1 - Equideow
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1 - Equideow
Prologue Turquie-Zacharias Laconnaissancen’apasdeprix. Entièrementraséetvêtuàl’occidentale,nulnereconnaîtrasoussanouvelleapparencele frèreZacharias,l’humblemoinecopte… Depuismafuited’Égypte,renduepossiblegrâceauxdollarsvolésàcettestupideLeyla, élèvearchéologueignareetquiapourtantréussiàmeberner,jenecessederuminer.Je mesuislaisséaveuglerparmacupidité,j’aiprisl’argentetj’ailaissél’objetôcombien plusprécieux…laragemedévoretelleunratlogeantdansmesentrailles! Quandj’aicomprisquel’objetquejedevaisrapporteràHannibalétaittoujoursen possessiondecetteLeylaetdesonaméricain,j’aisuquejenepourraismeprésenterface àmoncommanditairesansrisquermavie.J’aiéchoué,lafuiteétaitleseulchoixpossible. J’aiensuiteapprisparlesmédiasqu’unvolmystérieuxavaitétécommisdanslelieule plussûrduCaire,leMuséenational.Detouteévidence,Hannibalavaitdoncréussià récupérerleprécieuxfragmentdemétal,ensepassantdemonaide.Jeveuxcomprendre pourquoicethommequiadéjàtout,lafortune,lapuissanceetlagloire,accordetantde valeuràcemisérabletriangledemétalgravé. JesaisàquoiressemblelefragmentdemétalpuisqueHannibalm’avaitenvoyélaphoto d’unfragmentsimilaire,avantmeconfierlamissiondeleprendreàcetteLeyla. Aujourd’huijepressensquejepourraisregagnerl’estimedeHannibalsijeluifournissais uneinformationcapitale,quiluimanque.Etjem’apprêteàrécupérercetteinformation… Lorsdemaformationdemoine,j’aivécuetétudiédansdemultiplesmonastèresàtravers lemonde.Aprèstantd’années,mevoicideretourenAnatolie,danslapartieestdela Turquie.Icinombreuxsontlespeuplesquisesontcroisés:Sémites,Turcs,Romains, Hittites,Lydiens,Grecs,Perses,Arabes,etc.CesontlesPersesquiontdonnésonnomà cetterégion,laCappadoce,quisignifie«Terredesjolischevaux».Ceseraitplutôtun territoireauxpaysageslunaires,àl’aspectquasi-surnaturel.Lessouvenirsdemon premierséjouraffleurentets’entremêlentdansmonesprit.Unevalléehérisséede formationsrocheusesvolcaniques,descônesdebasalteetdetufcreusésparl’hommeet quel’onasurnommés«cheminéesdefées».Lesflancsdelamontagnerocheuse surplombantGöremeàplusdemillemètres,puisunlongetétroitcanyonencaisséentre deuxfalaisesregorgeantd’habitationsetd’églisestroglodytessculptéesetpeintesde couleurssomptueuses.Jemesouviensaussid’uneimmensecitésouterraineetdela sensationdeclaustrophobiequej’yavaiséprouvée.Jerespireprofondémentpourchasser letourbillondesouvenirsetpourmeconcentrersurmonobjectif:atteindrelaYüksek Kilise,l’églisesanctuairelaplushautedelamontagne,oùjeséjournaientantquenovice copiste… J’escaladelesescaliersuséstaillésdanslarocheauIVesièclepardesermiteschrétiens persécutés,jusqu’àcettegrottenaturelleperchéedanslamontagneescarpée.Cerefuge devintaufildutempsunimportantmonastèreorthodoxetroglodyte,avantd’être abandonnéàcausedesadifficultéd’accèsauprofitdeconstructionsenplaine.Oùest passéelaténacitédespremiersmoines,quicreusèrentlamontagnepourréaliserun réfectoireetdescanauxd’aération,ainsiquedescellulestellesdesalvéolesd’abeillespour lacommunautéquinecessaitdes’agrandir?Ilstaillèrentaussidesgaleriespours’enfuir encasd’attaque.Ilscréèrentunebibliothèqueincroyableenrassemblantetclassant tablettesetparcheminsemportésparlesfuyards.C’estprécisémentlà,danscette bibliothèqueoubliéeetcachéedesregards,quej’espèretrouvercequejecherche.Ma maintrembleunpeuquandjeretirelegrillagedesécuritéquiobstruel’entréedela grotte… Jeparcourslessallesdésertes,accompagnéparl’échodemespas.Toutcequiaétéjugé troplourdouinutileaétélaissésurplace.Mevoicidanslabibliothèque.Jemerevois assisdevantcettetabledepierre,éclairéparunechandelledecire,frustréetfortement découragéparlatâchequim’attendait.Pouréprouvermafoicommemonabnégation, j’avaisétéassignéàlacopied’écritsmineurs.J’ignoraislesensdecequejedevais recopier,carleparcheminoriginelsedélitaitsousl’effetdutempsetquelePèresupérieur s’obstinaitàconserverexhaustivementtouslesécritsanciens.Enserrantlesdents,j’ai recopiédesproposincompréhensibles,quim’avaientsembléàlalimitedeladémence. Ungrecquisedisaitsoldat,àlafinduIVesiècleavantJC,ynarraitunehistoiredefuite rocambolesquedepuislesconfinsdel’Inde.Ilycitaitlamalédictiondesamissionsecrète, l’obsessiondel’étoiledeZeusquiconsumaitàpetitfeusonfoieetsacervelle.Aucentre duparcheminsetrouvaitundessinquej’airecopiéavecpeinetantilétaitindiscernable, commesileparcheminavaitétégrattéavecfureurpoureffacercequiyavaitétédessiné. Ilm’afallulanuitpourobtenirunecopieintégraleduvieuxparchemin.Àl’aube,plein d’espoird’unemarquedereconnaissance,j’aitendulerésultatdemontravailaufrère bibliothécaire,quiahochédistraitementlatêteavantderoulermonparcheminetde l’archivertoutenbas,toutaufonddesalcôvesdeclassement,danslasectionécrits mineurs… Commejel’espérais,seulslesécritssaintsetlesécritsditsmajeursontétédéménagés,et moncœurs’emballequandjemerapprochedufonddesarchives.Àgenoux,jefouille fébrilementdansl’alcôvebasse,ouvrantpuisrejetanttouteslescopiesinutilesexécutées pardesapprentisaufildesannées.Lavoici!Macopie,intacte,l’encreàpeinedélavée.Le sangbatbruyammentàmestempestandisquejefixeledessincentral:untriangleàla basebrisée,couvertdelettresgrecquesetdesymbolesétranges,sisemblableparlaforme àlaphotodutriangleenvoyéeparHannibal! Unrireirrépressiblemonteenmoitandisquejerelismacopie.Ladernièrephraseditque lesoldataconfiéàlaprotectiondesprêtresdeZeuscequiappartenaitàZeus.Queles hommessontfaiblesetcraintifsdevantlatoute-puissancequ’ilsontaccordéeàleurs dieux…EtquejesuispuissantdésormaisfaceàHannibal,puisquejedétienslacléd’un nouveaufragmentdel’étoiledeZeus! Laconnaissancen’apasdeprix… -1Paysbasque,Nadja Jen’avaisencorejamaisvul’océan.Juchéesurlafalaise,jeregardelesvaguesblanchir d’écumeetsefracassercontrelesrochers,j’écouteleurrugissementtêtu,jesenslevent marinfouettermescheveuxetdéposersurmeslèvresdesgouttelettessalées.J’écarteles brasetoffremoncorpsàlapuissancedeséléments,riantcommelesmouettesqui jacassentensurvolantlesflots.Peut-êtrequejepourraism’envoler,planercommeces oiseauxquidéfientlevent,puisplongentd’untraitprécisversl’eaupoursaisirdansleur becl’infortunépoissonqu’ilsontchoisipourproie. -Nadja!Viensm’aider! Jelèchemeslèvresavecgourmandiseavantdequitteràregretleborddelafalaise.Père mefusilleduregard,l’airdedire«nousnesommespaslàpournousamuser».Maismoi j’aitellementenviedesavourerladécouvertedel’océan,decourirlelongdelacorniche, dedanserentrelesgentianescieletlesjonquillessoleil,lesorchidéesmauvesetles coquelicotsradieux,depoursuivrelespapillonsivresdecouleurs.Jemeprometsde profiterdechaqueinstantdelibertépourrevenirexplorercettenatureflamboyante,etje medirigeversletarmacoùsetientl’avionprivéquinousatransportésdepuislaRussie, moi,monpèreetnoschevaux. UnesortedevoituredegolfadéjàchargénosbagagesetlematérielquePèreatenuà emporter.Jelaregardes’éloignersurunsentiersinueuxtracéàtraverslesrochers,puis disparaîtreaudétourd’unbosquetdechênesquimasquelepanoramaversl’intérieurdes terres.Jemedemandebienoùnousseronslogés.Deuxhommesraidescommedes piquetssetiennentdevantlalargeportemétalliquedel’avion,prêtsàl’abaissersurle signaldemonpère.Cederniermetenddeuxlonges,jemechargeraideMishkaetde Mysh’,luis’occuperadeZaldia.Aprèstoutescesheuresdevol,etmalgréles«calmants» àbasedeplantesqu’onleuraadministréspourlesfaireembarquerdansl’avion,les chevauxaurontpeut-êtredesréactionsimprévisiblesenretrouvantlaterreferme.Surle signaldemonpèrelesdeuxhommesactionnentl’ouverturedelaporte,quiformeune rampeinclinéeverslesol.Nouslagravissonsetnousdirigeonsverslesboxesmatelassés oùs’impatiententleschevaux.J’accrocheleslongesauxlicolspuisjesorsMishkaet Mysh’,lesjumeaux«ours»et«souris»,enlesencourageantdelavoix.Ilsexplorentce nouvelenvironnementdesyeux,desoreillesetdesnaseaux,puisnesentantaucundanger proche,ilssemettentàbrouterjoyeusement.Zaldia,lui,faitplusdemanières.Illuifaut l’assurancedemonpère,touteslesparolesqu’illuimurmureàl’oreille,pourqu’ilaccepte des’engagersurlaplateformeàsescôtés.Chacundesespuissantsmusclestressaille,sa têtesetournedanstouslessens,sonregardméfiantscrutechaquedétail.Dereconnaitre MishkaetMysh’dansuneattitudepaisiblelerassureunpeu,etZaldiafaitquelquespas surletarmac,puissurlalande.Ilsecouesalonguecrinièreondulée,dévoilantson encoluremassive.Souslesoleil,sarobetenduesursesmusclespuissantsresplendit, devientparurederoi.SonpassiélégantsoulignelanoblessedecetétalonAndalousifier, sifortetsifragileàlafois. -MonsieurTkachev,l’aviondoitrepartir,intervientl’undesdeuxhommes.Nousdevons éloignerleschevaux.Sivousvoulezbiennoussuivre,nousvousguideronsjusqu’aux écuries. PèrehochelatêteettenantsouplementlalongedeZaldia,empruntelepasauxdeux hommestoujoursaussiraidessurleurspattes.JelessuisavecMishkaetMysh’,surle cheminqu’asuivilavoituredesbagages.Lorsquenousarrivonsaubosquetdechênes, j’entendsleclaquementmétalliquedelaportelatéraledel’avionetleschevaux sursautent.Jelesrassuredelavoixetjetteunregardenarrière.Lejetroulesurletarmac, effectueundemi-touravantdeprendredelavitesseenfaisantvrombirsesmoteurs.Il rouleendirectiondel’océan,deplusenplusvite,etjusteavantleborddelafalaise, décollemajestueusement.Lepilotereplielesrouesdansleurhabitacleetl’oiseaudemétal s’éloignedansleciel,disparaissantdemonchampdevisionauboutdequelques secondes.Jeressensunserrementaucreuxdemapoitrineetjem’efforcederespirer profondément.Jeviensderéaliserquenousavonsétédébarquéssurcetteterreinconnue etquetoutretourenarrièreestdésormaisimpossible.J’espèrequePère,toujoursaussi