Service Première ligne, Phase 2 Partenariat Pro

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Service Première ligne, Phase 2 Partenariat Pro
 Service Première ligne, Phase 2 Partenariat Pro-­‐gam et le SPVM Évaluation du service Rapport final Marie-­‐Eve Boudreau (doctorante) Marc Ouimet, Ph.D. École de Criminologie de l’Université de Montréal Octobre 2012 Sommaire exécutif À Montréal, jusqu’à tout récemment, les individus arrêtés pour des infractions de nature conjugale ne pouvaient obtenir un soutien psychosocial durant leur détention provisoire. Or, ce moment est propice à l’intervention puisque les personnes écrouées sont mieux disposées à recevoir de l’aide. Afin de remédier à cette situation, Pro-­‐gam, en partenariat avec le SPVM, a mis en place depuis le 17 octobre 2011 le Service Première ligne, un service d’intervention psychosociale sans frais, confidentiel, ponctuel et immédiat qui s’adresse aux individus incarcérés pour un motif de violence conjugale. Ce rapport présente les résultats de l’évaluation du Service Première ligne, pour lequel des intervenants se déplacent dans les locaux du SPVM pour rencontrer les personnes arrêtées. Trois sources de données complémentaires ont été utilisées : les formulaires d’autorisation (Service Première Ligne) complétés par les policiers; les grilles de collecte de données complétées après chacune des rencontres par les intervenants du Service Première ligne; et les grilles de suivi téléphonique complété par le chercheur auprès de 54 individus ayant accepté d’être appelés après la rencontre. Ces données ont été compilées pour une période de 11 mois, soit du 18 octobre 2011 au 17 septembre 2012 inclusivement. Pendant cette période, le service a été proposé à 518 individus, 322 (62,2%) l’ont accepté et 258 ont rencontré un intervenant. Portrait des individus ayant bénéficié du service Les 258 individus rencontrés ont entre 18 et 72 ans (moyenne : 35,83 ans). Ils sont majoritairement des hommes (95%), d’origine caucasienne (48,4%), nés au Canada (54,2%) et ont un emploi (57,4%). De plus, la majorité est présentement en relation avec la victime, cohabite avec elle et a des enfants. Par ailleurs, 91,3 % des individus affirment n’avoir jamais consulté pour un problème de violence ou pour des problèmes d’autres natures. Environ la moitié des individus rencontrés reconnaissent avoir été violents verbalement au cours de l’incident, mais la majorité de ceux-­‐ci nient avoir été violents physiquement ou avoir proféré des menaces sérieuses. Ils considèrent généralement qu’ils n’ont pas de responsabilité à l’égard des gestes reprochés. La majorité des individus (58,7%) décrivent une situation de violence réciproque et une responsabilité partagée dans le conflit. De plus, la majorité des individus ne reconnaissent pas qu’on ait eu raison d’appeler la police (68,7%) et ne comprennent pas pourquoi ils ont été arrêtés (57,1%). En fait, 50,4% se disent l’objet de fausses accusations alors que 46,2% se disent l’objet de manipulation ou de chantage. Lors des rencontres, une majorité de détenus sont dans un état de détresse psychologique. Ils expriment diverses craintes liées à l’intervention policière et à ses possibles conséquences. Une grande proportion des personnes écrouées rapportent également éprouver d’intenses sentiments d’humiliation, d’injustice et de révolte du fait de leur incarcération. À l’opposé, certains individus expriment plutôt des sentiments de culpabilité ou de remords. D’autres semblent confus ou semblent avoir un problème de santé mentale. Une minorité d’individus ont également exprimé des idées suicidaires ou homicidaires. Enfin, quelques individus semblaient indifférents face à la situation dans laquelle ils se trouvaient. Quel que soit leur état, les individus rencontrés expriment généralement le besoin de s’exprimer ou d’exprimer leurs regrets; d’être conseillés, écoutés, compris et sécurisés; de recevoir de l’aide ou des informations sur les ressources disponibles, le processus judiciaire et la suite des procédures; ou des besoins relatifs au conjoint. 2 Appréciation et retombées du service Selon les données recueillies par les intervenants, la très grande majorité des individus ayant bénéficié du service l’ont trouvé pertinent (99,6%) et se déclarent satisfaits de celui-­‐ci (97,7%). Ils mentionnent que le service Première ligne est un très bon service qui peut être positif pour tous. Certains sont contents de constater qu’un service est offert au moment de la détention. Pour d’autres, la confidentialité du service permet aux individus de s’exprimer librement et donne plus d’impact à l’intervention. En général, les intervenants estiment que l’intervention a permis de calmer la crise chez 159 individus (61,6%), de réduire les idéations suicidaires chez 11 individus et les idéations homicidaires d’un individu. De plus, ils jugent avoir référé 147 (57%) individus de manière utile et adéquate et avoir sensibilisé 133 (51,6%) individus à la violence conjugale. Selon eux, l’intervention a également permis d’amorcer un processus de changement chez 119 (46,1%) des individus rencontrés. Ces résultats ont été confirmés lors du suivi téléphonique réalisé auprès de 54 personnes un mois après l’intervention. La grande majorité affirme que la rencontre leur a permis d’évacuer des émotions négatives, de s’exprimer, d’amener une réflexion et une prise de conscience. Elle leur a également permis d’obtenir des conseils, des références et des informations sur la violence conjugale. Plusieurs individus mentionnent que la rencontre a contribué à changer leur manière de voir les choses ou de faire le point sur leur situation et leurs besoins. Elle leur a permis d’entamer un processus de réflexion et leur a donné des pistes de solutions. D’autres mentionnent avoir pris conscience de leur problème d’agressivité et avoir essayé de réagir de manière moins excessive. Ces changements semblent s’être exprimés de manière concrète puisque certains affirment avoir changé leur manière d’agir et être effectivement moins agressifs. Au niveau relationnel, l’existence d’interdit de contact avec la famille constitue un des changements majeurs dans la vie de plusieurs individus. Lors de la rencontre initiale, 128 individus (57,7%) mentionnent vouloir entreprendre d’autres démarches dans le futur et 118 individus (52,7%) envisagent d’utiliser une des références données par l’intervenant. Lors du suivi téléphonique, 16 individus affirment avoir effectivement contacté divers organismes d’aide (29,6%) alors que 33 (66%) individus affirment avoir entrepris ou envisager d’entreprendre d’autres types de démarches (66%). Treize individus (24,1%) ont contacté une ressource pour conjoints ou conjointes violentes alors que onze individus (20,4%) ont entrepris une démarche auprès d’un psychiatre, d’un psychologue ou d’un intervenant social. De plus, le tiers des individus contactés ont parlé de leur situation avec leur entourage. Certains des individus contactés affirment vouloir entreprendre des démarches dans un futur rapproché. Recommandation La pertinence d’un service d’intervention psychosociale ponctuelle au moment de l’arrestation pour un motif de violence conjugale est clairement démontrée par ces résultats. Le projet Première ligne répond à un besoin important pour une clientèle qui, jusqu’ici, restait sans service à un moment de grande urgence psychosociale. Il permet de tendre la main à ces personnes et d’amorcer avec eux une première démarche de prévention en violence conjugale. La présente évaluation a permis de démontrer que les personnes détenues pour violence conjugale démontrent un grand intérêt pour le service et qu’ils sont généralement satisfaits de celui-­‐ci. Nous recommandons donc que le service soit maintenu et que son accessibilité soit 3 étendue, que ce soit par l’augmentation des heures de disponibilités du service ou par l’augmentation du nombre d’intervenants assurant celui-­‐ci sur une base journalière. 