L`innovation produit comme arme de la responsabilité
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L`innovation produit comme arme de la responsabilité
VIe congrès de l’ADERSE (22-23 janvier 2009) « Outils et pratiques de la responsabilité sociale des entreprises » L’innovation produit comme arme de la responsabilité environnementale en matière de transport touristique régional Bernard GUILLON Maître de conférences en Sciences de gestion Habilité à diriger des recherches IUT de Bayonne 3 avenue Jean Darrigrand 64115 Bayonne Cedex Tél. : 05 59 57 43 96 Courriel : [email protected] Résumé Cet exposé ne se contente pas de montrer la montée en puissance d’un mode de transport alternatif à l’automobile en matière de déplacement régional touristique, en vue de limiter les atteintes à l’environnement (effet de serre et pollution). Il met en relief le rôle prépondérant du renouvellement et de l’amélioration des véhicules ferrés sans oublier les prestations associées et les partenaires fondamentaux que sont les collectivités régionales. Ce qui revient à constater un cas de stratégie push au sein d’une démarche constructiviste aussi bien pour la SNCF que pour les régions. Mots clés Design, environnement, innovation, responsabilisation, TER, tourisme. Groupe Ecole supérieure de commerce de Pau VIe congrès de l’ADERSE (22-23 janvier 2009) « Outils et pratiques de la responsabilité sociale des entreprises » Si le sujet relatif aux trains touristiques n’est pas nouveau, il faut bien reconnaître que l’on a tendance à porter son attention aux trains liés à un site précis1 (train à crémaillère de la Rhune, train jaune de Cerdagne, ceux du Velay, du Montenvers, de La Mure…) et donc à les distinguer des trains à grande vitesse et du TER (Transport Express Régional). Or la montée en puissance des enjeux touristiques spécifiques au rail, dans une optique d’optimisation des transports limitant les effets nocifs des dépenses énergétiques, montre que le motif de déplacement touristique concerne des zones géographiques fort diversifiées et plus vastes. Que l’on pense tout d’abord aux tramways avec le tourisme événementiel et urbain ou du TGV, concurrençant souvent l’avion, pour assurer, par exemple, le déplacement entre Paris et la Suisse. Entre ces deux « extrémités » se situe l’analyse développée ici, qui concerne les espaces couvrant un ou plusieurs départements2. On intègre donc à côté des trains « spécifiques » évoqués précédemment, les trains TER avec notamment ceux circulant sur voie métrique (réseau corse…), sans oublier les trams-trains, dont la structure est intermédiaire entre le tramway (il se déplace, comme lui, en centre-ville) et le TER (véhicule plus lourd et plus rapide). On suit, en quelque sorte, l’argumentation « large » de Gasc (2002, p. 26) qui évoque trois options en matière de tourisme ferré : « le train comme moyen de déplacement touristique pour aller quelque part ; le train comme moyen de découverte d’un patrimoine naturel ; le train, contenant d’une offre spécifique à valeur ajoutée »). D’une manière générale, le développement des trains implique des modes de déplacement qui construisent un aménagement du territoire opposé à celui des déplacements routiers (profession pétrolière, constructeurs automobiles, sociétés d’autoroutes…). Il permet de conjuguer des argumentaires différents, mais qui épousent l’époque en ce début de siècle. • • • • Il conjugue une variété importante de véhicules destinés à répondre à la gamme de trajets possibles. Cette diversité rend parfois difficile l’interprétation du terme TER pour le grand public qui s’attend à une certaine spécificité (« typicalité ») du matériel. Par le nombre des personnes transportées, il permet d’économiser sur le « volume énergétique » nécessaire aux déplacements professionnels et une bonne partie des déplacements touristiques. Même si la clientèle utilise des automoteurs plus souvent appelés autorails (pourvus d’un système propulsif intégré diesel) ou des trains comprenant des locomotives diesel tractant des voitures3. Dans la mesure où le parc des véhicules comprend aussi des engins à propulsion électrique (qui profitent de l’expansion continue de l’électrification du réseau français ; actuellement 50 % de l’ensemble), il contribue à la responsabilisation environnementale. Il s’agit ici d’automotrices (donc pourvues d’un système propulsif intégré électrique) ou de trains comprenant, comme précédemment, des locomotives, mais cette fois mues par l’électricité. Il se fonde sur le développement d’innovations, qui ont vu le jour dans des secteurs concurrents ou voisins (climatisation, confort et fonctionnalité associés aux sièges, 1 A ce titre, on constate le maintien de trains à vapeur sur certaines lignes : chemin de fer de la Baie de Somme, celui du Vivarais... 2 « Aux côtés d’autres trains spécifiques et parfois célèbres (Mont-Blanc Express), ils sont, depuis fin 2001, regroupés sous la bannière commerciale TER touristiques avec l’objectif de convaincre les vacanciers d’abandonner leur voiture au moins une journée » (Nangeroni, 2007, p. 4). 3 Les trains Corail nécessitent un véhicule tracteur (diesel ou électrique), mais peuvent se déplacer sur la totalité du réseau français. Les voitures Corail sont ce que l’on appelle des remorques (pas de système moteur intégré). Comme d’autres véhicules (RRR : Rames Régionales Réversibles), il est désormais possible d’aménager la voiture de queue de certains d’entre eux en voiture réversible. En cas de besoin, cette voiture pourra permettre au conducteur de repartir « dans l’autre sens », la locomotive, située alors en queue du train, continuant d’assurer le déplacement. 