janvier engagé - Pagesperso

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janvier engagé - Pagesperso
Numéro 7
Février 2006
JANVIER ENGAGÉ
On n’avait pas vu ça depuis les années 70 ! Le hasard des sorties françaises a fait se succéder sur nos écrans
une série de films sinon politiques du moins engagés, un genre que le cinéma américain semblait avoir délaissé
depuis la fin des seventies.
L’administration
républicaine est propice à
ce retour en force comme
le soulignait récemment
Steven Spielberg qui
analysait ainsi cette
mouvance politique chez
les cinéastes US : « j’ai le
sentiment que les cinéastes
sont beaucoup plus
engagés dans ce second
mandat de Bush. Je pense
que tout le monde essaie
de
déclarer
son
indépendance et de
témoigner dans le sens de ses convictions. Personne ne
nous représente vraiment, alors nous devons être les
représentants de nos propres sentiments, et nous essayons
de contre-attaquer. »
Cinq films sont donc parvenus sur nos écrans, abordant
plus ou moins directement
des problèmes politiques ou
sociaux d’aujourd’hui, mais
avec des qualités formelles
qui les rendent dignes
d’intérêt au delà de leur
aspect ad hoc par rapport à
l’actualité :
Good Night and Good Luck
de George Clooney est
une peinture du fiévreux
travail d’une rédaction
engagée contre le
maccarthysme.
Lord of War d’Andrew
Niccol dresse le portrait
corrosif, cynique et
virtuose d’un trafiquant
d’armes sans scrupules. Le
film bénéficie d’un bon
casting (Nicolas Cage /
Ethan Hawke / Jared
Leto), sa bande musicale
est axée sur des chansons
plutôt bien choisies
Jarhead de Sam Mendes est
un foudroyant, ironique et
dérisoire pamphlet antiguerrier interprété par un
acteur exceptionnel (Jake Gyllenhaal). Le score
instrumental et moderniste de Thomas Newman est en
phase avec le ton décalé du film.
Brokeback Mountain d’Ang Lee est néo-western homoélégiaque sur l’endurance des sentiments à travers le temps.
Enfin, Munich de Steven Spielberg est un spectaculaire
thriller politico-humaniste aux ambitions pédagogiques.
Good Night and Good Luck dépeind l’affrontement par
média interposé entre un groupe de journalistes de CBS
et le sénateur MacCarthy pendant la sombre époque de
la chasse au sorcières aux USA. Le film, qui rend un
vibrant hommage à l’indépendance journalistique,
fonctionne comme une démonstration imparable de son
propos mais aussi comme un objet cinématographique
brillant qui, s’il met la parole au centre de son discours,
adopte aussi des partis pris de mise en scène originaux :
dans ce huis clos qui se partage entre le studio et les
différents bureaux des protagonistes, George Clooney
opte pour une concision qui n’envisage ses personnages
Numéro 7 - Février 2006
que dans une dimension professionnelle et comme acteurs
de cette bataille de mots et d’images. Brillante idée du
metteur en scène, la reconstitution méticuleuse de cette
époque est autant une recréation du décorum et des modes
vestimentaires que des représentations cinématographique
et télévisuelle que cette époque créait d’elle même :
l’excellente photographie en noir et blanc, en plus d’être
un moyen nécessaire d’intégrer des images d’archives au
métrage, correspond donc aussi au point de vue d’une
époque sur ces personnages dans un combat qui fut celui
d’un instant mais qui s’en trouve ainsi enluminé. Seul
élément un tant soit peu irréel et digressif, les standards
interprétées par Diana Reeves, interviennent comme le
chœur des tragédies antiques en tant que ponctuation et
transitions. Elles offrent un commentaire parfois ironique,
parfois émouvant sur les péripéties, offrant un recul que
les personnages ne peuvent pas, ou ne veulent pas, se
permettre. (E.A.)
Le Secret de Brokeback
Mountain : les amants
interdits
Eté 1963, dans le Wyoming.
Ennis et Jack, tout juste 20
ans, sont chargés de garder
des troupeaux de moutons
à Brokeback Mountain. De
cette rencontre dans ce no
man’s land naîtra un désir,
puis
une
passion
amoureuse qui deviendra
un secret.
Adapté d’une nouvelle de
Annie Proulx (extraite du
Recueil Les Pieds dans la Boue), Le Secret de Brokeback Mountain
est une somptueuse fresque sentimentale, mais jamais
sentimentaliste, un récit déchirant mais jamais
mélodramatique.
