Zero Dark Thirty

Transcription

Zero Dark Thirty
Zero Dark Thirty
Kathryn Bigelow
ciné-droit : 15 OCTOBRE 2013
2013 . états-unis . vostf . 2H29
Rencontre avec Hugues Hellio, maître de conférences en droit public à l’Université d’Artois.
En partenariat avec Plan Séquence.
AVEC AVERTISSEMENT
Oscar du Meilleur Mixage Sonore - Oscars 2013
Golden Globe 2013 de la Meilleure Actrice dans un
film dramatique pour Jessica Chastain
SYNOPsIS
La traque d’Oussama ben Laden a préoccupé
le monde et deux administrations présidentielles américaines durant plus d’une décennie.
Mais au final, on doit sa capture à la résolution
et au dévouement d’une petite équipe d’agents
de la CIA. Leurs missions ont été exécutées
dans le secret, mais certains détails ont depuis
été rendus publiques.
Casting
Jessica Chastain, Jason Clarke, Joel Edgerton,
Mark Strong
Kathryn Bigelow
Née le 27 Novembre 1951 en Californie, la réalisatrice américaine Kathryn Bigelow a su
s’imposer avec des films aussi différents que
Blue Steel en 1989, avec Jamie Lee Curtis ;
Point Break en 1991 avec Keanu Reeves ; Le
Poids De L’Eau en 2000 ou le fameux K-19 : Le
Piège Des Profondeurs en 2002, avec en
tête d’affiche Harrison Ford et Liam Neeson…
En 2009, Kathryn Bigelow revient avec un film
fort et haletant : le long-métrage Démineurs,
salué par la critique et les professionnels. Son
film remporte en effet six Baftas et autant d’Oscars, dont ceux du meilleur film et de la meilleure réalisatrice.
Elle revient trois ans plus tard avec le film politique Zero Dark Thirty, retraçant la traque et
l’élimination d’Oussama Ben Laden. Une fois de
plus acclamée par la critique, le long-métrage
est nommé cinq fois à la 85ème Cérémonie Des
Oscars 2013, dont les catégories « Meilleur
film » et « Meilleur scénario original ».
note de production
Le premier défi créatif qui s’imposait à la réalisatrice et au scénariste était de raconter cette histoire, comprenant des acteurs multiples, dans le cadre limité d’un long-métrage de cinéma. Le film
relate des événements majeurs s’étalant sur une décennie et se déroulant dans plusieurs pays.
Il regroupe des centaines de comédiens et figurants et une équipe ayant pour seul objectif de
rendre compte de la réalité quotidienne de cette mission avec autant d’honnêteté et de réalisme
que possibles. Ne reculant à aucun moment devant l’examen des principes éthiques qui ont été
bafoués, avec notamment la pratique de la torture, les cinéastes avaient pour ambition de créer
une œuvre cinématographique ayant la portée et l’intensité émotionnelle d’un roman historique.
Zero Dark Thirty (le titre signifie 0h30 en jargon militaire, l’heure à laquelle la force spéciale
des SEALS de la marine américaine a posé le pied à l’intérieur de la forteresse abritant Oussama
Ben Laden) est, à ce jour, le projet le plus ambitieux de Kathryn Bigelow. Déployant un arsenal
de compétences artistiques, du talent dramatique de la distribution, qui inclut Jessica Chastain,
Jason Clarke, Joel Edgerton, Jennifer Ehle, Mark Strong, Kyle Chandler et Édgar Ramírez, à la
photographie novatrice, dans des conditions extrêmes d’obscurité, et la richesse et l’élaboration
de la direction artistique, tous les aspects de la production sont devenus un terrain d’expérimentation pour la réalisatrice dont le but avoué était de donner vie à cette page de l’histoire à l’écran.