2 Groupe Ecole supérieure de commerce de Pau VIe congrès de l’ADERSE (22-23 janvier 2009) « Outils et pratiques de la responsabilité sociale des entreprises » accès des PMR (Personnes à Mobilité Réduite), possibilité d’emporter des produits « annexes » comme des vélos ou des skis…). La communication présentée ci-après se fonde sur un dossier de presse qui se veut « large » au sens de Guillon (2007) et agrège un ensemble volontairement important de « canaux » caractéristiques du secteur. Ce dernier rassemble des informations produites et actualisées par les constructeurs de matériels (Alsthom devenu Alstom en 1998, Bombardier…) et les cabinets de design spécialisés, des mises en perspective réalisées dans la presse consacrée aux transports publics, ainsi que des documents édités par les collectivités régionales permettant à la fois de montrer les initiatives en amont de ces dernières, mais aussi la manière d’intégrer le réseau ferré dans une politique de communication active. La presse dite « scientifique » n’est pas oubliée, car on prend en compte ici les publications relatives aux formalisations dans les domaines technique, économique ou gestionnaire. Le dossier de presse est enfin « complété » par des rencontres avec les donneurs d’ordre au niveau local (essentiellement les régions et certaines municipalités dans le cadre de la compatibilité entre les TER et d’autres réseaux publics comme le tramway). L’importance des facteurs historiques conduit à adopter ici une démarche constructiviste. La première partie met plus particulièrement en exergue les premiers tâtonnements mariant les besoins de déplacements à caractère régional avec ceux plus spécifiquement touristiques. Si l’innovation a sa place dans cet exposé historique, elle prend tout de même la forme d’une amélioration progressive des performances en terme de vitesse, le confort restant à la traîne (l’esthétisme est absent à quelques exceptions notables près (dont Bugatti). La responsabilisation environnementale n’existe guère. Par contre, on voit déjà poindre des demandes récurrentes au niveau local sur lesquelles les constructeurs se fonderont par la suite. Le risque est celui relatif à la menace financière pesant sur la SNCF qui se constitue (construction de voies, électrification, abandon de la vapeur). Le deuxième volet de cette communication fait plus directement intervenir les régions, nouveaux acteurs politiques pour lesquels les constructeurs (soumis à une concurrence plus forte que précédemment) conçoivent avec les cabinets de design un matériel prenant en compte des variables jusqu’ici peu exploitées (confort, esthétique). L’innovation voit son caractère marketing se développer considérablement au point d’en faire une composante « plus globale » de la politique de ces collectivités locales (à côté d’autres fondamentales : le caractère « écologique » du déplacement, l’attrait (voire la fierté) d’utiliser un matériel roulant particulièrement performant permettant, au passage, de renforcer le marché des déplacements professionnels, mais également celui relatif au tourisme. L’effort en matière de design englobe aussi la rénovation d’engins existants…avec la préoccupation de séduire la clientèle « automobile ». 1. Jouer la carte de la seule responsabilité financière pour le réseau ferré touristique S’il est possible de parler de constructivisme dès cette étape, c’est parce que l’on observe un volontarisme en matière d’équipement (extension du réseau – avec ou sans caténaire – et adoption de matériel roulant) qui coïncide avec le passage de témoin entre les gestionnaires de réseaux privés et ceux de l’Etat. Le train n’est pas une création du XXe siècle. Même si l’on retrouve des initiatives encourageant le tourisme de masse dans l’Hexagone en 1885 (trains de pèlerins pour Lourdes) et après 1918 (pèlerinages sur les champs de bataille ; compagnies du Nord et de l’Est), on peut toutefois reconnaître que le « transport ferré à Groupe Ecole supérieure de commerce de Pau 3 VIe congrès de l’ADERSE (22-23 janvier 2009) « Outils et pratiques de la responsabilité sociale des entreprises » l’échelon régional » remonte aux années 30, à une époque où l’opposition avec les fabricants automobiles s’est atténuée. Les effets de la crise de 1929 se font progressivement sentir et le développement du train est une aubaine pour certains équipementiers et constructeurs automobiles : Bugatti (WR, XB), Renault (AEK, ADP et ABJ) et Michelin (type 23). L’engouement pour les « automotrices à moteur à explosion » (Lavie, 2004, p. 10) est contemporain de la fondation de la revue touristique des réseaux Rails de France (revue qui fédère, en 1933, des initiatives précédentes : Voyages (1926) du PLM, Revue illustrée des chemins de fer (1927) du réseau de l’Etat, Nord Magazine (1928) du Nord). Mais les choses vont continuer d’évoluer rapidement… en même temps que le parc des matériels roulants. La loi du 20 juin 1936 sur les congés payés (deux semaines) « motive » l’octroi d’un « tarif ferroviaire approprié » (De Boras et Ribeill, 2007, p. 67) : le billet populaire de congé annuel4 (2 août 1936). Ce dernier prend la suite d’expériences comme les trains spéciaux de vacances au départ de Paris du PLM en 1933 (et la vente de billets aller et retour à prix réduit en 1906 toujours par PLM). A l’époque