secretetsilencieuxetquinem’aavertiequ’auderniermomentdenotredépart,aune bonneraisondenousavoirfaittoutquitter… -2Waow…Dèsquenousavonsfranchilebosquetdechênes,unevisioninvraisemblable danscettenaturesauvages’imposeànous.Unchâteaunéogothique,commenous l’indiqueleplusâgédesdeuxhommes,surplombelafalaiseetl’océan,perchéaubout d’unepointerocheuseetdressantsestoursorgueilleusescommepourdéfierleciel,lamer etlevent.Ilestsertid’unimmensejardin«àlafrançaise»,parfaitemententretenu, offrantdesrotondesfleuriesetlieuxpréservéspourdesconversationsdiscrètes,ou encoreunimpressionnantthéâtredeverdurepourdesreprésentationsaupublic.Un frissonparcourtmonéchine.Quel«Seigneur»contemporainpeutvivredansunchâteau aussiétrange? -Lesécuriessontparici,intervientleplusjeunedeshommesendésignantladirection opposéeauchâteau. Jem’arracheàlacontemplationdecechâteaumonumentalpourobserveruneesplanade encadréedehautesgrillesenferforgé,aucentredelaquellesedresseunmanègecarré puisunecarrièredetravail.Devastespaddockss’égrènentjusqu’aufonddel’esplanade, oùdesécuriess’alignentautourd’unesellerieetd’unegrangeenbois.Toutsemble tellementpropre,léché,parfait…àpartquejenevoisaucunetracedechevauxoccupant l’espace! Enmerapprochantdesécuries,jeconstatequelapropriététouteentièreestprotégéepar dehautesgrillesenmétalforgé.Aucunpiéton,aucunvéhiculenepeuts’yintroduire.Ni ensortir…Jefrissonnemalgréladouceurprintanière,envahieparunesensation d’isolementetd’oppressiondignedelacoloniepénitentiairedeKrasnokamensk, enSibérie.Sommes-nousdansuneprisondorée?Jedétestemesentirenfermée,autant qued’êtremisedevantlefaitaccompli.PourquoiPère,cecosaquefieretinflexibleau pointd’endevenirunmurdesilence,n’est-ilpascapabledemeparler,demefaire partagersespensées,sesprojets,sansparlerdesesémotions?Commentmamère,morte àmanaissance,a-t-elleacceptécetteduretédegranit?J’enrage.Jemecontiensdepuissi longtemps,j’aienviedehurler,dequittercelieusurlechamp.Maisjen’aipasd’ailes pourm’envoler,etsijesautaisdansl’océanjemefracasseraissansnuldoutesurles rochersencontrebasetjen’yauraisriengagné.Jen’aid’autrechoixquedemetaire,de suivrelesvolontésdePèrejusqu’aujouroùjeprendraimonenvolensolitaire… Jequitterailemondeducirqueoùj’aigrandi,malgrélaprofondeaffectionquej’aipour mononcleVassilietmatanteIrina,aussitendreetsouriantequemonpèrepeutêtre taciturne.Aprèsledécèsdemamère,tanteIrinaàconvaincusonfrèred’abandonnerses fonctionsmilitairespourrejoindresoncirqueetm’yélever.Enboncosaque,ils’est consacréauxchevaux,communiquantfinalementseulementaveceux.Iladéveloppé progressivementsestalentsde«chuchoteur»àtelpointquesaréputationattiraitsur notreroutedeplusenplusdepropriétairesdechevauxdits«difficiles»,qu’ilparvenaità apaiseretéduquer. Moi,j’aiapprisàjongler,àmarchersurunfiltenduau-dessusdelapiste,àmelancer d’untrapèzeàl’autre,àvoltigersurdeschevauxlancésaugalopsousles applaudissementsdupublic.Toutcelaàforcedetravailacharné,dedisciplineetde confiancedansmespartenaires,surtoutdansnoschevaux.Jecroisquesanslebonheur complicedesmomentspassésaveceux,jamaisjen’auraiseulaforcedefaireétinceler monsouriredescèneaussifortquelespaillettesdemoncostume… JecaresseletoupetdeMishka,quiestvenufourrersonboutdenezdansmoncou, aussitôtimitéparsasœurjumelleMysh’.C’esttellementrarequ’unegrossessegémellaire arriveàtermechezlesjuments,ettrèssouventunseulpoulainsurvit.Mysh’veutdire souris,elleétaitsipetiteetfragileàsanaissancequ’onignoraitsielleauraitlaforcede vivre.Pourtantelleagrandietforciaupointderattrapersonfrère,Mishkal’ours.Les jumeauxrivalisentdemordillagesetsoufflagesetjefinisparriresousleschatouillisdes deuxchevauxquiréclamentdescaresses.J’aiunélandetendressepourtanteIrina,qui ditqu’entreleurscrinsalezandoréetlafollebroussailledemescheveuxroux,onse croiraitdansunebatailled’écureuils!Jemedétendsenfinetjedistribuedescâlinsàtour debrasàmescompagnons.Aveceuxàmescôtés,peuimportecequinousattend,toutse passerabien,j’ensuissûre! -3Noschevauxontprisleursmarquesdanslepaddock,etquandnousavonsfinideranger lematérielapportéparPèredanslasellerie,nousgrimponsdansunedesvoiturettes électriquesgaréessousunauvent. -Laconduiteenesttrèssimple,précisel’undesdeuxhommesenappuyantsurungros boutonsurletableaudebordpourdémarrer.Cettemanetteatroispositions:avant, arrêt,arrière.Nousvousaccompagnonspourvotrepremiertrajetpuisvousserezlibresde vousdéplaceràvotreguise. Jesuistrèsimpressionnéeparlesilenceduvéhiculeélectrique,autantparlesilencede nosaccompagnateurs,etmalgrémondésirdeleurposermillequestionsjechoisisdeme concentrersurletrajetverslechâteauoùnouspourronsnousinstallerdansnos chambres. Noustraversonsdeshectaresdepaysagestoutsaufurbains:hautesfalaisesdécoupées, landesàbruyèresetajoncs,prairies,bosquets,pournousapprocherdumajestueux châteaudepierresblanchestirantsurlerose.Dresséfaceàl’océan,ilsembleconstitué d’uncorpscentrald’oùpartenttroisailesachevéesparunetourellecoifféed’ardoise. Nouscontournonslesdeuxpremièresailespournousarrêterfaceàl’entréeducorps central,surmontéed’unearchedécoréedegargouillesetdemonstreseffrayants.Je réprimeunfrissonetdétournemonregardversleparkingoùs’alignentsagement d’autresvéhicules. -Sivousvoulezbiennoussuivre… Nousgravissonsunescaliertaillédanslamêmepierrequelesfaçades,pouraccéderau hallcentralinondédesoleilàtraversdehautsvitraux. -Àvotregaucheladirectiondelachapelle,enfacelabibliothèqueetlesappartements privésdeMonsieurHannibal,etàdroitel’aileréservéeauxinvités.Jevousconduisàvos chambresetvousmontreraileslieuxdereposetderestauration. Ah.Noussommeslesinvitésd’unMonsieurHannibaldontjen’aijamaisentenduparler. J’espèrequ’unefoisquenousseronsposés,Pèrecommenceraenfinàmedonnerquelques explications!Enattendant,jesuislemouvementlelongd’unlargecouloir,nonsansjeter unœilenarrièresurl’impressionnantescalierencolimaçonmenantàlazoneprivée, étenduesurtroisétages.Ledômevitréàsonsommetenfaitmiroiterlarampeetprojette àtraverschaquemarchedesraisdelumièredusoir,quizèbrentlesportraitsdefamille tapissantlesmurs.C’estpurementhypnotisantetj’aidumalàm’extirperdecettespirale d’ombresetdelumières.Chaqueemployédenotrehôteouvredansunballetparfaitement rythmélaported’unechambre,etPèreetmoientronsdansl’espacequinousaété réservé. Lapremièrechosequejeremarquec’estquemesquelquesvêtementsquej’avaisfourrésà lava-vitedansunsac-à-dossontdéjàsoigneusementpliésoususpendusàdescintres dansunearmoire.Jemesensrougircommeunetomateetjemedétourneviteversla fenêtre.Jemesenshorriblementgênée,mêmemessous-vêtementsfatiguésontétépliés etrangéspardesmainsd’hommes!J’ouvregrandlafenêtrepourmedonnerune contenance,etlecridesmouettesm’assailleagréablementàtraverslechantdel’océan.Je mepencheàl’extérieur:c’estfabuleux,machambreestsuspendueaudessusduvide,et donneenpleinsurlesoleilcouchant,toutauboutdesflots! Finalement,jevaispeut-êtrefinirparapprécierceluxeinattendudedormirdansun château,moiquin’aiconnujusqu’àprésentquelesroulottesconfortablesmaissuper kitchducirque! -4-Nadja? Mmm…Quimeparleàuneheureaussimatinale? -Nadja,debout!Petitdéjeuneràlaquatrièmeporteàdroite. Zut,jefaisaisunsijolirêve…Jerepoussedespiedsl’épaisédredonquim’emmitouflait commeunefourrureetjem’étireparesseusement.J’aidormicommeunebûche!Jevaisà lafenêtresaluerl’océanavantd’enfilerunvieuxjeansetunsweat,etjefilepiedsnus rejoindrePère. Surprise!Àcontrejourdanslasalleàmangerentièrementvitrée,unhommesetientassis àlagauchedePère.Ilauraitpumeprévenir!Jesuishabilléecommeunesouillonetmes cheveuxdoiventressembleràunetornadedelave! -OngietorriEuskalHerria!BienvenueenPaysbasque,traduitnotrehôte. Quellevoixsaisissante,graveetmagnétique…Gauchement,j’exécuteunesortede révérenceinspiréedenosspectaclesetcelagénèreunesortederiresansaucunetonalité dejoiecheznotrehôte. -Venezvousassoir,BosikomPrintsessa. Entrelaconsciencedemonlook«réveilàl’arrache»et«laprincesseauxpiedsnus»de celuiquejeprésumeêtreMonsieurHannibal,jemesuisrarementsentieaussi embarrassée! -CommevousavezgrandidepuisMoscou…poursuit-ilavecunepointedenostalgie. Jeplongelenezdansunetassedechocolatchaud,mousseuxetveloutéàsouhait,en souhaitantydisparaîtreàjamaistantjesensleregarddeHannibalmeperforer,comme s’ilvoulaitsondermonâme.Jenemesouviensabsolumentpasl’avoirdéjàrencontré! HeureusementPèredétournesonattentionenluiposantunequestion: -Êtes-vousprêt? Prêt?Prêtàquoi?Est-cequejevaisenfincomprendrepourquoiPèrenousaemmenés danscechâteauinsensé,aupropriétairesiinquiétant,etcequ’ilattenddenous? Lesyeuxtoujoursbaissés,j’entendsjustelesond’unechaisequ’ondéplace,puisle froissementlégerd’unvêtement.Lebruitdepassurlesoldallédemarbrem’indiqueque Hannibalquittelasalleàmanger.Undétailmeforceàreleverleregard:lesondeses semellessurlesolrenvoiequelquechosed’inégal.Jecomprendsenobservantlesjambes deHannibalàtraversl’écrandemescheveux,ilboîtelégèrement.Vitejebaisseànouveau lesyeux,tandisqu’ils’arrêteetfaitvoltefaceauniveaudelaporte. -Jevousretrouveaupaddockdansunedemi-heure. Lepaddock?J’attendsquelebruitdesespass’éloignesuffisammentpourfusillermon pèreduregardetluidire: -Àpartlesnôtres,jen’aivuaucunchevaldanscettepropriété!Etdoncaucuncheval «difficile»queSergueïlechuchoteurseraitsensérééduquer!J’espèrequetunenousas pasfaitvenirjusqu’icipourluivendrenoschevaux?!! -Non,répondsobrementPèreenquittantlatable. -Alorspourquoionestlà?D’oùtuconnaiscethomme?Tuvasfinirparm’expliquer? -Nousallonsluiréapprendreàmonteràcheval.Dépêche-toidetepréparer,jeteretrouve auparking. -5J’aiàpeineeuletempsdemebrosserlesdents,d’attachermescheveuxetd’enfilerdes