Les couleurs des artéfacts en alliage cuivreux : analyse physico

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Les couleurs des artéfacts en alliage cuivreux : analyse physico
Archéo-Situla 20, 2010
Les couleurs des artéfacts en alliage cuivreux :
analyse physico-chimique des techniques
de coloration utilisées du Chalcolithique
au Haut Moyen-Âge en Europe et au Proche-Orient
Maxime Callewaert
Résumé : Les études historiques et les investigations physico-chimiques des techniques de coloration
utilisées sur les alliages cuivreux sont exposées dans cet article et sont exploitées pour la création d’un
modèle d’étude analytique de ces techniques. Les méthodes élémentaires permettent d’identifier la couleur
des objets issue d’un alliage en déterminant la composition de celui-ci. Les revêtements métalliques (dorure,
argenture, étamage, etc.) ne nécessitent pas forcément des analyses destructrices pour être identifiés.
Cependant, une approche métallographique et l’imagerie SEM sont indiquées pour reconstituer la chaîne
opératoire de ces techniques, surtout celles des argentures et dorures par enrichissement de surface. Des
analyses élémentaires et structurales doivent être envisagées pour étudier les colorations par traitement
chimique de la surface des objets (patine artificielle) et les nielles.
Mots-clé : Techniques de coloration - Dorure - Argenture - Étamage - Nielle - Patine artificielle - Alliage
cuivreux
Abstract: Historical studies and scientific investigations of colouration techniques on copper alloy artefacts
are reviewed in this paper and are exploited in order to create an analytical model of these techniques.
Elementary methods allow the identification of the artefact colour due to the alloy by determining its composition. Plating (gilding, silvering, tinning, etc.) does not necessarily require destructive analyses to be
identified. Nevertheless a metallographic approach and SEM imaging are suggested in order to determine
the « chaîne opératoire » of these techniques, especially for depletion gilding and silvering. Both elementary
and structural analyses must be envisaged in order to study the colourations by chemical surface treatment
(intentional patina).
Key words: Colouration techniques - Gilding - Silvering - Tinning - Niello - Artificial patina - Copper alloy
Introduction
De gustibus et coloribus non est disputandum ? Il n’est pas rare d’entendre que le bronze
est vert. Bien que cette couleur puisse être
observée sur beaucoup de statues ornant
nos parcs et places publiques, cela n’est que
partiellement vrai. La patine verte recouvrant
la surface de ces statues est, en réalité, l’un
des produits de corrosion du cuivre, l’élément
principal des alliages utilisés pour réaliser
de tels objets. D’un point de vue chimique,
le métal connu sous le nom de bronze est
Les goûts et les couleurs ne se discutent pas
(Proverbe scolastique médiéval).
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un alliage de cuivre contenant de l’étain. La
surface d’un bronze fraîchement coulé a une
couleur or foncé. Cependant, il est possible
de varier les couleurs des alliages cuivreux
selon trois méthodes différentes. Le cuivre
pur a une couleur rougeâtre qui peut être
modifiée par alliage avec un ou plusieurs
métaux. La coloration des objets en alliage
cuivreux peut également être le résultat du
revêtement par un autre métal. Enfin, la surface des alliages cuivreux peut être traitée
avec différents processus chimiques afin d’en
modifier la couleur.
Les artéfacts métalliques antiques présentent généralement une surface corrodée
qui est due à l’enfouissement dans un milieu
chimiquement actif. Il est donc souvent im-
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possible de percevoir leurs couleurs originales. Celles-ci ont été soit recouvertes, soit
détruites par les produits de corrosion. Par
conséquent, les archéologues et les historiens
de l’art sont confrontés au problème de la
perte de l’aspect original des objets métalliques. La couleur d’un objet archéologique
constitue une partie importante du rendu
visuel que l’artisan lui a conféré lors de sa
conception et doit donc être prise en compte
dans l’interprétation. Afin de permettre aux archéologues et aux historiens de l’art d’étudier
les artéfacts métalliques dans leur entièreté,
il est nécessaire de leur fournir des clés de
compréhension pour identifier les processus
de coloration et leur altération. L’identification
de ces techniques est généralement aisée,
mais des investigations physico-chimiques
peuvent être cependant menées pour les
identifier et les caractériser de manière plus
précise. L’incrustation de pierres précieuses
ou semi-précieuses et l’émaillage des surfaces des alliages cuivreux ne sont pas pris
en compte ici.
Historiographie des études des techniques
de coloration des alliages cuivreux
Les artéfacts préservés dans les musées
témoignent de la capacité des premiers
artisans métallurgistes à modifier la couleur
des objets en alliage cuivreux. Bien que le
choix de l’alliage lui-même implique une couleur spécifique, il semble néanmoins que la
dorure ait été la première technique de coloration utilisée dès le 3e millénaire avant notre
ère. Depuis l’utilisation de la feuille de métal
plaquée mécaniquement sur l’objet jusqu’à la
dorure au mercure, plusieurs techniques ont
été développées et exploitées dans l’Antiquité.
La compréhension de ces différentes techniques était déjà l’objet d’intérêt de certains
auteurs antiques et des références directes
aux méthodes de coloration sont citées dans
les sources classiques. Pline l’Ancien (Ier s.
apr. J.-C.) est l’un des auteurs qui nous a
donné des informations sur la manière dont
les métaux étaient perçus dans l’Antiquité
(Pline, Naturalis Historia, XXXIII and XXXIV).
Zosime de Panopolis (IIIe s. apr. J.-C.) a
aussi contribué à notre connaissance de la
couleur des métaux dans son encyclopédie
alchimique dans laquelle il a décrit quelques
techniques de coloration utilisées à l’époque
(Zosime, livre VI).
La problématique de la perception de
l’aspect orignal des objets archéologiques
a soulevé beaucoup de questions depuis
le XIXe s. notamment lorsque les vendeurs
d’antiquités et les propriétaires de collections
d’antiques manifestaient un intérêt certain
pour les objets revêtant la couleur verdâtre
caractéristique de la patine des alliages
cuivreux. À tel point que certains patinaient
même artificiellement les objets pour obtenir cette couleur (Craddock et Giumlia-Mair
1993, p. 30). À la transition des XIXe et XXe
s., les collectionneurs et les restaurateurs
ont commencé à s’interroger sur l’aspect
original des objets métalliques. Villenoisy
(1886) et Pernice (1910) traitèrent de la patine
des bronzes comme étant le résultat soit du
temps, soit d’un acte intentionnel des anciens
artisans métallurgistes. Ils furent suivis par
Weil (1977), Born (1985 and 1990), Hughes
(1993), et plus récemment par Giumlia-Mair
(2001a et b), Mathis et al. (2007) et Craddock
(2009) qui proposèrent de nombreuses études
chimiques sur les patines artificielles.
Entre-temps, les techniques de revêtement
métallique ont aussi été largement analysées.
Le British Museum a joué un rôle important
dans l’étude chimique des dorures, des argentures et des étamages. Ces recherches
ont conduit à une publication importante
(La Niece et Craddock 1993) qui reste, à ce
jour, la principale référence pour l’étude des
techniques de coloration.
Les analyses chimiques ne permettent
pas toujours d’identifier la chaîne opératoire
complète à partir de laquelle la coloration a
été faite. Dans ce cas, l’étude des sources
anciennes constitue une ressource précieuse
parce que les auteurs ont cité et parfois même
expliqué les techniques utilisées. Plusieurs
recherches et expérimentations ont été conduites sur les textes de Pline (notamment
Bailey 1929-1932, Vittorini 1979 et Paparazzo
2003) et de Zosime (Giumlia-Mair 2002).