4 TABLE DES MATIÈRES Sommaire exécutif ................................................................................................................... 2 Liste des tableaux .................................................................................................................... 5 INTRODUCTION ....................................................................................................................... 6 1. Méthodologie ...................................................................................................................... 7 2. La mise en œuvre du service ................................................................................................ 8 2.1 Démarches d’implantation .................................................................................................... 8 2.2 Les modalités entourant l’offre du service ........................................................................... 8 2.3 Acceptation du service et durée des rencontres .................................................................. 8 2.4 Les difficultés cliniques rencontrées ..................................................................................... 9 3. Portrait des individus ayant bénéficié du service ................................................................ 10 3.1 Portrait sociodémographique ............................................................................................. 10 3.2 Consultations antérieures pour violence conjugale ou pour d’autres problématiques ...... 11 3.3 Évaluation de l’état psychologique de la personne ............................................................ 12 3.4 Besoins exprimés par les individus rencontrés ................................................................... 12 3.5 Observations cliniques des intervenants ............................................................................ 13 4. Appréciation et retombées du service ................................................................................ 14 4.1 Satisfaction par rapport au service reçu ............................................................................. 14 4.2 Atteintes des objectifs de l’intervention ............................................................................. 14 4.3 Apports et points positifs du service ................................................................................... 14 4.4 Changements survenus depuis la rencontre ....................................................................... 15 4.5 Démarches envisagées ou effectuées ................................................................................. 16 CONCLUSION ......................................................................................................................... 17 RECOMMANDATION .............................................................................................................. 18 Liste des tableaux Tableau 1. Services offerts par les policiers aux individus………………………………………………………….. 8 Tableau 2. Acceptation du service par les individus auxquels le service a été offert………………….. 8 Tableau 3. Portrait sociodémographique des individus ayant bénéficié du service……………………. 9 Tableau 4. Portrait relationnel et familial des individus rencontrés…………………………………………. 10 5 INTRODUCTION Sur l’Île de Montréal, chaque année le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) enregistre plus de 5800 événements de violence conjugale. Les conjoints violents impliqués dans ces événements font généralement l’objet d’une arrestation par les policiers. Si nombreuses sont les personnes qui seront relâchées avec une promesse de comparaître, d’autres seront détenues temporairement jusqu’à leur comparution. Jusqu’à tout récemment, ces individus arrêtés pour ces infractions ne pouvaient obtenir un soutien psychosocial durant leur détention provisoire. Ce n’est que beaucoup plus tard, bien souvent des mois après avoir été incarcérés, que les individus qui le désiraient pouvaient effectuer des démarches pour recevoir une aide. Afin de remédier à cette situation, Pro-­‐gam, en partenariat avec le SPVM, a conçu un service sans frais d’intervention psychosociale confidentiel, ponctuel et immédiat qui s’adresse aux individus incarcérés pour un motif de violence conjugale dans les Centres opérationnels (C.O.) du SPVM. Les recherches le démontrent1, ce moment est propice puisque les personnes écrouées sont mieux disposées à recevoir de l’aide en raison de leur grande vulnérabilité, ce qui les rend plus réceptives aux suggestions qui leur sont faites par leur entourage ou par les intervenants. La première phase de ce projet, qui consistait en un service d’aide téléphonique disponible en trois langues (français, anglais et espagnol), a eu lieu entre mai 2004 et février 2006. Malgré son évaluation positive2, il fut arrêté en raison d’un manque de financement. Grâce à un nouveau financement obtenu en 2011, les différents acteurs concernés ont relancé le service. Pour cette seconde phase, les intervenants se déplacent et rencontrent les détenus dans les locaux des Centres opérationnels. De plus, le service s’adresse maintenant tant aux hommes qu’aux femmes adultes. Enfin, le service est accessible 7 jours par semaine de 20h00 à 4h00. Ce rapport présente les résultats de l’évaluation de la seconde phase du service Première ligne. Il vise quatre objectifs : 1) présenter la mise en œuvre du projet, 2) établir comment se déroule l’offre et l’utilisation du service, 3) décrire le profil des individus qui ont bénéficié du service, 4) apprécier les retombées. Cette évaluation nous permet de conclure avec une recommandation concernant la pertinence de poursuivre et d’augmenter l’accessibilité de ce service. 1
Rondeau, G., Boisvert, R. et Forney, A. (2002). L'aide aux conjoints violents lors de l'arrestation et de la
situation de crise. Recension des écrits. CRI-VIFF. Collection Études et Analyses. No. 26.
