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nouveautés en médecine 2014 Gynécologie-obstétrique Suivi des grossesses chez les femmes âgées de plus de 40 ans et après don d’ovocytes Rev Med Suisse 2015 ; 11 : 68-71 O. Irion N. Fournet Irion Pr Olivier Irion Département de gynécologie et d’obstétrique HUG et Faculté de médecine Université de Genève Boulevard de la Cluse 30, 1205 Genève [email protected] Dr Nicole Fournet Irion Département de gynécologie et d’obstétrique HUG Avenue de Champel 24, 1206 Genève [email protected] Pregnancy care in women older than 40 years and after egg donation Pregnancies in older women are increasing. These women often have comorbidities. These pregnancies, spontaneous, after IVF or egg donation are at high risk of complications, particularly hypertension, preeclampsia, gestational diabetes, low birth weight, and delivery by cesarean section. Women with Turner syndrome can conceive only by egg donation and are at very high risk of cardiovascular complications. Screening of these comorbidities and pregnancy care by maternal-fetal medicine specialists, with pluridisciplinary collaboration, are mandatory. Delivery in a tertiary care center able to offer optimal care to the mothers and their newborns is recommended. Les femmes âgées représentent une proportion croissante des accouchées, et souffrent souvent de comorbidités. Leurs grossesses, spontanées, après procréation médicalement assistée ou après don d’ovocytes sont à risque de complications, en particulier d’hypertension, de prééclampsie, de diabète gestationnel, d’accouchement d’enfants de petit poids de naissance, souvent par césarienne. Les femmes avec syndrome de Turner ne peuvent concevoir que par don d’ovocytes et ont un risque particulièrement élevé de complications cardiovasculaires. Un dépistage des comorbidités et un suivi par l’obstétricien spécialiste en médecine maternelle et fœtale, en collaboration interdisciplinaire sont de rigueur. L’accouchement dans un centre de référence à même de répondre aux multiples défis de la prise en charge maternelle et néonatale est recommandé. introduction En Suisse, comme ailleurs, les femmes ont des enfants de plus en plus tard. L’âge moyen à la naissance du premier enfant est passé de 25 ans en 1971 à plus de 30 ans en 2012. En 2012, le nombre de femmes de 40 ans ou plus ayant accouché en Suisse a dépassé 5000. C’est cinq fois plus qu’au début des années 80 (figures 1 et 2). Durant la même période, le nombre d’accouchements multiples a doublé, passant d’environ 10 à 20 pour 1000 accouchements.1 Ces changements sociodémographiques ont plusieurs causes : le désir de grossesse de plus en plus tardif, en relation avec la volonté d’accomplir une carrière professionnelle, un changement de partenaire qui incite la femme à compléter sa famille à un âge avancé, ainsi que l’augmentation de l’infertilité avec l’âge, motivant le recours à la procréation médicalement assistée. Cependant, la procréation médicalement assistée ne résout pas les problèmes d’infertilité liés à l’âge avancé. Ainsi, un nombre croissant de femmes fait appel au don d’ovocytes. En Suisse, la Loi sur la procréation médicalement assistée (LPMA) n’autorise pas le don d’ovocytes. Les femmes vivant en Suisse n’ont donc pas d’autre option que de se rendre à l’étranger pour effectuer un tel traitement. En raison de cette interdiction, ces parturientes échappent à toute statistique. Cependant, on sait qu’en Europe les cycles par don d’ovocytes sont en augmentation. Les dernières statistiques européennes publiées par l’European Society for Human Reproduction and Embryology (ESHRE) font état de 25 000 cycles avec don d’ovocytes en 2010, la moitié d’entre eux étant effectués en Espagne, principal pays à fournir cette prestation en Europe de l’Ouest. Alors que traditionnellement, la grossesse chez la femme âgée était définie par un âge maternel de plus de 35 ans, on parlera aujourd’hui plutôt de grossesse à un âge égal ou supérieur à 40 ans, voire 45 ou 50 ans. les femmes de plus de 40 ans : une population complexe Quels sont les problèmes posés à l’obstétricien par ces changements sociodémographiques ? Des études en nombre croissant démontrent une augmenta- 68 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 janvier 2015 quels risques ? 