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Analyse des métaux archéologiques
Stratégie analytique
Bien que les examens optiques (loupe et
binoculaire) restent les premières méthodes
pour analyser les objets archéologiques, ils
sont parfois insuffisants pour comprendre
comment un artéfact a été fait. Dans la
littérature scientifique, plusieurs méthodes
analytiques ont été utilisées pour caractériser
les métaux archéologiques. Leur emploi, leurs
avantages et leurs inconvénients diffèrent selon le but de l’analyse. Certaines fournissent
des informations concernant leur composition
élémentaire (XRF, PIXE, ICP-AES, etc.) alors
que d’autres nous permettent de comprendre
la structure du matériau et de l’objet (XRD,
SEM, Raman, etc.). Selon la technique employée, les résultats peuvent être qualitatifs,
semi-quantitatifs ou quantitatifs. Chaque
technique a des limites et des désavantages,
comme sa précision, son caractère destructif
et son invasivité. Les analyses d’objets métalliques et particulièrement les couches de
surface nécessitent souvent l’utilisation de
techniques destructrices afin de comprendre
la chaîne opératoire de l’objet et la corrosion
qui le recouvre.
Analyses XRF et PIXE
La fluorescence des rayons X (XRF) et le
PIXE (particle induced X-ray emission) sont
des méthodes d’analyse élémentaire non
destructrices. Les techniques sont basées
sur l’excitation et l’éjection par un faisceau
incident d’un électron d’un niveau de basse
énergie libérant ainsi une place dans le nuage électronique de l’atome. Un électron d’un
état d’énergie plus élevé descend alors dans
le nuage électronique pour combler le vide
tout en émettant des rayons X. Les rayons
X qui sont produits sont caractéristiques de
l’élément atomique, et l’intensité du pic mesuré est proportionnelle à la concentration de
l’élément à la surface de l’objet (Pollard et al.
2007, p. 101-102). Le PIXE est généralement
utilisé pour analyser des profils de surface
car le faisceau est plus puissant (accélérateur
de particule) que celui du XRF (rayons X) et
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rentre plus profondément dans la matière.
Cependant, le XRF a un avantage certain
sur le PIXE car il existe des instruments
compacts permettant des analyses in situ
(Vittiglio et al. 1999).
Pour les objets métalliques, le PIXE et le
XRF peuvent déterminer la composition de
la surface des objets. Le résultat est semiquantitatif s’il y a une importante couche
de corrosion qui affecte la composition en
absorbant des éléments externes et en
relâchant des éléments internes (GiumliaMair 2005). Pour éviter ce problème, il est
nécessaire d’enlever la surface corrodée à
l’endroit où l’analyse sera réalisée. Une méthode d’analyse différentielle par PIXE peut
également déterminer la composition de la
couche corrodée de surface et celle du métal
sain. Elle consiste à modifier l’intensité du
faisceau pour atteindre différentes profondeurs dans le métal (Smit et al. 2008). Cette
méthode est particulièrement utilisée lors de
l’étude des incrustations et des revêtements
métalliques de surface.
Analyse métallographique et microscopie
électronique
La métallographie est une technique
d’analyse qui permet de caractériser les structures métalliques d’un objet en utilisant un
microscope optique ou un microscope électronique à balayage (SEM). Les résultats des
analyses métallographiques sont utilisés de différentes manières afin de comprendre l’histoire
matérielle de l’objet : le raffinage des métaux,
l’alliage, les traitements chimiques, thermiques
et mécaniques (France-Lanord 1980, p. 53).
Selon la zone à analyser et le protocole suivi,
ces techniques peuvent être non-destructrices
ou destructrices. Elles peuvent être appliquées
directement à l’objet pour observer sa surface
et identifier les produits de corrosion et revêtements métalliques. Pour reconstituer la chaîne
opératoire d’un objet, il est souvent nécessaire
de faire des sections métallographiques (Wayman 2004, p. 469-471).
Suivant les principes de la métallographie,
la microscopie électronique à balayage per-
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met d’améliorer l’agrandissement et de créer
des cartographies élémentaires. Un échantillon analysé au SEM est en réalité scanné par
un faisceau d’électrons qui interagit avec les
atomes d’une manière caractéristique selon
la structure, la topographie, la cristallographie
et la chimie de l’échantillon. Les différents
signaux produits par les électrons secondaires, les électrons rétrodiffusés et les rayons
X émis par l’échantillon peuvent être utilisés
pour augmenter la résolution de l’image,
fournir des informations cristallographiques
et révéler la composition de l’échantillon
(Adriaens et Dowsett 2004). Chacun de ces
signaux nécessitant des détecteurs spécifiques, le SEM est souvent combiné avec
d’autres techniques de détection, comme
l’EDX (Energy dispersive X rays).
Diffraction des rayons X
La diffraction des rayons X (XRD) permet
d’identifier les structures cristallines en mesurant l’espacement du maillage cristallin (Pollard et al. 2007, p. 113). L’échantillon, analysé
directement ou sous la forme de poudre, est
irradié avec un faisceau de rayons X monochromatiques. Ces rayons X sont diffractés
avec des angles qui sont dépendants de la
structure cristalline de l’échantillon. Cette
technique est très utilisée pour identifier les
produits de corrosion et les patines ainsi que
les incrustations comme le nielle.
Autres techniques
Plusieurs autres méthodes d’investigation
peuvent être utilisées pour identifier et analyser les techniques de colorations des artéfacts
métalliques. Pour en citer quelques-unes, la
spectrométrie de masse à plasma couplé
par induction (ICP-MS), l’analyse par activation neutronique (NAA) et la spectrométrie
d’absorption atomique sont des techniques
d’analyse élémentaire destructrice qui fournissent des données beaucoup plus précises
que le PIXE et le XRF (éléments majeurs, mineurs et traces). D’autre part, la spectroscopie
infrarouge à transformée de Fourier (FTIR)
et la spectroscopie Raman fournissent des
informations sur la composition chimique, la
structure et les interactions moléculaires de
l’échantillon. Ainsi, l’ICP-MS, la NAA et l’AAS
sont principalement utilisées pour identifier la
composition des alliages ou des revêtements
métalliques tandis que le FTIR et le Raman
permettent d’étudier les produits de corrosion
et les patines.
Les techniques de coloration par
alliage
Usage préférentiel des alliages cuivreux :
un choix esthétique ou pratique ?
Bien avant les premières traces de pyrotechnologie à Çatal Hüyük au 6e millénaire
av. J.-C., les anciens avaient déjà découvert
ce matériau rougeâtre et brillant qu’est le
cuivre, et l’ont utilisé pour en faire des objets
(Tylecote 1992). Les métallurgistes se sont
rapidement aperçus qu’ils pouvaient le mélanger avec d’autres métaux (arsenic, étain,
plomb, zinc, etc.) pour en faire des alliages
de diverses couleurs. Cependant, les anciens
artisans ont compris que le fait d’ajouter un
autre élément au cuivre modifiait les propriétés chimiques et physiques de l’alliage
(dureté, résistance à la corrosion, etc.). Par
conséquent, ils pouvaient créer des objets
avec différents alliages qui répondaient à
différentes attentes. Par exemple, l’étain peut
être ajouté au cuivre, soit pour obtenir un
métal de couleur dorée, soit pour réduire la
température de fusion rendant le métal plus
facile à couler. Lorsque du plomb est allié
avec cet alliage cuivre-étain, la couleur de
celui-ci devient plus sombre, mais le plomb
améliore la fluidité permettant de couler le
métal encore plus facilement. Cependant,
les alliages cuivreux sont parfois créés pour
rencontrer ces deux attentes. Pour cette raison, les archéologues sont confrontés à un
premier obstacle pour déterminer si un alliage
a été fait principalement pour sa couleur, pour
ses propriétés ou les deux. Un second facteur
que les archéologues doivent considérer à
propos de l’usage d’un alliage est de s’assurer
Pour une description des principes de ces techniques et des détails sur leurs applications, voir
Pollard et al. (2007), Pollard et Heron (2008).
