L`historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France

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L`historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
Thème 2 : Le rapport des sociétés à leur passé : Les mémoires – lecture
historique.
L’historien et les mémoires de la
Seconde Guerre mondiale en France
Introduction
Enjeux central :
Ce chapitre cherche à écrire l’histoire des mémoires de la Seconde Guerre mondiale en
France. Pour saisir son enjeu, il faut donc absolument comprendre la différence entre
l’histoire et la mémoire.
Mémoire:
Histoire:
Subjective
Plurielle
Sélective
Politique
Objective
Singulière
Une vérité sur
des faits
Neutre
Les mémoires
comme objet
d’histoire:
Évolution des
mémoires dans le
temps
Conflits mémoriaux
Mémoire : ensemble de souvenirs qu’une personne ou un groupe humain a retenu de
son passé. La mémoire est donc une vision sélective, qui ne retient qu’une partie du
passé. Elle relève de la subjectivité (en fonction de la personne ou du groupe). Elle est
aussi plurielle : un même événement peut faire l’objet de plusieurs types de mémoires
différentes par différents groupes. Du coup, la mémoire est aussi politique, les groupes
d’acteurs choisissent de retenir tels aspects et non tels autres en fonction de leurs
intérêts présents.
Histoire : science qui étudie les faits et les analyse de façon critique. L’histoire est
objective, c’est-à-dire qu’elle tente d’établir une vérité valable pour tous. Elle est
singulière, un événement ne peut faire l’objet que d’une histoire. Enfin, elle est neutre et
non politique. Du coup, la mémoire peut être une source historique, mais les deux
choses sont différentes.
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Contrairement, à l’histoire, la mémoire n’a donc pas pour but de rétablir la vérité, mais
elle propose la lecture de l’histoire qui convient le mieux au moment présent. Ainsi, il
est possible de faire l’histoire des mémoires autour de trois questions :
• Comment les mémoires d’un événement évoluent au fil du temps en fonction du
contexte où elles sont énoncées ?
• Comment différentes mémoires d’un même événement peuvent exister en même
temps dans une même société ? Comment ces mémoires entrent-elles parfois en
conflit ?
• Comment, quand et pourquoi les historiens ont-ils fait des mémoires des objets
d’histoire ?
Problématique du cours : Comment évoluent les mémoires
de la Seconde Guerre mondiale en France depuis 1945 ?
Plan du cours :
I. Le mythe résistancialiste (1945-1970)
II. La mémoire de la collaboration (1970-1985)
III. La mémoire de la Shoah (1985-aujourd’hui)
I.
Orthographe : Faites
bien attention à
l’emplacement des
majuscules/minuscules
quand vous écrivez
Première Guerre
mondiale et Seconde
Guerre mondiale
Le mythe résistancialiste (1945-1970)
a. Le contexte de 1945
Une France ravagée et divisée :
• En 1940, l’Allemagne bat la France. Le Nord du pays est occupé par Hitler,
tandis qu’au Sud, le Maréchal Pétain établit le régime de Vichy :
o Ce régime collabore activement avec les Allemands, il lui livre des
matières premières, des produits manufacturés, des travailleurs forcés…
o Il participe à la déportation des Juifs, Tziganes et homosexuels.
o Il se bat contre les résistants français à l’occupation.
• Ainsi, entre 1940 et 1945, la France est un pays divisé, la population n’est pas
unie. On trouve trois catégories principales de Français :
o La plupart des 42 millions de français ont une attitude attentiste. Ils
subissent et attendent la fin de la guerre.
o Certains collaborationnistes soutiennent activement Vichy et
l’Allemagne (55'000 Français engagés dans leurs forces armées).
o D’autres entrent dans la Résistance pour lutter contre Vichy et les
Allemands (environ 200'000).
• En 1945, à la fin de la guerre, la France est aussi complétement ravagée. Les
bombardements alliés ont rasé de nombreuses villes du littoral atlantique, plus
de 600'000 personnes sont mortes et 2 millions ont été faites prisonniers, sans
compter les milliers de déportés dans les camps.
L’épuration :
• La division des Français est visible dans le phénomène de l’épuration sauvage.
