LE PARCOURS INITIATIQUE DU PÈLERIN

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LE PARCOURS INITIATIQUE DU PÈLERIN
LIEUX SACRES
.../...
L’âge d’or des tisserands
Pendant longtemps le pays de Lizio fut très
pauvre. La terre était ingrate, les familles vivaient
chichement en élevant quelques moutons et vaches
sur les landes. La plupart des habitants vivaient
dans des maisons en bois. Or, voici qu’un jour à
Lizio les paysans apprirent à cultiver le lin et le
chanvre et à tisser. Toute la région de Malestroit,
Ploërmel et Josselin se mit à fabriquer des draps
que des courtiers allaient vendre en Angleterre et
en Espagne. Au cours de cette période de prospérité, paysans et tisserands s’enrichirent et commencèrent à construire des maisons en pierre. C’était
dans les années 1620-1720. Une période de reconstruction intensive et de renouveau spirituel s’ouvrit
pour la région. Les trois édifices religieux de Lizio,
l’église paroissiale, la chapelle Sainte-Catherine et
une chapelle de dévotion près du manoir de la Ville
Guéhard, datent de cette période
La dédicace
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« Lucet in
tenebris », la
dédicace de la
chapelle.
Nul ne sait comment naît l’inspiration ! Est-ce
la présence en ces lieux du minerai d’étain noir et
brillant et de l’or lumineux ? Est-ce le nom de Pédu
qui évoquait la terre noire, ce limon fertile de la
vallée du Nil que les Égyptiens appelaient Alchémia ? Est-ce l’évocation des pèlerins passés et des
temps futurs en marche vers Compostelle et son
étoile ? Est-ce le souvenir
d’un voyage en Palestine ?
Peu importe. La dédicace
fut dite par Charles Laurencin : « Lucet in tenebris »
[lumière qui luit dans les
ténèbres] ( Ph. 5 ). Elle est
la parole fondatrice d’une
église. Tout comme l’arbre
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Borne indiquant « chemin
du Ciel et de 1 763 ».
AOÛT/SEPTEMBRE 2015 │ SAcrŒe PlAnŒte n° 71
est déjà tout entier dans sa graine, la chapelle est
tout entière dans sa dédicace. Nous pourrons vérifier effectivement que les jeux de lumière sont particulièrement soignés à la chapelle Sainte-Catherine.
Aux solstices et équinoxes un rayon de lumière se
pose sur des endroits bien particuliers éclairant, au
sens propre le propos du fondateur.
Une fois la dédicace dite, il revenait au savant
( l’architecte ) de la transposer en idées, nombres,
symboles, mesures et proportions. Le but du pèlerinage est de mettre le passant sur le chemin de
la Connaissance. C’est un parcours initiatique qui,
au terme, doit l’amener à « un cœur plus grand et
un esprit plus vif ». Plus qu’un savoir à engranger, il
s’agit de s’entraîner à l’intuition et au ressenti. À la
fin du parcours a réussi celui qui se sent bien et respire large, celui qui est davantage éveillé et attentif
à ses proches et à la vie.
LE PARCOURS INITIATIQUE
DU PÈLERIN
Une étrange borne
À 300 mètres de l’arrivée, le pèlerin trouvera tout
d’abord, une imposante borne ( Ph. 6 ) comportant
plusieurs inscriptions. Elle indique les directions de
Josselin, Le Roc, Malestroit d’une part et de Serent,
Tromeur et la ville Guéhard d’autre part. Entre les
deux, on lit : « chemin du ciel et de 1 763 ».
Inscription énigmatique, mais qui donne un
premier indice sur l’invitation qui est faite au passant. C’est un premier signe qui indique qu’il faut
lire entre les lignes. L’inscription 1 763 ainsi que
d’autres que l’on découvrira au cours du parcours
semblent indiquer une date. Mais le nombre peut
signifier autre chose que le chiffre. Voilà un premier clin d’œil qui nous invite à nous pencher sur
la symbolique des nombres.
Voyons pour exemple ce que signifie 1 763. Le
nombre 4 étant celui de la matière, on a traditionnellement utilisé, pour symboliser la terre, un carré de 4 x 4, ce qui permet de dire que 16 est le
nombre de la Terre.