basketsquelavoiturettenousemmènedéjàverslepaddock.Moscou,notrecirques’y produittouslesans,enpériodedeNoël,maisj’aibeaufouillermamémoire,jene retrouveaucuneimagedeHannibal.Jedevaisêtrevraimenttrèsjeunesiluisesouvient demoietpasmoi.Lesquestionssebousculentdansmatête.PourquoiHannibala-t-il besoindegensducirquepour«réapprendre»àmonteràcheval?Avectouslesmoyens qu’ilsembleavoir,ilpourraits’offrirlesmeilleursinstructeurséquestresdumonde! Pourquoia-t-il«désappris»àmonteràcheval?Lefaitqu’ilboiteest-illaconséquence d’unaccidentdecheval?Unterribleaccidentquil’auraitaffreusementtraumatisé? Çayest,monimaginaireestlancéautriplegalopetélaboredixmillescénariospossibles. Jemesurprendsàm’apitoyersurlesortdecethommeglacialdontjeneconnais strictementrien,siçasetrouvelechevalc’estjusteuncapricedemilliardaireblasé,ilva peut-êtrechangerd’avisdanslafouléeetsemettreausautenparachuteouàlabroderie, tiens!Jesecouelatêteetrespireprofondémentpourchassertoutescesidéessaugrenues. SiseulementPèredaignaitm’expliquerleschoses,jemeferaistellementmoinsdenœuds aucerveau! Hannibalestdéjàdevantlepaddock,ilsetientdroitcommeun«i»,àbonnedistancedu portail.Ilestvêtud’unetenuecomplètedecavalier,bombe,veste,culotte,bottes,toutes flambantneuves.Jegrimaceenapercevantlacravachequ’ilplaquecontresacuisseetles éperonsquiluisentautalondesesbottes.Ohoh…s’ilveutmonternoschevaux,j’espère quePèreluiferaretirercesdeuxderniersaccessoires.Sinonjegarantisquec’estmoiqui m’encharge! Jem’étonnequeMishkaetMysh’nesoientpasagglutinésdevantleportail,quêtantune caresseouunefriandise.Ilssontaufonddupaddock,enretraitdeZaldiaquisembleles reteniretmonterlagarde,toutaussirigidequeHannibal.C’estseulementquandilnous aperçoit,Pèreetmoi,queZaldiapousseunhennissementdereconnaissanceetrelâchesa posture.Iltrottineversnous,dépasséparlesjumeauxlancésaugalopetquifreinentjuste avantlaclôture.Jesuistropcontentedelesvoir.C’estplusfortquemoi,jepassesousla barrière,jevaislessalueretlescaresseretilsfouillentmespochesdeleurboutdenezàla recherchedecarottes,excitéscommedejeuneschiots.Jelesapaiseendouceur,j’appelle Zaldiamaisjem’aperçoisqu’ilresteenretrait,observantHannibalducoindel’œil, toujoursaussiméfiantdevantl’inconnu.JemetourneversPère,guettantsesinstructions. Jesupposequ’ilvam’envoyerchercherunebrideetunesellepourcommencerlesleçons, maisilchoisitdes’avancerversleportailetdelanceràHannibal: -Déposezlacravacheetleséperons,etsuivez-moi. Bien,Pèreaassurélamission«sedébarrasserdesobjetsdetorture».Leregard d’Hannibalsembleperdu,commes’ilvisionnaitunfilmintérieur.Maislavoixdemon pèrel’arracheàsonvisionnageetilsepasseunemaindanslescheveuxd’ungeste nerveux,avantd’obéiretdesedirigerversleportail,d’unedémarchestressée.Unefoisle portaildupaddockrefermé,Pères’avancelentementversleschevaux,suivideHannibal quisecachepresquederrièreluicommes’ils’agissaitd’ungardeducorps.Zaldiarecule, couchelesoreilles,envoieunepetiteruadesurlecôtéavantdepartiraupetitgalopversle fonddupaddock.Plusconciliants,lesjumeauxs’avancentdoucementversPère. -JevousprésenteMishkaetMysh’,fait-ilàl’attentiondeHannibalenlesdésignantde gaucheàdroite. Pères’arrête,leurfaitunsalutdelatête,etenréponse,lesjumeauxs’arrêtentenmême temps,posentungenouenterreeteffectuentleursalutdespectacle. J’auraispresqueenvied’applaudirsijeneressentaispaslatensionextrêmedeHannibal. Ilesttrèspâle,sesmâchoiressontcontractéesetjedevinesoncombatintérieurpourse maîtriser.Pèreneluiaccordepasunregard.Ilcaressel’encoluredeschevaux,puis appelleHannibal: -Approchez. MaisHannibalrestefigécommeunestatue.Jecomprendsenfinquecethommeapeur deschevaux,unepeurquileparalyseintégralement!Alorsjefaisdesgestesdelamainen directiondePère,etaprèsuninstant,ilhochelatête.Déterminée,jemarcheversles chevaux,endemandantàMishkades’écarter.Puisjem’appuiecontrel’épauledeMysh’, luidemandantdes’allongersurlecôté.Elles’exécuteaimablementetjemeglisseentre sesjambes,toutcontresonventre.J’appelleMishka,quivientàsontourprendrela mêmeposition,sondosdevantmoi. -C’estbien,mesbeaux,jelesremercie. Nousrestonsimmobilesunbonmoment,jecommenceraispresqueàavoirchaud,puis j’enlacel’encoluredeMishkaetpasseunejambepar-dessussondos.D’unpetit claquementdelangue,jeluidemandedesereleveretj’enprofitepourglisserma deuxièmejambeautourdesondos.Toutendouceur,nousvoilàtousdeuxdeboutetje poussedesmolletsMishkaaupaspuisaupetitgalop,encercleautourdeMysh’toujours couchée.Puisnoussautonsau-dessusd’elle.Ellen’amêmepasfrémi.JeremetsMishka aupas,luicaressel’encolureetglisseausol.JeclaquelalangueetMysh’selève,jela flatteàsontour,avantdemetournerversHannibal,encadréeparlesjumeaux: -Cesdeux-lànevousferontaucunmal,Monsieur.Vouspouvezvousapprocher,jevous assure. Est-cequemadémonstrationvasuffisammentlerassureretleconvaincredefaireunpas versleschevaux? -6Aprèsuntempsquimesembleinterminable,Hannibalamorceunpasversnous,un autre,maiss’arrêtenetquandMishkasecouelatêtepourchasserunemouche.Jerepense àlapremièrefoisquej’aidûm’approcherd’untigre,aucirque.J’avaiscinqans,j’étais pétrifiéedevantsamâchoirepleinededentsqu’ilvenaitd’exhiberenbaillantdevantmoi, maismononcleasum’encourager.Ilagrattéletigrederrièrelesoreilles,ill’afait s’allongerpourlerendremoinsimpressionnantetm’aappeléedenouveau: -Approche,Nadja.Ilneteferaaucunmal.Dis-toiquec’estunjusteungroschatquia envied’uncâlin. J’aisurmontémafrayeuretjemesuisapprochéedutigre.Jemesuisagenouilléeettout doucement,jel’aicaressé.Quelquessemainesaprès,jechevauchaisletigreennous franchissionsdescerceauxenflamméssanscrainte.Jesourisàcetteévocation,jemevois maldireàHannibalquenoschevauxsontjustedesgroschatsquiontenvied’uncâlin. Maispeut-êtrequesimplementmonsourireinvolontairesuffitàdéciderHannibalàfaire quelquespasdeplus. -C’estbien,tendezvosmainspaumesouvertesdevantvous. Leschevauxtendentdélicatementleurboutdenezverslespaumestendues,lesreniflent doucementetseremettentaugardeàvous. -Vouspouvezleurcaresserl’encoluresivousvoulez,ilsnebougerontpas. LesmainsdeHannibalretombentlentementlelonglesoncorps.Unticnerveuxagiteune desespommettes,maistoutlerestedesoncorpsresteimmobile.C’estalorsquej’entends unlégerbourdonnement,quisemblesortirbrusquementHannibaldesatranse.Il remontelamanchedesavesteetjetteunregardagacésursonpoignet,oùjerepèreune sortedegrosbraceletdoréornédepierresbrillantes,peut-êtredesdiamants?Cette coquetteriedénotecomplètementaveclepersonnage!LevisagedeHannibalse transformesousnosyeux.Ilfroncelessourcils,plisselesyeux,regardeauloin.Puisson visagesedécrispe,tandisqueseslèvress’étirentdansunrictusdigned’unloup.Je frissonnetellementcettemétamorphoseestdérangeante,leschevauxdoiventressentir monmalaisecarilss’agitentunpeu.Vitej’enveloppeleurencolured’unbraschacunetils s’apaisent.J’observeànouveauHannibal,quiareculédequelquespas.Uneintense excitationselitmaintenantsursestraits,tandisqu’ilprononce: -J’arrive. Iltapoteduboutdesonindexsursonbraceletavantdesetournerversmonpère,lesyeux brillantscommes’ilétaitdévoréparlafièvre: -Une…urgence.Jereviendraitrèsvite,sentez-vousàl’aiseenattendantmonretour. Etaussitôt,ilnousplantelàetsediriged’unpaspresséversunvéhicule4x4quiapproche àviveallure.Cebraceletseraitdoncnonpasunecoquetterie,maisunoutilde communicationhigh-techdugenremontreconnectée? Pèremesortdemesréflexionsenhochantlatête: -Tadémonstrationétaitunetrèsbonneidée,Nadja.Maisjecroisqu’ilyaencoredu cheminàfaireavantquecethommeacceptedefaireconfianceàuncheval… -Etl’inverseestvraiaussi.Jenem’inquiètepastroppourMishkaetMysh’,ilsontun grandcœurettantquejesuisàleurcôtétoutirabien.MaisZaldia,j’ailesentimentqu’il détectelesondesnégativesdecethommeàdeskilomètres!Tupensesqueturéussirasà accordercesdeux-làunjour? -C’estledéfiquej’aidécidéderelever… -7EnattendantleretourdeHannibal,leplusjeunedesemployésdeHannibal,Filipe,a proposédenousemmenerenvoiturefairedescourses«enville»,auxfraisdenotrehôte biensûr.Pèreadéclinél’invitation,préférantresteravecleschevaux,maismoij’aisauté surl’occasiondepouvoirsortirdelaprisondorée.Etj’avouequel’idéed’allerfairedu shopping,pourmoietpaspouraideràporterleskilosdenourrituredestinésànourrir l’équipeducirque,seraitunegrandepremière! J’enprofitepourinterrogerFilipesurletrajet: -CelafaitlongtempsquevoustravaillezpourMonsieurHannibal? Àsonregardinterloqué,jemerendscomptequ’ilneparlepasunmotderusseetjerépète maquestiondansunanglaisunpeubancal.Ilmeréponddansunanglaisencoremoins bonquelemien: -Unan. Cen’estpastrèsfacilededialoguer,maisj’apprendstoutdemêmequelechâteauestresté vidependantdenombreusesannées,etqueFilipeetl’autrehommeontétérecrutéspour piloterlestravauxdesouvriersetdejardiniersquiontremislapropriétéenétat.Par contre,quandj’essaied’obtenirdesinformationspluspersonnellessurHannibal,Filipe bredouilleenagitantsamainpourmesignifierqu’ilnesaitpas,ouplutôtqu’ilnepeut rienmedire.Déçue,jemerenfoncedansmonsiègeetdécidedeprofiteraumoinsdu paysage. Quelacôtebasqueestbelle!Lafenêtredelavoituregrandeouverte,j’inspirelesparfums sauvagesd’herbesetd’océan,jem’emplislesyeuxdecouleursetdelumièresnouvelles.Et çam’évited’observerdetropprèsceFilipesiprévenant…Jesuiscontentequecesoitlui quim’accompagne,l’autreaunomimprononçable,Garbixo,estnettementplusâgéet moins…joliàregarder.Oh!maisçasuffit,jenepassepasmontempsàreluquerles bicepsdeFilipe,nisescuissesquisecontractentquandilpasseunevitesse,nisesboucles brunesquiondoientsouslevent,nisonprofilaunezdroitjusteparfait,ni…Vivement