Dès la libération de 1945, les Résistants et les attentistes commencent à se
défouler contre les collaborationnistes :
o La foule exécute sans ordre plus de 9000 personnes (lynchages,
exécutions sommaires)
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•
•
•
o Les femmes accusées d’avoir aimé des
Orthographe :
Allemands sont humiliées en public et
On met des majuscules aux
leurs cheveux sont tondus.
noms des pays (la France,
Paris).
A la libération en 1945, un Gouvernement
On met des minuscules aux
Provisoire de la République Française (GPRF)
adjectifs de pays (un
est mis en place et dirigé par le général
résistant français)
résistant Charles de Gaulle. De Gaulle
On met des majuscules aux
cherche à réconcilier les français pour éviter
noms des habitants des pays
une guerre civile.
(les
Français,
les
Il met en place une épuration légale qui va
Allemands).
juger les collaborationnistes dans des tribunaux
Mêmes règles pour les villes,
officiels. 50'000 personnes sont condamnées à
villages, continents…
des peines de prison ou de mort.
Le Maréchal Pétain, qui a été à la tête du
régime de Vichy entre 1940 et 1944 est condamné à mort. En raison de son
grand âge, cette peine sera remplacée par un emprisonnement à perpétuité. Le
second homme fort du régime de Vichy, Pierre Laval est condamné et fusillé en
1945.
b. La mise en place d’une mémoire résistancialiste
Le Résistancialisme :
• Pour réconcilier les Français, De Gaulle a besoin de leur présenter une version
commune acceptable des événements de la Seconde Guerre mondiale. A cette
époque, les deux principales forces politiques en France sont les gaullistes et les
communistes, qui ont aussi été les principaux résistants.
• Ces deux types d’acteurs se mettent d’accord pour proposer à la population une
mémoire résistancialiste. Cela signifie que tous les Français sont présentés
comme des résistants qui auraient cherché à se libérer de l’occupant alors que la
plupart étaient attentistes.
• Du coup, cette mémoire est sélective car dans les livres, les films, les
monuments officiels, les hommages publics et les discours officiels, on ne parle
plus ni de la collaboration de Vichy, ni des victimes de la Shoah, mais on ne met
en avant que les résistants. Cette version valorisante du rôle des Français
pendant la Seconde Guerre mondiale participe à la réconciliation nationale.
Le premier conflit mémoriel
Avec l’arrivée de la Guerre Froide, la tension entre les communistes et les gaullistes
augmente et la question de savoir qui a le plus résisté devient un objet de conflits
politiques. On a une division entre deux types de mémoires de la résistance:
• La résistance des FTP communistes (Francs-Tireurs et Partisans) : Le Parti
Communiste Français (PCF) se présente comme le « parti des 75'000 fusillés »
car la majorité des résistants exécutés par l’occupant étaient communistes.
Néanmoins, les historiens ont établi que seuls 30'000 français de différentes
tendances politiques ont été exécutés durant l’occupation…
• La résistance de la France Libre du général De Gaulle : De Gaulle dénonce les
communistes comme des agents de l’URSS qui n’ont libéré la France de
l’Allemagne seulement pour l’offrir aux soviétiques.
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La mémoire de la Seconde Guerre mondiale devient donc plurielle : différents groupes
d’acteurs ont une version différente de l’événement.
c. Les mémoires qui dérangent
•
•
Avec le mythe de la résistance, deux mémoires sont oubliées. On ne parle plus
ni de la Shoah ni de la collaboration.
o La collaboration est rapidement oubliée pour renforcer l’unité.
L’épuration légale est arrêtée après quelques procès importants. Des lois
d’amnistie sont votées en 1947, 1951 et 1953, et les collaborationnistes
cessent donc d’être punis. Plus de 30 000 d’entre eux sont amnistiés.
o En 1947 De Gaulle démissionne et en 1951, le Maréchal Pétain meurt.
