L`hypocrisie du taux d`impôt unique

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L`hypocrisie du taux d`impôt unique
L’HYPOCRISIE DU TAUX D’IMPÔT UNIQUE
Texte de Léo-Paul Lauzon, professeur au département des sciences comptables et titulaire de la
Chaire d’études socio-économiques de l’Université du Québec à Montréal
JANVIER 2011
En plus de prêcher pour l’abolition complète de l’impôt sur le revenu des entreprises, ce qui n’a
jamais été fait dans aucun pays occidental, l’imparable conservateur Maxime «Jos Louis»
Bernier, ancien conseiller économique du «social-démocrate» Bernard Landry, préconise
également le taux d’impôt sur le revenu unique pour les individus. Cela simplifierait la
préparation des rapports d’impôts que le Beauceron a dit. Quelqu’un, ça peut être un lucide,
peut-il dire à Maxime que ce n’est pas pentoute le nombre de paliers d’imposition qui
complexifie le rapport d’impôts (une simple table d’impôts fait le calcul pour vous, peu importe
le nombre de paliers) mais bel et bien la multiplication des abris fiscaux réservés aux bonzes
comme les CELI, REER, REEE, REA, dividendes, actions accréditives, sociétés en commandite,
gains de capitaux, fiducies familiales, dons, fractionnements du revenu, options d’achat d’actions
et j’en passe.
Les hypocrites qui militent en faveur d’un taux d’impôt unique savent très bien qu’avec les
nombreux abris fiscaux disponibles, le recours aux paradis fiscaux et l’exonération de plusieurs
revenus économiques (plus-value matérialisée sur les actifs) dans la détermination du revenu
fiscal, que le taux unique est une fabulation, une tromperie. En présence des nombreux abris,
paradis et exemptions fiscaux, le taux d’impôt «unique» effectif ou réel sera toujours beaucoup
plus élevé pour la classe moyenne, qui ne peut utiliser ces magouilles fiscales, que pour les
grosses poches. C’est pas moi qui le dit mais bel et bien l’américain Warren Buffet, troisième
fortune mondiale : «Je paye un plus bas taux d’imposition que ma secrétaire et que ma femme de
ménage» (La Presse, 6 octobre 2010).
Prenons un exemple très simple, comme celui d’un banquier de votre choix, qui se fait payer sa
rémunération annuelle de 5 millions$ en options d’achats d’actions, comme le font tous, je dis
bien tous les dirigeants de sociétés cotées à la Bourse au pays, et celui d’un simple employé de la
même banque qui encaisse son salaire annuel de 60 000$ par chèque de paie. Supposons un taux
d’impôt «unique» de 10% et aucun recours aux paradis fiscaux par le boss, ce qui est peu
probable. Avec la complicité de ses politiciens, comme le patron reçoit son salaire par le biais
d’options d’achat d’actions, seulement la moitié de sa grosse rémunération sera alors imposable,
soit 2,5 millions$ sur 5 millions$, ce qui ramènera son taux d’impôt effectif supposément unique
à 5% seulement, alors que le dindon d’employé, qui perçoit sa pitance par chèque, tout son
salaire sera imposable pour un taux d’impôt effectif de 10%. Le taux d’impôt unique est
carrément une arnaque préconisée par les opportunistes qui veulent, pour leur bien-être, taxer la
consommation et tarifier les services publics plutôt que le revenu. Avec l’utilisation certaine de
nombreux autres abris fiscaux réservés strictement aux gras durs, le dirigeant de banque verra
son taux d’impôt «unique» réel baisser nettement en dessous de 5% alors que notre «cocu»
d’employé verra le sien maintenu à 10% faute «d’argent» pour jouir de ces mêmes abris.
Même si, au Québec, on en est rendu à quasiment un taux unique puisqu’il existe aujourd’hui
que trois paliers d’imposition avec un taux d’impôt maximal de 24% (moins l’abattement
fédéral) au haut de l’échelle. Dans les années 1970 et 1980, on avait, au fédéral et au provincial,
un régime fiscal plus juste et plus progressif avec plus de douze paliers. Mais, le lobby des
grosses pointures a eu gain de cause une autre fois, avec la complaisance de leurs élus. Le taux
d’impôt unique est tellement inéquitable que même Georges W. Bush, un apôtre de la très grosse
droite, a rejeté cette politique fiscale farfelue et, en fait, sous sa présidence, il y avait aux ÉtatsUnis six piliers d’imposition contre 3 à Québec et 4 au fédéral. Avec Stephen Harper, au Canada,
le taux maximum d’impôt (sur le revenu fiscal) d’un contribuable est de 24% contre 35% au
fédéral aux États-Unis sous George W. Bush que Barack Obama veut augmenter à 39,5%
(Business Week, 20 septembre 2010). Sans compter les impôts successoraux qui reviennent en
2011 aux states alors qu’ici, au Québec et au Canada, ils ont été abolis à tout jamais. La devise
ici est «détaxons nos riches et taxons et tarifions les autres». De toute façon, ils ne peuvent pas
nous menacer de partir. Concluons en affirmant que le taux d’impôt supposément «unique» est
un autre attrape-nigaud à ajouter à la tarification des services publics, les taxes à la
consommation, les abris fiscaux et les paradis fiscaux, etc. applaudis par les «experts» inféodés.

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