Pour le journaliste professionnel, devenu scénariste et producteur, Mark Boal, l’exposé entier et
fidèle des événements comportait de nombreuses difficultés. Il s’engagea auprès des acteurs et
des témoins des faits à rendre compte de leur lutte personnelle, mais aussi des ramifications et
des détails de cette opération historique, tout en protégeant leur identité. À travers des scènes
et des dialogues tirés de longs entretiens, le scénariste élabora des personnages fidèles par essence aux hommes et aux femmes impliqués directement dans cette opération, et aux membres
de l’armée et des services de renseignements avec lesquels ils ont interagi.
Au final, les cinéastes choisirent de raconter l’histoire à travers le regard d’une participante peu
connue de cette chasse à l’homme des services secrets : Maya, une jeune agente de la CIA dont
le travail est de dénicher les terroristes. L’interprétation nuancée de Jessica Chastain permet au
personnage de Maya, inspirée d’une personne existante, de servir de véhicule narratif au scénariste pour mettre en évidence le rôle de l’individu dans une histoire d’une plus grande envergure.
L’évolution de ce personnage, de l’innocence à l’horreur, puis à la détermination sinistre, fait écho
à celle d’une nation entière tentant de faire face aux impitoyables desseins du terrorisme.
À l’opposé du film précédent de Kathryn Bigelow et Mark Boal, Démineurs (2009), dans lequel
des personnages fictifs étaient placés au cœur de la terrifiante réalité de la guerre d’Irak, Zero
Dark Thirty est un mélange de film d’action, de reportage d’investigation et de film dramatique,
ni fiction ni documentaire, et qui traque de près tous les détails connus de cette opération secrète,
tout en offrant une nouvelle perspective sur les sombres agissements de la guerre contre le terrorisme. Le film dépeint adroitement les zones d’ombre du courage et de la persévérance humaine,
et les ambiguïtés d’une situation dans laquelle les codes moraux traditionnels ne s’appliquent
plus.
La narration filmique s’imposa comme le moyen idéal de relater cette histoire. Pour appréhender
ce nouveau territoire dramatique, le scénariste s’inspira du Nouveau Journalisme des années 60,
quand d’importants écrivains américains se mirent à appliquer les techniques littéraires à la description d’événements réels. Sous cet angle, Zero Dark Thirty est une tentative d’expansion
du reportage littéraire qui offre aux spectateurs un objet cinématographique d’un genre unique :
le film-reportage.
C’est un exposé filmique d’un des événements les plus débattus et les moins connus de l’histoire
contemporaine par des cinéastes se mettant au défi de repousser les limites de leur art. Les faits
sont relatés le plus fidèlement possible et entraînent le spectateur au cœur de l’action. Le résultat
est un film aussi profond et polémique que surprenant et vrai.
La chasse à l’Homme
La traque d’Oussama Ben Laden est un événement sans précédent dans son genre. « C’est l’histoire de la recherche d’une toute petite aiguille dans une très grosse meule de foin », déclare la
réalisatrice. « Une fois que Ben Laden s’est enfui d’Afghanistan, il s’est protégé derrière un réseau byzantin qu’il a fallu des années pour démanteler.
Ce qu’il y a de fascinant dans le scénario de Mark, c’est qu’il retrace l’opération dans ses moindres détails et de façon passionnante, tout en demeurant
implacable et en ne laissant aucune place au sentimentalisme. C’est un exposé très brut ».
Quand se produiraient des avancées majeures ? Quels indices pourraient révéler la cachette de Ben Laden ? Les membres d’Al-Qaida pouvaient-ils
être convertis ? Toutes ces questions se posaient aux cinéastes, mais une question fondamentale se dégageait: qui étaient ces agents de la CIA qui
refusèrent d’abandonner et continuèrent à pister Ben Laden après que toutes les tentatives eurent échoué et que le reste du monde eut reporté son
attention sur d’autres événements critiques ? Pour la première fois, un film se concentre sur la dimension humaine de cette histoire, illustrant la lutte
interne des agents et le côté moral et humain écrasant de cette mission.
