zhang le peintre magicien
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zhang le peintre magicien
FLEUR DE PRINTEMPS ZHANG LE PEINTRE MAGICIEN 2 UN MALHEUR PEUT ÊTRE SOURCE DE BONHEUR Zhang marchait droit devant lui. Il n’avait qu’une idée en tête : fuir les gardes royaux lancés à sa poursuite. Cela faisait cinq jours qu’il ne se nourrissait que de fruits et de baies cueillis le long des sentiers. Affamé, il s’était enfoncé dans une forêt pour s’y réfugier. Il n’y avait pas âme qui vive, juste les cris des animaux ; ceux joyeux des oiseaux et d’autres… plus inquiétants. Au détour d’un invisible chemin, il découvrit la cabane, vieille et délabrée. Était-elle habitée ? Zhang hésita à s’approcher, mais il rêvait d’un abri pour enfin se reposer. Il aperçut une mule dans un enclos. Juste à côté, il y avait un potager. Aucun doute, les lieux étaient occupés. Le garçon prit son courage à deux mains et avança jusqu’à la porte. Là, il frappa pour s’annoncer. Il dut patienter avant de voir un vieillard apparaître sur le seuil. Zhang ne put s’empêcher de faire un pas en arrière, tant l’aspect de cet homme était peu engageant : vêtu d’épaisses guenilles, il arborait un visage aussi ridé que le cou d’une tortue, et en partie dévoré par une longue barbe grise. — Qui es-tu ? Que fais-tu par ici ? demanda celui-ci, d’une voix grave. — Je… je me suis perdu. Je cherche un abri pour la nuit. Cela fait cinq jours que je marche et je n’ai plus beaucoup de forces. — Hum ! Je ne tiens pas une auberge. Retourne d’où tu viens. À ton âge, un peu d’exercice est salutaire. — C’est que… je n’ai pas mangé non plus ! —La diète aussi est une bonne chose. Allez, fiche le camp ! J’ai assez perdu de temps comme ça. Malgré le respect dû à son aîné, Zhang sentit la colère le saisir : — Perdre du temps ? Vieil égoïste ! Vous vous préoccupez du temps, ici, au fond de ces bois, et vous me laisseriez mourir de faim et de froid ? Je refuse de partir pour une aussi mauvaise raison. — Ah oui ? Et pour quelle bonne raison devrais-je, moi, t’ouvrir ma porte ? Pourquoi mon temps ne serait-il pas plus précieux ici qu’ailleurs ? — Précieux ? Si c’est l’argent qui vous importe, je n’en ai pas. Voilà sans doute une bonne raison de me laisser dehors ! Le visage du vieil homme s’adoucit. L’attitude de Zhang l’intriguait, en particulier son audace. Il décida de lui accorder une chance : — Pas d’argent, dis-tu ? Mais que contient ce sac de toile à ton épaule ? — Oh, rien qui puisse avoir de la valeur à vos yeux. Ce sont mes dessins. Quelques feuilles de lin, des pinceaux et de l’encre. — Tu peins ? — Pas aussi souvent que je le voudrais, je n’ai pas assez d’argent. — Je vois. Je te propose un marché : si tes dessins sont à mon goût, je te laisserai entrer. Tu pourras même rester le temps qu’il te plaira, à condition de travailler en échange de ton lit et de tes repas. Sinon, tu repars sans discuter. Alors, qu’en dis-tu ? — Je suis d’accord. Zhang dégagea le sac de son épaule, et en sortit les quelques esquisses qu’il avait tracées au cours de ses journées d’errance. Il les tendit au vieil homme, qui prit le temps de les examiner avec attention. — Hum, je dois reconnaître que tu as du talent. Dis-moi, celle-ci, où l’as-tu réalisée ? — Pas très loin d’ici. Il y a de magnifiques mûriers, des blancs et des noirs. J’ai trouvé que cela faisait une belle composition. Je pourrai vous montrer l’endroit, si vous voulez ? L’ermite éclata de rire : — Ah, ah, ah… ce sera inutile. Ils sont à moi. — À vous ? — Oui, enfin… Je croyais être le seul à en connaître l’existence… jusqu’à ce jour. Très bien. Tes dessins me plaisent. Entre, et tu apprendras pourquoi j’aime aussi ces arbres. Au fait, mon nom est Lin. Quel est le tien ? — Zhang. Quelques instants plus tard, Zhang se tenait dans la cabane avec l’ermite où une douce chaleur l’enveloppa. Être à l’abri, loin des gardes royaux, lui redonna un peu d’espoir et de confiance. Lin déplaça une table et quelques affaires : — Tiens, installe-toi ici. Je t’apporte des couvertures et aussi de quoi manger. Il faut que tu sois en forme pour travailler. Autant faire les choses dans le bon ordre. — Quel genre de travail ? s’inquiéta Zhang. — Tu t’occuperas du potager, des repas et du ménage. Sans oublier Xiaoma. — Xiaoma ? Qui est-ce ? — Ma mule, dehors. Elle est presque aussi vieille que moi, et a bien besoin qu’on la soigne. — Mais… avec tout ça, je n’aurai plus une minute pour peindre ? — Il faut savoir ce que tu veux : manger et dormir, ou dessiner ? Ah oui, j’oubliais l’essentiel : puisque tu as découvert où sont mes mûriers, tu te chargeras des sacs de feuilles. — Des feuilles ? Pour quoi faire ? Sa question étonna l’ermite : — De la soie ! Ne sais-tu pas que les vers à soie aiment les feuilles de mûrier ? Crois-moi, ces bestioles sont au moins aussi gourmandes que toi. Elles mangent pendant une lune entière avant de tisser leur cocon. — Vous faites de la soie ? C’est fantastique. Vous voudrez bien me montrer ? — Peut-être. Plus tard. En attendant, raconte-moi ce que tu fuis comme ça. — Euh… Les gardes du roi sont après moi. Je suis accusé de vol. — Je croyais que tu n’avais aucun argent ? — Mes feuilles de lin. Elles coûtent cher et… c’est vrai que je les ai dérobées. Mais c’était à un homme méchant, qui refusait de me payer les corvées que j’accomplissais pour lui depuis des mois. Un jour, j’en ai eu assez. J’ai pris des feuilles dans son magasin, de l’encre, et je me suis enfui. Peu après, j’ai su que la police me recherchait, alors j’ai quitté la ville. — Si je comprends, j’ai intérêt à bien te nourrir pour ne pas être volé à mon tour ? — Je ne suis pas un voleur ! Si vous ne me croyez pas, autant que je parte tout de suite. Et puis, ici… — …tu ne vois pas ce que tu pourrais me prendre, poursuivit Lin, en souriant. C’est exact. Il n’y a rien dans cette cabane qui ait de la valeur. Sauf pour ceux qui savent regarder. Mais mangeons d’abord. Comme je te le disais, nous avons tout le temps devant nous ! Fleur de Printemps est à présent très intriguée par cette soie que fabriquait le vieil ermite. — Grand-père, est-ce monsieur Lin qui a inventé la soie ? — Non, certainement pas. Cette histoire est ancienne, mais moins que l’invention de la soie, qui remonterait à près de 2 700 ans. D’après la légende, une jeune princesse aurait fait tomber un cocon dans sa tasse de thé, découvrant ainsi comment on peut le dévider pour en tirer le fil qui sera ensuite tissé. Mais cela n’est probablement qu’un conte. Une autre version, plus plausible, veut que des femmes, qui cueillaient des fruits sur des arbres, aient trouvé des cocons sur un mûrier. Ce drôle de fruit blanc étant trop dur pour être mangé, elles l’ont mis à bouillir. Puis, comme il était encore trop ferme, elles l’ont frappé avec un bâton. Elles ont alors vu qu’elles pouvaient dérouler le fil du cocon. Un fil assez solide pour être tissé et réaliser de magnifiques vêtements et draperies. — Il doit en falloir des cocons pour faire ne serait-ce qu’un pantalon ? — Peut-être moins que tu ne penses. D’un seul cocon, il est possible de tirer jusqu’à un kilomètre de fil ! Mais bon, pour ton pantalon, cela nécessitera bien tout de même quatre à cinq cents cocons. — C’est pour les nettoyer qu’on les met à bouillir ? — Non. On se sert de la vapeur pour attendrir le cocon et mieux le dévider, et pour éviter à la chrysalide de le percer pour en sortir sous la forme d’un papillon. Sinon, le fil serait cassé et inutilisable. Comme tu le vois, la soie est issue d’un papillon et, si l’on sait y faire, elle peut se révéler aussi vivante et légère que ce magnifique insecte. Le vieux Maître Lin en connaissait tous les secrets. Celle qu’il fabriquait était extraordinaire, la plus belle de Chine. — Mais alors, il aurait dû être très riche, au lieu d'habiter dans une cabane au fond des bois ? — C’est exact. Mais tu sauras pourquoi ce n’était pas le cas… si tu me laisses raconter la suite de mon histoire !