qu’onarriveenville! Danscettegrossestationbalnéaire,lesembouteillagesetlafouleétourdissanteme feraientpresqueregrettermaprisondecalmeetdesolitude!Filipeperçoitmon indécisiondevantlescentainesdeboutiquesflashyencadrantlesrues,etdansun mélanged’anglais,delanguebasqueetdegestes,ilmeproposedemeconduiredansun quartierplustranquille.Jelesuisavecreconnaissancedansunzigzagderuellesdu quartierancien,jusqu’àuneplacepavéeombragéepardesmûriers.Etlàilentredansune boutiquetranquille,parlementeenbasqueaveclaresponsable,nomméGaléria,etme laisseavecelleavecunhochementdelatêteencourageant.Cettefemmetrèsdouceme jaugeavecdélicatessedelatêteauxpieds,avantdemeproposerdefouillerdansles rayons.Jerepèreunepetiterobebleusaphirdécolletée,autissusoyeuxetléger.Jela sors,laplaquecontremoidevantunmiroir.Jesuis…elleestmagnifique…saufqu’avec desbasketsquidépassentsousunjeanauxextrémitésélimées,çafaitpastrèsclasse.Je reposeprécipitammentlarobedanssonrayon,sentantmesjoueschauffercommeun brasero,jamaisjen’oseraisporteruntrucpareil.JemeconcentresurlesT-shirts,j’en sorsungrispâleetunnoirbasiques,jepourraistourneraveclesdeuxoutroisquej’aipris avecmoi.Galériarevientalors,lesbraschargésdevêtementssurcintres,qu’ellesuspend surunportantavantdemefairesignedemerapprocher.Ausol,jedécouvredesboîtesde chaussuresouvertes,ballerines,sandalesetescarpins,depleindecouleursdifférentes.De quoiavoirletournis!Surl’injonctiondeGaléria,jemerapprocheetfaisglisserles cintres,incapabledechoisirparmicesvêtementsbeaucouptropfemmepourmoi!Alors jesecouelatête,luitendlesdeuxT-shirtsquejeserraiscontremapoitrine.Jemetsla maindansmapochepourensortirdessousmaisellesecoueénergiquementlatête.Elle soupirealorsensouriantavantd’allermettrelest-shirtsdansunsacetdemelesrendre. Commejemesensgênéeetgaucheenquittantlaboutique! Jemesenscomplètementperdue.Filipeattendaitdehors.Ilmeprendgentimentdes mainslesacenplastiqueetmetendàlaplaceunsacenpapier: -Carise?Cherries? Dusacdépassentdescerisesd’unrougeprofondetluisant,ellessemblentmûresàpoint etentempsnormaljemejetteraisdessus.Maislàjemesenstoutenouéeetjesecouela têtepourrefuser.Jelesensdéçu.JesuisincapablederegarderFilipeenface,nidelui adresserlaparole,letempsderegagnerlavoiture.Etensuite,jefaissemblantdedormir toutlelongdutrajet.Maisquejesuisnulle! -8Quoi?Jemesuisvraimentendormie?Onestdéjàrentrésauchâteau?Laportièredu conducteurestouverte,Filipeadisparu.Jemefrotteénergiquementlesyeuxetm’extirpe demonsiège,pourdécouvrirsurlaterrasseunepetitetablesousunparasol.Jeregarde partoutautourdemoi,personne.Jemedirigeverslatable,dresséepourunepersonneet garnied’unecollationfraîche.JemedemandeoùestPère?Enattendant,jemesersun grandverred’eau,etcommeiln’yatoujourspersonnepourm’indiquercequejedois faire,jepiochedanslesfromagesetlesfruitsdélicieuxquis’offrentàmavoracité.Jeme sensmieux,etdécided’allervoirleschevaux,ilsm’ontmanqué! Jecroisquej’airatéungrandpandel’histoire,carcequejedécouvremelaisse totalementébahie.Hannibalestdéjàrentré,etilestjuchéàcrusurledosdeMishka?En plusilportejusteunpoloetuneculottedecheval,etilalespiedsnus?Incrédule,jeme rapprochedupaddock,maisPèremefaitdiscrètementlesignedem’enaller.Ah,je dérange?Jereculesilencieusement,observantHannibalsuperraide,lesmainscrispées surlacrinièredeMishkaquiluisetientaussiimmobilequesoncavalier.Hannibalale regardfixéauloinetsapoitrinesesoulèveaurythmed’unerespirationforcée,trèslente. Pèreparleàvoixtrèsbasse,j’ignorecequ’ilditmaisjevoisjusteHannibalhocher légèrementlatête.Mishkasemetenmarche,aupasettoutdoucement.Lesmainsdeson cavaliertirentfurieusementsurlescrins,commes’ils’agissaitderênes,maisleplacide Mishkanesemblepass’enoffusqueretcontinuedemarcherenrondautourdePère.Petit àpetit,lecorpsdeHannibalsedécontracte.Sesmainss’abaissent,sonbassins’assouplit etsemetàaccompagnerlemouvementduchevalplutôtqued’yrésister.BientôtPère demandeàMishkadechangerdemain,avantdereprendresamarcheencercle.Les jambesdeHannibalsesontànouveaucontractées,sesmainsetsestalonsremontent. MaisbercéparlemouvementrégulierduchevaletlesconseilsdePère,ilarriveàse relâcher.Pèrelefélicite,maisceprogrèsneluisuffitpas.Illuidemandedelâcherla crinièreetdeposersesmainssursatête.IldoitinsisterpourqueHannibalaccepte,et quandlecavaliersihésitantfinitparposersesmainssursatête,etqu’ilréalisequele chevaln’apasréagietcontinuedemarcherdocilement,lacraintelaisseplaceàune surprisepassidésagréablesursonvisage.Auboutd’unmoment,Pèreluidemandeautre chose,quivisiblementneplaitpasdutoutàHannibalquiabaisselesbraslelongducorps etsecouelatêteensignededénégation. PèrefaitarrêterMishkaetserapprochedelui.IlparlementeavecHannibal,quifinitpar céder.UnejambetenueparPère,ilabaisseavecméfianceetpresquerépugnanceson torseversl’avant,puisenlacel’encolureducheval.LebraveMishkaselaissefaire,etje voisledosdeHannibals’assouplirlégèrement.PèredemandealorsàMishkadese remettreenmarche,ill’accompagnesurquelquesfouléesavantdelâcher progressivementlajambedeHannibal.Cedernier,d’abordfigé,finitparselaisserfaire, puismêmeàselaisserpromenersanssedéfendresurledosducheval.Maislaissé volontairementsansconsignesdelapartdepère,Mishkacommetoutbonchevaldécide desemettreàbrouter,allantd’unetouffed’herbeàuneautre.Hannibaln’osepasbouger, jusqu’aumomentoùj’entendsPèrerire,tandisqu’ilditàHannibalqu’ilpeutseréveiller etmêmedescendredecheval. Jem’éclipsediscrètement,percevantdesbribesdeconversationdanslesquelslesmots courbatures,respiration,confiance,persister,objectif,Zaldia,reviennentrégulièrement. Sil’objectifestqueHannibalparviennebientôtàmonter,etàmaîtriserunchevalcomme Zaldia,ilvavraimentdevoirfairetombertoutessesdéfenses… JechercheduregardMysh’etZaldia,ah,ilssontchacundansunautrepaddock,leplus loinpossibledeceluideMishka.Pèreadûleséloignerpournepasdéconcentrerle binômeMishka-Hannibaljesuppose.Tousdeuxbroutenttranquillement,ondiraitque Zaldiacommenceàsedétendredanscenouvelenvironnementetçamefaitvraiment plaisir.Levoilàquiétiresapuissanteencolure,humel’airsalin,secouesacrinière.Jevois roulersesmusclesquandileffectuequelquespaspoursedirigerversl’océan,ilestàla foisforceetgrâce,unevraiesplendeur.Quipourraitreconnaîtrel’étalonsauvage,blessé, efflanquéetfoudecolèrequenousavionsrecueilliquelquesannéesauparavant? -9NousétionsentournéeaveclespectacleducirqueenSibérieoccidentale.Noussavions qu’ilyavaitdanslasteppedeKoulounda,entrel’Ob,l’IrtychetleKazakhstan,unélevage depur-sangespagnols.OncleVassiliavaitréussiàconvaincrePèred’acquérirde nouveauxchevaux,pourélaborerdesspectacleséquestresencoreplusspectaculaires. Leurchoixs’étaitportésurlesélégantsandalous,auxalluresrelevées,avecuneaptitude naturelleaupiafferetaupassage.Leurbouchedélicateenfaitdeschevauxfinset obéissants,quandilssontdressésetmontéscorrectement.D’ailleursilsserventsouvent demonturesaucinéma,oùleurattitudeetleurbontempéramentsontappréciés.S’ils sontfiersetcourageux,ilsgardenttoujoursuntempéramentagréableetquandonleuren donnelegoût,ilsadorentparaderharmonieusementsurunepistedecirque,augrand bonheurdesspectateurs. Nousnousétionsdoncrendusàl’élevageenquestion,oùlepropriétaire,undénommé Vaniaauxcheveuxlongsetgras,etàl’expressionsournoise,proposaitunlotdequatre poulainsàunprixraisonnable.Ilsétaientalignésdansdesstabulationsétroites,dansun hangarsombrefaitdetôles.Pèreavaittiquédevantleurmaigreuretleurregardéteintet s’apprêtaitàrebrousserchemin,quandoncleVassili,plusdiplomate,avaitdemandéàles examineràlalueurdujour,enmouvement. Père,renfrogné,secouaitlatêteenlesregardantmarcher,gauches,efflanquésetapeurés, tirésparleurlongeparVaniaquileshouspillaitdurement.Iladit«Niet»àmononcle avantd’amorcerunmouvementdedépart,quandsoudain,untintamarreépouvantablea surgidel’arrièreduhangar.Deshennissementsfurieux,accompagnésdecoupsdansla tôlequifaisaienttremblertoutl’édifice.Vania,lamineextrêmementcontrariée,aremis leslongesdespoulainsdanslesmainsdeVassiliavantdeseprécipiteràl’arrièredu bâtiment: -Zaldia,mauditétalon!Jevaislebriserlesreins! Pèrel’asuivi,etj’aicourudemespetitesjambesderrièrelui.Vaniaavaitsaisiune chambrièreetilfouettaitsanspitiél’étalongrisquisedébattaitàl’intérieurd’unestalle, ruantdanslesparoisdetôleetsedémenantcontrelescordagesquileretenaient prisonnier.Lepauvrechevalétaitstriédezébruresetdemarquessanguinolentes,ilavait l’œilblancderageetdelabavemoussaitaucoindeseslèvres.Pères’estalorsjetésur Vania,luiaarrachélachambrièredesmainsavantdeluibalanceruncoupdepoingen pleinvisage.L’homme,assommé,gisaitdanslapoussièreetsemassaitlenez,incrédule: -Mais…commentvoulez-vousquejepuissevendrecetanimalsijenel’aipasmaté avant? Pèrealevélachambrière,prêtàfairesubiràVaniacequ’ilvenaitdefairesubiràl’étalon, maisj’aicriéd’unevoixsuraigüe: -Non!Arrête,s’ilteplaîtarrête! Pèrem’adévisagéecommesij’étaisuneextra-terrestre,ilavaitlevisagerougecommeune betteraveetleregardpresqueaussifouqueceluidel’étalonmaltraité.Aprèsuntempsqui m’asembléinterminable,ilalâchélachambrièreavantdesefrotterlevisage énergiquement,commepourchasserlesrestesdelacolèrequil’avaitsubmergé.Puisila sortidesapocheunrouleaudebilletsattachésparunélastique,l’alancételuncrachat surVaniaquiseprotégeaitlevisagedesmainsparcraintederecevoirunepluiedecoups supplémentaires: -Jeprendslespoulainsetl’étalonpourlemêmeprix.Priezvotredieupourquejene croiseplusjamaisvotreroute. Pèreatoujoursprovoquéenmoiunesortedepeurmêléederespect.J’aicommencéà l’aimerquandjel’aivucapabled’empathiepourseschevaux,capabled’unepatience