Peu après, la mémoire de l’Etat adopte un nouveau discours : la thèse
du glaive et du bouclier formulée par l’historien Robert Aron en 1954
dans son ouvrage Histoire de Vichy. Elle affirme que Pétain (le bouclier)
cherchait à protéger les Français pour préparer la libération armée par de
Gaulle (le glaive). Les deux hommes, qui dans les faits étaient ennemis
jurés, sont présentés comme deux figures de la résistance. La
collaboration est oubliée.
o Dès lors, il ne faut plus en parler. En 1956, le film d’Alain Resnais, Nuit
et Brouillard est censuré car on y apprend que les Juifs internés en
France en vue d’être déportés étaient gardés par des policiers français.
o De son côté, la mémoire du génocide des juives est englobée dans celle
de la déportation en général. Le sort des Juifs et Tziganes est considéré
comme équivalent à celui des déportés du STO (Service du Travail
Obligatoire), qui a réquisitionné des Français pour travailler en
Allemagne à partir de 1943. Ainsi, le sort des prisonniers de guerre et des
travailleurs forcés est jugé équivalent à celui des populations
exterminées, ce qui permet d’avoir un discours sur l’unité française.
La mémoire des Malgré-Nous, les Alsaciens et Lorrains incorporés de force
dans l’armée allemande, fait l’objet d’un second conflit mémoriel :
o En 1953, treize Malgré-Nous qui ont participé au massacre d’OradourSur-Glane sont condamnés à des peines de prison. Ce massacre est le
plus grand massacre de civils commis en France par les armées
allemandes : le 10 juin 1944, le village est détruit et l’ensemble de sa
population (642 victimes) est massacrée.
o Ce procès fait éclater un conflit mémoriel entre l’Alsace, où les MalgréNous sont considérés comme des victimes, et le reste du pays, où ils sont
considérés comme coupables du massacre. Les jeunes gens seront par la
suite amnistiés, car on préfère taire le fait que certains Français ont
collaboré.
d. Le triomphe de la mémoire gaulliste
•
En 1958, De Gaulle revient au pouvoir et la mémoire de la Résistance gaulliste
devient la mémoire de l’Etat. La Résistance communiste devient secondaire :
o Le contexte est celui de la Guerre d’Algérie (1954-1962). Les Français
sont à nouveau divisés et il est important d’exalter la France unie de la
Résistance comme un exemple à suivre.
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•
II.
o Pour appuyer l’idée résistancialiste, De Gaulle nie la légitimité du
régime de Vichy. Il affirme que de 1940 à 1945, Vichy était une simple
parenthèse, tandis que le véritable Etat Français était installé à Londres
avec De Gaulle. Pour lui, l’Etat français n’a donc aucune responsabilité
dans les actions de Vichy.
Le gouvernement fait construite des musées à la gloire des résistants ainsi que le
Mémorial du Mont-Valérien :
o La forteresse du Mont-Valérien a été le lieu d’exécution de plus de 4’000
résistants pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1960, De Gaulle
décide d’y ériger un monument grandiose, le mémorial de la France
combattante. C’est le lieu d’une cérémonie de commémoration annuelle,
le 18 juin.
o En 1964, lors d’une émouvante cérémonie retransmise à la radio, les
cendres de Jean Moulin sont transférées au Panthéon (le monument où
sont inhumés les grands personnages de l’histoire de France).
La mémoire de la collaboration (1970-1985)
a. Un nouveau contexte
•
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En 1969, De Gaulle se retire, et il meurt l’année suivante. Les Président qui
suivent perpétuent le mythe résistancialiste. Ils refusent de reconnaître les
responsabilités de l’Etat français pendant la Seconde Guerre mondiale. Les
collaborationnistes ne sont toujours pas punis.
Cependant, une nouvelle génération de Français, née après la guerre commence
à s’interroger sur ce qui s’est passé.
Dans les années 1970, à cause des crises économiques de 1973 et 1979,
l’extrême-droite revient sur la scène politique. Un nouveau parti politique, le
Front National (FN) prend de l’importance. Or, la France ne peut pas
apprendre de ses erreurs si l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, qui a été
justement causée par l’extrême-droite hitlérienne, n’est pas connue. Rouvrir les
dossiers de la collaboration est alors nécessaire pour contrer l’ascension du FN.
