissement. Dès lors, il évoquera sa mère et la possibilité pour elle de venir. Nous nous
retranchons derrière le jugement. Malgré notre refus, il viendra avec elle la première fois sans
que Marie n’ait été prévenue, sans que les enfants aient été préparés. « En tant que grand-mère,
elle doit voir ses petits-enfants » dit-il. Nous refuserons de répondre à son désir ce jour-là. Nous
irons la saluer à l'extérieur, expliquer.
En l’espace d’un an, il ne viendra que trois ou quatre fois voir ses enfants malgré la répétition de
nos appels chaque quinzaine.
Il n’est jamais évident de discuter avec ce père qui impose souvent sa réalité sans chercher à
s’accorder à celle d’autrui. Un jour, il dira : « Je suis adulte et responsable de mes enfants ».
Pour lui, c'est ainsi qu'il exerce son autorité parentale, qu'il est père.
S'il existe un quiproquo entre nous, peut-être, est-ce ici qu'il réside. Corentin est père de ses
enfants en les inscrivant dans sa filiation familiale. Une filiation c'est le lien, elle suffit à ellemême, donne une place à chacun, ...
Tandis que pour une équipe éducative, être père suppose de posséder une multiplicité de
savoirs-être relationnels : être présent, constant, proche, soucieux,... Quel travail est possible
quand les mots de chacun n’ont pas le même sens ? Comment parler aux enfants de leur père
avec de telles différences idéologiques ?
Le père, homme éconduit et violent (Sophie et Magda)
Lors du processus d'admission, nous avons reçu cette jeune femme sans son enfant. Le couple
parental était séparé après des épisodes de violences. Le père de Magda avait saisi le J.A.F.,
Sophie étant hébergée chez sa grand-mère et sans ressources, le juge avait confié
provisoirement Magda à ses grands-parents paternels.
Pendant deux mois elle n'avait pu rencontrer sa fille. L'arrivée au foyer maternel fut une période
de retrouvailles.
Sophie a su se saisir de son accueil, rapidement elle a pu confier Magda à une assistante
maternelle. Elle a trouvé un poste en C.D.D. dans un hôpital, son souhait étant d'accéder à une
formation qualifiante.
Après enquête sociale, le juge a rendu un jugement confiant la garde de Magda à sa mère, avec
des droits de visite et d'hébergement le week-end en alternance avec le père.
Nous avons pu le rencontrer dès la réception de la décision du J.A.F. Nous lui avons présenté
l’assistante maternelle qui accueillait Magda afin qu’il puisse la prendre ou la déposer lors de
l'exercice de ses droits. Nous avons pu constater qu'il avait une bonne relation avec elle.
Mais très vite, les relations entre les parents se sont détériorées. Paul est devenu violent et
menaçant verbalement et physiquement. Dans un premier temps, nous pensions que l’enjeu de
ces conflits était la garde de l’enfant et tentions d'apaiser les tensions.
Mais nous avons saisi que c’était de la relation du couple dont il était question pour Paul, Sophie
ayant eu parfois une attitude « ambivalente » avec lui.
Nous avons servi d’intermédiaire pour l’organisation des rendez-vous lors des week-ends puis il
n’a plus été joignable. Il passait des heures devant l’immeuble, devant la porte de l’appartement.
Il a volé les clefs pour tenter d’y entrer, harcelait la jeune femme de messages menaçants.
Nous avons été confrontés à une surenchère de comportements irrationnels, nous avons
accompagné Sophie pour chaque dépôt de plaintes ou main courante. Nous avons sollicité le
Juge aux Affaires Familiales afin qu'il mette en place un lieu médiatisé pour les départs et retours
de Magda lors des rencontres avec son père.
Notre position, à l’arrivée de cette jeune femme avec son accord, a été de privilégier une place
pour chacun des parents. Au fils des mois, nous nous sommes interrogées sur cet engagement.
La situation est devenue de plus en plus insupportable pour Sophie mais également pour Magda
témoin de violences et de tensions à divers reprises.
Notre difficulté dans cet accueil est donc de rester le plus neutre possible tout en poursuivant
notre accompagnement. Jusqu’où allons-nous pouvoir tolérer les débordements de ce père ?
Comment maintenir une place au père tout en protégeant la jeune femme de nouveaux passages
à l'acte ? et empêcher leur fille d’en être spectatrice ?
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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Le père face au ressentiment (Tatiana et Prisca)
Premier entretien avec Tatiana lors du processus d'admission, nous lui expliquons : « Afin de
réaliser vos projets professionnels, des assistantes maternelles accueillent les enfants en journée.