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que l’ajout d’un métal en particulier n’est pas
dû à l’indisponibilité d’un autre matériau ou
à la non-connaissance d’autres pratiques
technologiques.
Les alliages de cuivre à forte teneur en
arsenic
Le cuivre arsénié a probablement été
le premier alliage utilisé dans l’Antiquité.
Les circonstances entourant les premières
productions de cet alliage ont été largement
débattues. La question de savoir si le cuivre
arsénié était utilisé de manière non-intentionnelle, ou produit délibérément par l’usage
sélectif de minerais de cuivre riches en arsenic, ou en alliant de l’arsenic avec du cuivre
a été le sujet nombreuses recherches. Les
cuivres à forte teneur en arsenic sont particulièrement intéressants pour cette étude
car ils ont une surface argentée résultant
d’un processus de ségrégation inverse qui
a lieu lorsque le métal se durcit après la
coulée. Ce processus pousse la structure
eutectoïde, Cu-As (21 % d’arsenic), à la
surface de l’objet refroidissant au contact
du moule (Charles 1973, p. 111-112). Deux
pourcent d’arsenic dans l’alliage suffisent
pour créer les conditions nécessaires à la
formation de cette structure (Meeks 1993b,
p. 267). L’épaisseur et l’homogénéité de la
couche eutectoïde dépendent du pourcentage d’arsenic dans l’alliage. Cette couche
arséniée peut éventuellement être brunie et
polie pour conférer à l’objet l’apparence de
l’argent (Giumlia-Mair 1991).
Quelques objets de l’Âge du Cuivre et
de l’Âge du Bronze Récent ont été étudiés
par Craddock (1980), Northover (1989), et
Keates (2002). Ils ont observé que les outils étaient probablement faits d’un alliage
cuivreux avec de faibles teneurs en arsenic alors que les armes (dagues et lames)
étaient réalisées dans un alliage riche en
arsenic afin d’obtenir cette couleur argentée.
Voir notamment Budd (1991).
Structure hétérogène d’alliage, formée par deux
ou plusieurs phases solides qui se solidifient simultanément à une température donnée (phase
α + δ).
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Récemment, une fibule romaine provenant
d’Emona (Slovénie) a été analysée car elle
présentait une surface de couleur argentée qui avait été identifiée comme étant
de l’argent. Une analyse par spectrométrie
d’émission a prouvé qu’en fait une ségrégation inverse d’arsenic était à l’origine de
cette couleur (Silvec 2000, p. 197-198). La
Niece et Carradice (1989) ont réalisé une
analyse métallographique de monnaies libyennes en alliage cuivreux avec de fortes
teneurs en arsenic, délibérément choisi pour
imiter des pièces en argent (fig. 1). Ils ont
également étudié le papyrus de Leyde (IIIe
s. apr. J.-C.) qui donne une recette de cette
technique, expliquant que de la sandaraque
(sulfite d’arsenic) doit être ajoutée au cuivre
pour obtenir du cuivre blanc.
Fig. 1 : Section métallographique d’une pièce libyenne montrant la couche de ségrégation inverse
d’arsenic à la surface. Image SEM.
D’après Meeks 1993b, p. 268
Les bronzes à faible et forte teneurs en
étain
Comme dans le cuivre arsénié, la ségrégation inverse peut avoir lieu dans des bronzes
à faible teneur en étain (8-15%). Lors du refroidissement d’un objet, les derniers restes
d’alliage en fusion, 25,5 % d’étain, remontent
du cœur vers la surface pour se solidifier
en formant une structure eutectoïde α + δ
argentée (fig. 2). Un exemple de ségrégation
inverse d’étain est la surface argentée d’un
sceptre en bronze trouvé à Sutton Hoo dans
le Suffolk (Meeks 1993b, p. 262-263).
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de cuivre dans un creuset scellé avec du
charbon et de l’oxyde de zinc (calamine). Le
creuset était alors chauffé à une température
entre 900 et 1000 °C. Dans ces conditions,
les vapeurs de zinc retenues dans le creuset
se dissolvent dans le cuivre formant ainsi du
laiton (Pollard et Heron 2008, p. 195-197).
Les techniques de coloration par
revêtement métallique
Fig. 2 : Ségrégation d‘étain sur une coulée
expérimentale montrant la surface eutectoïde.
Image SEM. D’après Meeks 1993b, p. 262
Alors qu’un bronze avec environ 15 %
d’étain revêt une couleur dorée sombre, les
bronzes à forte teneur en étain (jusqu’à 18-20
%) ont une couleur argentée très réfléchissante. Les propriétés de cet alliage changent
aussi, le rendant plus dur mais cassant, et
améliorant sa résistance à la corrosion. Une
structure eutectoïde caractérise ces bronzes
avec une phase δ argentée (Meeks 1993b, p.
253). Les Romains utilisaient la propriété de
réflexion de cet alliage pour faire notamment
des miroirs.
Le laiton
Le laiton, un alliage cuivreux avec 5 à 25
% de zinc, a une couleur jaune doré. Les
premiers objets en laiton proviennent d’Asie
Mineure et datent du 2e millénaire av. J.-C.
Jusqu’au IIe s. av. J.-C., le laiton, alors appelé
orichalcum, était considéré par les Grecs et
les Romains comme étant un métal exotique
et cher qui ressemblait à l’or. L’orichalque
ressemblait tellement à l’or qu’il était difficile
de les différencier (Craddock 1978, p. 8). Au
Ier s. av. J.-C., la production de laiton a explosé au point de remplacer le bronze dans
certains contextes. La couleur caractéristique
du laiton était exploitée dans la fabrication
d’objets décoratifs et ornementaux (fibules,
anneaux, etc.). Dans l’Antiquité, les laitons
étaient réalisés selon le processus de la cémentation, car le zinc était trop volatile. Ce
processus consiste à placer des fragments
Le développement des techniques de
dorure et d’argenture
La dorure et l’argenture consistent à
plaquer une couche d’or ou d’argent, de façon
mécanique ou chimique, à la surface d’un
objet fait dans un métal moins précieux. L’or
a le grand avantage d’être très malléable,
ductile et résistant à la corrosion, alors que
l’argent partage également ces propriétés
mais à un degré moindre (Oddy 1993 et La
Niece 1993a, p. 201).
Les températures de fusion de l’or et de
l’argent s’élèvent respectivement à 1063°C
et 960°C. Même si les premiers artisans de
l’Âge du Bronze étaient capables de couler
ces métaux, réaliser des objets en or ou en
argent massif entraînait un gaspillage du
métal. Par conséquent, des techniques de
revêtement métallique ont été développées
pour éviter cet usage excessif de métaux
précieux (Oddy 1991, p. 29).
