Le Père Noëlest une drogue dure

Transcription

Le Père Noëlest une drogue dure
édito
Le Père Noël est une drogue dure
L
e Père Noël, nous dit-on, n’existe
pas. C’est ce que d’incurables rabatjoie persistent à nous faire croire. Et
pourtant, cette année, le vieux barbu n’a
pas lésiné sur les moyens pour nous apporter les preuves de son existence. Sur
certains sites internet, il garantit les livraisons en moins de 48 heures (la vitesse
n’est vraisemblablement pas limitée sur
les autoroutes laponiennes) et, dans un
récent spot radio, il s’exclame, de sa voix
grave : « -20, -30, -40 % sur l’électroménager ! »
L’ami des enfants est donc doté de pouvoirs extraordinaires, celui notamment
d’écraser les prix, comme un catcheur son
adversaire. Mais si le vieil homme rappelle
physiquement un peu Marx, sa guerre
contre le capitalisme a depuis longtemps
des allures de reddition.
« Plus de 20 % des cadeaux
devraient être revendus en
France après les fêtes
Noël, malgré tout
Malgré tous ces efforts, les Français sont nombreux à vouloir mettre le débonnaire bonhomme au régime-minceur.
Selon un récent sondage, mené dans tous les pays d’Europe, notre budget de Noël (qui comprend les cadeaux
et les dépenses alimentaires) sera cette année en baisse
de 5 %. C’est mieux que les Grecs (-21 %) ou les Irlandais (-10,6 %), mais moins bien que les Luxembourgeois
(+ 2,4 %), les Suisses (+ 1,2 %) ou les Allemands (+ 0,4 %).
A la situation de crise s’ajoute partout une volonté de
« dépenser utile » (pour 94 % des Européens).
Peut-être est-ce là aussi le signe d’un changement de
mentalité. Moins dupes du jeu imposé par la course à
la consommation, lassés par le règne du superflu, nous
serions désormais plus intéressés par le geste du don que
par l’objet. Il est à ce titre intéressant de noter que plus
de 20 % des cadeaux devraient être revendus en France
après les fêtes.
Précarité organisée
Tous ces chiffres font écho à un autre sondage qui met en
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évidence l’explosion du renoncement aux soins en France. Selon le « Baromètre Cercle Santé-Europ assistance »
23 % de la population française déclare avoir abandonné
ou remis à plus tard la possibilité de se soigner pour
des motifs économiques. Ils n’étaient que 11 % en 2009.
Cette aggravation pose une question de santé publique
(mieux vaut prévenir que guérir, encore faut-il rendre cette prévention accessible à tous) et appelle une réflexion
sur le coût des soins en France (en ne perdant pas de vue
qu’il est toujours moins coûteux de traiter une personne
à temps qu’en urgence).
Le repas sanctuarisé
Entre l’urgence, le nécessaire, l’utile et le superflu, s’échelonne, à l’heure des fêtes comme toute l’année, une liste
de priorités, de choix à faire. Les repas de fête restent à
cet égard en bonne place dans la liste des préoccupations des Français. Car, sachons-le, nous ne mangeons
pas comme les autres. C'est d’ailleurs la raison pour laquelle la France, le mois dernier, a vu son "repas gastronomique" entrer au patrimoine mondial immatériel
de l'Unesco (aux côtés de la danse péruvienne dite des
ciseaux ou des cloisons étanches des jonques chinoises).
Une manière de sanctuariser une habitude sociale menacée. Le dossier de cette revue (cf. page 36 à 43) fait honneur à ce particularisme et vous aidera, nous l’espérons,
à réconcilier diététique et gourmandise.
Bonne lecture et excellentes fêtes !
Romain Bonfillon