Cela suppose que vous et votre fille vous familiarisiez avec la séparation ».
Le mot donné et Tatiana s’effondre en larmes. Après 9 mois de fusion placentaire, elles ont vécu
un an au jour le jour toujours ensemble.
« Et puis avec votre accord, nous contacterons le père de Prisca pour qu’il puisse occuper sa
place de père ». Tatiana se renferme et réplique : « Félix n’a pas accepté ma grossesse et il a
tenu des propos violents sur sa fille lorsque j’étais enceinte. Il nous a rejetées. Je ne lui
pardonnerai jamais ».
A cette époque, Tatiana avait des relations téléphoniques épisodiques avec Félix. En revanche, la
grand-mère paternelle de Prisca était en contact régulier avec Tatiana.
Pour nous, c’est un fil… certes ténu. Ce père existe encore.
Les mois ont passé, Tatiana et Prisca apprirent à vivre l’une sans l’autre grâce à l’accueil de
l’enfant chez l’assistante maternelle.
Dans le même temps, nous avons pu discuter avec Tatiana de Félix. Parler de lui, comme de la
colère qu’elle ressentait. Nous comprenons alors que Tatiana le maintient quelque peu à
distance. D’autant qu’il disait souhaiter voir sa fille.
Dans l’esprit de Tatiana, il est trop tard. Nous la laisserons déverser sa rancœur. Il lui faudra du
temps pour envisager le pardon. Mais quand soudainement, le besoin de relais pour la garde de
sa fille se présenta, elle dut contacter Félix, qui répondit favorablement. Elle nous rapporta que
lui et sa fille étaient partis gaiement tous les deux ce jour-ci.
Après cet évènement, avec le consentement de Tatiana, nous contacterons Félix. Cette rencontre
nomma chacun à sa place de parent et la légitima.
Parfois cela fonctionne et nous aidons la jeune femme à donner au père de son enfant la place
qui lui revient.
Dans le cas de Tatiana, elle a réussi à faire fi de ses blessures dans l’intérêt de sa fille. Que
d’abnégations pour elle. Plus tard, elle demandera à Félix de verser une pension alimentaire dont
elle fixera le montant. Certaines jeunes femmes font appel à un J.A.F. pour réguler les relations
parentales, d’autres les règlent à l’amiable, toutes seules.
Les psychologues s’accordent pour dire que la place d’un père naît dans la tête de la mère… Soit,
mais comment peut-elle y parvenir lorsque celle-ci est envahie de ressentiments ? Comment faire
exister celui qui l’a niée ? C’est un long et laborieux travail qui s’engage alors.
Et les enfants dans tout cela ?
Comment peuvent-ils acquérir des outils nécessaires pour grandir ? Par outils, nous entendons
une représentation du monde familial cohérente, une structure familiale connue et comprise, des
liens d’attachement à leurs parents harmonieux et sûrs. Il nous appartient d’être soucieux de ces
questions pour les enfants. Il nous appartient également d’entendre la voix des jeunes femmes
et la voix des pères des enfants accueillis.
Les repères des enfants sont au centre de nos préoccupations, tout comme le fait que leurs
parents s’approprient ces mêmes préoccupations.
Accompagner les jeunes femmes, c’est leur permettre de mesurer la portée de leur sentiment, de
manière à ce qu’elles acquièrent davantage de lucidité. Un élément nécessaire pour les aider à
s'y retrouver dans ce qui les traverse. Nous misons sur le bon sens et la confiance pour qu’elles
construisent.
Il nous revient de questionner continuellement nos pratiques, notamment avec ces pères que
nous pouvons accueillir sans pourtant les prendre en charge.
Quelles relations instaurons-nous avec ces pères ?
D'emblée nous sommes repérés comme « de parti pris » pour les jeunes femmes puisque nous
les accueillons avec leur enfant. Cela crée un premier contact empreint de préjugés. Il faut
désamorcer les réactions négatives et expliquer notre place et être en mesure d'ouvrir le
dialogue.
Quoi qu'il en soit, nous leur demanderons d'être présents mais pas envahissants ; et de se
conformer à ce que nous avons convenu. Position ambivalente car nous souhaitons qu'ils soient
présents mais pas trop. Ces subtilités ne sont pas toujours recevables par ces pères qui ont déjà
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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du mal à se positionner. Nous avons parfois le sentiment de ne pas faciliter leur place, les règles
d’autorisation de visite très restrictives, édictées pour protéger les femmes accueillies et les
enfants de situations de violences, peuvent être contre-productives dans certaines situations.