L’or et l’argent ont en commun plusieurs
techniques de placage. Ils ont d’abord été
utilisés sous forme de plaques (quelques
millimètres d’épaisseur) attachées de façon
mécanique à la surface des objets. Cette
méthode semble s’être développée au MoyenOrient vers 3000 av. J.-C. Avec la découverte
du raffinage de l’or au 1er millénaire avant notre
ère, les plaques d’or pouvaient être martelées plus finement pour en faire des feuilles
(quelques microns d’épaisseur). Les feuilles
étaient attachées à la surface de l’objet, soit
au moyen d’un adhésif, soit au moyen de
soudures par diffusion. Le développement
des échanges commerciaux entre l’Europe
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et l’Asie a permis l’introduction de la dorure
au mercure, inventée en Chine, dans le monde romain au IIIe s. av. J.-C. (Oddy 1993, p.
171). Alors que la capacité de faire des fines
feuilles d’or était une avancée incontestable,
les plaques d’or et d’argent étaient toujours
utilisées sous l’Empire romain. De même, la
dorure à la feuille n’était pas obsolète lorsque la dorure au mercure a été introduite en
Europe (Oddy 1990). Bien qu’il soit possible
de réaliser une argenture au mercure, cette
technique ne semble pas avoir été très utilisée
dans l’Antiquité. Cependant, l’argenture par
application d’argent en fusion sur la surface
de l’objet était largement pratiquée (La Niece
1993a, p. 207).
La dorure et l’argenture à la plaque
Il y a trois méthodes différentes pour attacher une plaque d’argent ou d’or à la surface d’un objet et de la maintenir en place.
La première consiste à fixer cette plaque
au moyen de rivets. Il y a de nombreux exemples d’objets en argent qui ont été dorés
avec cette technique (Éluère 1985, p. 145)
mais peu d’exemplaires en alliage cuivreux.
Il est également possible d’emballer l’objet au
moyen d’une plaque de métal précieux (Oddy
1991, p. 172). Cette technique n’implique pas
une liaison physico-chimique entre la plaque
et l’objet, mais est le résultat d’un processus
mécanique de pliage de la plaque sur les bords
de l’objet. Un anneau en cuivre découvert en
Fig. 3 : Section d’un anneau penannulaire datant
de l’Âge du Bronze. Le noyau en bronze est
emballé dans une plaque d‘or dont les extrémités se recouvrent (en haut à droite). Image SEM.
D‘après Meeks et al. 2008, p. 19
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Angleterre et datant de l’Âge du Bronze a été
doré avec cette technique (Meeks et al. 2008).
Les bords de la plaque d’or ont été repliés sur
les extrémités de l’anneau (fig. 3).
Parfois, un adhésif (œuf, albumine, os,
etc.) était nécessaire pour faire en sorte que
le revêtement soit plus résistant. Par leur
nature organique, les adhésifs ne survivent
que rarement à l’enfouissement de l’objet et
il est donc assez difficile de prouver leur présence. Une autre manière de fixer une plaque
métallique sur un objet est de faire en sorte
que les bords de la plaque se superposent, et
de les joindre en les brunissant (Oddy 1981,
p. 75). De plus, l’adhésion de la plaque peut
être améliorée si la surface du métal de base
est rugueuse. Si une source de chaleur est
appliquée sur la dorure, l’adhésion en est améliorée car il s’opère une inter-diffusion entre
l’alliage cuivreux et la plaque d’or ou d’argent
(Oddy 1993 et La Niece 1993a). La Niece
(1993b) a étudié la technique d’argenture de
quelques monnaies en alliage cuivreux et a
montré que, parfois, une soudure composée
d’argent et de cuivre était appliquée entre le
noyau et la plaque.
Dorure à la feuille
La découverte du raffinage de l’or au 2e
millénaire av. J.-C. afin d’obtenir un or presque
pur a permis la fabrication de feuilles d’or.
Pline décrit qu’à cette époque une once d’or
pouvait être battue en 750 feuilles (Naturalis
Historia XXXIII, 19). Cependant, la finesse
des feuilles d’or implique que des techniques
de fixation mécanique ne peuvent être utilisées. Des méthodes physico-chimiques sont
donc requises pour maintenir ces feuilles à
la surface des objets.
Les feuilles d’or peuvent être brunies sur
la surface de l’objet (Giumlia-Mair 2002) ou
un adhésif peut être appliqué dans le but de
coller la feuille sur l’objet. Dans les deux cas, la
surface doit être nettoyée avant d’appliquer
Le brunissage est l’action de polir une fine couche
de métal (feuille d’or…) avec un outil dur (pierre
d’agate) pour la faire adhérer au support.
Archéo-Situla 30, 2010
la dorure. Comme pour la dorure à la plaque,
il est rare de retrouver les traces d’adhésif
à cause de la vie relativement courte des
colles antiques. Les traces de dorure sont
principalement bien conservées dans les
creux des motifs (Oddy 1993) et il est donc
possible d’observer cette technique avec une
inspection minutieuse de l’objet. La statue
équestre de Marc Aurèle du Capitole est un
excellent exemple de bronze doré à la feuille
(fig. 4). Tout comme la dorure à la plaque, la
soudure par diffusion peut être utilisée sur
les feuilles. L’avantage de cette technique de
fixation est qu’elle augmente la résistance à
l’altération.
Fig. 4 : Section métallographique d’un fragment
de bronze doré du cheval de la statue équestre de
Marc Aurèle au Capitole.
D‘après Marabelli 1994, fig. 8.
Une technique particulière de dorure à
la feuille a été développée en Égypte. Elle
consiste à appliquer sur la surface de l’objet
une couche de gesso (fine couche de matière argileuse) qui joue le rôle d’un adhésif.
L’origine de cette technique peut être attribuée
aux pratiques du travail du bois (Oddy et al.
1988). L’adhésif (gypse) était répandu sur
l’objet qui parfois avait été préalablement griffé
pour améliorer l’adhésion. De nombreuses
statuettes décorées avec cette technique ont
été analysées (Delage et al. 1995 ; Griffin
2000 ; Oddy 1991, 1993 et 2000 ; Oddy et
al. 1988 ; Oddy et al. 1990). Par exemple,
une figurine représentant Amon-Rê assis du
Cleveland Museum of Arts montre une dorure
à la feuille sur gesso. La couronne et le pagne
ont été dorés avec une feuille de moins d’un
micron d’épaisseur qui a été appliquée sur
une couche de gesso de 1 à 2 millimètres.
Cette couche est composée de carbonate
de calcium qui a été identifié à la diffraction
des rayons X. Le pagne a révélé la surface
griffée caractéristique de cette technique qui
améliore l’adhésion de la couche de gesso.
Des fragments de tissus préservés dans la
corrosion indiquent qu’un textile recouvrait la
surface (Griffin 2000).
Dorure au mercure
La dorure au mercure semble avoir été
développée en Chine au IVe siècle av. J.-C.,
et introduite en Europe au IIIe siècle av. J.-C.
(Lins et Oddy 1975, p. 365). Les allusions à la
dorure au mercure dans les textes de Vitruve
(De Architectura VII, 8, 4) et de Pline (Naturalis
Historia XXXIII, 64-65, 100, 125) confirment
que cette technique était connue en Europe.
En réalité, il y a deux méthodes de dorure
au mercure : la dorure au mercure froid ou la
dorure à l’amalgame (Anheuser 1996).