les chemins de fer appartiennent à ces compagnies privées, qui craignent un transport à perte… avant de suivre finalement Léo Lagrange dans ses ambitions au mois d’août 1936. Lors de l’été 1937, les billets de loisirs agricoles apparaissent avec les mêmes avantages. En 1938, la SNCF, nouvellement créée (convention du 31 août 1937 applicable au 1er janvier suivant), hérite des billets de congés annuels et de loisirs agricoles. L’époque se prête également au développement d’un système propulsif nettement plus économique, plus propre et au rendement plus régulier que la vapeur, à savoir celui fondé sur les moteurs à explosion. On voit aussi se développer, en parallèle, des engins électriques sur un réseau encore limité. Alors que sont déclassés les trains à vapeur5 apparaissent les EAD (Eléments Automoteurs Diesel), encore appelés « Caravelles ». Profitant de l’électrification de la ligne Paris-Lyon et donc de la banlieue Sud-Est, apparaissent les Z 5100 (ayant la possibilité de composer des rames formées de deux à douze véhicules ; « rames inox ») en 1953, puis les Z 7100 (dite « Zézettes », 1960) et les Z 5300 (1965 ; MTE, Carel & Fouché…) qui remplacent avantageusement les Z 3800 (1938). Même si cette montée en puissance du volume et du rendement des véhicules ne peut se comparer avec le secteur automobile (la troisième classe ne sera supprimée qu’en 1956)…. en dépit du lancement du premier autorail à vocation régionale et touristique, l’X 42006. Les Trente Glorieuses s’accompagnent du développement de l’automobile qui conduire les autorités gouvernementales à fermer un nombre notable de lignes (réseau breton) et à transférer les dessertes omnibus vers la route (1967-1973). Ce que l’on pourrait appeler un constructivisme à rebours ! A l’époque, il importe de se repositionner vers les secteurs jugés d’avenir : les dessertes de la banlieue des grandes métropoles « et certaines radiales de moyenne distance ». En 1968, le rapport Nora plaide pour un « désengagement de l’Etatpatron dans le secteur public » (Ribeill, 2007a, p. 73). Pourtant des expériences pionnières au niveau régional voient le jour, comme la desserte cadencée Métrolor (1970 ; Nancy-MetzThionville), qui fait « grand bruit » (Emangard, 2005, p. 6). Dès cette période, il semble que les dessertes omnibus puissent avoir un avenir « pour peu que nous fassions des efforts 4 - 40 % sur le billet simple « à place entière 3e classe » (sans possibilité de surclassement) pour un trajet allerretour égal ou supérieur à 200 km et un séjour d’au moins cinq jours sur le lieu de destination (De Boras et Ribeill, 2007, p. 73). 5 La vapeur disparaît aux Etats-Unis au milieu des années 50 et en Europe en 1965. 6 La construction des 10 autorails panoramiques à étage X 4200 (Renault, Compagnie électro-mécanique, Société alsacienne de constructions mécaniques) a été approuvée, le 20 juin 1956, par le conseil d’administration de la SNCF. Ils assureront leur service entre 1959 et 1984 dans les Cévennes et les Alpes. Bénéficiant d’un design particulier, ils souffriront pourtant de problèmes mécaniques non négligeables et de l’absence de climatisation : « Superbes esthétiquement parlant avec un radome offrant une visibilité spectaculaire sur les paysages traversés » (Constant, 2007, p. 34). 4 Groupe Ecole supérieure de commerce de Pau VIe congrès de l’ADERSE (22-23 janvier 2009) « Outils et pratiques de la responsabilité sociale des entreprises » d’adaptation de l’offre ou de modernisation d’un matériel roulant souvent âgé » (ibid.). De plus, la fermeture des lignes commence à poser problème, dans la mesure où certaines d’entre elles concernent le « noyau dur du réseau »7. Le choc pétrolier de 1973 ramène sur le devant de la scène les économies d’énergie et celles relatives à l’aménagement du territoire. Métrolor apparaît comme un succès, qui se décline dans d’autres zones géographiques : Métrazur, Métrovosges, MétroOrne, puis Métrodunes. Un moratoire est annoncé en 1974. On lance une politique expérimentale de Schémas Régionaux de Transports (SRT) auprès de six régions. Selon Emangard (2005, p. 9), le schéma de la région Nord-Pas-de-Calais intègre des études qui démontrent que « si le matériel roulant est modernisé, (on) peut se payer une offre améliorée de 20 ou 30 % à budget égal ». Le second choc pétrolier (1979) révèle indirectement que les trafics omnibus sont plus forts que prévus. Les régions deviennent des collectivités territoriales en 1982 et un service de conventionnement à la marge est créé en 1984 : « pour un service initial dont le déficit est d’un certain montant, il est couvert par la dotation de l’Etat. (Et) la région prend le risque uniquement sur la variation de la recette. Elle a donc la garantie que si le trafic se maintient, elle ne prend aucun risque. (Et) si le trafic augmente, ce sont des gains en sa faveur » (ibid., p. 10). Le trafic se maintient ou s’accroît. Avec un renouvellement de matériel : arrivée des automotrices électriques Z2 (1980) capables d’atteindre 160 km/h. Pour ce qui des automoteurs, ce sont les X 2100 et X 2200 (1980 et 1985), qui commencent à remplacer les « Caravelles ». Mais ces améliorations sont loin de l’innovation que l’on connaîtra quinze ans plus tard. De plus, la politique de communication, qui l’accompagne, reste timide. Le statut des trains régionaux relève de la Loi d’Orientation des Transports Intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982, dont l’article 22 fixe l’organisation des liaisons