le bulletin n°7 - Les amis du musée de l`Empéri

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le bulletin n°7 - Les amis du musée de l`Empéri
LES AMIS DU MUSEE DE L’EMPERI
Ancienne Association!
Les Amis de la Collection Raoul et Jean Brunon
Fondée en 1936
_____
CHATEAU DE L’EMPERI
13300 SALON-DE-PROVENCE
06 87 92 91 09
Le Bulletin
n° 7, mai 2007
NUMERO SPECIAL, TRICENTENAIRE DE LA MORT DE!VAUBAN
ET QUARANTIEME ANNIVERSAIRE DU MUSEE DE L’EMPERI:
«!VAUBAN, BÂTISSEUR D’HIER, PATRIMOINE D’AUJOURD’HUI!»
Colloque au Musée d’Histoire de Marseille
PROGRAMME
Samedi 16 juin 2007
10 h
Accueil. Présentation
Myriame Morel, conservateur du Musée d’Histoire de Marseille
Jean-Noël Bret, président de l’association des Amis du Musée de l’Empéri
Guillaume Monsaingeon, professeur de philosophie
Modérateur, Jean-Noël Bret
10h30
La conservation et la restauration de la citadelle de Mont-Dauphin : bilan des actions passées, état des
moyens engagés, définition des objectifs et des projets de l'Etat
Michel Trubert, architecte en chef des Monuments historiques
11h15
La candidature Unesco : moyens et objectifs. Rôle des collectivités territoriales, enjeu d'une collaboration
transfrontalière et d'un fonctionnement en réseau
Nicolas Faucherre, archéologue et historien
14h30
Vauban et Marseille
Daniel Drocourt, architecte dplg, directeur de l’Atelier du Patrimoine, Marseille
15h00
La modélisation du plan-relief et de l'église de Mont-Dauphin : méthodes et objectifs!; présentation
des travaux menés en 2007 avec les étudiants en Diplôme Spécial d'Architecture
Michel Berthelot, architecte dplg, CNRS
15h30
Enjeux et difficultés d'une sensibilisation au patrimoine des futurs architectes!; présentation des travaux
menés en 2007 à Mont-Dauphin avec les étudiants en spécialisation! «!patrimoine!» 5e année
Michel Lamourdedieu, architecte dplg, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture, Marseille
16h00
Les célébrations de Vauban de Napoléon à Mitterrand... et après ? Alors que l'Etat s’interroge sur ses
fonctions régaliennes, alors que les régions et collectivités territoriales assument de nouvelles fonctions,
quel sens a aujourd'hui la commémoration du grand commis et du bâtisseur des frontières ?
Guillaume Monsaingeon, professeur de philosophie
16h30
Discussion générale
17h30
Conclusion de la journée
Guillaume Monsaingeon et Jean-Noël Bret
Présentation
Jean-Noël Bret
La France entretient parfois avec son
histoire de curieux complexes. Il est
loin le temps où Napoléon affirmait
assumer son passé depuis Clovis,! à
quoi son neveu rajouta le poids d’un
demi millénaire en instaurant
Vercingétorix comme figure tutélaire
de la nation. «! Nos ancêtres les
Gaulois! » étaient nés. Dans l’air du
temps, l’art de Rude n’avait pas
attendu la décision politique pour
en dresser de manière emblématique
les figures monumentales sur l’arc
de triomphe en haut des ChampsElysées où elles incarnaient la patrie
en danger dans une magistrale
synthèse de guerriers celtes au style
hellénistique et de soldats de l’an II
où chacun, sans doute, perdait son
latin mais découvrait l’évocation de
ce chant de guerre de l’armée du
Rhin qui déferla de la Méditerranée!:
la Marseillaise. Un pays tout entier
fusionnait dans son histoire.
Les présidents Mitterrand et Chirac
nous ont permis d’exorciser en les
regardant en face les plus tragiques
de nos douleurs et de nos hontes du
siècle passé mais, il y a peu de
temps encore, les soldats
d’Austerlitz de notre mémoire
collective dérangeaient la
tranquillité de notre mémoire
nationale.
La mémoire militaire est délicate.
Comme si elle était autre chose
qu’une part de celle de la nation
toute entière et comme si l’histoire
pouvait nous fournir l’exemple de
pays libres qui aient pu se passer
d’une défense nationale.