Pour la première, le mercure est utilisé
comme une soudure pour attacher les feuilles
d’or à l’objet. La technique consiste à recouvrir
de mercure la surface de l’objet, et à appliquer
ensuite les feuilles d’or. Le mercure s’évapore
ensuite en quelques jours ou semaines (Oddy
1993, p. 178). Inversement, la vraie dorure
au mercure est basée sur l’application d’un
amalgame d’or chaud sur la surface de
l’objet. Il en résulte la formation de couches
d’or très fines qui peuvent être superposées
pour fournir une dorure plus résistante. Une
source de chaleur permet de relâcher le
mercure par évaporation, laissant ainsi une
couche dorée poreuse (Oddy 1993, p. 117).
La couleur de l’amalgame varie selon la température utilisée à la surface de l’objet. Une
section métallographique d’une des statues
de chevaux de San Marco montre que l’objet
a été doré au mercure en plusieurs couches
(Oddy 2002, p. 13).
Bien que l’introduction de la dorure au
mercure en Europe ait permis de réduire les
quantités d’or nécessaires pour dorer un objet,
la dorure à la feuille a perduré jusqu’à notre
époque. Durant la période romaine, il semble
49
Archéo-Situla 20, 2010
que ces deux techniques aient été utilisées,
sans que l’une surpasse l’autre (Beck et al.,
1990/1991, p. 107).
Un usage préférentiel d’un type de dorure
en relation avec la composition des alliages
utilisés pour la statuaire romaine a été démontré par Oddy et al. (1990). Théophile mentionne que le plomb ne doit pas être utilisé pour
les alliages cuivreux destinés à être dorés au
mercure. Il précise également que le cuivre
peut être plus facilement doré au mercure
que le laiton. Une étude des compositions de
plusieurs statues romaines en rapport avec le
type de dorure montre que les cuivres purs,
ou presque, étaient plutôt dorés au mercure,
alors que les bronzes ayant des proportions
plus élevées en étain et plomb étaient dorés
à la feuille (Oddy 2000, p. 9-10).
Argent appliqué en fusion ou en poudre
à la surface des objets
Il est possible d’argenter un objet en le
trempant dans un bain d’argent ou d’alliage
argent-cuivre. Le problème majeur de cette
technique est qu’il est difficile d’obtenir une
argenture continue dans le bain tout en retenant l’objet. De plus, la température du bain
doit être continuellement élevée pour garder
l’argent en fusion. Les alliages cuivreux des
objets ont généralement une température
de fusion moins élevée que celle de l’argent,
Fig. 5 : Section métallographique montrant la
microstructure d‘une couche d‘argent appliquée
en fusion sur une plaque de cuivre. Image SEM.
D‘après La Niece 1993a, p. 206.
50
les objets doivent donc être immergés assez
rapidement pour éviter que l’alliage cuivreux
ne fuse trop, contaminant ainsi le revêtement
argenté. Une méthode alternative peut produire le même résultat en appliquant un alliage
argent-cuivre en poudre sur la surface de
l’objet et en le chauffant jusqu’à ce qu’il fuse
(La Niece 1993, p. 205). Une inter-diffusion
entre l’argent et l’alliage cuivreux se produit
lorsque l’argent en fusion est déposé à la
surface (fig. 5).
Les techniques d’étamages
L’étamage consiste à appliquer une couche
d’étain sur un objet, lui conférant ainsi une
surface de couleur argentée, résistante à la
corrosion. Pline explique que l’étain n’était pas
uniquement décoratif mais était un revêtement
utile qui évitait la contamination des aliments
par le cuivre dans les vaisselles de table (Naturalis Historia, XXXIV, 47). Cette technique
semble s’être développée en Gaule vers 600
av. J.-C. (Oddy 1980, p. 129). L’étamage s’est
largement généralisé dans la partie occidentale de l’Empire romain, mais n’a jamais été très
populaire hors d’Europe pendant l’Antiquité.
Seuls quelques objets égyptiens et chinois
présentent des étamages, alors que le monde
islamique a très largement utilisé l’étamage
pour décorer les vaisselles traditionnelles
(Meeks 1993b, p. 248).
Il y a plusieurs méthodes pour appliquer
une couche d’étain à la surface d’un objet. Un
objet en alliage cuivreux peut être étamé en
recouvrant sa surface d’étain en fusion. Pour
ce faire, l’objet doit être nettoyé et dégraissé
afin d’augmenter l’adhésion de la couche
d’étain. Des fragments ou des feuilles d’étain
métallique sont fondus à la surface de l’alliage
cuivreux qui a été préalablement chauffé.
L’étain est alors étalé à l’aide d’un tissu (Oddy
1980, p. 129-130). La surface mate produite
avec cette technique doit être polie pour lui
conférer son éclat argenté. L’autre technique
d’étamage couramment utilisée consiste à
tremper l’objet dans un bain d’étain en fusion
à 260°C. L’alliage cuivreux a généralement
été nettoyé et chauffé préalablement afin
d’éviter un refroidissement trop rapide de
Archéo-Situla 30, 2010
l’excès d’étain à enlever. On obtient alors une
couche argentée épaisse et lisse. Si l’objet
est laissé trop longtemps dans le bain d’étain,
l’étain se diffuse dans l’alliage cuivreux pour
créer une nouvelle structure avec une couleur
différente à la surface (Meeks 1993b, p. 255).
Par conséquent, cette technique requiert un
artisan expérimenté pour obtenir une couche
régulière et brillante. Une variante de cette
technique, développée au début de l’Âge du
Bronze, consiste à réduire de la cassitérite
(minerai d’étain) sur la surface de l’objet
(Meeks 1993b, p. 261). Bien que l’étamage
par amalgame ait été utilisé en Chine, aucune
trace de cette technique n’a été observée
en Europe (Anheuser 2000). Il n’était pas
rare d’étamer un objet plusieurs fois pour
restaurer l’étamage détruit par le temps, ou
l’usage. Les objets le plus souvent étamés
sont les miroirs, les équipements militaires
et les fibules.
Fig. 6 : Diagramme des phases intermétalliques
associées avec l’étamage.
D’après Meeks 1993b, p. 256.
D’un point de vue structural, l’étamage forme trois couches principales : la première est
une couche d’étain pur qui donne la couleur
argentée à l’objet, les deux autres sont des
couches mélangées avec du cuivre qui ont
formé deux structures différentes (Meeks
1993b, p. 256). La structure supérieure est
une phase η, et l’inférieure est une phase
ε. Selon la température de l’étain en fusion
et celle de la surface de l’alliage cuivreux,
plusieurs autres structures métalliques peuvent cependant être observées sur les objets
étamés (fig. 6).
Les incrustations métalliques et nonmétalliques
D’autres métaux peuvent décorer les
objets en alliage cuivreux sous la forme
d’incrustations diverses. Le cuivre pur était
souvent utilisé sur les lèvres des statues
grecques et romaines pour leur donner une
couleur rouge. La coupe de Césarée et un
encrier trouvé à Vaison-la-Romaine témoignent de la qualité des artisans métallurgistes
qui ont incrusté plusieurs types de feuilles ou
fils métalliques : or, argent, alliage cuivreux
patiné, etc. (Matthis 2005).
Diverses substances noirâtres sont utilisées comme matériaux d’incrustation et
sont, la plupart du temps, identifiées comme
étant du nielle. Cependant, le vrai nielle est
une substance bleu-noir brillante utilisée
pour embellir les décorations gravées sur
les objets en argent, en or et en bronze.