Des cinéastes et historiens remettent en cause le mythe résistancialiste dans les
années 1970 :
o Le cinéaste Marcel Ophuls réalise Le Chagrin et la Pitié où il décrit la
vie à Clermont-Ferrand pendant l’occupation à travers une série de
témoignages. Il démontre ainsi que la majorité de la population était
attentiste, voire favorable à Vichy, et pas résistante. Le film attire
560'000 spectateurs en 1971 puis est censuré jusqu’en 1981.
o En 1973, l’historien américain Robert Paxton publie sa thèse La France
de Vichy, dans laquelle il révèle les complicités du régime de Vichy avec
l’Allemagne nazie. D’autres travaux d’historiens suivront, ébranlant de
plus en plus le mythe résistancialiste. Le rétablissement historique des
faits commence à avancer.
Ainsi, à partir des années 1970, une nouvelle mémoire se dessine, celle de la
collaboration.
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b. L’émergence de la mémoire juive
Les témoins :
• En 1945, les rescapés des camps de la mort s’aperçoivent que personne ne veut
entendre leurs souvenirs et ils se réfugient dans le silence. Leur expérience est
jugée indicible. Derrière l’image des glorieux résistants ils se sentent incompris,
voir rejetés. Leurs souffrances et spoliations dérangent les autres français, qui
préfèrent l’image positive de la Résistance.
• Ce n’est pas le cas partout. En Israël, on poursuit les anciens dirigeants nazis. En
1961, ce pays organise le procès d’Adolf Eichmann qui était responsable de la
logistique des camps d’extermination. Ce procès, qui dure plus de 250 heures,
attire l’attention des médias internationaux. De nombreux témoins sont appelés à
comparaitre pendant le jugement. Ainsi, pour la première fois, les survivants des
camps sont vus et entendus. Il devient impossible de continuer à ignorer ce qui
s’est passé.
• Dès lors, les témoignages sur la Seconde Guerre mondiale sont de plus en plus
souvent recueillis par les cinéastes ou les historiens. Par exemple, le film Shoah
(1985) est une longue enquête menée par Claude Lanzmann, constituée de
témoignages de rescapés et de bourreaux des camps d’extermination, et de prises
de vues faites sur les lieux du génocide. Il décrit le fonctionnement précis de la
solution finale et de l’extermination des Juifs et Tziganes. Ce film produit un
nouveau choc en France.
• Toutefois, en France comme ailleurs, apparaissent des défenseurs du
négationnisme, surtout chez l’extrême-droite. Exemples :
o En 1978, Darquier de Pellepoix, ancien commissaire général aux
questions juives du régime de Vichy, déclare dans un article de
L’Express : « Je vais vous dire, moi, ce qui s'est exactement passé à
Auschwitz. On a gazé. Oui, c'est vrai. Mais on a gazé les poux ».
o En 1979, le professeur de Lycée Robert Faurisson prétend que le
génocide n’est qu’un « mensonge historique ».
o En 1987, le chef du Front National, Jean-Marie Le Pen affirme que les
chambres à gaz étaient un « point de détail de la Seconde Guerre
mondiale ».
• Dès lors, les historiens vont se battre contre le négationnisme et multiplier les
travaux sur la Shoah et la collaboration.
De nouveaux procès :
• En 1964, la Cour Pénale Internationale (le Tribunal de l’ONU) proclame la loi
sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité. Dès lors, les lois
d’amnisties ne sont plus valables nulle part et les principaux responsables des
crimes de guerre sous Vichy doivent être jugés.
• Les enquêtes judiciaires contre des collaborationnistes suspects sont relancées.
Les nouveaux procès mis en place sont très médiatisés. Ils se veulent
exemplaires et éducatifs pour que la France apprenne de ses erreurs. Trois
personnes sont condamnées à la prison à perpétuité en France, Klaus Barbie en
1987, Paul Touvier, qui avait été gracié par Georges Pompidou en 1971 pour
favoriser la réconciliation nationale et Maurice Papon (condamné pour sa
participation à la déportation des juifs).
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III.
La mémoire de la Shoah (1985-aujourd’hui)
a. Le devoir de mémoire
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Les années 1980 et 1990 sont traversées par des procès, mais aussi des
polémiques dans la presse. Commémorer la déportation s’impose comme un
devoir envers les victimes, le devoir de mémoire. Entretenir le souvenir devient
une obligation morale. Les manuels scolaires sont réédités, les films, expositions
et les livres sur la Shoah se multiplient. En 1990, le Parlement vote la loi
Gayssot qui interdit le négationnisme.