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Pour plus d’informations, voir Rondeau, G, et Boisvert, R. (2006). Évaluation du service première ligne
offert par Pro-gam. Rapport de recherche. CRI-VIFF. Hors collection. No.9.
6 1. Méthodologie Le Service Première ligne a débuté le 17 octobre 2011 dans deux Centres opérationnels, le C.O. Nord et le C.O Est3, et fut étendue aux deux autres Centres Opérationnels (Ouest et Sud) le 24 avril 2012. Les résultats présentés concernent la période du 18 octobre 2011 au 17 septembre 2012 inclusivement. Afin de répondre aux objectifs, trois sources de collecte de données ont été compilées et analysées : • les formulaires d’autorisation (Service Première Ligne) complétés par les policiers des Centres opérationnels • les grilles de collecte de données complétées par les intervenants de Première Ligne • les grilles de suivi téléphonique complété par le chercheur. Les formulaires d’autorisation Aux heures où le service est disponible, les policiers sont tenus de remplir un formulaire d’autorisation (Service Première Ligne) pour tous les individus arrêtés pour motif de violence conjugale. Cette autorisation indique si le service a été offert au détenu et, dans le cas contraire, pourquoi celui-­‐ci n’a pas été offert. L’autorisation indique également si les personnes ont accepté ou refusé l’offre de service et le motif du refus le cas échéant. Les informations contenues dans ces formulaires ont permis de dresser le portrait de l’offre de service et de son utilisation par les individus. L’évaluation de la rencontre par les intervenants de Première Ligne Les intervenants de Première ligne sont également tenus de remplir un questionnaire pour chaque rencontre effectuée avec un détenu. Elle comprend plusieurs questions sur le déroulement de la rencontre, les caractéristiques sociodémographiques et les antécédents cliniques de l’individu, les étapes envisagées par ce dernier après sa libération et sa satisfaction par rapport au service reçu. Les intervenants doivent également noter leurs observations cliniques et se prononcer sur l’état psychologique de l’individu et l’atteinte des objectifs de l’intervention. Le suivi téléphonique Le suivi téléphonique consiste en un appel à occurrence unique, effectué par le chercheur, auprès de personnes qui ont bénéficié du service en vue de recueillir leur opinion. Le chercheur est tenu de remplir un questionnaire pour chaque suivi téléphonique effectué. Il comprend plusieurs questions concernant le déroulement de l’intervention, les caractéristiques sociodémographiques de l’individu, les démarches effectuées ou envisagées ainsi que les changements survenus dans sa vie depuis la rencontre initiale. Des questions portent également sur la satisfaction de l’individu par rapport au service reçu et son opinion du service Première ligne. Les suivis téléphoniques sont réalisés auprès des individus qui ont accepté d’être contactés aux fins de l’évaluation du service Première ligne un mois après la rencontre initiale (166 des 258 individus rencontrés). En date du 24 septembre 2012, le suivi téléphonique a été complété auprès de 54 (32,5%)4 d’entre eux. 3
Il s’agit des centres présentant les plus fortes prévalences d’individus arrêtés pour violence conjugale.
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Afin de respecter la confidentialité, le chercheur n’a pas accès aux informations discutées lors de la
rencontre avec l’intervention du service Première ligne. Les renseignements donnés dans le cadre de
l’appel sont également confidentiels. 7 2. La mise en œuvre du service 2.1 Démarches d’implantation Afin de faciliter l’implantation du projet, plusieurs rencontres furent organisées entre les policiers et les représentants du SPVM, la direction de Pro-­‐gam et les intervenants de Première Ligne5. Ces rencontres visaient à présenter le projet et les intervenants aux policiers, à obtenir leur collaboration et à uniformiser la mise en œuvre du service. Le Comité d’implantation du projet6 a également eu de fréquents contacts afin de faire le point sur l’implantation du service et d’apporter les ajustements nécessaires au besoin. 2.2 Les modalités entourant l’offre du service Aux heures d’accessibilité du service, le superviseur du Centre opérationnel vérifie si l’individu écroué pour motif de violence conjugale répond aux critères d’admissibilité du service (l’individu doit parler français, anglais ou espagnol, ne pas être trop agressif ou intoxiqué et le rapport d’enquête doit être complété) et, le cas échéant, lui offre le service Première ligne. Si l’individu accepte, il est conduit au local d’entrevue, signe le formulaire Service Première Ligne et rencontre l’intervenant7. 2.3 Acceptation du service et durée des rencontres Selon les 624 formulaires Service Première Ligne complétés par les policiers, le service a été proposé à un total de 518 individus (83%) arrêtés pour violence conjugale. La raison la plus fréquemment mentionnée par les policiers pour expliquer l’absence d’offre du service est la libération rapide, sous promesse de comparaitre, de certains individus. À ces derniers s’ajoutent les personnes ne correspondant pas aux critères d’admission ou présentant des signes d’instabilité ou de maladie mentale qui nécessitent une évaluation psychologique. Des contraintes opérationnelles, tel qu’un fort achalandage, constituent également certaines des raisons invoquées par les policiers. Tableau 1. Services offerts par les policiers aux individus Service offert Fréquence Pourcentage Oui 518 83,0 Non 106 17,0 Total 624 100 Source : Formulaires Autorisation de référence à un autre organisme complétés par les policiers
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Les deux intervenants Pro-gam qui rencontrent les détenus ont été choisis selon un processus de sélection
conjoint entre Pro-gam et le SPVM.