450 400 350 300 250 200 150 100 50 Chez la femme mariée de 40 ans ou plus 2011 2009 2007 2005 2003 2001 1999 1997 1995 1993 1991 1989 1987 1985 1983 1981 1979 0 Chez l’homme marié de 40 ans ou plus Figure 1. Evolution du nombre des naissances chez les pères et mères mariés de 40 ans ou plus, de 1979 à 2012 (index 1979 = 100) Reproduite en octobre 2014 de : Office fédéral de la statistique, site web Statistique suisse. % 100 G 4.64 80 60 40 20 0 1970 1980 1990 25 ans 30-34 ans 25-29 ans 35-39 ans 2000 2010 2013 40 ans Figure 2. Naissances vivantes selon l’âge de la mère Statistiques de la santé 2014. Reproduite en novembre 2014 de : Office fédéral de la statistique, site web Statistique suisse. tion des risques obstétricaux et périnataux liés à la grossesse chez la femme âgée. Cette population est hétérogène. Comme nous l’avons dit, certaines femmes ont déjà accouché par le passé et complètent leur famille à un âge avancé. D’autres, nullipares, ont leur première grossesse après 40 ans. Certaines grossesses sont spontanées, alors que d’au tres sont le fruit d’un traitement de procréation médicalement assistée homologue, ou d’un don d’ovocytes. Enfin, les grossesses multiples sont plus fréquentes dans cette popu lation et constituent un facteur de risques supplémentaire. Lorsqu’on étudie la littérature consacrée aux grossesses chez les femmes de plus de 40 ans, il n’est pas toujours pos sible de distinguer ces diverses catégories, qui ont chacune des risques différents. Certaines études ont certes spécifiquement étudié des femmes nullipares avec grossesse uni que, âgées de plus de 40 ans, ou des femmes enceintes après don d’ovocytes. Dans les autres études, des analyses multivariées permettent de mettre en lumière les facteurs significativement associés aux complications périnatales. Les femmes âgées de plus de 40 ans ont un risque élevé de diabète gestationnel, de prééclampsie, ainsi que de complications thromboemboliques. Au-dessus de 45 ans, on observe un risque accru d’hypertension, de protéinurie, de prééclampsie, de rupture prématurée des membranes, d’hémorragie des deuxièmes et troisième trimestres, de placenta prævia ou acreta, d’accouchement prématuré et de petit poids de naissance.2 Comparées aux femmes âgées de 20 à 29 ans, les femmes âgées de plus de 40 ans, a fortiori de plus de 45 ans, ont significativement plus de grossesses multiples, et ont plus de risques d’avoir déjà eu une césarienne dans leur histoire obstétricale, de souffrir d’hypertension chronique, de diabète prégestationnel ou gestationnel, ainsi que d’hypertension gravidique et de prééclampsie. Elles ont plus fréquemment recours au don d’ovocytes. Elles sont également plus à risque d’avoir une grossesse compliquée par un oligohydramnios.3 La proportion d’accouchements prématurés, consécutifs à une mise en travail spontanée, a paradoxalement plutôt tendance à décroître avec l’âge maternel. Mais ces femmes de plus de 40, a fortiori de plus de 45 ans, ont un risque de plus en plus élevé d’accoucher prématurément en raison de complications obstétricales nécessitant une induction du travail ou une césarienne. Elles présentent un risque accru de césarienne élective ou urgente et de complications péri et postpartales : hémorragie, transfusion sanguine, état fébrile, hospitalisation prolongée. Les nouveau-nés ont plus fréquemment un petit poids de naissance, inférieur à 2500 g. Ils sont plus souvent hospitalisés dans une unité de néonatologie, à risque d’hyperbilirubinémie et de complications métaboliques (hypoglycémie et hypocalcémie, polycythémie). Certains chiffres sont frappants : exprimés en rapports de cotes ajustés pour les comorbidités, une femme de 40 à 44 ans à quatre fois plus de risques d’accoucher par césarienne qu’une femme de 20 à 29 ans, et une femme de plus 45 ans a 32 fois plus de risques. Le risque de placenta prævia est six fois plus élevé pour le groupe 40 à 44 ans et treize fois plus élevé pour le groupe de plus de 44 ans.3 On retrouve ces risques chez les femmes nullipares, avec une grossesse unique, âgées de plus de 40 ans. Dans une étude australienne, l’hypertension préexistante est trois fois plus fréquente que dans le groupe contrôle, le placenta prævia quatre fois plus fréquent, le diabète gestationnel trois fois. Les femmes de plus de 40 ans ont un risque accru d’accoucher d’un nouveau-né avec un