« En tant que cinéaste, la question qui se posait à moi était de savoir comment j’allais relier tous les éléments de cette histoire exceptionnelle pour en
faire un ensemble cohérent au niveau du registre et du ton », explique Bigelow. « Les recherches et le scénario de Mark ont donné vie au projet et
déterminé son ampleur, nous conduisant de l’Afghanistan à Washington et au Pakistan. Les choix narratifs sont venus instinctivement, scène par scène,
minute par minute, avec un souci de modération à tous les niveaux. L’entreprise était aussi énorme que minutieuse. Je n’aurais jamais pu réaliser Zero
Dark Thirty sans l’expérience que j’ai acquise sur mes précédents films ».
Les Recherches
L’élaboration de Zero Dark Thirty allait mettre Kathryn Bigelow et Mark Boal face à la réalité du secret et à d’importants défis de production. Tout
commença simplement et tranquillement, il y a six ans.
« Ce film est passé par deux étapes distinctes », relate le scénariste. « Il y a six ans, on a mis en œuvre un film sur l’échec de la capture de ben Laden
à Tora Bora. J’y ai consacré quelques années de recherches et d’écriture. En 2011, on avait commencé la pré-production et on faisait des repérages
en Roumanie. Et sans crier gare, ben Laden a été abattu, et notre film était instantanément devenu de l’histoire ancienne. Il a donc fallu que je recommence ».
« Cette histoire m’a toujours tenu à cœur. J’ai grandi à New York, dans l’ombre des tours jumelles, et après le 11 Septembre, j’ai ressenti le besoin de
comprendre ben Laden et le comportement des États-Unis à son égard ». En tant que journaliste professionnel, Mark Boal a enquêté et écrit sur les
problèmes de sécurité nationale et la guerre en Irak et en Afghanistan pour des publications aussi diverses que Playboy et Rolling Stone. « Ce type a
attaqué la ville où je suis né, et les longues séquelles de cette journée ont déterminé ma carrière. Ce n’est pas moi qui ai choisi. Les auteurs, comme
les enfants, ne choisissent pas ce qui les influence. Ce sont les événements qui m’ont choisi ».
À cette époque, Kathryn Bigelow s’était déjà distinguée comme une réalisatrice sans complaisance, douée pour l’action et des intrigues à caractère
humain soigneusement ficelées, avec ses films Aux Frontières De L’aube (1987), Blue Steel (1989) et K-19 : Le Piège Des Profondeurs
(2002). Alors que Boal avait déjà entrepris ses recherches sur les événements de Tora Bora, il signa Démineurs avec Bigelow, qui allait valoir à la
réalisatrice ses lettres de noblesse comme chroniqueuse privilégiée de la guerre moderne et première femme à remporter l’Oscar de la Meilleure
Réalisation.
Malgré les lauriers et les applaudissements, un film sur ben Laden demeurait une hérésie à Hollywood et les cinéastes durent trouver des financements
indépendants pour faire décoller le projet. Ils s’allièrent alors à Megan Ellison d’Annapurna Pictures.
Après les événements du 1er mai 2011, quand l’annonce de la mort de ben Laden prit le monde par surprise, Mark Boal passa plusieurs mois à Washington, puis se rendit au Pakistan et dans différentes autres régions du Moyen-Orient pour dénicher et creuser toutes les pistes possibles de cette
histoire.
« Certains bureaux de presse des agences de renseignements se sont montrés obligeants, mais une grande partie du travail a été accomplie à l’ancienne, en arpentant le pavé, en enquêtant et en posant des questions, et en misant sur la chance », explique-t-il. « Mon but était de récolter le plus
de témoignages possibles de gens directement impliqués dans la mission. Mon scénario est presque entièrement tiré de ces témoignages ».
« De toute évidence, sauf si on réalise un documentaire, à un moment donné, il faut retirer son costume de journaliste et passer celui de scénariste.
C’est bien d’un film dont il s’agit, et pour rendre compte d’une chasse à l’homme qui a duré 10 ans en 2h30, il faut être efficace ».