infiniepourlessoigneretsurtout,conquérirleurconfiance. Cen’avaitdéjàpasétéuneminceaffaired’embarquerleschevauxdansnotrevandepuis l’élevage.Lespoulains,aprèsavoirétéabreuvés,etàforcedeparolesdouces,decarottes etdecaresses,avaientacceptédegrimperlarampeduvan.RestaitàamadouerZaldia. OncleVassili,quiélevaitpourtantdestigresdepuislebiberon,étaitatterrédevantla fureurdeZaldiaetmeretenaitàl’écartdelastalle: -C’estuneerreurdeprendrecetanimal,Sergueï.C’estunfauveadulteàl’étatsauvage, impossibleàdompter.Ilvanoustueravantqu’onpuissemêmel’approcher. L’étalon,prisdanssescordages,nousobservaitducoindel’œil,lecorpsparcourude frissonsnerveuxetlesmusclestenduscommeunarc. -Jenepeuxpaslelaisserici,arépondumonpère. Ils’estalorsavancéversl’étalonàpaslentsmaisdéterminés,paumesouvertes,luiparlant àvoixbasse: -Jenevaispastefairedemal,l’andalou.Laisse-moitelibérerdetesentraves. Ilacontinuéàprononcerdesparolesrassurantes,lamusiquedesavoixm’hypnotisait commecelleduhangdontjouemoncousinIgor.C’estunesortedetambourarrondien métal,unepointeensoncentreetcinqrenfoncementsautourcommel’empreintedela paumed’unemain.Rienàvoiravecunegrossecaissequel’onmartèleavecunmaillet. QuandIgorfaitdansersesdoigtssurletambourposésursescuisses,lecaressecomme unchat,lesvibrationsetlessonss’entremêlentdansunemélodieenvoûtante.Lesoirau coindufeu,quandIgorjouedesonhang,leventdessongesselève,celuidesvoyages imaginaires.Lesyeuxseferment,desimagesheureusesounostalgiquesseforment derrièrel’écrandespaupières,lesespritsvoyagentsurleclapotisdesvaguesdesmers chaudes,surlesailessoyeusesdesoiseaux.Lestigresfeulenttoutdoucementenéchoà cettevoixvenuedufonddesâges,duventresecretdelaterre. Est-cecettevoixqu’écouteZaldia?Frémissant,sursesgardes,illaissePères’approcher, sesoreillesdansentunballethésitant,sesnaseauxfrémissent.Maisquandladistancelui sembletropcourteavecl’humain,illesignifieencouchantlesoreillesetenmontrantles dents.Ils’agite,àchaquepasqu’iltentepourprendrelafuite,l’attachebarbaredescordes luicisaillelesjarrets,lecuirtendudesonlicolattachédeface,degaucheetdroite,brûle satête,sagorge.Pères’arrête,resteimmobileunlongmoment,continuedeparler.Puisil sorttrèslentementdesonceinturonunlongcouteau,letendverslechevalquitrépigne d’inquiétude,recommenceàcognerdesesflancslesparoisdetôle.Latonalitédelavoix dePèrechangeunpeu,devientplusgutturale,jen’entendspassesparolesmaisjevois l’étalontenterdesetournerfaceàPère,ilcessedecognerlesparois,ilfinitpar s’immobiliser.Pèreavanceànouveau,lentement,etd’ungesterapideetprécistranchela cordequiemprisonnelesjarretsducheval.Ilreculeprestement,tandisquel’étalonse démène,rue,faitdessautsdemoutonàdéfautdepouvoirsecabrerets’enfuir.Père attendquelechevalsecalme,toutenpsalmodiantsesparolesderéconfort.Bientôtle poitraildeZaldia,quis’enfleetsedégonfletelunaccordéon,entameuntempopluslent, sesjambeslibrespiétinentlalitièresale,hésitantesdevantcettelibertépartielle.Iltiresur lesentravesdesatête,maiscomprendvitequ’ilnepourralesbriserseul.Alorsilfixedu regardl’humainunlongmoment,avantdesetassersurlecôtépourluilaisseruncouloir d’accès.Pères’avance,semetparallèleaucorpsducheval,évitanttoutcontactaveclui, puistranchelesdernièresentravesavantdereculerdansl’angledelastalle.Zaldia,enfin libre,secouelatête,pousseunlonghennissementavantdesecabrerfaceàmonpère. Moncœurmanqueunbattement,jesenslamaind’oncleVassilisecrispersurmon épaule,saprédictionva-t-elleseréaliser?L’étalonva-t-ilpiétinerPèrepourlepunir d’êtreunhumain? Zaldiarestedresséenl’airunmomentquimesembleinterminable,avantderetombersur sesquatresabotsetdesortirenfindecetteprisondemétal.Ivredesalibertéretrouvée,il galopeàfonddetrain,virevolte,alterneruadesetcabrades,s’éloignedanslasteppe, avantdedisparaîtreaudétourd’unecolline.JeregardePère,unsourires’estdessinésur sonvisage,sesyeuxsuiventuneétoileauloin,désormaisinvisible,ilestcomme transfiguré.Etpuisd’ungestefurtifilessuiesesyeux. Vassilitapotematête,jelèveleregardverslui,unejoiepuresemêleausoulagementsur sestraits.PourPère,c’étaitcommesid’avoirrendusalibertéàcechevalmaltraitépouvait surmontertouteslesmisèresdumonde,consolerdetouteslespertessubies,redonner désiretespoirenl’existence. -10LetrajetderetoursurlesroutescabosséesdelasteppedeKouloundadéserte,avecles quatrepoulainsdanslevan,s’étaitfaitdanslesilence,aucund’entrenousn’osantbriser l’émotionfragiledelalibérationdeZaldia.Detempsàautre,lespoulainsquiavaientle nezauventcommentaientàleurfaçonlepaysage,réagissantpardeshennissementsde surpriseoud’appelàdesparfumsnouveaux,aumurmureduventdanslestigesdebléen herbequis’épanouissentdanslaterrenoire,saluantlevold’unebuseoulacoursed’une antilopesaïgaàtraversleschâtaigniersdéployantleurparured’été.Puisunmoment,ils semirentàhennirdeconcert,àpleinevoix.Deshennissementstrèsaigus,répétés, commes’ilsapercevaientunebellepâtureous’ilsreconnaissaientuncompagnond’écurie. OncleVassiliregardadanssonrétroviseur,parunautomatismedeconducteur,etjevis sonvisageexprimerlaplusgrandesurprise.Ilralentitetsegarasurlecôtédelaroute, regardantmonpèreavecinsistance.Celui-cisomnolaitàmoitié,etnecomprenaitpas pourquoilevans’arrêtait. -Maisdescends,Sergueï!Onadelavisite! Père,interloqué,sefrottalevisagepourémergerdesatorpeuretouvritsaportièreen grommelant.Sesprotestationscessèrentnetlorsqu’ilaperçutnotrevisiteur,Zaldia!Il nousavaitsuivis,peut-êtreentantquechefdetroupeaupourprotégerlespoulains,ou alorsparbesoindecompagnie? -Nadja,attrapelesacdecarottesetviens,a-t-ilmurmuré. Zaldias’étaitretranchéderrièrelesarbres,guettantnosmouvements.Pèreasaisiune bellecarotte,s’estavancéverslalisièredechâtaigniers,s’arrêtantàdistancerespectueuse del’étalon.Ilatendulacarotteverslui,l’aappelédesavoixrassurante.Lèvresretroussés etnaseauxécarquillés,l’étalonreniflaitavidementleparfumdescarottes.Ilémitdes petitsronflementsdecuriositégourmande,trépignantderrièrelabarrièredesarbres, encoreindécisàlafranchir.Danslevan,lespoulainss’excitaient,appelantleurcongénère àgrandsrenfortsdehennissementsjoyeux.MaisZaldiarésistaitencore.AlorsPèreposa lacarottequ’iltenaitenmainsurlesoletreculadequelquespas,toutencontinuant d’appelerl’étalon,lesbraslelongducorpsetpaumesdirigéesverslui.Aprèsunebrève hésitation,Zaldiasortitdesonabri,dansad’uncôtéàl’autreavantdesedécideràvenir happerlacarotteetseréfugierànouveauderrièrelesarbres.Pèreprituneseconde carottedanslesacquejeportaisetavançadequelquespas.Lesacétaitbienlourdetje décidaideleposerausoletdem’assoiràcôté.PèrerepritsaconversationavecZaldia, pourlecharmer,l’attirerverslui.Lechevaldansa,hésita,puisvintsaisirunemoitiéde carottedanslamaindePère,puisrecula,dansaencore.Lorsqu’ileutdévorélaseconde moitiédecarotte,reculé,dansé,iltrottinaversmoi.Enfinverslesacdecarottesouvert devantmoi. -Pasdemouvementsbrusques,Nadja,merecommandaPèred’unevoixoùperçaitde l’inquiétude. Jenebougeaipasd’uncil,laissantZaldias’approcher,danser,venirchipersoncontentde carottesjuteusesetsucrées.Était-ceparcequejen’étaisqu’unemoitiéd’humainqu’ilne mecraignaitqu’àmoitié?Toujoursest-ilquejeneressentaisaucunepeur,maisdela compassionpourcepauvrechevalauxplaiesàvif.Jeluimurmuraidesmotsdetendresse et,aurisquedelefairefuir,j’aitendumamainversluietj’aicaressésonencolure,dans unezonepréservéedeblessures.Ilafrémi,maiss’estlaisséfaire. UngrincementnousfitsursautertousdeuxetjecraignisqueZaldianesesauve.Ilrecula, lessensauxaguets.OncleVassiliavaitouvertsaportièreetdiscutaitavecPère. -Vienstrèsdoucementverslevanaveclesac,ditPère. Jemerelevailentement,sentantZaldiafrémird’inquiétude,maisilnes’enfuitpas.Je reculaiverslevan,etintuitivementjeposaidetempsentempsunecarottedansmon sillage,telslescaillouxdupetitpoucet.Zaldiapoussadeshennissementsdefrustration, refusantpourl’instantdem’emboîterlepas.C’estseulementquandj’étaisentréedansle véhicule,etquenousnousétionsremisenrouteàfaibleallure,queZaldiasedécidaà allercroquerlescarottes-cailloux.Accompagnédesencouragementssonoresdes poulains,ilnoussuivitjusqu’aucampement,etacceptaderejoindretousleschevauxdans lepaddock.Etc’estainsiquenousavonsrécupéréunétalonetquatrepoulainsàquiil fallaittoutapprendre,àcommencerparl’amour… PèreaconsacréuneimmenseénergieàZaldia,luiparlant,l’éduquantpeuàpeu,gagnant saconfianceetsonestime.Jecroism’êtresentieparfoisjalousedutempsquePèrepassait aveclui,àmesdépens.Ilsontunetelleentente,cesdeux-là,qu’iln’yaguèred’espace pourd’autres.Enlesregardantmarchercôteàcôte,épaulesimpeccablementalignées,je voisuncoupleparfait,deceuxquiseconnaissentsibienqu’ilscommuniquentsans paroles.Jemedemandeparfoissicen’estpasZaldiaquia«guéri»Père,quelques annéesaprèsladisparitiondemamère.Malgrésanatured’étalon,laplacequ’ila conquiseentantqueroiincontestédeschevauxducirque,ilaenquelquesortefait allégeanceàPère.Etpourtantnuln’auraitcruqueZaldiaobéiraitànouveauàunêtre humain,tantilavaitdebonnesraisonspourleshaïr… JemesuisconsoléeunpeudeladistancequePèreprenaitavecmoipours’occuperde Zaldia,carducoupilm’adéléguéledressagedesnouveauxpoulains!Commeilsétaient doux,dociles,joueurs,ilsapprirentviteetnouspûmesbientôtproduireunnuméroqui plutbeaucoupaupublic.Zaldianousobservaitintensémentquandnousrépétionsà l’extérieur,apprenantàdistancelarelationqu’ilpouvaitnoueravecdeshumains bienveillants.Jusqu’aujouroù,àlaplusgrandesurprisedePère,ilsautalabarrièredu paddocketsejoignitànous! -11Jen’aiaucuneenviedemelever.Hannibalfaitd’énormesprogrès,ilsembleàl’aiseà touteslesalluresbienquepréférantvisiblementmonterMishkaetMysh’harnachés plutôtqu’àcru.Moijenesersàrienpuisqu’iltravailleseulementavecPère.Cedernierest