ferroviaires inscrites au plan régional des transports. La région est reconnue comme autorité compétente pour l’organisation des services ferroviaires régionaux, pour autant qu’une convention ait été passée avec la SNCF. Et presque toutes les régions ont conventionné les TER, composés de deux catégories : les dessertes de bassins d’emploi et les Express d’Intérêt Régional (EIR) pour les relations ville à ville (Meillasson, 2005, p. 46). Par ailleurs, on profite du lancement de la nouvelle génération de rames inox (voitures), dites rames régionales réversibles, à la fois en traction électrique et thermique, financée soit par la SNCF, soit par certains conseils régionaux, pour lancer le « produit TER » (1986). « Le sigle et le logo sont censés véhiculer une image renouvelée de l’ancienne terminologie omnibus devenue quelque peu désuète » (Collardey, 2005, p. 39). Et l’on retrouve le symbole TER sur les bâtiments des gares, les guides horaires et les liaisons routières de substitution. En dépit de cet effort de promotion, le trafic diminue à nouveau vers le milieu des années 90 et le système de conventionnement à la marge s’en trouve compromis. Les collectivités voient leurs dépenses s’accroître. D’où leur refus de payer en 1995. A tel point « qu’afin de supprimer cette situation récurrente, les études préliminaires au contrat de plan 1996-2000 envisagent la casse de 5.811 km de dessertes régionales en situation financière (fortement) dégradée, scénario qui sera évité de justesse » (Collardey, 2005, p. 39). En 1997, Réseau Ferré de France (RFF) est créé, la mission de ce nouvel établissement public étant de gérer les infrastructures… et la dette du système ferroviaire8. Un audit mené par le cabinet KPMG 7 Protestations en Ardèche, département devant ne plus avoir de desserte ferroviaire voyageurs en cas d’application. 8 « Cette séparation institutionnelle ne modifie pas la structure industrielle du secteur qui reste encore intégrée, puisque la SNCF, prestataire obligé de RFF, gère et entretient le réseau pour le compte de RFF. Du reste, l’Etat Groupe Ecole supérieure de commerce de Pau 5 VIe congrès de l’ADERSE (22-23 janvier 2009) « Outils et pratiques de la responsabilité sociale des entreprises » permet de remettre à plat le problème. Bientôt, une expérimentation va voir le jour. Avant d’adopter une loi devant fixer les modalités d’organisation et de financement des transports collectifs d’intérêt régional, l’Etat lance une expérimentation en retenant sept des treize régions candidates : Alsace, Centre, Nord-Pas-de-Calais, Pays de Loire, Provence Alpes Côte d’Azur, Rhône-Alpes (1997) et Limousin (1999). Ce que l’on appelle désormais les « TER de demain » prend forme avec la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain ; publication le 13 décembre 2000), qui généralise la régionalisation du transport ferroviaire (depuis son entrée en application le 1er janvier 2002). Les régions, « autorités organisatrices du transport régional »9 choisissent une dynamique fondée sur l’arrivée massive de matériels profondément renouvelés (ce que l’on appelle une stratégie technologique « push » an sens strict du terme) en parallèle avec la rénovation de matériels anciens (dont les formules tractées de type Corail ; 1976). L’écologie n’est alors plus une valeur négligeable, aussi bien en termes énergétiques qu’en termes de tourisme vert (jusque là le tourisme ferré est limité à la gestion au plus juste de sites spécifiques). Au fur et à mesure, les discours évoluent10. L’expérience « train » ayant sérieusement été malmenée par l’automobile, il faut donc profiter des opportunités permises par la reconfiguration en profondeur du parc de véhicules. Admettant avec Arnould et Thompson (2005) que l’expérience est un concept-clé de la théorie de la culture du consommateur (CCT, Consumer Culture Theory), qui fonde un marketing expérientiel (Schmitt, 1999), il faut reconnaître le principe de comparaison entre la prestation procurée par un TER à un passager (confort et respect de ses horaires notamment) et celle impliquée par l’utilisation de véhicules individuels. Ceci est encore plus vrai dans le cadre d’une prestation touristique, puisque les sensations, les satisfactions et les irritations sont plus vivaces et conditionnent la réutilisation du train et sa publicité. 2. Valoriser le tourisme ferré et la responsabilité environnementale par l’innovation technique Parler de dynamique technique dans l’univers du rail revient à porter son attention au premier aspect de la production d’expériences (Carù et Cova, 2006, p. 104), à savoir « le décor, le design, la mise en scène avec une attention spéciale à la stimulation polysensorielle », même si le troisième aspect (« le récit, l’histoire, l’intrigue qui se nouent, dont le plus important est de garder des souvenirs ») n’est pas à négliger. Certes, les principes marketing qui viennent d’être évoqués (conçus dans le cadre d’une optique plus large) s’appliquent particulièrement bien ici. Les constructeurs vont combiner les innovations techniques (rendement des moteurs, amélioration du confort de la suspension, qualité du design…) et procurer autant de facteurs français a créé en 1999 le conseil supérieur du service public ferroviaire dont l’un des objectifs est de préserver la cohérence d’ensemble du secteur sans revenir pour autant sur la séparation institutionnelle décidée par le Gouvernement précédent » (Bergougnoux, 2000, p. 137). 