6
Le Comité d’implantation est composé du directeur général et du directeur clinique de l’organisme Progam, de deux officiers en charge du projet pour le SPVM, d’un représentant du service de recherche du
SPVM ainsi que d’un agent sociocommunautaire du SPVM.
7
Il importe de mentionner qu’aucune information nominative concernant le suspect ni de détails
concernant le dossier judiciaire de celui-ci n’est transmis à l’intervenant. De plus, la personne ayant accepté
de rencontrer l’intervenant peut retirer son autorisation en tout temps avant et pendant la rencontre. 8 Des 518 individus auxquels le service a été offert, 322 (62,2%) l’ont accepté. Un peu plus du tiers des individus à qui le service a été offert l’ont refusé, soit 196 individus (37,8%). La raison la plus fréquemment invoquée est qu’ils disaient ne pas avoir besoin d’aide. Cette justification est mentionnée par 123 des 196 individus ayant refusé le service (62,8%). L’évaluation de la première phase du projet pilote Première ligne8 indiquant que 20,6% des hommes avaient accepté le service, nous nous attendions à des résultats similaires pour la seconde phase. Or, les chiffres colligés montrent que ce sont environ trois fois plus d’individus qui ont manifesté un intérêt pour le service. Cette augmentation pourrait être attribuable au déplacement de l’intervenant; le service offre la possibilité aux individus de rencontrer en personne celui-­‐ci, alors que la première phase du projet consistait en un service d’aide téléphonique. Tableau 2. Acceptation du service par les individus auxquels le service a été offert Fréquence Pourcentage Acceptation 322 62,2 Refus 196 37,8 Total 518 100 Source : Formulaires Autorisation de référence à un autre organisme complétés par les policiers
Selon les données fournies par les intervenants, 258 des 322 individus (80,1%) ayant initialement accepté le service en ont bénéficié. Cette différence pourrait être attribuable au fait que certains individus sont libérés, sous promesse de comparaitre, avant la rencontre alors que d’autres changent d’idée et refusent finalement le service. Il est également possible que certains des individus ayant accepté le service n’aient pu rencontrer l’intervenant, car ce dernier, qui doit répondre seul aux demandes des quatre Centres Opérationnels, n’était pas disponible. Puisque la majorité des rencontres (139) ont été effectuées avant que le service soit étendu sur l’ensemble du territoire desservi par le SPVM, il n’est pas étonnant de constater que respectivement 45,7% et 36,3% des rencontres se sont déroulées au C.O. Nord et au C.O. Est, contre 12,9% au C.O. Ouest et 5,1% au C.O. Sud. Les rencontres ont eu lieu à toutes les heures de la période couverte par l’offre du service. Cependant, une concentration est notée entre 22h00 et 1h00. La moyenne générale du temps écoulé entre l’arrestation de l’individu et la rencontre s’établit à 10,36 heures avec un écart-­‐type de 5,95 heures. En ce qui a trait à la moyenne générale de durée des rencontres, elle s’établit à 42,52 minutes avec un écart-­‐type de 22,4 minutes. 2.4 Les difficultés cliniques rencontrées Dans l’ensemble, les rencontres se sont bien déroulées et sans interruption. Toutefois, les intervenants ont souvent eu à préciser les buts et objectifs du service. De plus, ils ont eu à s’adapter aux réalités des détenus qui étaient des plus variées sur plusieurs plans : la dynamique de violence conjugale, le contexte d’arrestation, leur état de crise plus ou moins sévère, leur 8
Rondeau, G, et Boisvert, R. (2006). Évaluation du service première ligne offert par Pro-gam. Rapport de
recherche. CRI-VIFF. Hors collection. No.9.
9 histoire de vie pavée d‘épreuves et de drames personnels, leur réticence à entrevoir un problème personnel ou à reconnaître la responsabilité de leur violence et la colère ressentie face à des sentiments d’injustice à l’égard du système judiciaire et de leur conjointe. Les intervenants ont également eu à composer avec l’état physique des individus lors de la rencontre : certains étaient fatigués ou s’endormaient alors que d’autres étaient intoxiqués par l’alcool. D’ailleurs, deux rencontres ont été interrompues en raison de l’état de santé déplorable des individus. 3. Portrait des individus ayant bénéficié du service 3.1 Portrait sociodémographique La très grande majorité (95%) des individus rencontrés sont de sexe masculin. Ils ont entre 18 et 72 ans (moyenne : 35,83 ans). De plus, la majorité était d’origine caucasienne (48,4%), était née au Canada (54,2%) et avait un emploi au moment de la rencontre (57,4%). Les individus ayant complété le suivi téléphonique présentent un portrait similaire en ce qui a trait au sexe, mais se distinguent légèrement quant à l’âge, au pays d’origine et à la situation d’emploi. Tableau 3. Portrait sociodémographique des individus ayant bénéficié du service Sexe Homme Femme RENCONTRES Pourcentage Fréquence SUIVIS TÉLÉPHONIQUES Pourcentage Fréquence 95,0 5,0 258 245 13 96,3 3,7 54 52 2 48,4 15,9 12,4 4,3 1,2 17,8 258 125 41 32 11 3 46 -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ 54,2 45,8 251 136 115 50,0 50,0 54 27 27 Origine ethnique Caucasienne Afro-­‐américaine Latino-­‐américaine Asiatique Amérindienne Autre (arabe, turque, grecque, etc.) Né au Canada Oui Non Situation d’emploi 249 Emploi 57,4 143 Emploi à temps plein 47,0 117 Emploi à temps partiel 6,0 15 Travailleur autonome 4,4 11 Sans emploi 35,7 89 Bénéficiaire de l’aide sociale 18,5 46 Prestataire d’assurance-­‐emploi 4,8 12 Sans emploi 12,4 31 Autres 6,8 17 Étudiant 4,8 12 Retraité 2,0 5 Source : Grilles de collecte de données de rencontres et de suivis téléphoniques