d’unehumeurexécrabledepuisdeuxjours,quandnousavonsdécouvertaupetitmatin Hannibaldanslemanège,juchésurMysh’,selléeetbridée,lacravachantcommeun forcenépourlaforceràluiobéir. -Jevousinterdisdefrappermeschevaux!Vousn’avezdoncriencompris?s’estemporté Pèreenseprécipitantsurluipourluiarrachersacravacheetl’obligeràmettrepiedà terre.Jamaisvousnevousferezobéirdurablementparunchevalparlaviolence.Je reparsimmédiatementavecmeschevaux! Jen’aipasassistéàlasuitedeleuraltercationpuisquejemesuisempresséed’allersortir lapauvreMysh’dumanègeetdel’éloignerdeceméchanttype.MaisHannibaladû trouverlesargumentspourfairechangerd’avisPère,puisquenoussommestoujours coincésdanscemauditchâteau.Aujourd’huiilestcensémonterZaldia,maisjecroisque çavaêtrereportévuletempsépouvantablequis’estabattusurnous.Lecielaoubliéqu’il étaitbleu,touteslesnuancesdegrisetdenoiralternentlugubrement,leventfaitployer lesarbresetlapluieinondetout,àcommencerparmonmoral. Jefinisparcraqueretsortirdesouslacouettepourallermedégourdirlesjambes.J’avais enviedemepromenersurlacornicheausoleil,maisjevaisreportermonprojeteten profiterpourexplorerl’intérieurduchâteau.L’undesemployés,celuiaunom imprononçable,n’avait-t-ilpasparléd’unebibliothèque?Nousquisillonnons constammentlesroutes,avonsrarementl’occasiond’emprunterdeslivres.Etàpartles vieuxmanuelsscolairesponcésparlesgénérationsd’enfantsducirque,jen’aipas beaucoupvoyagédansl’écrit!Jemedirigeverslehalld’entréesansrencontrerâmequi vive.Jelance: -Euh…Ilyaquelqu’un? Seull’échodemavoixmerépond.Bon,tantpis,j’hésiteuncourtinstantavantdegrimper surlesmarchesdel’escalierencolimaçon.Cettefois,lalumièrequiprovientdudômede verrenezèbreplusl’espace.Griseetviolacée,elleternittouslesportraitsd’ancêtres,les regardsdesdisparusmesuiventcommedesfantômesetjecommenceàregrettermon intrusiondansl’universdeHannibal.Jeréaliseàleurfacturequeplusjemonte,plusles costumesdanslestableauxserapprochentdenotreépoque.Tiens,lacollectionde tableauxs’arrête?J’observelederniertableau.Unefamilledequatrepersonnes,en vêtementsdesannées1970-1980jecrois.Toussourient,àpartungarçonbrunâgéde6 ou7ans.Jescrutesestraits,ondiraitbienqu’ils’agitdeHannibal.Maispeut-êtreest-ce dûauvieillissementdutableau,ondiraitqu’ilalesyeuxvairons,l’unbleuetl’autre marron.IlmesemblequeHannibalalesdeuxyeuxbleuacierpourtant?L’expressionsur sonvisagemedérangeunpeu,alorsjedétournemonregardverslegarçonplusjeuneaux cheveuxclairsquiposeavecfiertéàcôté.S’agirait-ildesonjeunefrère?Pourquoila collectiondeportraitss’arrête-t-ellebrusquementàcetteépoque? Sansréponsepossibleàcesquestions,jepoursuismonascensionjusqu’àl’ultime plateformedesservieparl’escalier.Sousledômedeverre,j’entendslapluietambouriner sansdiscontinuer.Lesnuagesquicaracolentfurieusementprojettentdesombres mouvantessurlesmursetlesolrecouvertd’unparquetblondparfaitementciré.Jeferme lesyeuxunmomentpourrespireràfondcetteodeurnouvelledecire,debois,traversée ensuitepardeseffluvesdecuir.Enmeconcentrantencore,jecroisreconnaîtreleparfum depapierdenosmanuelsscolairesetjesourisenrouvrantlesyeux:jesuisentréedansle royaumedeslivres! Surcinqousixmètresdehauteur,lesmurssonttapissésdelivres.Unrailcourtàlabase desétagèresetuneglissièreparcourtleursommet,permettantàuneéchelledeboisde coulissertoutlelong.Lesdoigtsunpeutremblants,jepoussel’échellesurlecôté,elle glisseparfaitementsansmêmeunchuintement.Jefrissonned’excitationetjemonteune àunelesmarchesdel’échelle,savourantcommedansunfilmenaccéléréledéfilédes lettresd’orgravéessurlatranchedecuirdeslivres.Ilmefaudraitplusd’uneviepour pourvoirliretouslesouvragescontenusdanscettebibliothèque!Parvenuetoutau sommetdel’échelle,jelanceunregardcirculairesurcestrésorsdepapier,jemesensnon pascommelemaîtredumonde,maiscommelecapitained’unnavirejuchéàladunetteet veillantsursaprécieusecargaison,celledusavoiruniversel! Jesorsdélicatementunlivredesonrayonnage,plongemonnezdanssespagesàl’odeur douceâtre,celamegrise.Sijepouvaissuspendrelacoursedutemps,jem’enfermeraisici etjedévoreraisunàuntousceslivres,dansl’ordredebasenhaut,oupeut-êtreen laissantauhasardlesoindedésignerteloutelquim’appellerait!C’estalorsqu’unbruit inattendum’extirpebrutalementdemonrêveetjemanquedetomberdel’échelle. Quelqu’unvientderefermerlaported’entrée!Jeremetsvitelelivreàsaplaceetje redescendsl’échelleenfaisantlemoinsdebruitpossible,jemerecroquevilledanslecoin lepluséloignédelabibliothèque,metassantaubasdesétagèrescommeunepetitfille attendantdesavoirsielleserapriseenfaute,lesoreillesgrandesouvertespourguetterde bruitsdepasenapproche… Jereconnaisalorslavoixdel’employéleplusâgéquiparletoutseul,ouquirépondà quelqu’unautéléphonepuisquesesparolessontentrecoupéesdeblancs: -TrèsbienMonsieurHannibal…Istanbul,immédiatement.Oui,Monsieur,jem’en occupe…Demain10h… Lavoixs’éloigne,desportess’ouvrentetsereferment,lesilencedenouveau.Ouf!De soulagement,j’affalemondoscontrelesétagèresetsoudain,lesolpivoteetjeretrouve projetéedansunlieutotalementinconnu.Ausecours! -12Turquie-Zacharias Jeluiaidonnérendez-vousdansleKapaliÇarsid’Istanbul,leplusgrandmarchécouvert ancienaumonde,chezmonamiantiquaireYilmaz.Ilm’estarrivédefaireaffaireaveclui, luivendantquelquesunesdesoffrandesdefidèlesorthodoxesvenusaumonastère échangerunevieillerieinutilecontrelapromessed’uninfinitésimalmorceaudeparadis. Parmicesvieilleriessecachentparfoisdestrésorsdegrandevaleurmarchande, détectablesseulementparunœilexpert,etYilmazatoujoursétéceluiquim’enproposait lemeilleurprix.Au-delàdesagrandecivilitéetdesadiscrétion,puis-jeappeler«ami» quelqu’unaveclequellelienserésumeauprofitcommun?Toujoursest-ilqu’ils’agit d’unedesrarespersonnesàquijepeuxdemanderunservicediscret,commeceluide recevoirdanssonarrière-boutiqueuninconnudontjemesuisbiengardéderévéler l’identité. J’aifixél’heuredurendez-vousquelquesminutesavantlafermeturedumarché,à19h.Il seraponctuel,iln’estpasdeceuxquiseperdentdanslesdédalesdescouloirs,des passages,descours,des58ruessurmontéesd’unesuccessiond’arcadesparéesde mosaïquesdecouleurbleue,rougeetverte,renfermantplusde4000boutiques.Lui, Hannibal,ignoreralesharanguesdesmarchandsdetapisetsauraserendredirectement au«VieuxBazar»,lecaravansérailprincipaletleplusancien,aucentredetousles couloirs.Danslacorporationdesantiquaires,Yilmazestconnucommeleloupblanc. D’ailleursYilmazécartelalourdetenturedamasséequimasquel’arrière-boutiqueet abritedesregardsetdubrouhahadelafoule.Ilinclinelatêtedevantlevisiteuretlefait pénétrerdanslaconfortablealcôveoùjel’attends. J’airépétél’entrevueavecsoin.Jenechercheraipasàm’excuser.Jenelaisseraipasma voixtrembler.Jenemecourberaipasdevantlui.Lepasséestlepassé,icietmaintenant noussommeségauxdevantledieudesAffaires.Pourtantquandl’hommes’assiedenface demoi,posesurlatableunemalletteencuirbienplusrenfléequecellequej’étaiscensé remettreàLeyla,lapressiondansmesviscèresaugmentesubitementetj’avalemasalive involontairement.Ilestdecesgensquisoumettentlesfaiblesparl’émanationde puissancedeleurseuleprésence,deceuxdontleregardvousjugeàlamanièred’une guillotine.Jedétourneleregardettendsàmoninterlocuteurleparchemincontenantles propostestamentairesdusoldatgrec,aveclareproductiondufragmentdel’étoilede Zeus.Ildérouleleparcheminavecprécaution,leparcourtduregardsansmontreraucune sorted’émotion.Puisillerefermeavantdemetranspercerduregard: -Zacharias,vousn’avezdoncpudéduiredecetécritl’emplacementdutempledeZeus, auxprêtresduquellesoldatauraitconfiélefragmentd’étoile? -Non. J’aipourtantcherchéàreconstruirel’itinérairedusoldat,parcourantlesarchivesdes découvertesarchéologiquespersesethellénistiques,scrutantlescartestopographiques lesplusanciennesdesmondesindou,perseetgrec,maisj’aifiniparcomprendrequeje n’yparviendraispasenuntempsraisonnable–entoutcaspasseuletsansconnaîtreles tenantsetlesaboutissantsdecetteaffaired’étoiledeZeus.J’aidécidéalorsdevendreà Hanniballedocumentquipourraitlemenersurlapistedufragmentd’étoile,renonçantà unprofitquiauraitétéencoresupérieurmaisbeaucoupmoinscertain. Devantmaréponsenégative,Hannibalhochelatêteavantdesereleveretdeglissermon parchemindansunepochematelasséeàl’intérieurdesaveste: -Alorsvousnem’êtesplusd’aucuneutilité,faitilentendantversmoiunrevolvergarni d’unsilencieux.Jevousauraispeut-êtreépargnésivousnem’aviezpastrahiune premièrefois. Àpeineunsifflementétouffé,etunedouleuratroceserépanddansmapoitrine. J’aperçoislasilhouettevoiléed’Hannibaldisparaîtrederrièrelatenture,jel’entends proférer: -Gardezl’argentpourlesfraisdenettoyage,Yilmazmonami. Enpendantquejeréalisequejesuisentraind’agoniserdansunemaredesang,seuldans cettealcôveprêtéeparmon«ami»pouravoirosémecroirel’égaldeHannibalen affaires,jerassemblemesdernièresforcespoursaisirmontéléphoneportable.Jefais glissermesdoigtsdeplusenplusrigidessurl’écran,sélectionnelaphotoduparchemin quej’avaisprisepourpouvoircontinueràl’étudiersecrètement,l’envoieàladernière personneaveclaquellej’auraissouhaitém’allier:Leylal’Égyptienne.Cetacteultime accompli,mesdoigtsengourdislâchentletéléphone,jemesenssouriredansma consciencedéclinanteauxdémonsvenusmechercher.Hannibal,tunel’emporteraspas auparadis… -13Égypte-Leyla -Alors,habibti,vousavezfixéladatedumariageJohnettoi?Aïe! C’estbienfaitpourellesij’aitiréunpeufortsurlabandedecireausucreétaléesurla cuissedeMadameArfaoui.DepuisquematanteWadihaalâchél’informationsurmon amoureuxauxclientesdusalondebeautéBaisersucré,ellessonttoutescommedes