Le musée de l’Empéri, à Salon-deProvence – musée d’art et d’histoire,
magnifique création de Jean Brunon
en souvenir de son frère Raoul mort
pour la France en 1917, réalisé avec
son fils Raoul, ancienne collection
privée marseillaise qui célèbre cette
année le quarantième anniversaire
de son acquisition par l’Etat et de
son statut de musée national – est
l’exemple de cette difficile relation
qu’un pays en paix entretient avec
son long passé militaire. Il y a très
peu de temps encore la décision était
annoncée d’y supprimer les salles
de la guerre de 14-18. Quelques
citoyens, autour de notre
association, s’en sont émus et la
décision en a été annulée. Le fait
néanmoins reste significatif de ce
que le témoignage d’une mémoire
encore proche et très sensible peut
craindre d’être balayé s’il est
associé à la chose militaire, c’est à
dire aux armes, aux effets et aux
objets qui la représentent, sans que
l’on en ait assez fait valoir la place
historique. Un glaive antique ne
suscitera pas le même rejet qu’un
couteau de tranchée de fonction
similaire.
La raison en est qu’il y a confusion
entre l’objet guerrier, et les formes
de fétichisme, de fascination ou
même de délire qu’il peut
e n g e n d re r c h e z c e r t a i n s , e t
l’émotion, le respect, la beauté
parfois même, qu’il inspire quand
on le regarde à travers la lumière
de l’histoire. Il y a certes aussi des
préjugés qui font que l’on
n’arrivera jamais à convaincre ceux
q u i t i e n n e n t à n e p a s ê t re
convaincus. On peut seulement
inviter chacun à méditer la
proposition de l’historien de l’art
Erwin Panofsky qui identifiait trois
degrés d’approche cognitive de la
réalité! : l’apparence, l’usage, la
connaissance. Celle-ci seulement
permet d’accéder à l’histoire et la
compréhension qui invitent en
même temps à la modestie et au
respect. Souhaitons qu’elle
demeure l’axe d’orientation de
toutes les politiques culturelles qui
ne sont pas toujours claires vis-àvis du patrimoine, surtout quand il
s’agit de patrimoine militaire,
comme l’a montré récemment
encore l’exemple de la citadelle de
Lille bâtie par Vauban et menacée
par l’extension urbaine.
A l’occasion du tricentenaire de la
mort de ce grand architecte et du
quarantième anniversaire de la
réalisation du rêve de Jean Brunon
de créer un musée national avec sa
collection, il nous a semblé
enrichissant de proposer au public
une journée de réflexion sur les
enjeux du patrimoine militaire.
L’architecture de Vauban offre
certainement l’exemple le plus
spectaculaire de cette
problématique à résoudre du
regard que nous portons sur les
traces de ce passé. Elle illustre aussi
parfaitement à travers son auteur
que Guillaume Monsaingeon a su
nous rendre vivant et sympathique
dans les deux ouvrages qu’il vient
de lui consacrer, Vauban, un
militaire très civil! (Scala, 2007) et Les
voyages de Vauban! (Parenthèses,
2007), cette communion entre le
civil et le militaire pour la défense
des intérêts de la patrie – on disait
alors du royaume –, qu’illustre si
joliment et avec une pointe
d’humour l’étonnant portrait du
marquis de Vauban, le regard
brillant, tenant d’une main une
poire à poudre et un verre à boire à
la fois, qui illumine de son sourire
intemporel l’abri anti-atomique du
Président de la République au
palais de l’Elysée.
Vauban, hier et aujourd'hui
Guillaume Monsaingeon
On commémore en 2007 le
tricentenaire de la mort de Vauban
dans l'éloge et la contradiction. Un
siècle après sa mort, alors que
Vauban était unanimement encensé,
Choderlos de Laclos, auteur des
Liaisons dangereuses et officier
d'artillerie, s'éleva contre cet
interminable chœur d'éloges en
publiant un bref libelle!: «!je crois de
mon devoir de publier en ce
moment, persuadé que les honneurs
rendus à Monsieur le Maréchal de
Vauban ne peuvent être exagérés
sans être dangereux!».
Quel
sens
pour
les
commémorations Vauban en
2007!?
Quatorze de ses sites majeurs sont
p ro p o s é s à l a p ro t e c t i o n d u
patrimoine mondial (Unesco), mais
l'Etat français se défait de
nombreuses places militaires! ; les
collectivités territoriales héritent de
compétences et de responsabilités
nouvelles, mais le ministère de la
Culture voit ses moyens
dangereusement affaiblis tout en
conservant une forte tutelle.
De façon plus générale, les
commémorations de Vauban en 2007
constituent le reflet des
préoccupations et tensions de la
société française. La figure du
défenseur de la nation s'était
imposée en 1933, alors que le
gouvernement au grand complet
célébrait le bâtisseur d'une
«! frontière de fer! » anticipant sur la
ligne Maginot. En 1983, le socialisme
au pouvoir chantait les louanges du
réformateur, de l'humaniste éclairé.