70,4 -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ 29,6 -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ 0 -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ 54 38 -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ 16 -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ 0 -­‐-­‐-­‐ -­‐-­‐-­‐ 10 La majorité des individus rencontrés (79,2%) sont en relation avec l’autre personne impliquée dans l’incident : 21,3% sont mariés, 9,1% sont conjoints de fait, 43,3% sont en couple sans être mariés ni être conjoints de fait et 5,5% sont amis intimes. Plus de la moitié (51,8%) d’entre eux cohabitent avec leur conjoint. Par ailleurs, 4,7% des individus rencontrés mentionnent être en instance de divorce ou de séparation. La majorité (59,8%) des individus rencontrés ont également des enfants. Par contre, 68,7% de ces derniers n’en avaient pas la garde. Tableau 4. Portrait relationnel et familial des individus rencontrés Fréquence Lien entre les individus Mariés Conjoints de fait En couple Séparés Ex-­‐conjoints, ex-­‐amis intimes, ex-­‐copains Amis intimes Données manquantes Cohabitation des individus Oui Non Données manquantes Instance de divorce ou de séparation Oui Non Données manquantes Pourcentage Pourcentage valide 21,3 9,1 43,3 10,2 10,6 5,5 -­‐-­‐-­‐ 51,8 48,2 -­‐-­‐-­‐ 4,7 95,3 -­‐-­‐-­‐ 258 54 23 110 26 27 14 4 258 131 122 5 258 9 183 66 20,9 8,9 42,6 10,1 10,5 5,4 1,6 50,8 47,3 1,9 3,5 70,9 25,6 258 86 63 41 18 6 44 33,3 24,4 15,9 7,0 2,3 17,1 40,2 29,4 19,2 8,4 2,8 -­‐-­‐-­‐ 258 46 101 111 17,8 39,2 43,0 31,3 68,7 -­‐-­‐-­‐ Nombre d’enfants de l’individu Aucun Un Deux Trois Plus de trois Données manquantes L’individu a la garde d’au moins un enfant Oui Non Données manquantes Source : Grilles de collecte de données des rencontres
3.2 Consultations antérieures pour violence conjugale ou pour d’autres problématiques Ce sont 91,3% des individus rencontrés qui affirment n’avoir jamais consulté pour un problème de violence. Par ailleurs, 51 individus (20,4%) ont admis avoir consulté pour des problèmes d’autres natures tels que des problèmes d’alcool et/ou de drogues, des problèmes de 11 dépression, etc. Au moment de la rencontre, 15 individus (6,1%) étaient en thérapie ou suivi par un professionnel de la santé. 3.3 Évaluation de l’état psychologique de la personne Selon les intervenants, la majorité des individus semblaient en crise ou déprimés au moment de la rencontre. Ils pleuraient et semblaient dans un état de détresse psychologique. La plupart étaient également anxieux, nerveux ou paniqués : ils exprimaient diverses craintes liées à l’intervention policière ou aux conséquences de celle-­‐ci sur leur vie (travail, hébergement, poursuite de la relation, contact avec les enfants, etc.). De plus, certains (5,1%) semblaient avoir un problème de santé mentale. Certains individus semblaient également confus. Plus de la moitié des individus se sentaient humiliés au moment de l’entrevue. Un sentiment de révolte habitait plusieurs d’entre eux. Ces derniers répondaient avec agressivité, étaient en colère contre leur conjoint ou contre la situation, frappaient les murs du local, criaient, etc. Ils se disaient souvent innocents et considéraient que la situation était injuste. À l’opposé, certains individus exprimaient plutôt des sentiments de culpabilité ou de remords. Ils semblaient conscients de la situation de couple dans laquelle ils se trouvaient et regrettaient les gestes posés. Une minorité d’individus ont exprimé également des idées suicidaires et trois personnes semblaient avoir des idées homicidaires. Enfin, peu d’individus (6,7%) semblaient indifférents face à la situation dans laquelle ils se trouvaient. 3.4 Besoins exprimés par les individus rencontrés Presque toutes les personnes rencontrées (98,8%) ont exprimé un besoin quelconque au cours de l’intervention. Besoins de s’exprimer, d’être écouté, compris et sécurisé Le besoin le plus fréquemment mentionné est celui d’être écouté, compris et rassuré : 92,9% des individus le mentionnent. Le besoin de s’exprimer est également très fort: 85% individus veulent pouvoir exprimer librement leurs frustrations, leur colère ou le sentiment d’injustice qui les habite alors que 42,3% veulent exprimer librement leurs peurs de perdre leur conjoint ou leurs enfants. Besoin de recevoir de l’aide personnellement et d’être conseillé Près de la moitié des individus rencontrés désirent recevoir de l’aide pour comprendre ce qui leur arrive personnellement et être conseillés sur certaines démarches à entreprendre. Pour plusieurs, il s’agit d’une première arrestation et ils se sentent dépassés par la situation. Besoins d’exprimer ses regrets Quelques individus ont besoin d’exprimer leurs remords ou leur culpabilité face aux gestes commis (24,5%). Par exemple, un individu exprime qu’il était en colère lors de l’événement et qu’il regrette les gestes qu’il a posés. Deux autres individus demandent à l’intervenant d’informer leurs conjointes qu’ils ont des regrets et qu’ils tiennent à elles. 12 Besoins d’informations relativement aux ressources disponibles Le besoin d’informations quant aux ressources disponibles est également fréquemment mentionné. Ainsi, 38,7% des personnes rencontrées désirent être informées des ressources correspondant à leurs besoins, 18,2% veulent être informées ou référées à un programme de thérapie pour aborder leur problème de violence et 7,5 % veulent être informés des possibilités d’hébergements. Besoins relatifs au processus judiciaire et à la suite des procédures Les individus rencontrés ayant tous fait l’objet d’une arrestation pour violence conjugale, plusieurs des besoins mentionnés sont liés au système judiciaire. Le besoin d’exprimer ses craintes quant aux conséquences légales des gestes posés est mentionné par 57,3% des individus alors que 37,9% désirent avoir des informations sur le fonctionnement du système judiciaire. Outre ses demandes générales, 15,4% veulent que l’intervenant les aide à se défendre de fausses accusations et 7,5% veulent que celui-­‐ci les aide à retrouver leur liberté. Besoins relatifs au conjoint Certains des besoins exprimés par