Nous réfléchissons à un appartement de rencontre familiale, sur des temps courts, sur des weekends voire des semaines…
Nous manquons parfois de réponses. Chaque situation familiale est singulière et les questions
posées se multiplient. Il arrive que nous nous trompions, que notre "bricolage éducatif" ne soit
pas adapté. Alors nous écoutons toujours, essayons de comprendre encore, avançons des
propositions, jamais les mêmes, reculons parfois, recommençons.
Nous conclurons avec Maurice TITRAN :
"Les stratégies d'accompagnement relèvent toujours de la même procédure: une rencontre, la
naissance d'un projet, un cheminement, un transfert réciproque de compétences et de savoirs,
l'acquisition par les familles et les professionnels d'un certain nombre de savoirs, que les
premières pourront intégrer dans leur projet de vie et que les seconds pourront intégrer dans
l'enrichissement de leur pratique professionnelle. La rencontre doit se faire dans un temps
opportun et pendant un temps opportun, parcourant ainsi les chemins de vie que l'on ne connait
pas d'avance". "La construction de l'enfant sera la tâche à accomplir parents et professionnels
mettront ensemble leur talent".
(DUMONT & FONSECA & HAENE & LE GRAND SEBILLE & TITRAN, Accompagner, Cahors, Ed.
Erès, Coll. Mille et un bébés : Du côté des parents, Sept. 2000, 67p.)
6) L’accueil de femmes enceintes
L’accueil des femmes enceintes relève des missions d’un foyer maternel. En 2012, trois femmes
mineures ou majeures enceintes ont été accueillies, ce nombre devrait augmenter à mesure que
les conditions favorables à ce type d’accueil se trouveront réunies.
-
Accueil de mineures enceintes en foyer collectif
En 2012, les jeunes femmes accueillies quasi simultanément au Foyer Maternel Educatif
de Fontenay-aux-Roses dans les nouveaux locaux, étaient déjà mères. Le groupe s’est
constitué sans phénomène de transmission résultant de l’antériorité des unes par rapport
à de nouvelles arrivantes... Toutes âgées de 15 ans à 17 ans, leurs enfants ayant entre
quelques jours et quelques semaines, le groupe était homogène en dépit de
problématiques très diverses.
Quand une place s’est libérée quelques mois plus tard et qu’une mineure enceinte est
arrivée, il s’est agi pour ces jeunes femmes confrontées à la réalité de leur condition
récente de mère, et dont elles découvraient qu’elle n’était pas sans difficulté, de se
confronter au souvenir d’une période pendant laquelle elles avaient pu idéaliser cette
condition.
Si l’accueil de la future mère nécessitait qu’un accompagnement singulier soit mis en
place (suivi pré et post natal, liens avec les futurs grands-parents…), faisant intervenir
infirmière, pédiatre, psychologue et éducateurs…, les effets sur le groupe et chacune des
jeunes mères se devaient d’être observés et évalués.
Il convenait aussi de considérer une équipe éducative pour laquelle cette expérience
d’accueil était inédite, alors qu’elle est constituée d’Educatrices de Jeunes Enfants,
d’Educatrices Spécialisées, et aussi de surveillants et surveillante de nuit susceptibles
d’être sollicités, en construisant ensemble des modalités spécifiques d’intervention,
protocoles et attitudes éducatives.
Dans le contexte d’ouverture d’établissement, quand chacun à sa place recherche ses
marques et parfois même sa place, trouver la bonne distance dans l’accompagnement
n’avait rien d’une évidence : l’institution maternelle parfois maternante, n’est pas sans
avoir quelque désir d’enfant. Celui qui s’annonçait devait rester à sa mère. Ce fut le cas,
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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mais le calcul de la distance d’accompagnement des femmes enceintes a suscité
quelques controverses éducatives des plus stimulantes.
-
Accueil de femmes enceintes hébergées en appartement autonome
L’accompagnement éducatif à distance alors que la famille est hébergée dans un
appartement autonome ne se prête à l’accueil des femmes enceintes qu’à certaines
conditions : protocoles de suivi, pluridisciplinarité de l’équipe (éducatrice de jeunes
enfants, spécialisée, infirmière, psychologue), mise en place d’astreintes éducatives et
possibilité d’inscription de la future mère dans une maternité proche.
Ces conditions ont pu être réunies au Service Educatif de Jeunes Mères Majeures
(S.E.J.M.M.) du foyer maternel Le Bief.