En 2007, la Dîme royale est devenu, le
temps d'une campagne électorale,
un argument en faveur des riches
contribuables cherchant un abri
f i s c a l h o r s d e F r a n c e! ; l a
rationalisation mise en oeuvre par
Vauban sur ses chantiers est tenue
pour un modèle en matière de
management! ; l'émergence de
régions transfrontalières et la
redécouverte de particularismes
nationaux en conduisent certains à
contester Vauban entendu comme
chantre de l'Etat centralisateur voire
destructeur...
Ces commémorations 2007
interviennent d'abord sur fond de
conflits en matière de préservation
du patrimoine : à Belfort (projet
municipal de construction d'une
mosquée dans les fossés), à
B riançon (construction d'un
réservoir en béton dans le
périmètre de protection des
fortifications Vauban), à Lille bien
sûr, cette dernière «! affaire! » étant
emblématique d'une situation
complexe peut-être appelée à se
reproduire.
Le précédent de Lille
En juin 2001, la municipalité de
Lille et la communauté urbaine
Lille-Métropole décidèrent de
remplacer le stade de football de
Grimonprez-Jooris par un nouveau
stade de 33! 000 places au pied de
celle que Vauban appelait la
«!Reine des citadelles!».
L’avis négatif rendu par la
commission supérieure des
Monuments historiques et le rejet
de la demande de permis de
construire par le ministère de la
Culture en 2002 n'empêchèrent pas
le ministre de la Culture de donner
son feu vert, en partie au nom de
l’opération Lille 2004 – Capitale
européenne de la culture.
Une association locale se constitua
alors, «! Sauvons le site de la
Citadelle de Lille! », qui allait
entamer une bataille juridique
pendant trois ans : devant le
tribunal administratif de Lille, puis
la cour d’appel de Douai, avant
d'obtenir gain de cause devant le
Conseil d’Etat en décembre 2005.
Les leçons d'un conflit
En clamant partout que «!ce sera ce
stade ou rien! », maire de Lille et
président de la communauté
urbaine avaient dressé
artificiellement les amateurs de
football contre les défenseurs du
patrimoine et de l’environnement,
l e s p re m i e r s a l l a n t j u s q u ’ à
manifester sur la Grand place de
Lille pour faire pression sur les
juges et l’opinion. Le patrimoine
est-il devenu un enjeu médiatique,
un moteur politique, un
accélérateur de conflits et de
clivages!? Par ailleurs, force est de
constater que les instances
institutionnelles classiques n'ont
pas pu ou pas voulu jouer leur rôle
de garde-fou, qui incomba donc à
une «! simple! » association. Faut-il
voir là une émergence de formes
nouvelles de défense du
patrimoine, dans lesquelles la
société civile jouerait un rôle
nouveau!?
Nouveaux acteurs, nouvelles
dynamiques
En quoi les fortifications de Vauban
constituent-elles un enjeu
radicalement moderne, à travers
leur conservation, leur
réhabilitation, leurs implications
budgétaires, les appétits qu'elles
suscitent les dynamiques qu'elles
cristallisent!?
Quels enjeux constitue aujourd'hui
ce patrimoine militaire, quel avenir
lui donner! ? Quels projets une
société de paix peut-elle inventer
autour de ces forteresses! ? La
consécration de quatorze sites
Vauban en France a-t-elle un sens
alors que la construction
européenne semble en panne! ?
Quel sens a l'éloge de ces
fortifications à un moment où les
frontières s'effacent! ? Comment
p a r v e n i r à f é d é re r b u d g e t s ,
énergies et projets, à impulser des
dynamiques communes entre des
collectivités parfois écrasées par
l'ampleur de la tâche, et souvent
peu au fait de l'action de leurs
voisines!?
Quels sont les acteurs de ce
patrimoine régalien! ? L'Etat a-t-il
encore les moyens de s'ériger en
garant, de contrôler la démarche et
le travail des acteurs du patrimoine
s'il n'a plus les moyens d'action qui
étaient auparavant les siens!?
To u t e s c e s q u e s t i o n s s e ro n t
abordées à l'occasion de l'ouverture
de l'exposition «!Vauban, architecte
de la Raison! » organisée par le
Centre des Monuments nationaux
en région PACA, à Mont-Dauphin
(05). A cette occasion, une tranchée
d'attaque est reconstituée dans le
glacis de la place forte, afin de
permettre aux visiteurs de
comprendre les formes bastionnées
par les fonctions, et les contraintes
militaires liées à la relation
a s s a i l l a n t / d é f e n s e u r! : l a
préservation du patrimoine passe
aussi par la diffusion du savoir et la
sensibilisation d'un large public
aux bâtiments et aux logiques de
leur entretien.
