A Soleure, l`envie d`art passe par le supermarché

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A Soleure, l`envie d`art passe par le supermarché
Arts visuels
A Soleure, l’envie d’art passe
par le supermarché
Par Florence Millioud-Henriques Mis à jour à 09h13
Avec plus de 5500 pièces uniques en rayon,
l’événement joue stratégique pour séduire un large
public.
Il n’y a pas de caddies, si ce n’est ceux qui forment la guirlande
suspendue au plafond, il n’y a pas non plus de chants de Noël
grésillant en boucle ou encore de risque de choisir la mauvaise
file, donc la mauvaise caisse, et pourtant… on est bien dans un
supermarché. Un supermarché de l’art!
Barcelone et Madrid ont lancé l’idée il y a cinquante ans déjà,
Francfort, Berlin, Hambourg et Vienne l’ont importée et…
Soleure a suivi dès l’an 2000 en ouvrant sa propre succursale.
Tablant sur tous les codes de la grande distribution –
l’abondance en rayon avec quelque 5500 pièces, l’accès en libreservice – comme sur ses astuces marketing, y compris celui des
prix fixés juste avant que le chiffre ne devienne rond,
l’événement assume sa logique décomplexée jusque dans son
nom de baptême.
«On fait sauter les barrières»
Pas de fausses promesses! Pas de certificat de qualité, si ce n’est
l’envie de s’ offrir mieux qu’un poster. Le supermarché soleurois
laisse la préséance prescriptive aux foires et aux galeries pour
ne penser que «stratégie». Son responsable, l’éditeur PeterLukas Meier, l’avoue dans un éclat de malice: «En se présentant
comme un «supermarché», on annonce la couleur et le public
sait à quoi s’attendre. D’un autre côté, on fait sauter les
barrières susceptibles de freiner les plus timides. Il y a aussi une
part de provocation, mais des provocateurs dans l’histoire de
l’art, il y en a toujours eu, non? Alors nous jouons cette corde-là,
et ça nous plaît.»
Quitte à déplaire! Initiée par des artistes alémaniques,
l’opposition a fait campagne dans les médias contre la première
édition, mais, s’amuse Peter-Lukas Meier, «cela a plutôt eu
l’effet inverse, et le public est accouru pour constater l’ineptie
dénoncée. La fronde a duré trois ans, trois éditions au cours
desquelles nous n’avons cessé de nous déve lopper.»
Ne connaît pas la crise
Le supermarché de l’art ne connaîtrait-il pas la crise? Il ne
connaît en tout cas pas l’inflation: en seize éditions, ses prix – la
même gamme de quatre montants pour chaque artiste (99 fr.,
199 fr., 399 fr., 599 fr.) – n’ont pas bougé. «En moyenne, 50%
des œuvres trouvent preneur», se félicite l’organisateur, qui
partage fifty-fifty avec l’artiste. Toutes uniques – Peter-Lukas
Meier insiste sur le détail qui fait la différence entre le
supermarché de l’art et une grande surface commerciale –,
toutes uniformément emballées dans une même protection
plastique, les 5500 œuvres sont présentées dans des bacs. Un
par artiste! Dont celui de Viviane Pitarella, seule Vaudoise de
l’édition 2015 annonçant 80 artistes sélectionnés sur les 500
dossiers reçus.
«Ce n’est pas toujours facile de trouver une galerie, et en
général ce n’est pas vous qui la choisi ssez mais elle! s’exclame
la peintre d’Yvonand. Ici, c’est différent, même si j’ai dû m’y
prendre à deux fois pour être acceptée. L’ouverture se fait sur
un public très large et j’avais envie de voir si ce que je fais peut
plaire hors de mon cercle de connaissances.» Travaillant la
peinture comme une matière, l’autodidacte fait partie des rares
abstraits de ce drôle de supermarché où le même intérêt pour
un art souvent figuratif fait naître des discussions entre les
acheteurs, les bras parfois chargés de plusieurs toiles montées
sur châssis.
«Susciter un premier achat d'art»
La qualité? Ramené sur ce terrain, le responsable ne s’y
aventure pas trop, il préfère parler d’un événement où personne
ne juge ou préjuge des goûts, de l’unicité des pièces et du succès
d’une manifestation qui attire «entre 20'000 à 30'000 visiteurs
sur neuf semaines, dont, parmi les acheteurs – les seuls à entrer
dans la statisti que –, 10 à 15% de Romands et 25% du grand
Zurich. Aux premiers jours de la manifestation, nous voyons
aussi des galeristes venir faire leur marché, mais nous, ce qui
nous stimule, c’est de susciter un premier achat d’art chez les
gens. Et souvent, c’est vrai, on constate qu’il passe par quelque
chose de joli, de plaisant.» (24 heures)
Créé: 22.12.2015, 09h13