Un certain nombre de scandales éclatent dans la presse :
o En 1992, on découvre que les Présidents français vont annuellement
fleurir la tombe du Maréchal Pétain depuis sa mort. C’est un scandale
car Pétain a activement participé à la déportation des Juifs.
o Les français découvrent l’existence des « vichysto-résistants ». Ce sont
des personnes qui ont servi Vichy avant de s’engager dans la Résistance,
et donc n’ont pas seulement été résistants. C’est le cas de François
Mitterrand, Président de la République de 1981 à 1995.
En 1992, le gouvernement crée une Journée Nationale à la mémoire des
victimes des persécutions racistes et antisémites (16 Juillet).
Finalement, en 1995, le Président Chirac reconnaît la responsabilité de l’Etat
français dans la déportation des Juifs de France. Il renonce à la distinction entre
la République de De Gaulle à Londres et le régime de Vichy en France, et
assume le fait que l’Etat est responsable des crimes. L’Etat indemnise les
familles spoliées ou déportées.
En 2005, Chirac crée le Mémorial de la Shoah qui honore les déportés mais
aussi les Justes parmi les nations, un titre décerné par l’Etat d’Israël en
l’honneur de ceux qui ont risqué leur vie pour sauver des Juifs. Le nouveau héro
de la mémoire nationale n’est plus le résistant gaulliste, mais celui qui a sauvé
les Juifs.
Ainsi, la mémoire de l’Etat actuelle cherche surtout à mettre en avant la
Shoah comme une terrible erreur et laisse de côté la question de la France
résistante ou collaborationniste. Les Français sont ainsi unis autour de l’idée de
devoir de mémoire, qui fait l’unanimité.
b. Les lois mémorielles
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La question de l’histoire de la mémoire de la Seconde Guerre en France
accompagne donc toute l’histoire politique française. Elle amène à s’interroger
sur l’instrumentalisation de l’histoire par la politique. En effet, pendant
longtemps, en France la mémoire officielle de l’Etat a été confondue avec
l’histoire, qui du coup a faillit à son devoir de neutralité.
Aujourd’hui, de nombreux historiens se battent pour que la mémoire de l’Etat,
qui est politique, ne soit plus confondue avec l’histoire, qui est neutre. Ainsi, si
les historiens français s’opposent au négationnisme, ils sont aussi contre la loi
Gayssot, parce qu’elle impose une certaine vision de l’histoire dans la loi. Ainsi,
elle nuit à la liberté de la recherche.
Après la loi Gayssot, d’autres lois mémorielles seront adoptées qui ne sont pas
forcément en lien avec la Seconde Guerre mondiale :
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o En 2001, une loi reconnaît le génocide arménien.
o En 2001, la loi Taubira assimile la traite négrière à un crime contre
l’humanité.
o En 2005, le Président Sarkosy fait voter au Parlement un amendement
qui oblige les manuels scolaires à mettre en avant le « rôle positif de la
présence française outre-mer ». Il veut donc que tous les manuels
expliquent les aspects positifs de la colonisation…
En réaction, 650 historiens signent un appel pour dénoncer les lois mémorielles,
avec comme argument central la liberté de la recherche, mais aussi l’idée selon
laquelle l’histoire doit être un instrument au service de la vérité et non de la
politique. Ainsi, des historiens comme Henry Rousso ont refusé de participer
aux procès des anciens collaborateurs, comme le procès Papon.
Aujourd’hui, malgré la prédominance de l’idée de devoir de mémoire, les
dirigeants français continuent d’instrumentaliser la figure du résistant dans
leurs discours politiques :
o Le premier geste de tout président élu est de marquer son attachement à
la Résistance.
o En 2007, Nicolas Sarkosy veut faire lire dans tous les lycées français la
lettre écrite par Guy Moquet, célèbre résistant, avant son exécution, pour
promouvoir le mythe de la France résistante.
o En 2014, François Hollande annonce l’entrée au Panthéon de quatre
nouveaux résistants.
Ainsi, la question de l’instrumentalisation politique de l’histoire est on ne peut
plus actuelle, et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale continuent à être
instrumentalisées et à évoluer dans le temps.
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