GARDINER ET LE LONDON SYMPHONY ORCHESTRA AU

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GARDINER ET LE LONDON SYMPHONY ORCHESTRA AU
GARDINER ET LE LONDON SYMPHONY ORCHESTRA AU
FESTIVAL BERLIOZ – MARIAGE PARFAIT – PIERRE-RENÉ SERNA
Le Festival Berlioz joue désormais dans la cour des grands. Le prouveraient une billetterie en explosion, une programmation qui réunit les
célébrités musicales les plus en vue, et, en guise d’apothéose, la venue du London Symphony Orchestra pour l’avant-dernière soirée. Cette
phalange, à la réputation berlioziste établie (depuis, entre autres, Davis et Gergiev), est ici mené par un chef qui ne l’est pas moins : John
Eliot Gardiner. Une limousine de luxe, nickelée et glissant sans à-coups, conduite de main de maître.
Dans l’auditorium provisoire sis dans la cour du château de La Côte-Saint-André, le concert livre un déroulement assez conventionnel de
pages de la première moitié du XIXe siècle : une ouverture (celle de Mer calme et Heureux Voyage de Mendelssohn), un concerto (celui pour
violoncelle de Schumann) et une symphonie (ou plutôt une suite symphonique, avec des extraits pour orchestre seul de Roméo et Juliette de
Berlioz). Ce qui serait un peu à l’image de ce festival, qui verse dans l’éclectisme pour ne laisser qu’une part au compositeur auquel il doit
son nom. L’énoncé des œuvres indique toutefois un axe original, à travers des pièces peu fréquentes judicieusement mises en miroir, bien
dans la manière de Gardiner.
Dès la houle paisible des violoncelles ouvrant le Mendelssohn, le son LSO porte sa marque : ductile, net et délié. Après l’évanouissement
des bois couleur d’orgue qui ponctue cette ouverture d’un Mendelssohn les plus inspirés, Schumann jouit de la même substance, lisse et
timbrée, malgré son instrumentarium plus réduit. Gautier Capuçon dialogue avec un ton acerbe exempt de fioritures, dans le juste esprit de
méditation intérieure de ce concerto introspectif. Les quatre extraits de Roméo et Juliette (« Roméo seul », « Scène d’amour » précédée de
l’introduction « Nuit sereine », « Scherzo de la Reine Mab » et l’incandescent « Roméo au tombeau des Capulet ») démontrent tout l’art du
LSO et de Gardiner, ciselé et innervé, qui fait d’autant regretter que la « symphonie dramatique » de Berlioz soit dépourvue de son intégrité
(ses parties vocales). On serait presque tenté de qualifier ce concert de « sans surprise », tant il répond à la promesse et à la hauteur de son
affiche. Le LSO et Gardiner, ou le mariage parfait.
Pierre-René Serna
Photo © Delphine Warin pour le Festival Berlioz