Enfants syriens, la génération perdue

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Enfants syriens, la génération perdue
“LUNDI 4 MAI 2015 y“’“y“
COLLECTE
Donner pour la Syrie
La Chaîne du bonheur et ses organisations partenaires
lancent l’appel aux dons «Together for Syria» en faveur
des victimes du conflit syrien jusqu’au 5 mai.
MONDE 19
CP 10-15000-6 Mention «Syrie»
REPORTAGE Pires formes de travail, mariages forcés, violences… La moitié des réfugiés
sont des mineurs. Déjà traumatisés par la guerre civile, ils subissent tous les maux en Jordanie.
Enfants syriens, la génération perdue
DE RETOUR DE JORDANIE
SARA SAHLI (TEXTES ET PHOTOS)
Six millions d’enfants
Le garçon a subi deux opérations en Jordanie, mais garde des
séquelles. Il respire difficilement, ses reins ne fonctionnent
plus bien, et les éclats de métaux
n’ont pas pu être extraits de son
épine dorsale... «Mais ça va.» Il
passe la main dans les cheveux
de son petit frère endormi et esquisse un sourire. Son visage
émerge de la sinistre statistique:
Des munitions
à fragmentation
utilisées
Annonces et démentis se sont
succédé hier sur la présence ou
non de soldats de la coalition
panarabe à Aden, la grande ville
du sud du Yémen. Les combats
se poursuivaient autour de son
aéroport. Par ailleurs, selon une
ONG, la coalition a utilisé des
munitions à fragmentation contre les Houthis.
Cette pratique est interdite par
un traité international.
Les combattants qui affrontent
les miliciens chiites houthis autour de l’aéroport sont des Yéménites et non des membres des
forces spéciales de la coalition
formée par l’Arabie saoudite, a
déclaré Ali al Ahmadi, porte-parole de la Résistance populaire
du Sud, mouvement favorable
au président yéménite en exil
Abd-Rabbou Mansour Hadi.
Mais ce dernier avait plus tôt affirmé qu’une quarantaine de soldats des forces spéciales de la
coalition étaient arrivés à Aden.
} 8KJ
Terre des hommes Lausanne lutte contre le travail des enfants. Ici, un garçon syrien trie les déchets près du camp de Zaatari, en Jordanie.
le drame humanitaire touche
durement l’enfance, la moitié
des 12 millions de Syriens chassés de leur domicile sont des mineurs.
Blessures invisibles
La guerre civile a aussi marqué
les enfants de blessures invisibles. A Mafraq, une ville voisine, le
petit Hamzeh, souffre de cauchemars et angoisses. «Ces plaies intérieures sont difficiles à panser, il
faut beaucoup de temps et d’écoute
pour qu’ils puissent revivre une vie
JEUNES SYRIENNES À VENDRE
«Cet homme avait au moins 50 ans! Il est revenu du camp de Zaatari avec
une Syrienne de 14 ans. Au début, il a dit que c’était pour lui offrir un toit contre quelques travaux de ménage. Une semaine plus tard, il l’a présentée
comme son épouse», raconte Suhail Zreikat, chef du bureau de Zarqa de Caritas Suisse en Jordanie.
Au début de la crise syrienne, de riches Saoudiens venaient chercher des
filles à marier dans les camps, poursuit le Jordanien. «Les Syriennes sont très
belles et elles ne coûtent pas cher. Maintenant ce sont principalement des
Jordaniens qui se marient avec elles». L’insécurité règne dans les camps de
réfugiés. «Beaucoup de familles craignent aussi que leurs filles se fassent
violer, alors elles recourent au mariage forcé pour leur garantir une protection. Même si elles sont encore loin d’être adultes.» }
d’enfants, et qu’ils ne transforment
pas ces traumatismes plus tard en
violence», explique Lana Snobar,
psychologue pour l’ONG suisse
Caritas. Hamzeh panique devant
les hommes en uniforme, depuis
qu’un soldat de l’armée syrienne
l’a mis en joue. Le garçon de 3 ans
avait jeté un caillou sur la roue du
véhicule militaire.
Et quel avenir pour ses sœurs aînées? Les jumelles ont 9 ans. «Elles sont si intelligentes, elles étaient
premières de classe en Syrie, on leur
demande souvent conseil», raconte
leur père avec fierté. Leur scolarité en Jordanie se limite à quelques
heures à l’école informelle de Caritas. «Elles n’y vont pas en ce moment».
Les fillettes sont malades, affaiblies par les jours de marche pour
atteindre la frontière, la sous-nutrition et les conditions précaires
dans le local sans fenêtres ni sanitaires qui leur sert de logement.
Et il y a aussi tous ces enfants qui
triment. A quelques kilomètres,
sur la route qui mène au camp de
Zaatari, des garçons se collent aux
vitres des voitures pour mendier.