9 Elles perçoivent de l’Etat une dotation qui sert pour l’exploitation des services régionaux, à la compensation des tarifications sociales et aux investissements de renouvellement en matériel roulant. 10 « Chaque ligne est en fait choisie en partenariat avec les conseils régionaux, à l’initiative des 22 chefs de produits touristiques. Leur mission : identifier les nouvelles lignes et réactualiser ou transformer l’offre existante, en relation avec les comités départementaux et régionaux du tourisme et le tissu associatif local. Surfant sur la vague de l’écotourisme, la SNCF étoffe son offre d’année en année. Rien que pour 2007, ce sont 11 nouvelles liaisons ; 16 des 22 régions de France possèdent maintenant une offre touristique. Soit (en comptant les TER des neiges) un total de 45 trains, dont 37 circulant l’été » ((Nangeroni, 2007, p. 4). 6 Groupe Ecole supérieure de commerce de Pau VIe congrès de l’ADERSE (22-23 janvier 2009) « Outils et pratiques de la responsabilité sociale des entreprises » de théâtralisation (au sens de l’importance donnée au décor ; ibid., p. 103) de l’offre ferrée dans le cadre des déplacements et plus encore en période touristique. Comme on va le voir, c’est la dynamique technique en faveur des TER (pris globalement) qui va influencer le renouvellement technique des trains « plus touristiques ». D’une manière plus générale, les régions sont favorables à l’augmentation du nombre de places offertes (desserte des zones fortement urbanisées en périphérie des grandes villes et du patrimoine régional) et définissent l’offre qu’elles souhaitent (véhicules, dessertes, tarifs, qualité de service, information). La SNCF, « devenue prestataire de service, (…) est tenue de fournir des informations précises sur la fréquentation, le déroulement du service comme sur les suppressions de trains accidentelles ou lors de mouvements sociaux, la ponctualité… Un système de pénalités avec bonus-malus a été, par ailleurs, mis en place » (Collardey, 2005, p. 40). Le conventionnement est devenu une obligation. Cette ambition implique donc la réalisation des automoteurs et automotrices particuliers… dans le cadre d’un partenariat, jusqu’alors inédit, entre la SNCF, les régions et les constructeurs. Pour reprendre Rieunier (2002) et en l’adaptant au cas présent, la « consommation » de produits touristiques ferrés implique de transformer le voyage « en occasion de divertissement et de vécu hédonique » (cité par Carù et Cova, 2006, p. 102). Le constructivisme est donc porté par l’innovation et la conception environnementale des sites. La première étape innovatrice porte sur la venue d’un parc de nouveaux matériels aussi bien en matière de propulsion diesel (X TER11, puis A TER12 et XGC) que de propulsion mixte (TER 2N13 et TER 2N NG14, Z TER15, ZGC) et de propulsion mixte (BGC). Ce dernier critère est d’ailleurs l’une des originalités majeures de l’époque actuelle. L’Autorail à Grande Capacité (AGC), fabriqué par l’entreprise Bombardier (2003) et le cabinet MBD Design, offre, quant à lui, un mode de propulsion originale : diesel (X 76500 ou XGC ; 160 km/h), électrique (Z 27500 ou ZGC ; 160 à 200 km/h) ou bimode16 (B 81500 ou BGC ; 160 à 200 km/h). Le caractère bimode17 peut être considéré comme une « innovation de rupture », car il 11 Alsthom propose, en 1997, l’automoteur X TER (ou X 72500), dont la face avant ressemble à celle du TGV et à l’ancien automoteur Bugatti (bicaisse ou tricaisse ; véhicules couplables en UM (Unités Multiples) jusqu’à trois éléments ; 160 km/h). Deux cabinets se sont associés en vue de sa conception : MBD Design pour le design extérieur et Avant Première pour le design intérieur. 12 Ce véhicule est complété, en 1999, par un automoteur plus fiable, mais cette fois monocaisse et destiné aux « relations de proximité » (donc plus modulable, couplable jusqu’à trois éléments ; 140 km/h), l’A TER (ou X 73500 ; Alstom et De Dietrich, conception par la cabinet Avant Première) : arrêts multiples, voies uniques ou non. Son apparence de TGV en réduction, son plancher surbaissé et sa vision panoramique, entre autres, lui assurent un succès notable. 331 rames A TER (X 73500) ont été achetées contre 117 X TER (X 72500). 13 Dans le domaine électrique, apparaît tout d’abord le TER 2N (1997) ou Z 23500 (Alsthom et ANF), automotrice bicaisse à deux niveaux, couplable jusqu’à quatre éléments (140 km/h), qui concerne les régions caractérisées par une forte densité de population, des grandes villes proches et un réseau ferroviaire bien développé. Chaque voiture bénéficie de deux plates-formes à plancher bas, dotées de larges portes d’accès, facilitant ainsi l’accessibilité aux voyageurs à mobilité réduite, avec des poussettes ou des bagages encombrants. La conception est assurée par MBD Design. 14 La version ultérieure de ce véhicule, le TER 2N NG (2003), est capable d’atteindre 160 km/h quelle que soit sa taille (Z 24500 en bi ou tricaisse ou Z 26500 en quadri ou pentacaisse) grâce à une motorisation répartie. Il est le fruit de la collaboration d’Alstom et de Bombardier. 15 Les deux constructeurs se sont aussi associés pour la construction de l’automotrice Z TER (2002) ou Z 21500 (trois caisses, couplables jusqu’à quatre éléments), qui concerne les autres régions. C’est un peu la « version électrique et améliorée » de l’X TER (vitesse maximale de 200 m/h, confort particulier), signée par Avant Première. 16 Cette double propulsion a été testée en 1939 avec le véhicule ferré « Amphibie » des constructeurs Alsthom et Soulé (compagnie PO-Midi). 