Le temps est loin où il s'agissait de
déguiser les guides en soldats,
laissant croire aux visiteurs «!qu'ils y
étaient! ». Creuser une tranchée en
amont du front d'Eygliers, ce n'est
pas reconstituer la vérité historique
d'un siège qui n'a jamais eu lieu.
C'est rendre sensible et stimuler
l'imagination des visiteurs, leur faire
c o m p re n d re l e s c o d e s e t l e s
méthodes d'actions qui
conditionnaient les formes de terre
et de pierre.
L'ouverture d'une tranchée n'est
donc pas un gadget, mais une forme
de pédagogie pérenne, qui devrait
permettre de sensibiliser aux
différents parti pris possibles en
matière de restitution d'une place
forte aussi gigantesque. Dans la
même perspective de sensibilisation
accrue au patrimoine Vauban, des
actions ont été mises en place en
direction de groupes d'étudiants de
l ' E c o l e N a t i o n a l e S u p é r i e u re
d'Architecture de Marseille
(Luminy), qui ont travaillé toute
l'année sur les relevés, les
modélisations et les reconstitutions
en 3 D de certains bâtiments de
Mont-Dauphin.
A partir du cas de Mont-Dauphin,
l'une des plus belles places fortes
encore existantes de Vauban, sera
donc développée une réflexion plus
large concernant les enjeux du
patrimoine aujourd'hui et le rôle de
ses différents acteurs, en particulier
l'articulation nouvelle des
compétences entre l'Etat et les
collectivités territoriales dans
l'exercice de la tutelle du patrimoine.
Les intervenants
Michel Berthelot est architecte dplg,
directeur adjoint de l’Unité Mixte de
Recherche du CNRS et du Ministère
de la Culture MAP ("Modèles et
simulations pour l'Architecture,
l'urbanisme et le Paysage"). Il est
responsable à l'Ecole Nationale
S u p é r i e u re d ' A rc h i t e c t u re d e
Marseille de la formation postdiplôme de spécialisation «! Culture
numérique et patrimoine
architectural!».
Daniel Drocourt est architecte dplg.
Il dirige l’Atelier du Patrimoine de la
ville de Marseille. Il est expert pour
l’Unesco au titre du Programme
«! Nations Unies Environnement! ».
Il a dirigé de nombreux ouvrages,
et publié récemment un article sur
«! Vauban à Marseille! » dans la
revue Marseille.
Michel Lamourdedieu est
architecte dplg, diplômé de l'Ecole
de Chaillot. Il enseigne à l'Ecole
Nationale
Supérieure
d'Architecture de Marseille, et
a s s u r e l a s p é c i a l i s a t i o n!
«! patrimoine! » des étudiants de 5e
année, qui ont cette année travaillé
sur Mont-Dauphin.
Nicolas Faucherre est professeur
d’histoire de l’art à l’université de
Nantes. Il a été délégué général de
l’année Vauban en 1983. Il est
actuellement l’expert scientifique
pour la candidature des places
fortes Vauban à l’Unesco. Il a publié
de nombreux ouvrages sur la
fortification médiévale et classique,
assuré le commissariat de
nombreuses expositions. Il dirige
l'équipe de castellologie du Centre
d’études médiévales de Poitiers.
Guillaume Monsaingeon enseigne
la philosophie en classes
préparatoires à Marseille. Ses
travaux portent sur l’âge classique
et la construction du territoire. Il a
publié récemment Vauban, un
militaire très civil! (Scala), Les voyages
de Vauban (Parenthèses), et Les plans
en relief des places fortes du Roy
(Monum/Biro, avec N. Faucherre et
A. de Roux).
Nicolas Faucherre et Guillaume
Monsaingeon sont!commissaires de
l’exposition Vauban architecte de la
Raison organisée à Mont-Dauphin
par le Centre des Monuments
Nationaux à l’occasion du
tricentenaire de la mort de Vauban
(15 juin-16 septembre 2007).
Michel Trubert est architecte dplg,
diplômé de l'Ecole de Chaillot. Il est
architecte en chef des Monuments
historiques pour les Hautes-Alpes
et les Alpes de Haute-Provence. A
ce titre, il assume la tutelle du site
de Mont-Dauphin, et a assuré la
maîtrise d'œuvre de la tranchée
ouverte dans le glacis afin de
reconstituer un siège méthodique à
la Vauban.
Remerciements
Les Amis du Musée de l’Empéri
adressent leurs remerciements à
Myriame Morel pour son
chaleureux accueil au Musée
d’Histoire de Marseille, à
Guillaume Monsaingeon, étonnant
philosophe que l’histoire et la
culture accaparent autant que la
philosophie et à l’ensemble des
intervenants.

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