les individus rencontrés concernent les conjoints. Ce sont 14,6% d’entre eux qui demandent qu’on apporte de l’aide à leur conjoint en détresse. Alors que cette demande n’implique aucunement que le conjoint est fautif, d’autres besoins sont congruents avec la tendance de certains individus à rejeter la responsabilité de leur geste sur le conjoint. Ainsi, 15 individus demandent qu’on apporte de l’aide à son conjoint violent alors que 12 individus désirent qu’on intervienne directement auprès du conjoint pour le convaincre qu’il a besoin d’aide. 3.5 Observations cliniques des intervenants Environ la moitié (49,8%) des individus rencontrés reconnaissent avoir été violents verbalement au cours de l’incident. Cependant, 61,4% des individus nient avoir été violents physiquement et 88,2% nient avoir proféré des menaces sérieuses. Environ 45% des individus rencontrés reconnaissent leur responsabilité dans le conflit, alors que 29,5% ne la reconnaissent pas. En outre, 26,3% des individus rencontrés se considèrent responsables des gestes reprochés, pour lesquels ils ont été arrêtés, alors que 56,2% se considèrent innocents. La majorité (58,7%) des individus décrivent une situation de violence réciproque et une responsabilité partagée dans le conflit. La moitié (50,4%) des individus rencontrés se disent l’objet de fausses accusations de la part du conjoint alors que 46,2% se disent l’objet de manipulation ou de chantage de la part de la victime. De plus, la majorité des individus ne reconnaissent pas qu’on ait eu raison d’appeler la police (68,7%) et ne comprennent pas pourquoi ils ont été arrêtés (57,1%). Seuls 10% des individus reconnaissent qu’on ait eu raison d’appeler la police alors que 27,3% comprennent les raisons de leur arrestation9. Pour 74,4% des individus, la cause de l’incident n’est pas liée à un conflit concernant les enfants. 9
Malgré l’incompréhension des individus rencontrés à l’égard de leur arrestation, 30,7% des détenus
semblent satisfaits du traitement reçu par les policiers et 17,7% semblent insatisfaits de celui-ci. Les
intervenants sont incertains de cette information pour les autres individus.
13 4. Appréciation et retombées du service 4.1 Satisfaction par rapport au service reçu Au terme de la rencontre, selon les informations recueillies par les intervenants concernant la pertinence du service Première ligne, 99,6% des personnes ont trouvé ce service très pertinent (43,4%) ou pertinent (56,2%). Concernant la satisfaction de l’individu à l’égard du service offert, 97,7% des individus se déclarent très satisfaits (37,5%) ou satisfaits (60,2%). Cette satisfaction à l’égard du service a également été exprimée très fortement dans le cadre des suivis téléphoniques. En effet, 96,3% des individus se déclarent très satisfaits (72,2%) ou satisfaits (24,1%). Bien entendu, ce résultat peut être attribuable à l’échantillon des personnes rejointes. Lors du suivi téléphonique, dans l’ensemble (94,4%), les individus mentionnent que le service Première ligne est une excellente idée et un très bon service. Ils affirment que celui-­‐ci peut être positif pour tous et servir à d’autres individus. Certains affirment qu’ils sont contents de constater qu’un service est offert au poste de police et qu’ils trouvent bien que des intervenants soient là pour aider les gens au moment où ils en ont besoin, soit lors de la détention, alors que d’autres encouragent sa poursuite. Selon certains, la confidentialité du service, ainsi que le fait que l’intervenant soit un inconnu, permet aux individus de s’exprimer librement et donne plus d’impact à l’intervention. La grande majorité des individus ayant complété le suivi affirment également qu’il n’y a aucun point négatif, ou à améliorer, au service (74,1%). La majorité des éléments mentionnés par les autres individus concernent les modalités du service (absence de suivi, rencontre unique centrée sur l’agresseur, etc.). Certains éléments nous indiquent l’importance de tenir compte de la diversité culturelle et de la complexité de la problématique. 4.2 Atteintes des objectifs de l’intervention En général, les intervenants estiment que les objectifs de l’intervention ont été atteints. Ainsi, l’intervention a permis de calmer la crise chez 159 (61,6%) individus et de réduire les idéations suicidaires de 11 individus et les idéations homicidaires d’un individu. De plus, les intervenants jugent avoir référé 147 (57%) individus de manière utile et adéquate et avoir sensibilisé 133 (51,6%) individus à la violence conjugale. Selon eux, l’intervention a également permis d’amorcer un processus de changement chez 119 (46,1%) individus. 4.3 Apports et points positifs du service Plus d’un mois après la rencontre, la plupart des individus ayant complété le suivi téléphonique peuvent identifier des apports de l’intervention initiale et des points positifs du service. Sept des 54 individus ont répondu que la rencontre initiale ne leur a rien apporté, mais quatre d’entre eux ont tout de même pu identifier des points positifs au service. La rencontre a permis d’évacuer des émotions négatives L’apport le plus fréquemment mentionné est que la rencontre a permis l’évacuation d’émotions négatives et de recevoir une bonne aide psychologique. Ainsi, 36 (66,7%) personnes mentionnent que la rencontre, ou le fait de parler à quelqu’un leur a fait du bien, qu’elle les a 14 calmées, soulagées, réconfortées et détendues. Certains mentionnent que la rencontre leur a permis de diminuer l’état de choc dans lequel ils se trouvaient. Pour 27 individus (50%), l’attitude de l’intervenant aurait joué un rôle dans ces changements. Le fait de sentir que quelqu’un les comprenait, leur accordait de l’importance et de l’attention, surtout dans un moment où plusieurs se sentaient déprimés et déçus, leur a apporté un soulagement psychologique. L’approche des intervenants est d’ailleurs le second point positif le