17 La version bimode a, de plus, été suivie de la version bimode-bicourant (1.500 V + 25.000 V ; 200 km/h) dite B 82500 (« Bibi »). Groupe Ecole supérieure de commerce de Pau 7 VIe congrès de l’ADERSE (22-23 janvier 2009) « Outils et pratiques de la responsabilité sociale des entreprises » permet de bénéficier d’un avantage en matière de choix de positionnement et de ciblage (Le Nagard et Manceau, 2000, p. 18). Une « typicalité technique » que perçoivent bien les collectivités locales (moindre pollution en gare, économie de gestion des véhicules)… et les clients (un seul train pour deux parcours). L’existence de ces nouveaux matériels est l’occasion pour les collectivités locales de profiter de supports publicitaires (grâce au pelliculage des trains) : écussons des communes figurant sur les côtés des TER ; importante surface d’affichage mentionnant les logos et les opérations ponctuelles des régions... De manière symétrique, les régions rappellent, sur leur site Internet, la politique coordonnée de transport qu’elles mettent en place, la tarification pratiquée intégrant les TER, les tramways et/ou métros, sans oublier les bus, en complément des actions récurrentes concernant le patrimoine spécifique à chaque région18. La dynamique, que l’on connaît avec les TER (dans le cadre des transports « travail » ou « tourisme ») sur voie normale, se retrouve pour les réseaux sur « voie réduite »19. Il faut dire que les acteurs locaux sont fortement motivés et qu’un décalage avec le nouveau matériel TER serait préjudiciable. Les trains « à voie métrique » concernent, au premier chef, le secteur touristique20. A côté des TER « généralistes » et des TER « touristiques » apparaît une autre catégorie de matériel, elle aussi participant au « constructivisme ferré » : il s’agit du tram-train. Certes, le premier d’entre eux, l’Avanto de Siemens (2005), est destiné à la ligne Aulnay-Bondy (Ile de France ; 15 rames commandées). Mais d’autres projets doivent voir le jour dans le cadre de relations entre les centres villes et les zones départementales ou régionales. Ceci explique pourquoi le Dualis d’Altsom a été sélectionné par la SNCF en 2007 : 24 rames pour la région Rhône-Alpes et 7 pour la région Pays de Loire dans le futur. En attendant d’autres initiatives ailleurs (Mulhouse, La Réunion…). 18 Voir l’exemple de la carte Modalis en région Aquitaine. Dans la pratique une voie métrique, donc moins large que la « voie normale ». 20 Ainsi, sur la ligne Blanc-Argent (région Centre ; 200.000 personnes par an), les nouveaux automoteurs CFD X 74500 (2002) à deux caisses asymétriques, dotés de la climatisation et d’une plate-forme surbaissée, sont désormais au niveau des TER modernes. Dans le cas très particulier de la Corse (232 km de voie métrique), où l’exploitation est assurée par la SNCF depuis 1983, l’année 2008 est à marquer d’une pierre blanche. Faisant suite à un programme de renouvellement de 118 km de voie à partir de 2004, l’arrivée des CFD AMG 800, panoramiques, bicaisse, dotés d’une plateforme surbaissée et climatisés, capables de rouler à plus de 80 km/h en rampe de 3 % et d’atteindre la vitesse maximale de 100 km/h, vont faire oublier les Renault ABH 8 série 200 (1948), les CFD X 2000 (1975), les CFD X 5000 (1981) et les CFD/Soulé X 97050 (1989). De quoi reconquérir le million de voyageurs enregistrés en 2001 (827.000 en 2007). Deux automoteurs AMG 800 ont également été commandés dans le cadre de la rénovation du matériel roulant des Chemins de fer de Provence pour la ligne de 150 km Nice-Digne (suite à la croissance de l’effectif des clients : 500.000 voyageurs en 2005). Les automotrices tricaisse Stadler Z 850 contribuent à l’amélioration de la fréquentation de la ligne SaintGervais-Vallorcine (après la venue des cinq rames Z 800 bicaisse à grandes baies vitrées et climatisation en 1997) : agencement de la caisse médiane comportant une salle à larges baies avec custodes panoramiques audessus des sièges ; plancher surbaissé adapté aux PMR. Tout cela dans le cadre d’une fréquentation annuelle de l’ordre de 500.000 voyageurs. La ligne Mont-Blanc Express « n’est pas seulement touristique. C’est une ligne de service public et une ligne touristique. Mais en tant que ligne touristique, elle est un joyau, un bijou… que la SNCF a la chance d’exploiter depuis sa création en 1938 et que nous voulons exploiter à l’avenir » (Guillaume Pépy, président de la SNCF, 2008, p. 13). Cette année, on a fêté le centenaire de la ligne. Stadler toujours propose, depuis 2003, des automotrices Z 150 (de couleur jaune) en Cerdagne pour épauler les Z 100 (1910). Ce qui implique aussi de renouveler les rails afin de s’adapter à ce type de véhicule. Sur les 400.000 voyageurs, la moitié d’entre eux se déplacent en juillet et en août. Un train électrifié à crémaillère (Stadler) est également prévu au Puy de Dôme (450.000 visiteurs par an) en 2012. Ici le train est destiné à se substituer au tracé routier. Son design est assuré par MBD. 19 8 Groupe Ecole supérieure de commerce de Pau VIe congrès de l’ADERSE (22-23 janvier 2009) « Outils et pratiques de la responsabilité sociale des entreprises » Cet effort d’amélioration « produit » ne concerne pas que le matériel neuf. Il faut dire que la longévité des matériels roulants ferroviaires (au moins 30 ans) implique un voire deux réaménagements au cours de leur vie (Laval, 2005, p. 34). Certes, « le rénové ne doit pas faire trop « vieux » ou « inconfortable » par rapport au neuf ! Le progrès est