mouchesaffaméessurmoi.Ellesnepourraientpastrouverunautreâneàtourmenter? D’autantqu’iln’estpasquestiondemariage,Johnnem’amêmepasencoreprésentéeà sesparents…Bon,ilshabitentàSeattle,c’estunpeuloinduCaire,maisc’estpasune raison,etjamaisjen’iraihabiterdanslavillelapluspluvieusedesUSA,etpuis…Ahzut, j’aioubliémonsmartphoneallumédanslapochedemabloused’esthéticienne. -Excusez-moiuninstant,madameArfaoui,jereviensdesuite. -Ahl’amourn’attendpas!Youyouyou! Maisjevaisl’épilerintégralementcelle-là,cheveuxcompris,nonjevaisluifaireavaler toutelacasseroledecirepourlafairetaire!Vitejefiledansl’arrière-boutiquepour consulterlemessagequejeviensderecevoir. Cequej’ydécouvremedonneuncoupaucœuretjesensmesjambesflancher.Le messagedit:«venge-moiettrouve-leavantlui». J’ouvrelapiècejointe.JezoomesurledocumentenvoyéparfrèreZacharias,l’âme damnéedeHannibal,reconnaissantaveceffroiensoncentreledessind’unfragmentde l’étoiled’AlexandreleGrand,unfragmentquenousn’avionspasencorevu.SiHanniballe retrouveoul’adéjàretrouvé,ilauraensapossessionquatresurlescinqfragmentsde l’étoile!NonLeyla,nepaniquepas.Jechercheàretrouvermoncalmeetjetransfèrele documentauxmembresdemonréseau,demandantunevisioconférenceurgente.Jetente ensuited’appelerfrèreZachariaspourcomprendrecommentils’estprocurécedocument, etpourquoiilmel’atransmis,maismonappelrésonnedanslevide,sansfin,iln’ya mêmepasderépondeur.Houlà,ças’annoncemal…Trèsbien,jemedébarrassedema blouse,enfilemonJeansetmesbaskets,attrapemoncasqueetfileprévenirmatante Wadihaquejedoism’absenter,pouruneduréeindéterminée.LespoilsdrusdeMadame Arfaouisepasserontdemesservices! J’enragedemettreautantdetempspourarriveràl’universitéenscooter,àcausedela circulationdefousquirègne24hsur24auCaire.Enfinlasalleinformatique,jefoncevers lecoinleplusreculéoùj’airepéréunordilibre.Jemeconnecteànotreréseau,enfileun casqueavecmicro,prêteàentendrelapirecommelameilleuredesnouvelles. Battushigestlepremieràserendrecomptedemaprésence,ilmefaitunsalutdelamain surundesécransscindés: -BonjourLeyla,pastropchaud,auCaire? -Bonjouràtous,alors,oùvousenêtes? -LeprofesseurKeusséoglouàAthènesdéchiffreletexte,ilnousadéjàorientésurlapiste d’unsoldatd’AlexandreleGrandauquelleGénéralPtoléméeauraitconfiélamission d’éloigner… -…lequatrièmefragmentdel’étoilemaudite!Ledessincorrespond? -OuiLeyla,intervientleprofesseurTemudjin.Ettouslesmembreshistorienset géographesduréseautravaillentsurledocument,noustentonsdereconstituerletrajetce soldatdepuisl’Inde,bienquelesproposdupauvrehommesemblentunpeuincohérents. -Etmoicommentjepeuxvousaider?intervientalorsmonJohnchérid’amour,quivient toutjusted’apparaîtreàl’écranetquiseréveilletoutjustevulacoiffuredepoussin électrocutéetlesmarquesdel’oreillerquiluizèbrentlevisage. -Dèsquenousauronsétabliuntracéassezprécisdesontrajet,reprendleprofesseur Temudjin,Leyla,toietlesarchéologuespourrezplanchersurlestemplesdédiésàZeus existantàlafinduIVèmesiècleavantJC. -Dis,monpiou-piouquej’aimeplusquelesloukoums,c’estquandquetureviens? -Euh…fait-ilenprenantuneteintetomatepiléeaupimentextrafort,Leyla,onn’estpas enconversationprivée… -Oups!fais-jeenroulantdesyeuxeffarés.Excusez-moi,jevouslaissetravailler… Malgréleurstressapparent,lesmembresduréseaunoussaluentetlâchentunsourire avantd’interromprelavisioconférence.C’esttoutmoiça,Leylalaboulette! -14Paysbasque-Nadja J’aiactionnémalgrémoil’ouvertured’unpassagesecret,etjemeretrouveprisonnière dansunesallecapitonnée,sansfenêtresniportes,cachéederrièrelabibliothèque.Une sallequipourraitdaterdu22èmesiècletantl’équipementhigh-techquil’ameublesemble sortidufutur.Jevoisdesécransplatspartoutsurlesmurs,éteints.Aucentredelapièce trôneunetabledeverrepoliassezhaute,quidiffuseunemaigrelumièreunpeubleutée danslapiècesombre.Sonplateauestgarniensoncentredesortesdemannettesquien dépassent.Lestroismannettesmerappellentlelevierdevitessedesvoiturettesdu château.Jechassecettepenséeincongruepourmeconcentrersurunmoyend’ouvrirle passagesecretdansl’autresens,jem’imaginedéjàmourantdefaimdanscetteprison insonorisée,lagorgedesséchéeparmesappelsausecoursinaudiblesdel’extérieur,tandis quePèresetorturedechagrindenepasmetrouver,explorantchaquecaillouaubasdes falaises,conjurantl’océandeluirendrelecorpsdesapetitefilleperdue…Nonj’aiun scénariopresquepire:jesuisdécouverteiciparHannibal,leseulàconnaîtrel’existence decepassagesecret,àsonretourd’icidemain10h…Danslesdeuxcas,jesuismorte! Fébrile,j’appuiesurlesrayonnagesdelivresderrièremoi,cherchantundéclicsalvateur. Jetentedelesretirerdeleuremplacement,maisonlesdiraitcollésentreeuxetsurles planches.Jem’attaqueausol,deboutpuisàquatrepattesjetentedelefaireglisser, coulisser,maisrien,strictementrienneseproduit.Jeparcoursdesmainslesmursnusde lapièce,enfinlecapitonlisseetinsonorisantquilesrecouvre.Maisjenesensaucune aspérité,aucunsystèmedepoignéeoudeverrou.Cen’estpaspossible,ildoitbienyavoir unefaçonsimpled’ouvrirdansl’autresenscefichupassage!Àmoinsqu’unedes manettessurtableenverreservedecommandepourouvriretfermercetteporte invisible? Jemediriged’unpasdéterminéverslatable…avantderesterpétrifiéedevantl’examen desoncentre.Jemesenscomplètementperdueetincompétentedevantcetinstrumentde pilotageaussiinconnupourmoiquelacabined’unenavettespatiale!J’espéraistrouver unsemblantdeclavierd’ordinateur,quiàdéfautd’écriremontestamentm’auraitpermis d’envoyerunappelàl’aideverslemondeextérieur,untrucdebasecommeunmailpar exemple.Maisnon,iln’yarienquecestroismannettes…J’eneffleureune,etjemanque hurlertantl’effetproduitmesurprend. Lesécransquitapissentlemurs’allumenttoutd’uncoup,jesuisassaillied’imagesen mouvementquimedonnentletournis.Ondiraitquecesécranssontreliésàdescaméras filmantunballetdescènesentempsréel,unpeupartoutdanslemonde.Jemetrouve dansunetourdecontrôledigned’unesociétéd’espionnagesecrète!Jerespire profondémentpourreprendremoncalme,avantdescruterlesécrans.Unepremière partiemontretouslesalentoursduchâteau,ycomprislapisted’atterrissageparlaquelle noussommesarrivés,etlapartieréservéeauxchevaux.Unedeuxièmepartiemontre… l’intérieurduchâteau,dontleschambresattribuéesàPèreetmoi!Jesuisscandalisée devantcevioldemonintimité!C’estquicetype,undétraquéparanoïaque?Allez,je reprendsmesesprits,jeveuxcomprendrecequeHannibalguettedanscettetourde contrôle. Là,onchanged’environnement,depaysprobablement.Desimagesprisesdansune entrepriseultramoderne,c’est…laHannibalCorp.,dansleMassachussetts,d’aprèsune plaqueincrustéeàl’entréedubâtiment.Àl’intérieur,denombreuxlaboratoiresoùil semblerégnerunfroidàpierrefendretantleslaborantinssontcouverts.Lasociété fabriquedescongélateursouquoi?Jecontinue.Cettefois,unevitrined’antiquités,allant decostumesanciens,àdesarmesblanches,enpassantpardelasellerieenpiteuxétatet unbijoubrisé.Ondiraitlesquatresommetstriangulairesd’unecouronneantique,qui auraientétédétachésviolemmentdel’anneaudisparudelacouronne.Etlà,tiens?Des visagesdejeunesgensquidiscutentdevantleurécrand’ordinateuroudetéléphone… Pourquoiespionne-t-ilcesjeunes-làenparticulier?Enplusiln’yapasdeson,donc impossibled’ycomprendrequoiquecesoit.Etenfin,voiciunchâteauinvraisemblable, sortid’uncontedefées,nichéaucœurd’uneétroiteetsombrevalléetapisséed’uneforêt degrandspinsnoirs.Ilestencoreplusimpressionnantquelechâteauoùjemetrouve,en pleinpaysbasque.Chaquepierrenoire,chaquetourelle,chaquesculpture,chaqueplan d’eausembleavoirétéélaboréparunarchitectehantépardelointainesetmeurtrières légendeschevaleresques…Brrr!Etpuis,dansuneespècedeclairièreaplanieen contrebasduchâteau,jedécouvreunétalonpresqueadulte,entièrementnoiravecune tâcheblanchesurlefront. Ilauneallureformidable,unemusculaturedéveloppée,uneélégancemajestueuseetrare. Jen’aijamaisvudechevauxdecetteraceetjesuisfascinéeparlapuissance,la déterminationquiémanedecetétrangeetmagnifiqueétalon. Puismonregardestaspirépard’autresimages,extrêmementperturbantes.Dansun bâtimentabritantdesécuries,j’aperçoisdesboxesoùquelquesjumentsauventrerenflé sontallongées,commeendormiessousl’effetdesperfusionsauxquellesellessontreliées. Puisdansdessous-solsdecebâtiment,jeplongedansdeslocauxdignesdesexpériences deFrankenstein.Partout,destablesetdumatérielchirurgicalentailleXXL,desgensen blouseblancheetmasquésquis’affairent,deséprouvettes,desmicroscopes,des ordinateurs.Surundesmurssontaffichésdesschémassurl’ADNdeschevaux,puisdes croquisreprésentantunchevalnoiràsesdifférentsstadesdedéveloppement.Jen’y comprendsrien.Monregardestensuiteattirépardessortesd’aquariumsinsérésdansles autresmurs.J’ydistingued’étrangespoissons,deschevauxflottants,inertes,dustadede l’embryonaujeunecheval.Hébétée,jefixeànouveaulechevalnoircaracolantdansle pré.Uneressemblanceindiscutableentrel’étalonetlesderniersspécimensflottantsme faitpousseruncrid’horreur: -Quelmonstre! Hannibalestungrandmaladeavecsesmanipulationsgénétiquessurleschevaux!Ilfaut quejesorted’ici,quejepréviennePère,quenousfuyionsàtoutesjambesloindecefou dangereux!Maisjen’aitoujourspastrouvélemoyendesortirdecetteprison! -15Commeunefurie,j’agitelesmanetteslesunesaprèslesautresetlevertigemeprend devantlesmilliersdesonsquisurgissentdesécrans,deslanguesdetouslespaysse mélangentenunesoupecacophoniqueétourdissante.Jemebouchelesoreilles,cherchant unmoyend’éteindrel’électricitépourinterromprelevacarme,uncâbleàdébrancherou unautremoyen,quandj’aperçoisenfindevantmoi,surlatranchedelatable,cequi ressembleàuninterrupteur.J’appuiedessus,etsoudainiln’yaplusdesons,plus d’images.Jesuisànouveaudanslenoir,àpartcettelumièrebleutéequiémanedela