Thierry SIMON, directeur
ACCOMPAGNER
AUTONOMES
DES
FEMMES
ENCEINTES
EN
APPARTEMENTS
Hamida BENKHELFALLAH, directrice-adjointe du foyer maternel Le Bief
« La créativité, c'est conserver tout au long de la vie une chose qui, à proprement parler, fait
partie de l'expérience de la première enfance : la capacité de créer le monde. » D. W. Winnicott
(De la pédiatrie à la psychanalyse, Ed. Payot 1969, p.48)
Le Foyer maternel le Bief a la double mission de prévention et de protection de l’Enfance, axée
sur la relation mère-enfant, le soutien des mères dans l’exercice de leurs responsabilités
parentales, sur l’accompagnement des femmes accueillies dans une dynamique d’insertion
socioprofessionnelle et d’autonomie familiale.
La mission préventive a pris une autre forme au S.E.J.M.M. depuis le mois de juin 2012 avec la
mise en place de l’accueil de femmes enceintes au 7e mois de grossesse.
La grossesse et la mise au monde d’un enfant sont des évènements physiologiques avec
épreuves physiques et psychiques pour la femme. Les liens mère/bébé s’implantent dans une
relation de proximité interactive : motrice, sensorielle et psychique, et par conséquent l’état
physique et psychique de la mère est déterminant, justifiant un accompagnement adapté à ce
que nous pouvons en comprendre.
Les pathologies de la grossesse et post-partum peuvent représenter une gravité pour les
premières relations mère bébé et pour le développement psychique de ce dernier. Les études
épidémiologiques ont démontré que l’accumulation de facteurs de risque peut causer des
dépressions au cours de la grossesse et après accouchement.
Parmi ces facteurs, nous pouvons citer le jeune âge de la mère, une grossesse pathologique, des
difficultés conjugales, des difficultés socioéconomiques, un sentiment de culpabilité, une
ignorance de la physiologie, des antécédents d’abus sexuels ou de maltraitance lors de
l’enfance… Les jeunes femmes que nous accueillons sont toujours concernées par un ou
plusieurs de ces facteurs.
En offrant un hébergement, un accompagnement éducatif et médical, nous pouvons agir sur ces
différents facteurs avec l’objectif d’apaiser ces jeunes en fin de grossesse, inquiétées et en
souffrance par leur situation psychosociale.
La condition à l’admission d’une femme enceinte au S.E.J.M.M. est l’inscription du suivi de
grossesse dans un hôpital ou une clinique proche du lieu d’hébergement.
Le processus d’admission des mères enceintes se différencie de celui des mères avec enfant par
l’intervention de l’infirmière de la structure lors du second entretien.
Elle a pour objectif lors de l’admission en lien avec les partenaires (sage-femme, PMI, cabinet de
kinésithérapeute) d’évaluer l’état de santé, en général et pendant la grossesse (échographie,
examens biologiques fait et ceux à faire, rendez-vous à prendre ou à honorer).
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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Il faut estimer l’importance et la réactivité potentielle du réseau social (nom, adresse, téléphone)
de la femme accueillie afin d’assurer la présence de ses proches le jour de l’accouchement.
L’éducatrice de jeunes enfants est chargée de s’assurer que la future mère a pu préparer le
nécessaire de puériculture avant la naissance de son enfant.
Après une première évaluation, il a été constaté la satisfaction des 2 mères accueillies d’avoir pu
bénéficier d’un soutien médical par l’infirmière.
Quant à l’équipe, elle a pu noter une qualité de la relation éducative différente. Elle précise que
l’intervention de la prise en charge institutionnelle à un moment précis dans le parcours de vie de
ces femmes n’est pas restée sans réaction de ces dernières. Elles investissent leur séjour
différemment et de fait, elles paraissent actrices dans la mise en œuvre de leur projet.
Ces prises en charge se différencient des autres par une accélération de la mise en place d’une
relation éducative et une sorte de gain de temps éducatif.
L’évaluation a aussi mis en évidence l’importance d’accueillir 2 mères simultanément quand cela
est possible, afin d’assurer une juste distance éducative et de créer une petite dynamique
collective par des temps de parole animés par l’infirmière, l’éducatrice de jeunes enfants et une
psychologue.
Ce mode d’accueil plus systématique pourrait justifier une intervention plus régulière d’une sagefemme, qui pourrait intervenir au S.E.J.M.M. dans une dimension prénatale et en postnatale pour
celles qui viennent d’accoucher lors de leur admission.
7) L’estime de soi
Si dans une équipe pluridisciplinaire elles ne sont pas seules à s’y employer, les éducatrices
spécialisées jouent un rôle déterminant dans le travail de restauration de l’estime de soi des
jeunes femmes isolées accueillies dans nos établissements.