réel par rapport aux banquettes de skaï des autorails des années 60, et le confort des trains régionaux français peut maintenant être comparé avec celui des autres trains européens » (Laval, 2005, p. 32)21. Les régions ont financé la rénovation d’environ 350 caisses entre la fin 1998 et la mi-2002. Ce chiffre est passé à 1.000 de la mi-2002 à la mi-2005. La remise à niveau peut être légère (rehoussage des sièges et mise en peinture) ou lourde (remplacement des sièges, installation d’espaces diversifiés), avec ou sans climatisation. Les niveaux de rénovation « varient » beaucoup selon les régions depuis leur lancement en 199822. L’agence Avant-Première a poussé loin la volonté de remise à niveau pour les Z2 à courant continu de la région Centre (revêtements de sol, nouveaux sièges de type TER 2N, augmentation du pas entre les sièges…), qui bénéficient désormais d’une ventilation réfrigérée. Cette description montre que là encore Baudrillard (1970) avait raison de dire qu’il faut s’intéresser au sens des produits. « L’image fait la différence » (Carù et Cova, 2006, p. 100). Elle est ici couplée avec l’innovation technique. Ainsi, que l’affirment Cova et Cova (2001), la consommation provoque des sensations et des émotions, « qui, loin de répondre seulement à des besoins, vont jusqu’à toucher à la quête identitaire du consommateur ». C’est pourquoi la SNCF monte parfois des produits « voyage » avec les offices du tourisme et les collectivités locales. Des partenariats diversifiés sont également développés, comme celui liant la SNCF avec l’association « Les plus beaux détours de France », éditrice d’un guide diffusé à 200.000 exemplaires. Ceci est d’autant plus fort que le design « jette un pont entre art et technique » (Borja de Mozota, 2002, p. 5). En ce sens, le design s’appuie sur le modèle expérientiel de la consommation de Holbrook et Hirschmann (1982). « Véritables scénographes, ces designers ont aujourd’hui la mission d’individualiser les aménagements à l’heure où les constructeurs ferroviaires parlent avant tout (de) modularité » (Laval, 2005, p. 33). Luc Jozancy (cabinet Avant Première), parle, à propos de l’X TER, de la volonté d’éviter « l’écueil de la froideur technologique. (…) Pour redonner le goût du train au voyageur local et le détourner de l’automobile, l’image du train régional doit certes être en rupture totale avec le passé pour ce qui concerne la vitesse et l’efficacité ; mais elle doit absolument être empreinte de chaleur humaine, sympathique et conviviale au niveau du confort et de l’espace intérieur » (Méheux, 2000, p. 11). Ce qui permet, en outre, de dégager des possibilités nouvelles de marge, à une 21 RCP Design a pris en charge le réaménagement des automotrices transiliennes Z 6400 et Z 20900. Ainsi les EAD, dont le nombre décroît régulièrement, ont cependant fait l’objet d’une modernisation pour certains d’entre eux (X 4600). Les autorails X 2200 sont aussi concernés. Dans le domaine électrique, certains Z2 bénéficient aussi d’un effort significatif. Autre cas, celui de la remise à niveau impliquée par les achats d’anciens matériels d’Ile de France : rames électriques bicourant à deux niveaux Z 20500 (GEC-Alsthom, ANF, CIMT ; 1988) achetées en 1996 par la région Nord-Pas de Calais, rebaptisées Z 92050 et rééquipées (installation de rangées de sièges (quatre places de front), design amélioré des housses, décoration extérieure jaune…). Les rames réversibles RRR, qui profitent d’une modernisation, se voient équipés de sièges de type TER 2N NG, avec un aménagement de deux places PMR. De plus, les voitures Corail « glissent » vers le réseau TER, même si ce n’était pas prévu à l’origine (matériel orienté « grandes lignes »). En effet, ces voitures sont capables du supporter une vitesse de 200 km/h, ce qui en fait un outil de déplacement rapide et modulable dès 1991. Surtout si l’on tient compte de la transformation de ces voitures en véhicules réversibles. Certes, il faut prévoir une locomotive, mais les régions vont faire de ces véhicules un support de communication significatif (TER Plaine d’Alsace en 1991, TER Inter Loire en 1994 : pour le service entre Paris, Orléans et Tours, la région Centre a fait modifier les voitures Corail avec une livrée particulière, Aqualys). 22 Groupe Ecole supérieure de commerce de Pau 9 VIe congrès de l’ADERSE (22-23 janvier 2009) « Outils et pratiques de la responsabilité sociale des entreprises » époque où la concurrence sur les prestations « moteurs », l’effectif des places disponibles ou les systèmes de suspension limitent fortement les prétentions financières des constructeurs. Ces efforts constituent des arguments de poids pour les structures régionales, à l’image de la première région touristique française de France (35 millions de visiteurs par an) – ProvenceAlpes-Côte d’Azur –, qui est aussi celle qui dispose du plus grand nombre de trains « strictement » touristiques (huit en 2007 ; Nangeroni, 2007) ! D’ailleurs, la ligne CannesGrasse a été réouverte en 2005 (après une soixantaine d’années d’interruption) avec des TER 2N NG. Ce qui, au passage, assure la promotion du « train des parfums » et de ses déclinaisons (train de la lavande, train de la Côte bleue, train de la mer…). Et comme l’affirme le chef de produit touristique de la SNCF en région PACA, on capte « 15 % de clients nouveaux et le trajet leur laisse une excellente image du TER » (ibid., p. 11). Les mêmes espoirs concernent le réaménagement de la ligne allant jusqu’à Monaco (contrat