La technique consiste à fondre des sulfites
métalliques (généralement d’argent et de
cuivre) sur les zones à décorer. Bien que son
origine soit obscure (Oddy et al. 1983, p. 29),
cette technique était couramment employée
sous l’Empire romain et est encore utilisée
sur des objets anglo-saxons et byzantins
(Newman et al. 1982, p. 81). Pline décrit qu’il
faut fondre une part d’argent pour deux de
cuivre avec des sulfures, pour préparer du
nielle (Naturalis Historia, XXXIII, 46). Lorsque
la substance a été réduite en poudre, elle est
placée et chauffée dans la zone à décorer
(Moss 1953, p. 54). Bien que le nielle ait
plutôt décoré des objets en argent ou en or
51
Archéo-Situla 20, 2010
qui ont une grande adhésion, on le retrouve
aussi sur des alliages cuivreux. Cependant,
Moss (1953, p. 57) a noté que sur les alliages
cuivreux, le nielle ne coulait pas lorsqu’il avait
été fondu et qu’il avait tendance à laisser une
surface crevassée sur le métal. Le nielle peut
être identifié avec des analyses élémentaires
détectant du soufre. Cependant, la présence
de soufre à la surface d’objet peut être due à
une contamination du sol ou au traitement de
conservation. Il est préférable de compléter
l’investigation avec une analyse qui identifie
la structure cristalline du sulfite de cuivre ou
d’argent (Oddy 1982, p. 30)
Les techniques de coloration par
traitement chimique de la surface
Dorure et argenture par enrichissement
de surface
Parmi toutes les techniques existantes,
la dorure et l’argenture par enrichissement
de surface se distinguent des autres par
leur principe. Elles consistent à dissoudre le
cuivre à la surface de l’alliage pour augmenter
la concentration du métal précieux qui a été
préalablement ajouté à l’alliage. Le papyrus X
de Leyde (Jacobson 2000, p. 63) explique que,
pour enlever le cuivre en surface, l’objet est
chauffé, et qu’un agent corrosif (acide citrique
ou vinaigre) est appliqué à la surface pour
oxyder le cuivre qui est ensuite enlevé avec un
tissu. Une couche mate de couleur argentée
ou dorée reste à la surface et doit être brunie
pour obtenir un fini brillant (fig. 7). Il n’est pas
facile de prouver que la surface d’un objet a
été délibérément attaquée par l’agent corrosif,
car l’enfouissement conduit à une corrosion
naturelle du cuivre pouvant mener à un enrichissement d’un métal précieux en surface.
Le même problème se pose lors de certains
Fig. 7 : Schéma de la surface d’un alliage argentcuivre. D’après Beck et al. 2004, p. 159, modifié.
52
traitements de conservation (Oddy et Cowell
1993, p. 213 et La Niece 1993a, p. 206).
Cette technique était très répandue dans
les civilisations précolombiennes mais elle
était aussi utilisée en Europe et au MoyenOrient. Elle fut principalement utilisée pour
le monnayage officiel lors des périodes
d’inflation ou pour la fabrication de monnaies
frauduleuses, comme l’a montré Beck et al
(1990/1), avec les monnaies romaines en
argent. Les plus anciens exemples de cette
technique sont trois poinçons d’Ur du 3e
millénaire av. J.-C. qui avaient été identifiés
comme des objets en or massif. À la suite
de l’observation de traces d’oxyde de cuivre
à la surface des poinçons, les analyses de
composition de leur cœur par XRF ont montré
qu’il s’agissait d’un alliage cuivreux riche en
or dont la surface a été appauvrie en cuivre
laissant ainsi apparaître la couleur de l’or (La
Niece 1995).
Patines intentionnelles
Le problème de la détection des patines
intentionnelles
La patine renvoie à l’altération d’un métal
par une action chimique impliquant un changement de couleur. La qualité et le degré de
ce processus dépendent de conditions particulières, et la coloration de la surface qui en
résulte peut inclure plusieurs couleurs avec
une translucidité variable (Hughes 1993, p.
2). Bien que les patines intentionnelles aient
été réalisées sur un grand nombre de métaux,
comme l’argent, le plomb et le zinc, les principaux supports des patines artificielles ont été
le cuivre et les alliages cuivreux, car une large
palette de couleurs est disponible (rouge,
brun, noir, etc.). Cependant, les produits des
patines naturelles et artificielles sont parfois
très semblables et, par conséquent, il est
difficile d’identifier et de différencier de telles
colorations artificielles d’une patine naturelle
sur les artéfacts (Hughes 1993, p. 6).
Néanmoins, pour les Grecs et les Romains,
l’aspect visuel des bronzes était celui d’une
Voir Bray 1993 et Scott 1986.
Archéo-Situla 30, 2010
surface non patinée et polie. Les représentations des statues métalliques sur les fresques
gréco-romaines montrent des objets avec
la couleur du métal poli. D’ailleurs, comme
nous en informent plusieurs textes anciens,
les sculptures publiques étaient nettoyées et
polies afin de les préserver de la corrosion
(Weil 1977). La patine artificielle était donc
assez rare dans l’Antiquité. Peu d’objets
archéologiques présentent clairement les
traces d’une patine intentionnelle. Cependant,
un type de patine, le bronze noir, semble
avoir été particulièrement apprécié comme
en témoignent les descriptions détaillées de
Pline et de Zosime à propos de la recette de
cette technique.
Les techniques de patine et leur analyse
La manière la plus simple de patiner une
surface métallique est d’appliquer un agent
chimique pour corroder artificiellement le métal. L’agent chimique est bien souvent répandu
sur la surface à l’aide d’un tissu, bien que des
bains de solution soient aussi possibles. Précision et compétence sont nécessaires pour
obtenir la patine désirée. La durée requise
pour que la patine puisse se former dépend
de l’agent corrosif et peut s’étendre de quelques jours à plusieurs semaines (Hughes
1993, p. 10). Un strigile romain du Musée
du Louvre (Mathis et al. 2005) présente une
patine intentionnelle sous la forme de feuilles
de vigne de couleur rougeâtre (fig. 25). Les
analyses PIXE de l’intérieur et de l’extérieur
de ces motifs ont montré qu’il y avait une
composition différentielle pour les éléments
mineurs (Al, Si, Sn, K) qui ne peut qu’être le
résultat d’une patine artificielle.
L’analyse d’une patine intentionnelle doit
être réalisée au niveau élémentaire (éléments
chimiques) et structural (structures cristallines). L’analyse du métal sain (brillant) reste
une étape importante parce que la coloration
dépend de la composition de l’alliage. Identifier s’il s’agit d’une patine naturelle ou intentionnelle reste difficile et dépend de plusieurs
facteurs comme la décoration de l’objet et la
rareté des produits de corrosion trouvés sur
ces décorations (Mathis et al. 2007).
Le cas des bronzes noirs patinés
D’après les textes antiques, il existait
un type de bronze patiné, réputé pour sa
couleur d’un noir pourpre. Ce bronze patiné a été créé durant le 2e millénaire avant
notre ère en Mésopotamie. Il a été utilisé
en différents endroits durant l’Antiquité :
en Égypte où il était appelé Hmty-km, en
Grèce sous le nom de Kyanos, et dans
le monde romain où il était décrit comme
l’Aes Corinthium (Mathis 2005, p. 119-129).