Les sublimes images du réalisateur Ang Lee dépeignent
ce lieu idéalisé, enluminent cet Eden perdu au milieu de
nulle part, unique lieu où les amants pourront vivre,
partager leur amour et se retrouver. Le scénario est simple
et limpide, la narration linéaire, les dialogues presque
enfouis. Heath Ledger livre une prestation hors du
commun, le cowboy archétypal, le roc qui peu à peu
s’effondrera sous le poids des ses propres épaules,
parvenant tout juste à marmonner quelques mots. Face à
lui un Jake Gyllenhall ambigu et à fleur de peau.
Ennis et Jack demeureront tous deux, dans une extrême
douleur, fidèles aux conventions (mariage absurde,
paternité forcée…) et vivront leur amour clandestinement
pendant plus de 20 ans, hantés par la culpabilité.
Une musique minimaliste pour guitare sèche, signée
Gustavo Santaolalla, accompagne la solitude des deux
hommes et leurs sentiments refoulés, créant ainsi une
ambiance calme et agréable, douce et feutrée… celle de
Brokeback Mountain. Les chansons, dont cinq ont été
composées par Santaolalla et interprétées par quelques
grands noms de la country music (Emmylou Harris…),
ont toutes des titres très évocateurs (I Will Never Let You
Go, No One’s Gonna Love You Like Me…) et représentent,
quant à elles, les paroles du cœur, la musique de cet amour
imprononcé qui jamais ne vieillira. (I.T.)
Munich
1972. Un commando palestinien prend en otages des
athlètes israéliens au cœur des JO de Munich. L’opération
se terminera dans le sang. La vengeance sera terrible. Tant
pour les victimes que pour les bourreaux. Le réalisateur
choisit un sujet qui le concerne mais ne s’implique jamais,
ne prend jamais parti. Il filme son histoire (avec maestria,
c’est Spielberg) de manière clinique, détachée. On pourrait
lui reprocher cette approche, mais son propos n’est pas
cet épisode fondateur de l’histoire contemporaine de notre
monde. Non, il est question ici de l’homme, de son
cheminement particulier sur le fil du rasoir, sans
manichéisme, sans fioritures. De son rapport avec la
religion. De la société en déliquescence qui nous entoure
et nous pervertit. Une analyse forte et sincère, qui peut
parfois faire peur mais qui permet aussi de se poser et
réfléchir. Un grand film.
John Williams fait aussi partie de ce voyage particulier,
mais là, pas grand chose à dire tant le compositeur et le
réalisateur sont en symbiose totale. Une approche
« politique » du sujet (JFK et
son style percutant n’est pas
très loin), une touche
Yiddish via une voix belle
et désespérée et pour finir
une beauté triste et
résignée. Résignés, le
spectateur et l’auditeur
peuvent l’être après une
ultime image lourde de
symbolisme. Il ne faut pas.
Nous sommes toujours là.
Ce voyage est là pour nous
le rappeler. Malgré le poids
de ces peines, il ne
m’inspire qu’un mot :
espoir. (C.O.)
Numéro 7 - Février 2006
Critiques CD
Firefly (Greg
Edmondson)****
En 2517, rien ne va plus
dans la Galaxie. Les riches
profitent, les pauvres
trinquent. Rien de nouveau
sous le soleil. Le
« Serenity », petit vaisseau
de transport, vogue de
planète en planète, de
galère en galère. Série créée par Joss
Weadon, le papa de Buffy, Firefly, malgré un potentiel
intéressant, ne dépassera pas le stade des 12 épisodes avant
de se muer en film pour le cinéma. Stupeur lors des
premières mesures du CD : on veut aller dans l’espace, et
nous voilà dans un épisode de L’homme qui tombe à pic ! Le
générique composé par Weadon himself, est une ritournelle
western du plus bel effet ! Et plus on avance dans l’album,
plus on a l’impression d’être dans l’ouest lointain. Il faut
connaître un peu l’histoire pour comprendre ce parti pris
original et pour le moins déroutant. Savoir que les planètes
« riches » ont fédéré, voire inféodé les mondes plus
faibles… Mais comme souvent en pareil cas, certains
résistent, vivent à la frontière, dans le plus pur style XIXème
siècle de l’ouest américain. Alors allons y pour la guitare et
le violoncelle ! En 25 extraits courts et diversifiés, Greg
Edmondson nous propose un voyage original et vivifiant,
qui n’est parfois pas sans rappeler Carnivale ou la musique
de la mini-série The Stand d’après Stephen King. A l’arrivée,
l’écoute de cette galette s’avère très agréable. Avec de vrais
moments franchement très bons (« Heart of Gold
Montage » et son style oriental, « Early takes Serenity »
calme et nostalgique, ou encore « River’s Dance », celtique
à souhait. Les séries ricaines sont franchement bonnes en
ce moment. Les BO suivent. A déguster sans modération.