Ce travail est une des conditions pour envisager l’élaboration et la mise en œuvre du projet
personnel et professionnel de la jeune femme, et par là même, déterminant pour son
épanouissement en tant que jeune mère, isolée puisque c’est pour cette raison qu’elle est admise
en foyer maternel. Mais cette notion peut recouvrir des formes diverses, ces femmes n’étant pas
toujours isolées de tout ou de tous, ni tout le temps et encore moins pour toujours.
Deux éducatrices spécialisées analysent cet aspect de leur travail auprès des jeunes femmes
majeures accueillies au Service d’Accompagnement Individualisé. T.S.
RESTAURER L’ESTIME DE SOI DES JEUNES MERES ACCUEILLIES
Janine GUILLON, Aurélie ROUILLERE, éducatrices spécialisées
L'annonce de leur grossesse a souvent été pour ces jeunes femmes un bouleversement radical.
Pour la jeune femme, la situation se présente fréquemment ainsi :
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le père de l’enfant ne veut pas de cette grossesse, et met un terme à sa relation avec la
jeune femme si elle n'accepte pas de faire une I.V.G
ses parents n'acceptent pas qu'elle attende un enfant hors mariage ou si jeune
elle se trouve en errance jusqu'à leur accueil au foyer maternel
elle doit interrompre formation ou projet professionnel.
L’estime de soi perdue
L’entretien est une technique de travail éducative particulièrement délicate : beaucoup de ces
jeunes femmes ne peuvent évoquer leur histoire sans être submergées par l'émotion.
Elles se sentent dévalorisées, pensent qu'elles n'arriveront à rien dans la vie, qu'elles ne seront
jamais de bonnes mères, que leur vie comme celle de leur enfant est vouée à l'échec.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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Quelle posture, quel accompagnement, quelle écoute, quels partenariats devrons-nous mettre en
place pour les aider à restaurer une image d'elles-mêmes qui soit positive ?
Notre perception de leur vie et de leur avenir n'est pas la leur et il ne s’agit pas de nous mettre à
leur place, parce que nous n'avons pas les mêmes besoins ni les mêmes objectifs. Nous ne
sommes pas là pour leur dire ce qu'elles doivent faire, mais pour tenir une posture d’empathie et
de bienveillance bien sûr, mais toujours d’exigence.
Notre objectif est de les encourager à trouver leur propre solution. Si elles n’y arrivent pas, nous
leur proposerons différents chemins qui nous semblent être ceux qui correspondent à leur
potentiel et à leur situation mais qu'elles sont libres de prendre ou non, maintenant ou plus tard,
dès lors qu’elles ne se mettent pas en danger, elle ou leur enfant.
Nous les soutenons dans leurs questionnements et leurs doutes. Nous les encourageons dans
leurs réussites si petites soient-elles. Nous les accompagnons auprès de partenaires, non pas
pour parler à leur place mais pour les soutenir dans des démarches souvent difficiles pour elles.
On peut faire lors de la rencontre un pari d'ignorance : ne pas lire le rapport social qui nous est
adressé pour ne pas être influencés et écouter ce qu'elles veulent bien nous dire.
Se montrer digne de confiance, c'est à dire que la jeune femme puisse, comme le souligne Carl
ROGERS "compter sur moi comme un être réel, authentique, congruent. Si je ne cache pas, ni à
moi, ni à l'autre, mes sentiments (agacement, colère, émotion), alors ma relation sera aidante."
Caroline, ses jugements péremptoires
Caroline est une jeune femme de 25 ans originaire d'une petite ville de province qu'elle a quittée
pour la région parisienne afin de fuir des fréquentations devenues dangereuses.
Elle est arrivée avec une petite fille de quelques semaines que le père n'avait pas reconnue. Mais
elle restait en contact avec lui par l'intermédiaire d'un de ses frères très présent pour sa fille et
elle-même.
La première impression que nous a laissé cette jeune femme était ambivalente. Elle portait des
jugements négatifs sur tout et tout le monde. Elle avait des idées très claires quant à l'éducation
de sa fille qu'elle ne laisserait jamais sortir seule pour "qu'elle ne fasse pas les mêmes bêtises
qu'elle".
Elle connaissait parfaitement le fonctionnement des services sociaux très présents pendant son
adolescence. Elle parlait beaucoup, ne nous écoutant pas, nous expliquant comment nous
devrions faire pour que les choses se passent mieux dans le service qui l’accueillait. Ses avis
traduisaient un enfermement dans un système de croyances rigides peu propice à sa
socialisation.
En effet, ses relations sociales étaient sur le même registre et lors de rendez-vous avec les
administrations, nous choisissions de l’accompagner pour limiter ses débordements. Nous lui
montrions aussi qu’en s’expliquant calmement avec un interlocuteur, il nous écoutait et cherchait
plus volontiers une solution satisfaisante pour elle.