Plusieurs sources expliquent la manière
dont ce bronze patiné pouvait être réalisé
à partir d’un alliage cuivreux auquel de l’or
(et parfois de l’argent) était ajouté. Zosime
a fourni la description la plus complète de la
recette du bronze noir (Giumlia-Mair 2002,
p. 320-321). Il explique que trois parts d’or
et deux d’argent doivent être fondues et
ajoutées à du cuivre. L’alliage pouvait alors
être travaillé et chauffé avant d’être trempé
dans une solution de vinaigre et de vertde-gris (acétate de cuivre). La recette est
extrêmement semblable à celle du nikomichakushoku développée au XIVe siècle en
Extrême-Orient, probablement sur base
de la recette de l’Aes Corinthium (Mathis
2005, p. 118-119). Le produit cristallin qui se
forme à la surface de ces bronzes patinés
est de la cuprite (oxyde de cuivre) qui est
aussi un produit de corrosion naturelle du
cuivre. Le processus de l’Aes Conrinthium
peut fournir différentes couleurs, allant du
jaune au noir, comme on peut le voir avec
les incrustations de la coupe de Césarée
et l’encrier de Vaison-la-Romaine.
Variations de couleur :
un choix esthétique ?
Il semblerait logique d’affirmer que les
techniques que nous avons détaillées
aient été utilisées dans un but uniquement
esthétique, à la recherche d’une couleur
particulière. Il est évident que la coupe de
Césarée, sur laquelle différentes techniques
de coloration ont été utilisées pour la scène
figurée, n’était pas un objet du quotidien
Voir Craddock et Giumlia-Mair 2003.
53
Archéo-Situla 20, 2010
utilisé pour contenir un liquide, mais bien
un objet artistique avec une dimension
esthétique prédominante. Son utilisation
répétée aurait très probablement altéré
les couleurs. Les objets artistiques, soit
décoratifs ou religieux, sont préservés de
la dégradation par l’entretien qui leur est apporté (polissage et nettoyage). Cependant,
il est possible que l’entretien ne suffise pas
et qu’il soit nécessaire de re-colorer l’objet
comme ce fut le cas pour les chevaux de
San Marco qui ont été dorés plusieurs fois
(Oddy 1993, p. 177).
Parfois, la couleur obtenue ne constitue
pas le but principal de l’utilisation de cette
technique. Ainsi, c’est le pouvoir protecteur
de l’étain contre la corrosion qui était recherché lors de l’étamage des vaisselles
en bronze : il empêchait le cuivre de contaminer les aliments (Meeks 1993, p. 248).
La réflectivité de l’étain était aussi exploitée
pour les anciens miroirs, soit par l’emploi
d’un alliage cuivreux à forte teneur en étain,
soit en étamant le miroir (Meeks, 1993b, p.
248). Les techniques de coloration étaient
même utilisées pour imiter d’autres matériaux, notamment les métaux précieux comme l’or et l’argent. Les imitations pouvaient
être faites soit pour tromper l’utilisateur sur
la réelle nature de l’objet, soit pour éviter
le gaspillage de métal précieux. Quelques
techniques de coloration ont été utilisées
pour le monnayage dans le but de donner
l’impression que les monnaies étaient faites
de métal précieux. Plusieurs études sur ce
genre d’objets (Oddy et Cowell 1990, Deraise
et al. 2006 et La Nièce et Carradice 1989)
ont montré que les imitations de monnaies
en métal précieux n’étaient pas toujours réalisées dans des ateliers indépendants pour
des objectifs frauduleux, mais l’étaient aussi
dans des ateliers officiels pour surmonter une
période de crise, particulièrement pendant
les périodes d’inflation. L’utilisation des techniques de coloration est étroitement liée à la
nature de l’objet et au contexte dans lequel
il a été réalisé. Alors que l’identification du
ou des buts de la coloration est évidente
pour certains objets, elle est plus délicate
à interpréter pour d’autres.
54
Vers un modèle analytique des
techniques de coloration
Alors qu’une pierre incrustée et une surface
émaillée peuvent être facilement reconnues
à l’œil nu, les archéologues et les historiens
de l’art ne peuvent pas toujours identifier
les autres techniques de coloration et les
corrosions naturelles que revêtent les objets
en alliages cuivreux. Comme le démontre
l’exemple des trois poinçons dorés d’Ur qui
avaient été étudiés comme étant des ors
massifs, certains artéfacts colorés peuvent
être parfois facilement confondus avec des
objets coulés dans un autre métal. Bien
qu’une observation minutieuse constitue la
première étape de l’analyse pour identifier
les causes de la coloration des alliages
cuivreux, des méthodes physico-chimiques
sont souvent nécessaires pour comprendre
comment la coloration a été réalisée. Un
modèle analytique simplifié, présenté dans
le Tableau 1, permet l’identification des principales techniques de colorations utilisées en
Europe et dans le bassin méditerranéen entre
le Chalcolithique et le Haut Moyen-Âge. Le
choix de la méthode scientifique à employer,
destructrice ou non, doit toujours être le résultat d’un processus d’évaluation des avantages
et inconvénients des différentes techniques
analytiques en relation avec la valeur potentielle de l’information qui sera obtenue. Les
surfaces de la plupart des alliages cuivreux
présentent une coloration assez hétérogène :
la corrosion, due à l’enfouissement. Celle-ci
a recouvert la surface originelle, ou détruit la
coloration originelle et/ou créé une nouvelle
coloration. Parce que différentes techniques
et divers mécanismes de corrosion peuvent
créer une même couleur, une observation
optique et/ou des analyses physico-chimiques sont nécessaires pour les identifier et
caractériser.
À première vue, les couleurs bleues et
vertes recouvrant un objet entier ou un matériau incrusté seront considérées comme
des produits naturels de corrosion du cuivre
(azurite, malachite, etc.). Cependant, il est
possible que ces couleurs aient été intentionnellement obtenues par le biais de patines
Archéo-Situla 30, 2010
artificielles, comme c’est souvent le cas sur
les statues en bronze modernes. Afin de
caractériser une patine artificielle, il convient
de déterminer sa composition et celle de
l’alliage de base, pour établir une éventuelle
relation entre les deux. En plus des analyses
élémentaires (notamment PIXE et XRF),
il est nécessaire d’identifier les structures
cristallines de corrosion de la patine à l’aide
de méthodes structurales (comme le XRD
et la spectroscopie Raman). Si les analyses
amènent à croire qu’il ne s’agit pas d’une patine intentionnelle, la couleur bleue ou verte
est issue des produits de corrosion naturels
d’un alliage cuivreux qui cachent la couleur
originelle de cet alliage. Afin de connaître
cette couleur, l’analyse des éléments du métal
sain pourra caractériser l’alliage.
Une surface rougeâtre sur un objet archéologique peut être le résultat de trois
processus. Le premier est simplement la
couleur naturellement rougeâtre d’un alliage
riche en cuivre, identifiable à l’œil nu par le
reflet métallique du cuivre. Cependant, il est
préférable de déterminer la composition par
une méthode élémentaire pour connaître les
proportions de chaque élément (étain, plomb,
arsenic, antimoine, etc.). La couleur rouge
peut aussi se manifester sous la forme d’une
patine de cuprite (oxyde de cuivre) naturelle
ou intentionnelle. Dans ce cas, le protocole
d’analyse des patines doit être employé pour
essayer de déterminer l’intentionnalité de la
coloration.