liant la principauté et la région PACA dans le cadre du financement de cinq TER 2N NG). Autre exemple encourageant, celui des réductions ski dans le cadre de l’offre régionale des TER (Auvergne, Franche-Comté, Lorraine…). Toujours en ce qui concerne l’image, on doit rappeler le lancement du site trainstouristiquester.com, dont l’un des objectifs est – comme pour les autres outils de communication disponibles – de se rapprocher de ce qu’évoquent Firat et Dholakia (1998), à savoir favoriser l’immersion totale du consommateur dans une expérience originale : « s’immerger dans des contextes expérientiels » plutôt que de « simplement acheter des produits ou des services » (repris par Carù et Cova, 2006, p. 103). Conclusion : un réseau ferroviaire profitant toujours plus au tourisme Cette volonté d’améliorer le confort et le visuel de tous les véhicules ferrés assurant à titre principal ou occasionnel le transport touristique incite à l’optimisme… Un peu comme si l’on était en présence d’un cas d’école relatif au succès au marketing expérientiel de Holbrook et Hirschmann (1982), se fondant sur la présence d’une stratégie industrielle « push » voulue par les décisionnaires publics. Cette stratégie combine l’amélioration de la qualité des véhicules avec une politique de communication exploitant le rôle effectif assuré par le transport ferré en matière de lutte contre le risque d’atteintes environnementales (effet de serre et pollution). Ce qui autorise un constructivisme assurant a priori la pérennité du réseau. L’analyse de l’époque actuelle inciterait, dans un premier temps, à reprendre les argumentations de Collardey (2005, p. 43) et à admettre que l’alternative au risque d’engorgement et de pollution routière a de l’avenir : « toutes ces opérations associées au rajeunissement sans précédent du matériel engagé concourent à donner une nouvelle image du service TER, dont le concept est maintenant bien ancré dans les esprits. Une image de modernité grâce à des trains toujours plus confortables, rapides et sûrs. La bataille des services régionaux est bien engagée, car elle dispose par rapport à la concurrence d’atouts de choix comme la vitesse (TGV-TER à 300 m/h, Z TER à 200 km/h…), la pénétration au cœur des villes, une tarification très incitative ». D’ailleurs, on observe, dans le palmarès des régions qui concerne les années 2002 à 2005, une augmentation sur trois ans de 12 % du trafic pour une offre de matériel en hausse de 8,2 %. L’investissement est évalué à 4,5 milliards d’euros. Pour les neuf premiers mois de l’année 2006 par rapport à la même période l’an passé, la croissance atteint les 9,7 %. « Du jamais vu » (Laval, 2006, p. 46). Il y a même des 10 Groupe Ecole supérieure de commerce de Pau VIe congrès de l’ADERSE (22-23 janvier 2009) « Outils et pratiques de la responsabilité sociale des entreprises » régions bénéficiant de taux de croissance à deux chiffres : Rhône-Alpes (12,7 %), PACA, Pays de Loire, Languedoc-Roussillon, Basse Normandie, Lorraine et Bourgogne… Guillaume Pepy, directeur exécutif à la SNCF, estime, en outre, que le trafic des trains régionaux devrait croître de 30 à 50 % d’ici trois ans23. Sur un plan « plus touristique » (et désormais revendiqué comme tel), l’enthousiasme est toujours de rigueur : « Officiellement, l’ambition n’est pas de multiplier le chiffre d’affaires (6 millions d’euros en 2006), mais de maintenir une croissance du trafic de 2 à 5 % par an. Voyageur type : l’adulte de plus de 30 ans, souvent en famille, et le senior. En volume, la fréquentation a doublé, passant d’un million en 2005 à deux millions (en 2006). Mais entretemps, les trains se sont multipliés : 11 en 2005, 30 en 2006, dont 23 estivaux, 45 pour la nouvelle saison » (Nangeroni, 2007, p. 6). « Vu l’offre supplémentaire, nous pouvons facilement annoncer trois millions de voyages en 2007, avance Jean-Pierre Farandou (directeur de la branche Transport public de la SNCF). Notre but c’est aussi de faire venir au train une nouvelle clientèle qui découvre que le TER n’est plus la vieille micheline ; car on sait que sur certaines lignes, comme le train des neiges qui part de Marseille, 15 % de la clientèle n’ont jamais pris le train ! ». Selon Nangeroni (2008, p. 6), 16 des 22 régions de France ont une offre (dont 37 circulant l’été)24. Des résultats qui semblent donner raison à la transformation en profondeur du produit « transport ferré ». 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Après le lancement l’été dernier du baladeur multimédia géolocalisé (dit Bamgi) à Chamonix et du casque audio train en Champagne-Ardenne, cette année c’est l’arrivée en force de la location des vélos dans les gares et auprès de certains loueurs agréés par la SNCF » (Nangeroni, 2008, p. 6). Groupe Ecole supérieure de commerce de Pau 11 VIe congrès de l’ADERSE (22-23 janvier 2009) « Outils et pratiques de la responsabilité sociale des entreprises » COVA V. et COVA B. (2001), Alternatives Marketing : réponses marketing aux évolutions récentes des consommateurs, Paris, Dunod. EMANGARD P.H. (2005), « TER, premier bilan », Rail Passion, n° 6H, « Trains régionaux d’hier et d’aujourd’hui », juillet. FIRAT A.F. et DHOLAKIA N. (1998), Consuming People : From Political Economy to Theaters of Consumption, London, Sage. GARNIER S. (dir.) (2006), « 20 bonnes idées pour se déplacer : sans voiture même en vacances », Ville et transports Magazine, n° 407, 13 septembre. GASC J.M. 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