Au début de notre intervention, nous étions sceptiques quant à la probabilité d'avancer
positivement avec elle. Elle était fragile, en quête permanente d'amour et de reconnaissance et
doutait complètement de ses capacités derrière un masque d’assurance.
Puis rapidement, il est apparu que la jeune femme faisait un fort transfert avec son éducatrice
référente, qui essayait de la comprendre sans la juger mais aussi sans concession. Elle l'a
soutenue dans ses progrès, a pu lui dire quand elle n'était pas d'accord, quand elle était agacée
voire déçue par son comportement. Cette attitude a finalement sécurisé la jeune femme qui s'est
sentie sujet au lieu de se vivre comme objet.
Dès lors, le comportement de Caroline a progressivement changé. Elle a réussi à faire confiance
à l'équipe toute entière, demandant de l'aide ou des conseils quand une situation la dépassait.
Elle pouvait accepter de la part d'interlocuteurs extérieurs des réponses contraires à ce qu'elle
espérait sans les insulter. Il y eut quelques dérapages. Mais elle était capable de s'excuser au
lieu de raconter l’événement comme un exploit.
Pour reprendre Carl Rogers, il nous semble important d'être congruents, authentiques avec les
personnes que nous accompagnons. Elles ont besoin de sentir que nous éprouvons des
sentiments positifs, de l'intérêt et du respect pour elles. Chaque avancée, aussi petite soit-elle,
augmente la confiance en soi du sujet et bien sûr, son estime d'elle-même. Mais nous devons
aussi être capables de leur dire ce qui ne nous convient pas pour les aider à devenir
indépendantes.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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Rafaela, le travail et son fils
Rafaela est arrivée avec son petit garçon de 18 mois. Elle avait subi des violences physiques,
sexuelles et psychologiques. Elle ne pouvait ouvrir la bouche sans pleurer et les premiers rendezvous ont été très violents pour elle, et d’une autre manière pour nous-mêmes.
Elle avait un travail, gardait un bébé à plein temps dans une famille. Mais sa venue à Colombes
ajoutait un temps de transports considérable qui provoquait de longues journées pour son propre
fils confié à une assistante maternelle du service.
Le travail était le seul point positif dans sa vie : il lui plaisait, ses patrons étaient attentifs et il lui
assurait une sécurité financière sécurisante.
Mais le comportement de son fils devenait inquiétant et on ne pouvait pas ne pas faire le lien
avec ces longues journées de séparation.
L'éducatrice de jeunes enfants et l'éducatrice spécialisée référentes de cette famille ont travaillé
ensemble pour essayer d'aider mère et enfant à renforcer le lien qui semblait fragilisé.
Le père d'Ibrahim ne s'occupait plus du tout de son fils. Rafaela l'avait quitté le jour où il lui avait
dit "qu'elle était un poids pour lui». Elle ne voulait donc plus en entendre parler.
Après de nombreuses discussions avec l'E.J.E, elle a accepté de le recontacter et petit à petit il a
pu reprendre une place de père. Ibrahim est allé régulièrement passer des week-ends chez lui, il
venait parfois le chercher chez l'assistante maternelle ou assurait des rendez-vous médicaux.
Enfin, Rafaela a accepté de rencontrer un psychologue avec son fils et petit à petit les relations
se sont apaisées entre mère et fils.
Même si l’employeur était honnête et l’emploi agréable, nous l'encouragions à en trouver un
autre lui permettant de se rapprocher de son lieu de vie, avec des horaires moins contraignants.
Sa place au foyer maternel pouvait être questionnée dans la mesure où elle ne voyait que très
peu Ibrahim, dont une assistante maternelle s’occupait pendant qu'elle-même s'occupait d'un
autre enfant.
La naissance d'un deuxième enfant chez ses employeurs a changé la donne et permis de
résoudre cette situation inconfortable. Pendant le congé de maternité de sa patronne, elle a
apprécié d'avoir un emploi du temps allégé. Elle gagnait moins d'argent mais était plus disponible
pour son fils et cela se passait mieux entre eux.
Elle a pu prévenir qu'elle ne garderait pas le second enfant au-delà de l'entrée à l'école du
premier. La famille a donc fait une demande de crèche pour le nouveau bébé. Après les congés
d'été, l'aîné est rentré à l'école, le petit à la crèche et elle a pu obtenir un licenciement
économique.
Son expérience lui permet d'envisager d'obtenir un CAP petite enfance par VAE. Elle a entamé
une thérapie et lorsqu'elle donne des nouvelles, le sourire a remplacé les larmes dans sa voix.