Par ailleurs, les bâtisseurs utilisaient le « carré
long » qui est en fait un double carré de côté = 3.
Habité par le chiffre 3, symbole de l’esprit, ce carré
long de 6 x 3 avait pour surface 18, qui est donc
considéré comme le nombre du Ciel. Seize étant
l’en bas et dix-huit l’en haut, 17 est le passage de
l’un à l’autre c’est-à-dire la Porte. Quant à 63, il
faut le lire de droite à gauche, comme l’écriture
arabe, donc 36, c’est-à-dire 18 + 18. Pythagore et
Platon l’appelaient le nombre parfait ou la grande
Tetraktys qui donne la connaissance de soi et du
monde. C’était donc également un chiffre du ciel.
La pierre indique par conséquent : « le chemin du
ciel et de la porte du ciel » Par cette formule est
annoncée la proximité d’une chapelle.
Un jeu de piste
Il ne faut pas s’étonner qu’un enseignement soit
donné sous forme de jeu. Au Moyen Âge, il était courant de dire les choses par énigmes, devinettes, rébus,
proverbes… Pour piquer la curiosité, on ne craignait
pas de « chiffrer » un message, de mélanger français,
latin, grec ou hébreu, de transformer des lettres, de
jouer avec les mots, de les mettre à l’envers, d’écrire les
nombres arabes à la manière des Arabes.
Le chemin proposé au pèlerin avait pour but la remise en forme du corps après une marche fatigante de
30 km. Le parcours comportait trois parties :
- Le tour de la chapelle, le passage à la fontaine pour
la remise en forme du corps. C’est ce que les latins appelaient la recreatio.
- Le tour du narthex sous la forme de ce qu’on appelait le chemin de Jérusalem pour l’ouverture de l’esprit.
C’était la dilatatio mentis.
- L’entrée dans la nef et la fin du parcours, sur le modèle de l’arbre des Séphiroth de la tradition hébraïque
pour l’ouverture du cœur, en latin la dilatatio cordis.
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Le parcours
du pèlerin.
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Premier escalier et
première porte à franchir.
La circumambulation
Le parcours ( Ph. 7 ) se fait dans le sens inverse du
parcours du soleil ; c’est une démarche involutive. Il
est en quelque sorte proposé au pèlerin de remonter le
temps, de retrouver ses origines. C’est ce que font les
pèlerins musulmans autour de la Kaaba à La Mecque.
Nous ne pouvons ici reproduire la totalité du parcours
proposé. Il faudra pour cela vous procurer la brochure
publiée par Auguste Coudray ( voir bibliographie ).
Nous allons toutefois vous en donner quelques aperçus.
Le chemin commence au pied de l’escalier, à droite
lorsque l’on regarde la chapelle ( Ph. 8 ). Nous allons
dès le départ être invités à regarder tantôt vers la terre,
tantôt vers le ciel, Le chemin oblige à s’arrêter fréquemment, parce qu’il faut enjamber une pierre, comprendre une énigme, accomplir un rituel. Le parcours,
fait avec le calme qui convient, permet à l’organisme de
se recharger en énergie positive.
On doit tantôt lever les yeux vers le ciel pour voir ce
qui est en haut, le clocher ( Ph. 9 ) ou une inscription,
tantôt baisser les yeux vers le sol pour voir les pierres,
le fond du bassin, l’eau qui s’écoule. Le pèlerin est ainsi
amené à tisser des liens invisibles entre le haut et le bas,
retrouvant par ces gestes sa juste place.
Dans un lieu sacré, nous sommes invités à considérer
le moindre signe ou geste comme chargé de sens. Ainsi,
il nous est proposé de toucher deux types de pierres. En
touchant le schiste, dont la formation par sédimentation a commencé il y a 800 millions d’années au fond
des fleuves, nous sommes en quelque sorte replongés
dans les eaux primordiales. En touchant le granit, issu
du centre incandescent de la terre, nous sommes ramenés à une époque encore plus ancienne.
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Le clocher et le Christ du calvaire.
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Les trois piliers et la porte basse.
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Le calvaire.
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Inscription chiffrée
haut du 3e pilier.
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