petit poids de naissance ainsi que d’accouchement prématuré (1,5 fois), de césarienne élective (4,5 fois), ou en urgence (2 fois). Elles sont également à risque de mort périnatale, ce risque étant doublé par rapport au groupe contrôle des femmes âgées de 25 à 29 ans.4 conception spontanée, fécondation in vitro homologue ou don d’ovocytes Si l’on s’intéresse aux patientes âgées de plus de 42 ans ayant conçu spontanément, après fécondation in vitro ou après don d’ovocytes, on constate que le risque de prééclampsie est significativement plus élevé chez Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 janvier 2015 69 Tableau 1. Complications selon le mode de conception : analyse univariée (D’après réf.5). Pas de FIV FIV sans don d’ovocytes (n 236) (n 40) FIV avec don d’ovocytes (n 104) P 9(3,8) 4(10,0) 20(19,2) 0,001a Diabète gestationnel 12(5,1) 3(7,5) 8(7,7) 0,494 a Césariennec 86(37,9) 16(42,1) 62(61,4) 0,001b Hémorragie post-partum 11(4,7) 2(5,0) 15(14,4) 0,008a 34(15,0) 10(26,2) 30(29,7) 0,006b 15(6,6) 2(5,3) 13(12,9) 0,152a 5(2,1) 0 6(4,2) 0,340a 40(17,2) 14(31,8) 54(38,0) 0,001b 5(2,1) 1(2,5) 1(1,0) 0,728 a Prééclampsie Naissance prématurée 37 semainesc c Naissance prématurée 33 semaines Poids de naissance 1000 gc c Poids de naissance 2500 g Mort fœtale in utero (MFIU) d IG : interruption de grossesse ; a : test exact de Fisher comparant les trois modes de conception ; b : test du χ2 (chi carré) comparant les trois modes de conception ; c : MFIU et IG exclues ; d : survenue chez au moins un fœtus pour chaque grossesse multiple. les femmes enceintes après don d’ovocytes (rapport de cotes 3,3, intervalle de confiance 1,2 à 8,9). Le taux de grossesses multiples est également significativement plus élevé chez les femmes après fécondation in vitro et don d’ovocytes (2,5% après grossesse spontanée, 15% après fécondation in vitro homologue, et 39% après don d’ovocytes, p 0,001). Les grossesses après don d’ovocytes sont également significativement associées avec un risque d’accouchement prématuré (rapport de cotes 9, intervalle de confiance de 4 à 20) et de prééclampsie (rapport de cotes 4, intervalle de confiance de 1 à 10) (tableau 1).5 le don d’ovocytes : une situation immunologique inédite Cette problématique spécifique liée au don d’ovocytes peut s’expliquer à la fois par la proportion accrue de grossesses multiples et par les problèmes immunologiques que pose une greffe allogène complète, non seulement le matériel génétique paternel, mais également le matériel génétique d’origine maternelle du fœtus étant étrangers à la femme. On postule que, dans une grossesse conçue naturellement, le système immunitaire est quiescent en raison de la présence d’antigènes maternels, la proportion d’antigènes fortement immunogènes étant réduite. Au contraire, dans une grossesse après don d’ovocytes, le risque d’avoir un produit de conception très immunogène est extrêmement élevé.2 70 mique est importante : petite taille, hypogonadisme, malformations cardiovasculaires, squelettiques et rénales. Les malformations cardiovasculaires touchent 50% des femmes atteintes d’un ST et sont principalement responsables de leur mortalité, qui est trois fois supérieure à celle de la population générale.6 Les anomalies cardiovasculaires les plus fréquentes sont la coarctation de l’aorte, une valve aortique bicuspide et les anomalies du retour veineux. Le don d’ovocytes est le seul traitement qui offre à ces femmes la possibilité d’une grossesse. Mais l’augmentation des exigences cardiovasculaires chez la femme enceinte représente un risque de complications particulièrement élevé pour elles. Alors que le risque de mort maternelle par dissection ou rupture aortique est de 1/10 000 dans la population générale, il s’élève à 2% chez les patientes atteintes d’un ST. C’est pourquoi, une évaluation cardiologique détaillée, incluant une IRM cardiaque, est recommandée chez les patientes avec ST qui envisagent une grossesse.7 Si les cas dramatiques de mort maternelle par rupture aortique restent heureusement rares, la morbidité cardiovasculaire est très fréquente. Dans une étude rétrospective basée sur le registre suédois des naissances, les femmes avec ST présentaient des complications cardiovasculaires pendant la grossesse et durant l’année suivant l’accouchement près de trois fois supérieures au groupe