plus fréquemment mentionné. Les intervenants sont généralement décrits comme des individus qualifiés, respectueux, compréhensifs, aidants, attentifs, francs, justes et honnêtes. Le fait que les intervenants ne les traitent pas comme des délinquants, mais comme des personnes est grandement apprécié. À ce propos, un individu mentionne que l’intervenant ne semblait pas le juger. Cela l’a beaucoup aidé à s’exprimer librement. D’ailleurs, le fait de pouvoir discuter de la situation et s’exprimer durant la rencontre constitue un point positif du service pour 17 (31,48%) individus. Il s’agit du point positif le plus fréquemment mentionné. Pour eux, le fait d’avoir pu discuter avec quelqu’un et verbaliser la situation joue un grand rôle dans l’évacuation d’émotions négatives. Pour certains, cette discussion leur a apporté de l’espoir et les a aidés à faire face à l’inconnu ainsi qu’à voir le côté positif de la situation. La rencontre a amené une réflexion, une prise de conscience Dix-­‐sept individus (31,48%) mentionnent que la rencontre leur a permis d’entamer une réflexion et une prise de conscience à propos d’eux-­‐mêmes et de leurs comportements. Elle les a également aidés à clarifier la situation, à identifier leurs besoins ainsi qu’à se fixer des objectifs personnels. Comme certains individus le précisent, les sujets abordés et les questions posées par l’intervenant étaient très pertinents et permettaient cette réflexion. La rencontre a permis d’obtenir des conseils et des références Quatorze individus (25,9%) affirment avoir reçu des conseils ou des références de la part de l’intervenant. En effet, certains de ces individus mentionnent que l’intervenant leur a donné de bons conseils, notamment sur la gestion des émotions et la négociation comme mode de résolution de conflit dans le couple. D’autres indiquent avoir reçu des informations qui leur ont permis de mieux connaître la violence conjugale, les ressources à leur portée en cas de besoin ainsi que le fonctionnement du système judiciaire. Ces informations leur ont permis de voir des portes de sortie pour empêcher que ce type de situations ne se reproduise. D’ailleurs, le service de référence à des ressources constitue un point positif du service pour plusieurs individus. 4.4 Changements survenus depuis la rencontre Lors du suivi téléphonique, seulement neuf des 54 individus (16,7%) mentionnent qu’il n’y a eu aucun changement dans leur vie depuis la rencontre. Certaines de ces personnes mentionnent que cette absence de changement s’explique par le fait qu’il n’y avait aucun problème, qu’elles ne sont pas agressives et qu’il s’agissait d’un malentendu. Le changement le plus fréquemment mentionné concerne un changement de perspective. Treize individus (24,1%) mentionnent que la rencontre a contribué à changer leur manière de voir les choses ou de faire le point sur leur situation et leurs besoins. Cinq individus (9,3%) mentionnent également être plus positifs et plus rationnels; ils se sont rendu compte de leur problème d’agressivité et essaient de réagir de manière moins excessive. Quatre personnes (7,4%) affirment se sentir beaucoup mieux depuis la rencontre : ils se sentent plus confiants, 15 plus énergiques et moins en état de dépendance affective envers leur partenaire. Ces changements semblent s’exprimer de manière concrète puisque certaines personnes affirment avoir changé leur manière d’agir. Un autre changement concret mentionné par quatre individus est l’arrêt de la consommation de psychotropes depuis la rencontre. Au niveau relationnel, vingt individus (37%) mentionnent que leur relation avec leur partenaire a pris fin alors que sept (13%) autres individus mentionnent ne plus être en relation avec leur partenaire à cause d’un interdit de contact. L’existence d’interdit de contact avec la famille constitue un des changements majeurs dans la vie de plusieurs individus. Certains mentionnent ne pas avoir vu leurs enfants depuis plusieurs mois et souffrir de cette situation. D’autres indiquent que cette situation a engendré plusieurs changements dans leur vie (déménagement, perte d’emploi, etc.). La majorité des individus qui sont toujours en relation avec leur partenaire affirment que la rencontre leur a permis de changer leur perspective quant à leur couple ainsi que leur manière d’agir envers leur partenaire. 4.5 Démarches envisagées ou effectuées Lors de la rencontre initiale, 128 individus (57,7%) mentionnent vouloir entreprendre d’autres démarches dans le futur tandis que 118 individus (52,7%) envisagent d’utiliser au moins une des références données par l’intervenant lors de la rencontre. Les individus rencontrés envisagent le plus souvent de contacter des ressources pour conjoints violents, des services de thérapie individuelle ou en couple, des centres de crise ou des ressources pour les dépendances et la toxicomanie. Plusieurs individus envisagent également de contacter des ressources d’hébergement, des services d’accueil et d’intégration des immigrants ainsi que des services pour les parents. Les autres ressources mentionnées par les individus rencontrés sont : des lignes d’écoute, des services de réinsertion sociale, des services d’accompagnement à la Cour et la Direction de la protection de la jeunesse. Quelques individus envisagent également l’utilisation de ressources pour conjoints violents ou de références thérapeutiques pour leurs conjoints. La très grande majorité des individus ayant complété le suivi téléphonique (87,0%) affirment que l’intervenant leur a fourni des ressources lors de la rencontre initiale. De ce nombre, seize (29,6%) affirment avoir contacté divers organismes d’aide à la suite de la rencontre initiale. La majorité des individus (66%) ayant complété le suivi affirment également avoir entrepris ou envisager d’entreprendre d’autres types de démarches. Les ressources pour conjoints ou conjointes violentes constituent le type d’organismes le plus fréquemment mentionné : treize individus (24,1%) ont contacté ce type d’organismes. Onze individus (20,4%) ont entrepris une démarche auprès d’un psychiatre, d’un psychologue ou d’un intervenant social alors que trois individus ont rencontré un médecin. Deux individus ont contacté le CLSC et un autre a contacté un service pour les pères. Le tiers des individus contactés ont parlé de leur situation avec leur entourage (famille ou amis), certains pour leur demander une aide concrète ou avoir du soutien. Certains affirment vouloir entreprendre des démarches avec une ressource pour conjoints ou conjointes violentes, un médecin ou un thérapeute dans un futur rapproché. 