Le Vietnam à l`heure de la crise
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Le Vietnam à l`heure de la crise
Regards sur l’Asie > Vietnam Le Vietnam à l’heure de la crise Mondialisation oblige, le Vietnam se heurte désormais lui aussi aux effets de la crise économique. Une conséquence logique mais une situation nouvelle pour le pays. Par Geoffroy Caillet on ék M g ©idé MAGAZINE chés financiers. Après un brutal coup d’arrêt, le pays était redevenu depuis les années 2000 la cible des investisseurs étrangers et son économie pouvait se vanter en 2007 d’une croissance de 8,5%. Problème : en parachevant sa mutation avec son entrée à l’Organisation mondiale du commerce il y a deux ans, le pays s’est retrouvé, au même titre que ses partenaires commerciaux, exposé aux fluctuations du marché mondial. Et partage aujourd’hui leurs difficultés. Chômage en hausse, tourisme en berne Au premier semestre 2008, les signes avant-coureurs avaient pointé leur nez : inflation galopante, effondrement de la bourse, déficits considérables de la Une usine de céramique dans la province de Ba Ria-Vung Tau. © D.R. L oïc Gourmelon n’en revient touGolfe LAOS jours pas. En quelques du Tonkin ne mois, la province réTHAÏLANDE VIETNAM cemment industrialisée de Dong Nai, au CAMBODGE nord de Hô-Chi-MinhHô-Chi-Minh-Ville Phnom Penh Golfe ● de Ville, a changé du tout Golfe de Thaïlande haïlande au tout. « Il y a moins d’un an encore, on pouvait voir ici des panneaux géants indiquer : “ On embauche 1 000 ouvriers immédiatement. ” Ils ont tous disparu », raconte ce jeune entrepreneur français installé au Vietnam depuis 15 ans et aujourd’hui à la tête de deux usines de meubles et de céramique employant 3 500 salariés dans les provinces voisines de Dong Nai et de Binh Duong. Il enfonce le clou : « La demande de main-d’œuvre était telle qu’on voyait facilement les ouvriers quitter leur employeur pour un concurrent et, le matin, des véhicules venir les chercher à domicile pour les emmener à l’usine. » Exit ces scènes dignes de l’imagerie fordiste. Dans les entreprises de Dong Nai, le climat s’est largement refroidi. Et comme à New York ou à Bangkok, le même mot revient désormais : la crise. Si elle fait forte impression au Vietnam, c’est surtout à cause de son caractère inédit. Depuis le lancement de sa politique de renouveau (doi moi) en 1986 et d’orientation progressive vers l’économie libérale, le pays était en effet resté à l’écart des aléas du marché mondialisé. Même la crise asiatique de 1997 l’avait davantage épargné que ses voisins, du fait de la non convertibilité du dong et du sous-développement des mar200 Km Hanoï balance commerciale et du budget. Et depuis quelques mois, les effets de la crise sont ceux des pays occidentaux. « Dans la province de Binh Duong, souligne Loïc Gourmelon, de nombreuses entreprises coréennes et taïwanaises ferment et la situation de la main-d’œuvre est inversée : les demandeurs d’emploi affluent en masse. Il y a encore quelques mois, des revendications salariales non approuvées se terminaient par des grèves monstres. Tout cela est terminé ». Désormais réglé à l’heure de la crise, le Vietnam a vu lui aussi la déflation s’installer : le cours des matières premières, de l’énergie et des denrées alimentaires a chuté depuis l’été. Mais le coup porté à son économie, largement tributaire des investissements étrangers et des exportations, commence à se faire sentir. Autre conséquence, indirecte celle-là : la fréquentation du pays par les touristes s’est considérablement ralentie en 2008, avec une aggravation marquée depuis octobre où la baisse enregistrée a atteint 12% par rapport à 2007. En novembre, les incidents liés à l’occupation de l’aéroport de Bangkok l’ont fait descendre à 22%. Français ou Américains eux aussi touchés par la crise ont annulé leur séjour au Vietnam, et l’administration touristique a fait une croix sur l’objectif annuel de 5 millions de visiteurs, en prévoyant déjà une aggravation de la situation en 2009. Une mauvaise nouvelle pour un pays où le tourisme représente 4,5% de l’économie. Les mesures d’urgence annoncées en décembre par le gouvernement en faveur du secteur font directement écho à celles décidées par les pays occidentaux dans d’autres domaines. Après avoir goûté aux avantages de l’économie mondialisée, le Vietnam apprend à en faire les frais. Et à miser lui aussi sur la relance. ■ N°156 ❚ JANVIER - FÉVRIER 2009 ❚ 9