Les objets en alliage cuivreux sont parfois
partiellement, ou complètement, recouverts
d’une substance noire ou brune. Les matériaux noirs insérés dans des sillons gravés ou
des champs-levés appartiennent à la catégorie du nielle et de ses dérivés. Le vrai nielle
est généralement identifié avec une analyse
structurale montrant les sulfites d’argent et
de cuivre caractéristiques de cette technique
de coloration. Les autres surfaces noires ou
brunes sont le résultat d’une patine naturelle
(ténorite) ou artificielle (cuprite noire). Dans le
cas de l’Aes Corinthium, des analyses structurales et élémentaires sont nécessaires parce
que la couche noire formée à la suite d’un
traitement chimique de la surface dépend de
la présence d’or dans l’alliage de base.
Différentes techniques de coloration permettent d’obtenir des surfaces blanches,
grises ou argentées. Alors que l’argenture à
la plaque est facilement reconnaissable par
l’épaisseur de la plaque d’argent, une analyse
élémentaire est nécessaire pour identifier
la cause d’autres couleurs argentées d’une
surface. La présence d’argent ou d’étain sur
une surface peut être le résultat de plusieurs
méthodes. L’argenture par enrichissement
de surface ou application d’argent en fusion
peut être identifiée en utilisant des analyses
différentielles de composition. Les objets
dorés par enrichissement de surface ont
généralement un alliage de base argentcuivre alors que ceux argentés par application d’argent en fusion sont généralement
de simples alliages cuivreux avec de faibles
teneurs en argent. Parfois des observations
métallographiques de la surface non polie
des objets permettent aussi d’identifier la
technique utilisée car l’argenture par enrichissement forme une surface plus poreuse que celle de la technique d’application
d’argent en fusion. Il est rare de trouver des
objets dont la surface a été naturellement
(corrosion) ou accidentellement (traitement
de conservation) enrichie en argent. Lorsque
l’analyse élémentaire a indiqué la présence
d’étain, la surface doit être observée sous
microscope ou être échantillonnée pour une
analyse métallographique afin d’identifier un
étamage, une ségrégation de l’étain ou un
bronze à forte teneur en étain. Comme la
structure d’un étamage peut varier selon la
température qui a été utilisée à la surface de
l’objet, il est possible de confondre la phase δ
caractéristique des bronzes à forte teneur en
étain avec celle des bronzes étamés à 450°C.
Une analyse différentielle de composition ou
une section métallographique doivent alors
être faites pour trancher entre les deux.
Pour identifier la cause de la couleur dorée
d’un artéfact, une observation minutieuse de
la surface permet déjà l’identification de la
dorure à la plaque, voire de la dorure à la feuille
en identifiant les bords cornés des plaques ou
55
Archéo-Situla 20, 2010
des feuilles. Bien que l’éclat particulier de l’or
soit très reconnaissable en comparaison avec
celui d’un bronze, des analyses élémentaires
peuvent fournir des informations plus précises
sur la composition des alliages à l’origine de
la couleur. Les laitons et les bronzes peuvent
être directement identifiés par une analyse
élémentaire en mettant en évidence du zinc
ou de l’étain. La dorure au mercure peut, elle
aussi, être directement diagnostiquée lorsque
l’on détecte du mercure, la dorure au mercure à froid et la dorure à l’amalgame restant
difficilement différenciables, même avec des
analyses de sections métallographiques. La
dorure par enrichissement de surface et la
dorure à la feuille nécessitent des analyses
métallographiques de surface et/ou des
analyses différentielles de composition pour
être identifiées.
D’une manière générale, l’analyse de sections métallographiques permet d’identifier
et de caractériser toutes les techniques de
coloration. Des informations spécifiques sur
la chaîne opératoire peuvent être également
obtenues par ce type d’analyse. Par exemple, la soudure par diffusion d’une plaque ou
d’une feuille de métal, ainsi que les méthodes de fixation des incrustations ne peuvent
être identifiées que par l’analyse de sections
métallographiques.
Conclusion
Il apparaît que les études des techniques
de coloration utilisées sur les objets en alliage cuivreux s’avèrent être très utiles pour
les archéologues et les historiens de l’art.
De nos jours, il est impossible d’envisager
l’étude d’objets archéologiques sans tenir
compte de leur(s) couleur(s) originelle(s).
Étant donné que les altérations de la surface
des artéfacts, dues à la corrosion dans le
milieu d’enfouissement ou aux nettoyages,
et que des restaurations muséales ont sou Cependant, des anciens traitements de conservation utilisant du mercure peuvent laisser des
traces de cet élément sur la surface des objets
de musée et, dès lors, fausser les résultats de
l‘analyse élémentaire.
56
vent complètement recouvert ou parfois
même détruit l’aspect originel de ces objets,
les archéologues dépendent des méthodes
physico-chimiques pour combler cette lacune. Il est donc nécessaire de connaître les
méthodes qui sont utilisées pour identifier
et comprendre les colorations des alliages
cuivreux antiques.
Bien qu’à première vue, les couleurs qui
revêtent les artéfacts peuvent être identifiées
comme esthétiques, dans certains cas, elles peuvent être le résultat d’une technique
employée dans un autre but. Des fonctions
d’ordre pratique ont été identifiées pour certaines des techniques qui ont été exposées,
comme la protection contre la corrosion ou
la contamination des aliments ou les propriétés de réflexion de la lumière. L’imitation des
métaux précieux est aussi une des raisons
de l’emploi des techniques de coloration.
Elles permettent de donner l’illusion que
l’objet est fait dans un métal précieux, soit
par l’application d’une couche du métal à la
surface, soit par l’utilisation d’un autre métal
ayant des couleurs proches de celui que l’on
veut imiter. Le but de l’imitation de métaux
précieux résulte de différentes intentions :
éviter le gaspillage du métal précieux ou duper l’utilisateur sur la réelle nature du métal.
L’identification de la ou des fonctions d’une
coloration dépend de la nature de l’objet
et du contexte dans lequel il a été utilisé.
Cependant, il est parfois difficile d’identifier
formellement dans quel but l’artisan a coloré
un objet.
Plusieurs techniques analytiques sont
disponibles pour identifier et caractériser
les méthodes de colorations. Les méthodes
élémentaires permettent d’identifier la couleur
des objets issue d’un alliage en déterminant
la composition de celui-ci. Les revêtements
métalliques (dorure, argenture, étamages,
etc.) nécessitent souvent des analyses destructrices pour être caractérisés. Une approche métallographique et l’imagerie SEM
sont indiquées pour reconstituer la chaîne
opératoire de ces techniques, surtout celles
des argentures et dorures par enrichissement
de surface. Des analyses structurales doivent
Archéo-Situla 30, 2010
Tableau 1 : Proposition d’un modèle analytique pour l’étude des techniques de coloration
des alliages cuivreux. DAO M. Callewaert/P. Cattelain.
57
Archéo-Situla 20, 2010
être envisagées pour étudier les colorations
par traitement chimique de la surface des
objets (patine artificielle) et les nielles. Bien
qu’une méthode élémentaire ou structurale
soit généralement suffisante pour identifier
la cause de la coloration, il est préférable
d’envisager une approche multi-analytique
pour en comprendre le processus.
Remerciements
Cet article est basé sur un travail de fin d’étude
en archéométrie de l’Université d’Oxford
(Callewaert 2009). Paul T. Craddock, Susan
La Niece, Duncan R. Hook et Aude Mongiatti
sont vivement remerciés pour leurs suggestions et conseils, de même que Claire Bellier,
Nathalie Bozet, Pierre Cattelain et Giuseppe
Vincenzo Di Stazio.
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Adresse de l’auteur
Maxime Callewaert
Musée royal de Mariemont
Chaussée de Mariemont, 100
B-7140 Morlanwelz, Belgique
[email protected]

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