Nous avions l'impression que cette jeune femme ne se saisissait pas de ce que nous lui
proposions alors qu’un temps de maturation était nécessaire. Pour elle, le travail avait été le
début de la sécurité et nous venions la bousculer en pointant ses contradictions, c'était
insupportable et insécurisant.
Mais cela l'a fait réfléchir car en parallèle, nous renforcions son estime de soi en lui montrant que
nous avions confiance dans sa capacité à évoluer et à obtenir un diplôme qualifiant.
Petit à petit, la relation avec son fils s'est améliorée et l'importance de son emploi s’est relativisée
par rapport à sa nouvelle vision d'elle-même et de son avenir.
Elle a fait son chemin et c'est elle seule qui a trouvé une issue qui lui convenait, avec le soutien
de ses employeurs.
Nous pensions qu'elle résistait quand elle refusait de voir la situation de son enfant et leur
relation, en fait elle avait besoin de temps. Elle était prudente et ne voulait pas tout perdre pour
se retrouver dans une insécurité qu'elle avait trop bien connue.
La stratégie que nous lui avions proposée, trop réactive, n'était pas adaptée à sa vision du
moment. Elle avait besoin de temps et de soutien pour exploiter ses propres ressources et
trouver une solution qui soit la sienne.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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Rihem, qui souhaitait le placement de sa fille pour la protéger
Rihem est une jeune femme de 21 ans née en Afrique et élevée en France après le décès de son
père par sa grand-mère paternelle. Son enfance a été bercée par l’amour de cette grand-mère
mais avec un secret sur l’absence de sa mère, considérée comme incapable d’élever ses enfants.
Rihem s’est éloignée de ce milieu familial lorsqu’elle s’est rapprochée de sa mère. Cela a rendu
les relations avec sa famille paternelle très complexes, surtout avec son frère qui ne comprenait
pas ce désir de rapprochement, alors que leur mère avait toujours été absente.
Après avoir été confiée à l’Aide Sociale à l’Enfance et connu divers placements, elle a vécu une
période d’errance.
Rihem très amoureuse d’un homme s’est retrouvée enceinte à 17 ans. Accompagnée par les
services sociaux, elle a été hébergée dans des hôtels avant que sa fille Karine, ne soit elle-même
prise en charge par l’ASE. Karine a été accueillie par une assistante familiale le temps de trouver
une autre solution pour elles deux.
Rihem ne pouvant pas offrir un cadre sécurisant à son enfant, a approuvé le placement de Karine
chez une assistante familiale. Elle a sollicité un rendez-vous avec le juge des enfants afin de
pouvoir rendre visite à sa fille le plus souvent possible.
Cela a été très difficile pour cette maman soucieuse du bien être de sa fille. Elle s’est beaucoup
questionnée sur ce qu’elle pouvait faire de mieux pour offrir un cadre sécurisant à elle-même et
à sa fille.
Lors de la procédure d’admission au S.A.I., Karine était une petite fille qui ne pouvait pas
s’éloigner de sa mère. Chaque séparation liée au placement était une déchirure pour la mère
comme pour l’enfant, bien que ce soit la seule solution, dans l’immédiat.
Rihem s’est présentée au service avec ses affaires et son enfant. Elle a pu exprimer qu’elle était
soulagée de pouvoir envisager l’avenir au sein d’un lieu sécurisant avec notre soutien éducatif.
Très rapidement elle a pu confier à l’équipe éducative son parcours. Nous l’avons entendue sans
jugement, sans apitoiement, avec empathie.
L’errance dans laquelle elle s’est trouvée à un moment de son adolescence l’a conduite à faire
des choix de survie et à se prostituer pour manger et se loger. Elle a maltraité son corps, ne le
considérant que comme un objet qui lui permettait de subvenir à ses besoins. De cet enfer, elle
en était sortie anorexique et elle ne supportait plus aucun plaisir.
C’est en travaillant qu’elle est tombée enceinte d’un de ses clients. Elle avait constaté rapidement
sa grossesse. À cette époque, ils ont fait le choix de garder l’enfant, avec le projet de construire
une vie de famille. Mais cet homme était marié. L’enfant ne sera pas reconnue par son père et
Rihem n’aura plus de nouvelles de lui.
Cette relation et la naissance de Karine ont creusé un peu plus le fossé avec la famille de Rihem,
son frère n’acceptant pas cette naissance hors mariage.
Toutes ses révélations ont permis à l’équipe de mieux comprendre les besoins et les désirs de
cette maman. Nous l’avons rassurée pour sa fille et soutenue dans la reconquête d’elle-même en
tant que femme et mère. Retrouver de la confiance en elle, apaiser les cicatrices de la séparation
mère-fille que ce soit avec sa propre mère ou sa fille est un long chemin.
