Panneaux publicitaires supprimés à Grenoble : "On va enfin respirer !"

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Panneaux publicitaires supprimés à Grenoble : "On va enfin respirer !"
Mardi 25 novembre 2014
Panneaux publicitaires supprimés à Grenoble : "On
va enfin respirer !"
A Grenoble, la décision du maire (EELV) Eric Piolle d'évincer l'affichage publicitaire du
mobilier urbain fait grand bruit. Pierre-Jean Delahousse, le président de l'association
Paysages de France, fait part de sa satisfaction
Pierre-Jean Delahousse est le président de Paysages de France, une association créée en 1994 pour combattre la jungle publicitaire qui
envahissait à l’époque les villes et leurs abords. © PHOTO DR
Pierre-Jean Delahousse est le président de Paysages de France, une association créée en 1994 pour
combattre la jungle publicitaire qui envahissait à l'époque les villes et leurs abords.
L'intéressé reconnaît que la situation a évolué favorablement depuis lors, même si le respect de la loi en
matière publicitaire ne semble être qu'optionnel, y compris pour certains représentants de l'Etat.
L'association est établie à Grenoble, là où le maire (EELV) Eric Piolle a décidé de ne pas renouveler le
contrat sur le mobilier urbain qui unit la ville à la société JC Decaux. Il n'est évidemment pas indifférent à
cette décision de « libérer l'espace public », une première dans une grande ville européenne selon la
mairie de Grenoble.
Pierre-Jean Delahousse
© PHOTO DR
Sud Ouest. Quel est votre sentiment après l'annonce faite par le maire de Grenoble, Eric Piolle,
de supprimer l'affichage publicitaire sur le mobilier urbain ?
Pierre-Jean Delahousse. C'est une grande satisfaction, d'autant que Paysages de France a eu un
rôle moteur sur ce dossier. Le siège de l'association est à Grenoble. Nous travaillons depuis vingt ans
à sensibiliser la population et les élus.
Plusieurs règlements locaux de publicité sont maintenant plus restrictifs que le code de
l'environnement dans l'agglomération grenobloise. Les premiers grands démontages de panneaux y
ont eu lieu dès 1994. Le combat a été féroce, avec certains élus mais aussi avec les afficheurs, qui ne
sont pas des gens commodes.
Nous nous sommes battus contre des violations éhontées de la loi par une multitude de grandes
enseignes. On avait pris attache avec la nouvelle équipe municipale de Grenoble avant même
l'élection. On avait formulé deux propositions. La non-reconduction du contrat de JC Decaux pour le
mobilier urbain, qui est donc confirmée par le maire, et la suppression des panneaux au sol de grand
format, les plus agressifs.
Mais ceux-ci sont sur le domaine privé, on ne peut pas les faire disparaître par un coup de baguette
magique. Il faudra modifier le règlement local de publicité, avec des délais de mise en conformité.
"Dans des pays qui se portent bien mieux que le nôtre, les Pays-Bas ou le Danemark par exemple, cette
pollution n'existe pas"
Quelle est la portée de la décision grenobloise ?
Il est important que les mairies, qui votent des budgets pour l'embellissement des cités, soient
cohérentes. La France est un pays de tourisme, elle doit son attrait à un certain raffinement culturel.
Or l'affichage publicitaire y contrevient. Sa prolifération est synonyme d'échec économique et social.
Dans des pays qui se portent bien mieux que le nôtre, les Pays-Bas ou le Danemark par exemple,
cette pollution n'existe pas. Il est important que les mairies ne participent pas au cloaque visuel qui
nous est imposé. A Grenoble, on va enfin respirer !
Avez-vous le sentiment que votre cause progresse ?
La ville de Paris a adopté une mesure voisine. En 2017, tous les grands panneaux devront disparaître.
C'est acté dans le règlement local de publicité. De façon plus générale, la situation a évolué
favorablement depuis vingt ans. Il y a bien sûr beaucoup de résistance contre la réduction des
espaces publicitaires, c'est la force de l'habitude après les avoir laissés envahir nos villes.
Mais aujourd'hui, les maires écoutent ceux qui protestent, quelle que soit leur étiquette politique. La
décision prise par Eric Piolle à Grenoble est d'autant plus intéressante que les maires ont tendance à
évacuer le problème en libérant leur centre-ville de l'affichage le plus agressif pour le reléguer dans les
quartiers périphériques, moins « nobles » et moins favorisés. Comme si tout un chacun n'avait pas
droit à la même protection. A Grenoble, tous les citoyens bénéficieront du même dispositif.
Paysages de France a obtenu 66 condamnations de l'Etat suite aux carences des préfets dans
l'application de la loi sur l'affichage publicitaire. Est-ce à dire que l'Etat ne veut pas appliquer la
loi ?
On ne réclame rien d'autre que le respect de la loi, il paraît que c'est très à la mode… Or face à
l'infinité des infractions en matière d'affichage publicitaire, nombre de préfets ne bougent pas. Ils sont
toujours mal à l'aise quand ils doivent se substituer aux maires dans l'exercice du pouvoir de police, ils
cherchent avant tout à conserver de bonnes relations avec eux.
Et ils ont aussi pour mission « politique » de ne pas déranger le monde économique, dans le cas
d'espèce la grande distribution qui couvre les panneaux à 80%. Ils sont terrorisés dès qu'on leur parle
de la grande distribution !
Quand vous obtenez une condamnation, les panneaux sont-ils finalement démontés ?
Ils le sont souvent avant même la décision judiciaire. Classiquement, nous saisissons un maire quand
nous constatons une violation flagrante de la loi dans sa commune. Quand rien ne bouge, nous
saisissons le préfet du département. Généralement, rien ne bouge non plus !
Mais nous sommes très patients ! Nous relançons le dossier une fois, deux fois… Puis nous finissons
par saisir le tribunal administratif. Et là, miracle, ce qui était impossible devient possible dans 95% des
cas. Les panneaux sont parfois mis en conformité à quelques jours de l'audience devant le tribunal. Il est
clair que les autorités jouent la montre au maximum.