contrôle.6 Parmi ces complications, les pathologies hypertensives gravidiques sont particulièrement représentées, affectant près de 40% des patientes.8 syndrome de turner suivi par le spécialiste en médecine fœto-maternelle Le don d’ovocytes n’est pas seulement utilisé pour pallier l’infertilité des femmes d’un âge avancé ou très avancé. Il peut également être la solution à une infertilité due à une insuffisance ovarienne primaire ou précoce, telle qu’on l’observe dans le syndrome de Turner (ST). Le ST est consécutif à la perte totale ou partielle d’un chromosome X, ou à une mosaïque. Le phénotype est caractéristique et d’autant plus marqué que la délétion chromoso- Les femmes âgées ou très âgées, qu’elles soient enceintes spontanément, après traitement de procréation médicalement assistée ou après don d’ovocytes, sont à haut risque, tant de comorbidités que de complications obstétricales ou périnatales. La prise en charge de ces grossesses génère des coûts de santé considérables en cas d’accouchement prématuré : à titre d’exemple, la prise en charge de nouveau-nés de poids de naissance inférieur Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 14 janvier 2015 à 1000 g est la quatrième hospitalisation la plus chère en Suisse (142 000 francs en moyenne), plus chère que la prise en charge d’un polytraumatisé ou d’un grand brûlé.9 Le don d’ovocytes est aussi pratiqué chez des femmes jeunes qui présentent une insuffisance ovarienne, parfois dans un contexte syndromique. Les complications obstétricales associées à leur pathologie de base s’ajoutent alors à celles d’une grossesse hétérologue, faisant de ces femmes un groupe à très haut risque. Ces traitements, ainsi que le suivi de ces grossesses, posent des problèmes philosophiques et éthiques complexes que nous n’avons pu aborder dans ce bref article. Notre but était de rendre attentifs les médecins et les sages-femmes prenant en charge ces femmes des risques qu’elles encourent. Un dépistage des comorbidités ainsi qu’un suivi clinique et échographique attentif s’imposent. Une collaboration pluridisciplinaire avec le cardiologue, le néphrologue, le diabétologue, etc., est souvent nécessaire. Ces patientes méritent d’être prises en charge par des médecins spécialistes en obstétrique et médecine fœtomaternelle dans des centres spécialisés à même de faire face aux multiples défis que pose leur prise en charge. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article. Implications pratiques > Les femmes âgées de plus de 40 ans souffrent souvent de comorbidités. Leurs grossesses, particulièrement après procréation médicalement assistée ou don d’ovocytes sont à risques d’hypertension, de prééclampsie, de diabète gestationnel, d’accouchement d’enfants de petit poids de naissance, souvent par césarienne > Les femmes avec syndrome de Turner ne peuvent concevoir que par don d’ovocytes et ont un risque particulièrement élevé de complications cardiovasculaires > Un dépistage des comorbidités et un suivi par l’obstétricien spécialiste en médecine maternelle et fœtale, en collaboration interdisciplinaire sont de rigueur. L’accouchement dans un centre de référence à même de répondre aux multiples défis de la prise en charge maternelle et néonatale est recommandé Bibliographie 1 Informations démographiques. OFS Newsletter N01, mai 2014. 2 van der Hoorn MLP, Lashley EELO, Bianchi DW. Clinical and immunologic aspects of egg donation pregnancies : A systematic review. Hum Reprod Update 2010;16:704-12. 3 ** Yogev Y, Melamed N, Tenenbaum-Gavish K, et al. Pregnancy outcome at extremely advanced maternal age. Am J Obstet Gynecol 2010;203:558.e1-7. 4 Ludford I, Scheil W, Tucker G, et al.Pregnancy outcomes for nulliparous women of advanced maternal age in South Australia, 1998-2008. Aust N Z J Obstet Gynaecol 2012;52:235-41. 5 Le Ray C, Scherier S, Anselem O, et al. Association between oocyte donation and maternal and perinatal outcomes in women aged 43 years or older. Hum Re prod 2012;27:896-901. 6 * Hagman A, Källén K, Bryman I, et al. Morbidity and mortality after childbirth in women with Turner karyotype. Hum Reprod 2013;28:1961-73. 7 ** Practice Committee of American Society For Reproductive Medicine. Fertil Steril 2012;97:282-4. 8 * Chevalier N, Letur H, Lelannou D, et al. 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