16 CONCLUSION Après 11 mois d’implantation, 258 personnes ont pu bénéficier du service Première Ligne, ce qui représente la moitié des individus à qui le service a été offert. En plus du grand nombre de personnes rejointes, les résultats préliminaires de cette évaluation font la démonstration de la pertinence du service. En effet, plusieurs éléments traduisent des retombées positives du service. En plus d’avoir permis de désamorcer la crise chez les personnes arrêtées, les rencontres auraient, pour la majorité, permis d’amorcer une réflexion sur leur situation et leur responsabilité, et finalement de les sensibiliser aux questions de la violence conjugale. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs affirmé avoir utilisé, ou en avoir l’intention, les ressources suggérées par l’intervenant afin d’entreprendre des démarches de demande d’aide après leur libération. Certains ont effectivement consulté des organismes offrant spécifiquement des services en violence conjugale. Les informations sur les ressources psychosociales disponibles ainsi que sur les différents aspects légaux et judiciaires concernant la violence conjugale s’avèrent être un autre élément important du service offert. Plusieurs individus étaient peu familiers avec le fonctionnement du système judiciaire et méconnaissaient les ressources psychosociales mises à leur disposition. Cela est d’autant plus vrai pour les personnes immigrantes (près de la moitié des personnes rencontrées). L’état de détresse psychologique rencontré chez une majorité des individus rencontrés donne une bonne indication de l’épreuve que peut représenter une arrestation policière ajoutée à la crise vécue dans le couple ou la famille due à la violence, à des conflits ou divers facteurs de stress. Aussi, on ne sera pas étonné de constater que la très grande majorité des individus rencontrés se disent très satisfaits du service, en ce sens que celui-­‐ci a pu répondre à un besoin de soutien psychologique pressant et parfois urgent. Une grande proportion des personnes écrouées rapportent éprouver d’intenses sentiments d’humiliation, d’injustice et de révolte du fait de leur incarcération. D’ailleurs, trois individus présentent des idées homiliaires. Cet aspect nous semble prendre toute son importance du point de vue de la sécurité des victimes étant donné que la probabilité de récidive en serait théoriquement augmentée. La possibilité de rencontrer un intervenant réceptif, à l’écoute des réalités et des besoins des personnes, a sans aucun doute favorisé l’ouverture et le partage des confidences propices à l’apaisement émotionnel, un élément clé pour réduire les risques de récidive des conduites agressives. Selon nos données, environ 20% des individus présentaient des troubles psychologiques ayant déjà fait l’objet d’un traitement quelconque. Si l’on s’appuie sur ce que révèlent les études sur la question10, plusieurs situations de violence conjugale seraient associées à des troubles psychologiques de sévérité variable qui ont un effet déstabilisant non négligeable dans de telles situations, un aspect de la réalité à laquelle il faut porter attention et que le service offert permet d’adresser. 10
Rondeau, G. (1994). La violence familiale. Extrait du site web Les classiques des sciences sociales le 20
août 2012 :
http://classiques.uqac.ca/contemporains/rondeau_gilles/violence_familiale/violence_familiale.pdf
17 Mentionnons que l’expérience a été rendue possible, en très grande partie, grâce à un esprit de collaboration intersectorielle entre le SPVM et Pro-­‐gam, en respect des mandats distincts et complémentaires de chacun des partenaires. Les policiers ont adopté un rôle crucial d’intermédiaires, voire de porte d’entrée, pour une intervention psychosociale dans leur environnement de travail tandis que l’organisme Pro-­‐gam, par le biais du service Première Ligne, a offert un service d’intervention psychosociale confidentiel sans frais aux détenus. La qualité du travail et l’approche privilégiée des intervenants du service Première Ligne jumelée à l’implication et à la persévérance des policiers des Centres opérationnels dans l’offre de service aux détenus nous apparaît donc comme un élément clé dans la réussite du projet. RECOMMANDATION La pertinence d’un service d’intervention psychosociale ponctuelle au moment de l’arrestation pour un motif de violence conjugale est clairement démontrée par ces résultats. Le programme Première ligne répond à un besoin important pour une clientèle qui, jusqu’ici, restait sans service à un moment de grande urgence psychosociale. Il permet de tendre la main à ces personnes et d’amorcer avec eux une première démarche de prévention en violence conjugale. La présente évaluation a permis de démontrer que les personnes détenues pour violence conjugale démontrent un grand intérêt pour le service et qu’ils sont généralement satisfaits de celui-­‐ci. Nous recommandons sa poursuite et le développement de son accessibilité, que ce soit par l’augmentation des heures de disponibilités du service ou par l’augmentation du nombre d’intervenants assurant celui-­‐ci sur une base journalière. 18 

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