Ces plaies
«intérieures
z
sont difficiles
à panser, il faut
beaucoup
de temps.»
LANA SNOBAR
PSYCHOLOGUE POUR CARITAS
«On a soif!». Les enfants vident les
bouteilles d’une traite. «Nous travaillons dans la déchetterie». Il faut
rouler encore une dizaine kilomètres pour trouver la montagne d’immondices. Nuages de
mouches, meutes de chiens errants, et des gamins, foulards autour du visage pour masquer la
puanteur.
«A partir de 11 ans, les enfants
doivent soutenir leur famille financièrement en travaillant. Les risques d’exploitation par le travail
sont de fait augmentés. Des tâches
pénibles, qui s’étalent sur de longues heures, jusqu’à 12 par jour ou
un travail dangereux (travail de
nuit, manipulation de produit dangereux, travail illégal…) ne sont
pas rares», explique Sylvain Fournier, coordinateur de terrain à
Terre des hommes Lausanne.
L’ONG suisse lutte pour la protection de l’enfance, contre les
violences commises à l’encontre
des enfants, les mariages précoces, et les pires formes de travail.
Sensibiliser les parents
et les employeurs
«Nous sensibilisons les parents et
les employeurs aux droits de l’enfant. Le manque d’éducation des
parents et des enfants, associé à
leur situation de mobilité, augmente grandement les risques de
violences et d’exploitation»,
ajoute le Français. «Nous voulons
faciliter la réintégration de ces enfants dans le système scolaire et
minimiser les situations de pires
formes de travail et d’exploitation».
Pour que leur génération ne soit
pas perdue.}
Des armes à fragmentation
auraient été utilisées contre
les Houthis. KEYSTONE
GRÈCE
Varoufakis défendu
par son père
Yanis Varoufakis fait des jaloux
parce qu’il est
plus compétent,
estime en
substance le
père du
ministre grec
des Finances,
âgé de 90 ans. Evoquant sans
les citer les autres ministres
européens, Giorgos Varoufakis
estime dans le journal
«Ethnos» «qu’ils veulent le
dévaloriser, parce qu’il est
compétent. Il n’est pas comme
eux. C’est pourquoi ils
l’attaquent». Il défend le style
de son fils, crâne rasé et
chemise ouverte, souvent en
jeans, circulant à moto.
«Christine Lagarde (la directrice
générale du FMI) l’aime bien,
comme toutes les femmes
d’ailleurs, en Europe et en
Grèce». } C<=@>8IF
KEYSTONE
L’enfant veut raconter luimême son histoire. Mohammad,
11 ans, se tient dans un coin de la
pièce. Il observait jusque-là, silencieux, sa mère faire le récit de
l’exil en Jordanie à We’am Daibas,
une jeune employée de l’ONG
suisse Medair. Les galères pour
trouver ce toit à Irbid, nourrir la
famille… Et avant, l’enfer syrien.
Copains d’école disparus, cousin tué sous ses yeux, bombardements quotidiens. En quatre ans
de guerre, Mohammad a fait le
deuil de son enfance. «Je suis allé
à une distribution de nourriture
dans la rue. Un tank de l’armée a
ouvert le feu sur nous. J’ai senti que
j’étais blessé, mais je suis d’abord
allé me cacher derrière une voiture.
Je ne sentais pas la douleur. Après je
ne me souviens pas bien.»
Hémorragies internes, éclats de
métal logés dans le dos et dans le
ventre: Mohammad a bien failli
perdre la vie aussi. Les hôpitaux
syriens, ou ce qu’il en reste, n’ont
pu lui prodiguer que les premiers
soins. «Le plus difficile a été de
marcher pendant trois heures dans
la zone entre la frontière syrienne et
jordanienne, sur ces quelques kilomètres, on ne nous a pas laissés
continuer en ambulance».
YÉMEN
FRANCE
Les soldats violeurs
doivent se dénoncer
Le ministre français de la
Défense, Jean-Yves Le Drian
demande aux soldats coupables
d’abus sexuels sur des mineurs
en République centrafricaine, des
actes mis au jour par un rapport
des Nations unies, de se
dénoncer. Quatorze militaires,
dont certains identifiés, seraient
concernés, d’après une source
judiciaire. «Si quelqu’un a sali le
drapeau il faut qu’il le dise dès à
présent car cela revient à trahir
ses camarades, l’image de la
France et la mission des armées»,
a déclaré Jean-Yves Le Drian.
Les jumelles Shahed et Ahed, et leur petit frère Hamzeh. Les enfants ont gardé des séquelles de la guerre.
Mohammad a été blessé par un tank lors d’une distribution de nourriture.
} 8KJ

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