(C.O.)
Stargate Atlantis (Joël
Goldmsith)****
Et pour preuve de ce que
j’avance pour Firefly : voici
que déboule sur CD
l’hyper attendu Atlantis.
Spin-off de la série Stargate
SG1, cette mouture est
moins intéressante que
son grand frère, les personnages étant de prime abord bien
moins fouillés. A suivre dans le temps, peut être. Par contre,
que dire de la B.O. si ce n’est que, comme moi, vous avez
certainement était « scotchés » dès les premières mesures
du thème. Vivant dans l’ombre (sûrement écrasante) de
son papa, Joël Goldsmith nous a quand même offert au
fil du temps des choses sympathiques, comme Moon 44 ou
encore le décoiffant Kull. Il s’émancipe ici avec classe, en
nous livrant un générique qui fera date. L’héroïsme est
palpable, les chœurs transcendent l’extrait avec brio.
Magnifique ! Mais la magie ne s’arrête pas là. Tout le Cd
est à l’avenant. Goldsmith prouve en 16 morceaux épiques
et beaux qu’il est digne de son nom. Certes, on retrouve
parfois un son bien connu, certes le travail de
l’orchestrateur Nicholas Dodd n’est pas étranger à
l’entreprise, mais ne boudez pas votre plaisir ! Car plaisir
vous trouverez sans problème. (C.O.)
Le Cocktail du mois
Buvez vos compositeurs préférés avec les recettes de
Misquamacus, notre cuistot à écailles.
Cocktail Henry Mancini :
1cl de sirop barbe à papa “Bigallet”.
2cl de Brandy (mais le Cognac peut faire l’affaire)
4cl de crême liquide.
Au Shaker, servi dans un verre à Cocktail.
Déco : un trait sirop en finition, glaçage sucre rose.
Cocktail de la famille des “Fancy Drink - Short Drink”
Couleur : rose.
J’ai testé, c’est super bon !
Misqua
Numéro 7 - Février 2006
Now Playing
Dans cette rubrique les membres de Leitmotiv listent les albums qu’ils ont le plus écoutés dans le mois.
Isa :
Syriana (Alexandre Desplat)
Atmosphérique, tantôt minimaliste tantôt ethnique
Mrs Henderson Presents (George Fenton)
Pétillant, jubilatoire et raffiné
Cantabile (Pierre Adenot)
Fantaisie jazzy, sensualité & suspense classieux
Gandahar (Gabriel Yared)
Synthé planant et intrigant
Tristan & Isolde (Anne Dudley)
Mélancolie celtique, assez classique
Nanny McPhee (Patrick Doyle)
Sympathique et colorée, humeur magique
Christophe :
La Communeauté de l’Anneau ******
La Revanche des Sith ******
Mémoires d’une Geisha *****1/2
Otage *****
La Guerre des Mondes *****
Capricorn One *****
Munich ****1/2
King Kong (James Newton Howard) ****1/2
A History of Violence ****1/2
Le Seul Témoin (Narrow Margin) ****
Destination Zebra : Station Polaire ****
Loch Ness ***1/2
Eric :
La Belle et la Bête (Georges Auric) ****
Magnolia (Jon Brion) ****
Zigzag/The Super Cops (Oliver Nelson/Jerry Fielding)
***1/2/**1/2
Bell Book and Candle / 1001 Arabian Nights (George
Duning) ***
Munich (John Williams) ***
Petulia (John Barry) ***
Misqua :
Firefly
Zathura
Stargate Atlantis
Munich
Les Notes de l’Ecran (Compil Delerue)
Directeur de publication : Christophe Olivo
Rédacteurs : Eric Avenas, Christophe Lemaire, Christophe
Olivo et Isabelle Thomas.
Mise en page : Eric Avenas
Date de parution : le 20 février 2006
© Association Leitmotiv. Toute reproduction interdite.

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