table,telleunblocdeglace.Ducalme,Nadja,réfléchis. Jevaisêtreméthodique:unechoseàlafoisetl’uneaprèsl’autre.Jerappuiesur l’interrupteur,lesécransserallumentmaiscettefoisjen’aipasleson.Premièremanette, lesonémaned’unécransituéverslecentre.Cesontdesbruitsdecirculationdansune villeinconnue.Jedéplacelégèrementlamanetteverslagauche,jechangedelieu,des jeunesgenss’affairentautourdetablesjonchéesd’élémentsmécaniquesetélectroniques, bavardantdansunelangueincompréhensible.Malgrémoi,jechercheunvisagerassurant auquelmeraccrocher,jeglisseaveclamanetted’unécranàl’autre,partoutdu mouvement,desgensenaction,destourbillons.Puisjem’arrêtesurunécransurlequel lesimagesnebougentpasbeaucoup.Jedécouvreunhommeassezâgé,auteintplutôt sombre,assisdevantunbureaucouvertdelivres.Ilsetientfaceàunécrand’ordinateur, leregardunpeusoucieuxderrièreseslunettesrondes,concentrésurungroscahiersur lequelilgriffonnedessignesétranges.Ondiraitunsavant,unvieuxsagebienveillant,si seulementjepouvaiscommuniqueraveclui,ilpourraitalerterjenesaispasquimais quelqu’unquim’aideraitàsortird’ici! Allezlesautresmanettes,àquoivousservez? Ladeuxièmesertàzoomeretdézoomersurl’écranchoisi,jepeuxexplorerlebureaudu vieuxsavantoudéchiffrercequ’ilécritsursoncahier,maisçanemesertpasàgrandchose.Essayonsdefairebougerlatroisièmemanette.Ah,ilnesepasserien.Si,j’entends plusfortlecrissementdustylosurlespages,jeperçoismêmelarespirationduvieux savant.Okicionpeutespionnerpleindegens,fouillerdanslesmoindresdétailssonores etvisuelsdeleurvieprivée…maisya-t-ilunmoyendecommuniqueraveceux???De frustration,mamainsecrispesurlamanette,ilaunesortedepetitclicetjepoussedes juronsdansunrussetoutsaufsoutenu.Etsoudain,levieuxsagesursauteetregardetout autourdelui.Ilposeunequestionàvoixhaute,dansunelanguequejeneconnaispas, puislarépèteenrusse: -Ilyaquelqu’un?Vousêtesrusse?Madame?Vousêtesoù? Jememetsàdéblatéreràtoutevitesse: -Monsieur!Monsieur!Aidez-mois’ilvousplait!Jem’appelleNadja,jesuisenfermée dansun,dansunendroithorrible,chezMonsieurHannibal,jenesaispascommentsortir d’ici,il… -Hannibal?VousavezbienditHannibal? -Ouioui,c’estunesallesecrètedanslechâteau,ilydescamérasd’espionnagepartout avecdesmicros,j’aiouvertlasalleparaccidentetjenesaispascommentensortir,mon pèrenesaitpasoùjesuis,je… -Doucement,respirez,onvatrouverunesolution.JecontacteBattushig,notreexperten informatique,réseaux,camérasettoutlereste,ilsauraquoifairepourvoussortirdelà. Surl’écran,jelevoispianoteràtoutevitessesurleclavierdesonordinateur,tandisqu’il marmonne: Si«BigBrother»nousregarde,alorsnousaussipouvonsleregarder… Puisilrelèvelatêteens’efforçantdemesourire: -Mademoiselle,jenevousvoispas,maisenattendantBattushig,vouspourriez m’expliquerquivousêtes,oùvousvoustrouvezetpourquoi?Encequimeconcerne,je suisleprofesseurTemudjin,delafacultédessciencesd’OulanBatorenMongolie… JeraconteauprofesseurTemudjintoutemonhistoire,ilm’écouteattentivementen hochantlatêted’unairdeplusenplusconsterné,enmedemandantdesprécisionsde tempsentemps.Ilmedemandedeluidécrirel’écransurlequelapparaissentlesquatre trianglesdelacouronnebriséeetsamines’assombritbrusquementlorsqu’ilmurmure: -Ilenpossédaitdoncdéjàun… Ilsereprendaussitôtetm’expliquecequele«Réseau»dontilfaitpartieessaiedefaire pourcontrerlesprojetsterrifiantsdeHannibal… Puisunevoixdegarçonassezjeuneretentitdanslebureauduprofesseur,danscette languequ’ilsparlentenMongolie,etleprofesseurtraduitpourmoienrusse: -Nadja,BattushigaréussiàinfiltrerlesystèmedeHannibal,ilvaouvrirlepassagesecret etvouspourrezsortir.MaisHannibalvaforcéments’apercevoirdenotreintrusionet votrepèreetvouspourriezvoustrouverendanger.Faitesdevotrepossiblepourquitterle châteauauplusvite.VouspourrezcontacterleRéseauenpassantparleliende l’universitéd’OulanBator.Boncourageetbonnechance. J’entendsalorsunlégerchuintement,etlecoindelapièce,celuiparlequeljesuisentrée, commenceàpivoter.Jem’yprécipite,quittantenfinl’antred’espionnagedeHannibal. Vite,ilfautquej’avertissePèredetoutcequisetrameetquenousfuyionsd’ici! -16Jedescendslesescaliersencolimaçonàunevitessefulgurante,repassantdansmatêteles informationseffroyablesquej’aireçuesduprofesseurTemudjin.Jen’osepascrierpour nepasmefairerepérer,maisjesuisobsédéeparl’idéederetrouverPère.Jecoursversles chambres,ouvrelaportedecelledemonpère:entièrementvide!Pareilpourlamienne, drapsretirés,placardsvidés.J’ouvreàlavoléelaportedelasalleàmanger,encorele désert.Madernièrechancedeletrouver:avecleschevaux.Jemeprécipiteàl’extérieur duchâteau,oùjeprendsunedouchedepluieglaciale.Mespiedsnussecontractentsur lescaillouxdel’alléecentrale,tantpisjevaissauterdansunevoituretteetfoncerversles paddocks,maishélasjenerepèreaucunevoituregaréeàproximité.Allez,àlaguerre commeàlaguerre,jevaiscourirtelleunemarathonienneportantleflambeaudel’alerte générale! Lapluiesemêleauxcouléesdesueursurtoutmoncorpstandisquejecoursdroitdevant, lesouffledeplusenpluscourt.Jenepeuxmêmeplusréfléchirtantlebattementdusang dansmesveinesrésonnedansmatête.Jenesensplusmespiedsécorchés,jesaisjuste qu’ilsmartèlentlesolcommemusparleurproprevolonté.Àl’approchedespaddocks,je crieàm’endéchirerlespoumons,appelantàtourderôlemonpèreetleschevaux.Mais seulleventetlesélémentsdéchainésrépondentàmesappelsdésespérés. Jecroisquelechâteauettoutessesdépendancesontétédésertéspendantquej’étais enferméedanslabibliothèque.Uneterreurpaniquemesubmerge,ilssonttouspartis,ils m’ontabandonnéetouteseuledanscetteprisonimmense,sijeveuxsortird’icijen’ai d’autresolutionquedesauterdansl’océanetdenagerjusqu’àrejoindrelacôteouun naviresortienmer,trouverdesêtreshumainsquipourraientm’aideràretrouverPère. Telunautomatejem’avanceverslereborddelacorniche,lesyeuxaveuglésparles larmes,lescouléesdesueuretlapluie.Leventmesecoue,mefaittituber,jeluttepour écarterlesbranchesdesgenêtsquirefusentdem’accorderlepassage.Mavoixcasséepar meshurlementsprécédentslessuppliedemelaisserpasser,demelaisserunechance d’atteindrel’océan,quanddesbruitsstridentsetdeséclairslumineuxdétournentmon attention.Jemetsmesmainsenvisièrepourregarderleciel,leséclairscontinuentmais lafoudrenetombepas,l’oragenetonnepas,quelphénomèneclimatiqueétrangeest-ilen traindeseproduire? Soudainjesenslestentaculesd’unepieuvremesaisirparl’arrière,m’arracherà l’entrelacsdesgenêts,metirerdeforce,tandisquedessonsétrangessebousculentàmes oreilles.Jerassemblemesdernièresforcespourmedélivrerdestentacules,pour continuerd’avancerversl’océan,maismonprénomrépétéentrelessonsétrangesfinit parmerameneràunfragmentderéalité,etjebaisseunmomentlagardepourtenter d’apercevoirceluiquiscandeainsimonprénom.Jemeretourne,Filipe,c’estlui,trempé commeunesoupe,lesyeuxbrillantsd’inquiétude,setientfaceàmoi,jenecomprends rienàcequ’ilessaiedemedire.Ilmetirealorsdeforceparlebraspourquejelesuive, maismespiedssedérobentsousmoietjemesenspartir.Mavolontécèdeavecmoncorps etjelesensmereteniravantlachute,puisavantdesombrerdansl’inconsciencejelesens mehisserdanssesbraspourm’éloignerdelabarrièredegenêts,loindelafalaise assassine… -Père! J’ouvrelesyeuxencriantd’unevoixérailléequejepeineàreconnaître.Jemedébats commeunetigressepouréchapperauxliensquimeretiennent,avantd’apercevoirle visagedeFilipe,monsauveur,penchéau-dessusdemoietquiprofèredessons réconfortants.Jem’apaiseunpeu,découvrantquejesuisallongéeaux3/4,bienau chaud,surundivanconfortable.Non,jenesuispassurundivandansunsalonmalgréla tassedethéfumantquemetendFilipe,maissurunsiègeinclinédansunpetitavionétant donnélesnuagesquejevoisdéfileràtraversleshublots.JeharangueFilipe: -Oùsontmonpèreetleschevaux? MaisFilipesecouelatête,décidémentilnecomprendtoujourspaslerussenimoila languebasque.L’angoissem’envahitànouveau:Père,Mishka,Mysh’,Zaldia,oùêtesvous?Filipeposealorslatasseetmetendàlaplaceunetablette,memontrantparsignes quejedoisappuyersurunetouche. LavoixmagnétiqueetdoucereusedeHannibalémanedelatablette: «Nousn’avonspaspuattendrequevousvousdécidiezàvousmontrer.Maisjetiensà vousrassurer:votrepèreetleschevauxsontensécuritéavecmoi.Aprèsvotre…décision dejoueràcache-cache,dirons-nous,vouscomprendrezaisémentquejenevousdivulgue pasl’endroitoùnoustrouvonsactuellement.Letravailpourlequelj’aiengagévotrepère seratrèsbientôtachevéetvousretrouverezvoscompagnonsenparfaitesanté.À conditionbienévidemmentquevousneparliezàpersonnedevotreséjourauPays basque.L’avionvousdéposeraàVladivostok,oùvotreoncleetvotretanteviendrontvous récupérer.Voustrouverezdansvosbagages,outredequoivouschausser,quelques présentspourvotrefamille.J’auraisaimémieuxvousconnaître,BosikomPrintsessa…» Lemessages’arrêtelà,sur«laPrincesseauxpiedsnus».Commeunefurie,j’arrachela couverturequimerecouvre,pourdécouvrirmespiedschaussésdeballerinesdesoiebleu saphir,assortiesàlapetiterobebleuequejen’avaispasoséeessayerdanslaboutiqueoù Filipem’avaitconduite,etquejeportesurmoi.Jemesensrougirjusqu’àlaracinedes cheveuxtandisquejerabatssurmoilacouverture,etqueleregarddeFilipefuit prestementlemienpoursenoyerdanslesnuages. Sijepouvais,jehurleraisjusqu’àfaireexploserl’avion,jehurleraisdepeine,dehonte,de colèrecontrecesaletypequicroitpouvoirtoutacheter,toutcommander.Dèsquej’aurai posélespiedssurlaterreferme,jemedébrouilleraipoursortirmonpèreetleschevaux desgriffesdecefoudangereux.JecontacteraileRéseau,jejoindraimesforcesauxleurs pourempêcherHannibalderéalisersonbut.Jamaisnousnelelaisseronsgagner! Sicettehistoirevousaplu,venezdèsàprésentretrouverZaldiaetdécouvrirlesautres chevauxlégendairessurwww.equideow.com Auteurdel’histoiredesChevauxLégendaires:ChristineFrasseto ©2015Owlient.AllRightsReserved.