Nous avons d’abord proposé que Karine soit confiée à une assistante maternelle en journée.
Rihem a eu très peur de cette étape, car elle la considérait comme une nouvelle séparation, un
autre abandon.
Nous l’y avons attentivement préparée et Rihem a réussi à se faire confiance et à faire confiance
à sa fille. L’enjeu était de lui faire comprendre la différence avec son précédent placement et de
la vivre tranquillement.
Rihem, elle-même a construit ce chemin et a été force de propositions. Elle a su se rassurer et
donner des repères à Karine. Elle a mis en place un emploi du temps ludique qui permettait à sa
fille de distinguer les moments passés avec l’assistante maternelle et ceux passés avec sa mère.
Elle s’est sentie en confiance avec l’assistante maternelle après avoir constaté et vérifié que
Karine était épanouie. A partir de là, elle a accepté de prendre soin d’elle.
C’est ainsi que nous l’avons accompagnée au Centre Municipal de Santé pour faire un bilan.
Aujourd’hui elle s’y rend régulièrement. Elle a également rencontré l’infirmière de l’institution
pour lui parler de ses problèmes d’alimentation. Elle réussit à se nourrir de façon équilibrée mais
surtout, grosse victoire pour elle, elle arrive à manger en se faisant plaisir.
Tous ces petits pas lui ont redonné confiance en elle. Rihem s’est inscrite à la mission locale pour
reprendre une formation dans le but d’obtenir un diplôme qualifiant. Elle avance avec plus
d’assurance et nous sollicite régulièrement pour avoir des conseils et décider de ses choix.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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Rihem est aujourd’hui une jeune femme qui apparait mieux dans sa peau et dans sa tête. Elle
sait que l’accueil au foyer maternel Clairefontaine n’est qu’une étape dans sa vie et dans celle de
sa fille, mais cela lui aura permis une pause et de trouver des solutions pour leur avenir
commun.
Nous avons essayé de la rencontrer avec bienveillance, profondeur et exigence et lui faire voir la
belle personne qu’elle était.
La confiance que nous avons mise en elle lui a permis de se rassurer et de croire en elle. Elle a
pu poser des actes, prendre du recul et dépasser ses craintes liées à son histoire pour vivre
pleinement le présent et se tourner résolument vers les autres et l’avenir.
Elle a pu mettre en œuvre ses qualités fédératrices et elle a créé une vraie cohésion de groupe
avec des jeunes femmes du service. Capable de médiation et de propositions pertinentes pour
améliorer le quotidien des familles accueillies, elle a été élue représentante du Conseil à la Vie
Sociale de l’institution.
A ce jour, son accueil au foyer maternel Clairefontaine lui a permis de régler ses problèmes
matériels et financiers et de se rassurer sur ses capacités à être mère. Et aussi sans doute même
si cela reste fragile, de faire la paix avec son corps, et que s’estompe cette image dégradée
qu’elle avait d’elle-même.
Auteur de sa vie
En renforçant par notre action éducative bienveillante l'estime de soi des jeunes mères, nous leur
permettons de trouver en elles les ressources pour avancer et créer des solutions que nous
n'aurions pas pu imaginer ni concevoir.
Mais si elles ont pu avancer, c'est aussi parce que nous mettons en jeu une autorité qui ne vient
pas de l'extérieur, mais de l'intérieur, et du respect que nous éprouvons à leur égard et que nous
leur signifions.
Nous nous devons d'être «congruents» en exprimant avec sincérité nos désaccords sur certains
comportements de femme et de mère. Notre objectif n'est pas qu'elles restent soumises à une
autorité légitimée par la mission socio-éducative qui est la nôtre, mais qu'elles deviennent
vraiment auteurs de leur propre vie.
AVVEJ FOYERS MATERNELS LE BIEF ET CLAIREFONTAINE
RAPPORT D’ACTIVITE 2012
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Foyer Maternel « Le Bief »
4 rue du Moulin – 92160 ANTONY Téléphone 01.46.68.81.48 Télécopie 01.46.66.83.40
Courriel : [email protected]
___________________________________________________________________________________
Foyer Maternel « Clairefontaine »
23 rue Boris Vildé – 92260 Fontenay-Aux-Roses Téléphone 01.46.01.54.70
Courriel : [email protected]
Association Vers la Vie pour l’Education des Jeunes Reconnue d’Utilité Publique
Télécopie 01.46.01.54.81
Groupement Vers la Vie
www.avvej.asso.fr

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