L’approche de Mark Boal concordait parfaitement avec celle de la réalisatrice. « Le public ne sait pratiquement rien du travail des héros très discrets
des services de renseignements, et c’est bien normal. C’est une opportunité unique de poser un regard sans filtre sur les hommes et les femmes qui
ont participé à l’une des opérations les plus secrètes de notre histoire », déclare Bigelow. « Mark n’a pas simplement vérifié les faits, il s’est imprégné
des nuances et de l’atmosphère de ce monde, des personnalités, des conflits, des motivations et des incertitudes, et il les a magnifiquement mis en
lumière ».
Le mirage de la réalité
« Je voulais créer un cadre qui ne soit jamais perçu comme artificiel, mais je souhaitais également rendre compte de l’élément étranger et de l’intensité de cette histoire avec des images aussi saisissantes que possible », déclare Bigelow. « ça implique une planification minutieuse qui doit donner
l’impression de ne pas du tout avoir été pensée. Le naturalisme demande beaucoup de travail ».
En premier lieu, une partie de ce travail devait se faire au niveau managérial, en coordonnant le département images et le département artistique pour
qu’ils ne fassent plus qu’un. Les décors et les costumes ont également été conçus et coordonnés « en parfaite synchro avec le travail de la caméra ».
La réalisatrice choisit le directeur de la photo Greig Fraser, qui a signé les images de Blanche Neige Et Le Chasseur (Rupert Sanders, 2012),
Laisse-moi Entrer (Matt Reeves, 2010) et Bright Star (Jane Campion, 2009), et Jeremy Hindle dont c’est le premier long-métrage comme chef
décorateur, qui ne sont pas seulement d’anciens collègues mais aussi des amis proches. « Ce sont des maitres dans leur domaine », déclare Bigelow.
« Ils collaborent tellement étroitement qu’ils finissent les phrases l’un de l’autre, et tout ça contribue à créer une esthétique homogène ». « Je sais
que Greig adore les surfaces réfléchissantes », rapporte le chef décorateur. « J’en ai donc cherché, particulièrement pour les scènes tournées dans
l’obscurité, pour donner un petit plus à la photographie ». Il en résulte un travail de caméra vivant, qui plonge le spectateur au cœur de l’action, crée
une forme d’intimité et donne une impression d’urgence. « Chaque fois qu’on s’apprêtait à tourner un plan qui ressemblait à celui d’un film existant,
on se regardait avec Greig et on se disait : « Oh non, on ne devrait pas faire ça »’, et on le modifiait pour qu’il paraisse moins familier, on le dépouillait
pour qu’il soit le plus simple et naturel possible ».
Dès son implication dans le projet, le chef opérateur était motivé par les défis que présentait Zero Dark Thirty:
« Cinématographiquement, un des éléments les plus attirants de cette histoire est d’introduire le spectateur dans des mondes qu’il ne connaît pas, des
bureaux de la CIA à Washington aux rues des agglomérations pakistanaises et à la cachette de ben Laden. Il y a une multitude de contrastes naturels
et de styles différents qui constituent un voyage excitant pour le public ».
Et ces contrastes sont une autre porte d’entrée dans le monde qu’habite Maya. « Elle navigue entre la rigueur et la clarté des bureaux de la CIA et la
nébulosité et la confusion des rues d’Asie du Sud », observe la réalisatrice. Elle et Fraser décidèrent rapidement de tourner le film avec des caméras
numériques Arriflex Alexa. « C’était un choix très précis, motivé en partie par la nécessité de tourner le raid d’Abbottabad avec un minimum de lumière.
Ces caméras sont très sensibles et on a ainsi pu utiliser des sources lumineuses aussi faibles et douces que possible, nous permettant une simulation
optimale d’une nuit sans lune. Dans les mains de Greig, et avec les objectifs qu’il choisit, l’Alexa donne aux images une texture unique qui ne s’apparente ni à du 35 mm ni à du numérique. La netteté n’est pas parfaite, le rendu est un peu grenu, mais avec une large échelle de couleurs qui permet
une image dense, saturée et riche ».

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