Rhodes, une île grecque aux portes de l`Orient, XVe-Ve siècle av. J.-C.

Transcription

Rhodes, une île grecque aux portes de l`Orient, XVe-Ve siècle av. J.-C.
Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2015 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
« J’ai l’honneur de déposer sur le bureau de l’Académie, de la
part de ses auteurs, le catalogue de l’exposition présentée au
musée du Louvre, du 14 novembre 2014 au 9 février 2015,
intitulée : “Rhodes, une île grecque aux portes de l’Orient, XVeVe siècle av. J.-C.”, 340 pages abondamment illustrées en
couleurs, où les 189 objets ou groupes d’objets sont tous
reproduits. Cette exposition, certains d’entre nous ont pu la
visiter, sous la conduite de son commissaire français, Anne
Coulié, conservateur en chef au département des antiquités,
laquelle l’avait préparée avec Melina Filimonos-Tsipotou,
directrice émérite de la 22e éphorie des Antiquités de Grèce,
responsable de la grande île du Dodécanèse.
La manifestation invitait donc à suivre, grâce aux trouvailles de l’archéologie, l’évolution
de ces dix siècles de l’histoire d’une terre que sa situation géographique vouait à être le
théâtre d’échanges nourris entre plusieurs civilisations, celles de la Grèce, de l’Orient et
de l’Égypte. Le vif intérêt des réflexions conduites par les commissaires, la générosité
des prêts consentis par le musée de Rhodes (150 objets), le British Museum (quelque 80
œuvres), et le musée national du Danemark (50 pièces), enfin la qualité de son
“accrochage” ont fait de cette exposition un joli succès auprès du public amateur
d’histoire ancienne, succès auquel la belle édition du catalogue participe avec bonheur.
On y découvre (ou redécouvre) en particulier que cette “île aux trois villes” que chante
Pindare a connu, avant même la formation des trois cités-états de Ialysos, Camiros,
Lindos, avant la naissance de la grande cité de Rhodes, une destinée riche en épisodes,
que les fouilles, depuis celles du XIXe siècle jusqu’aux recherches actuelles, documentent
abondamment.
Les commissaires ont organisé leur catalogue clairement, en deux grandes parties, les
textes de synthèse d’abord, le catalogue proprement dit ensuite. Et ces deux parties
suivent le même rythme ternaire qui articulait l’exposition, les trois thèmes étant
l’historique des fouilles, Rhodes terre d’échanges, les ateliers locaux.
Sont d’abord retracés les travaux menés par les pionniers de l’archéologie rhodienne
pour le compte de la France et de l’Angleterre, Auguste Salzmann et Alfred Biliotti, des
personnalités attachantes que fait découvrir un texte passionnant d’Anne Coulié, et
auxquelles le Louvre et le British Museum doivent les riches ensembles qu’ils
conservent de la Rhodes archaïque : le fameux plat d’Euphorbe à Londres et ces ors du
Louvre dont les images ont inspiré la Salammbô de Gustave Flaubert en sont les têtes de
file. L’exploitation soigneuse des archives qu’ils ont laissées a permis de reconstituer des
mobiliers de tombes : c’est là que la céramique mycénienne y a fait sa première
apparition, dix années avant les découvertes d’Heinrich Schliemann. Après un excursus
sur les fouilles clandestines de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, où un certain
Arapidès, directeur d’une compagnie sise à Rhodes, s’est montré particulièrement actif,
le catalogue évoque les importantes fouilles danoises, qui font entrer les recherches
dans une archéologie plus officielle : une ravissante tête de korè, un précieux ensemble
de petites sculptures chypriotes, la singulière céramique de Vroulia, enfin la superbe
amphore géométrique d’Exochi couronnent un précieux ensemble de trouvailles
conservées à Copenhague. Vient ensuite le temps des fouilles exécutées par les savants
www.aibl.fr
1
Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2015 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
de l’Italie, maîtresse de l’île du début du XXe siècle jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre
mondiale. Y apparaissent alors, entre autres, une impressionnante tête de kouros,
l’énigmatique stèle de Kymisala, ainsi que les vases exceptionnels d’une sépulture
proche de Ialysos, qui marquent la transition du Protogéométrique au Géométrique, au
début du IXe siècle av. J.-C. Enfin, une fois Rhodes libérée, ce sont les Grecs qui explorent
désormais le sol d’une île qui leur est rendue : les tombes mycéniennes de Pylona,
proche de Lindos, et la nécropole submycénienne d’Aghia Agathè, plus au nord,
contribuent à documenter l’histoire de la Rhodes protohistorique.
Une Rhodes que le catalogue s’applique ensuite à dépeindre comme une terre
d’échanges, un carrefour commercial et artistique où les vestiges minoens ne sont pas
absents, où les importations phéniciennes sont nombreuses, où les offrandes
égyptiennes ou égyptisantes abondent, de même que les objets orientaux ou
orientalisants, voire d’autres venus d’Italie : une superbe vitrine au centre de
l’exposition illustrait brillamment cette diversité, avec des statuettes chypriotes, des
amulettes d’Égypte, un ivoire syrien, un splendide coquillage gravé syro-palestinien, une
ceinture ourartéenne, une figurine iranienne, une coupe en bronze phrygienne... Quant
aux importations de Grèce propre, elles sont abondantes, vases mycéniens venus
d’Argolide, géométriques d’Athènes et d’Eubée, orientalisants d’Ionie du Nord, de Milet,
mais aussi de Laconie ou de Corinthe. L’un de ces vases, peut-être eubéen, porte l’une
des inscriptions grecques les plus anciennes : il figurait en bonne place dans
1’exposition.
Le catalogue, dans sa dernière partie, évoque les nombreux ateliers qu’abritait l’île.
L’orfèvrerie, avec ses bijoux d’un luxe inouï, figure au premier rang. Ses techniques sont
minutieusement scrutées, avec la trouvaille étonnante de lentilles grossissantes
auxquelles avaient recours les artistes. Sous l’influence de l’Orient, le travail des
matières vitreuses, faïence et verre, y a été particulièrement actif. Enfin si 1’on a trop
donné autrefois à la céramique rhodienne, celle-ci conserve son importance : la
découverte d’une girelle de potier la fait remonter jusqu’au Bronze récent, après quoi
elle s’est illustrée par la création de vases géométriques issus de plusieurs ateliers, par
de grands récipients à relief, et par ces jarres de stockage piriformes, les situles,
décorées à figures noires ou au moyen du style local de Vroulia.
Voilà un catalogue qui, par son édition séduisante offrant généreusement au lecteur de
superbes clichés, par la haute tenue scientifique des textes livrant aux spécialistes un
panorama complet des recherches les plus récentes et les plus pointues entreprises sur
l’île, a su rendre l’archéologie aimable, sans qu’elle cesse jamais d’être savante. »
Alain PASQUIER
17 avril 2015
“Rhodes, une île grecque aux portes de
l’Orient, XVe-Ve siècle av. J.-C.”
Éditions du Louvre
www.aibl.fr
2