Formation / Des formations dans l`air du temps
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Formation / Des formations dans l`air du temps
Formation / Des formations dans l'air du temps / GIGN, RAID : quand les forces spéciales se muent en formateurs conflits, cohésion d'équipes, négociation commerciale... Des supergendarmes, super-flics ou commandos marine apportent leur savoir-faire aux cadres d'entreprise. Atout principal : une grande prise de recul sur l'action. "Nous, on n'est pas là pour agir violemment avec les gens !" C'est ainsi que ce directeur de société accueillit d'emblée Bernard Thellier, ex-négociateur du GIGN, fondateur de la société de conseil Précognition, venu lui présenter l'une de ses formations "ensemble on va plus loin", visant à souder les équipes. Il est vrai que ces quatre lettres font peur. Tout comme Raid ou commandos, qui évoquent les assauts et le péril suprême. Pourtant, les "ex" des forces spéciales, issus de la gendarmerie, de la police, de divers corps d'armée (1) et reconvertis en formateurs, ne vendent pas des prouesses physiques malgré les titres dont ils sont fiers : parachutiste, nageur de combat, tireur d'élite... Pas de stages “PowerPoint” Car c'est plutôt, selon eux, la souplesse et la psychologie qui ont animé leur vie d'avant pour négocier la libération d'otages, mâter les mutineries, stopper des extorsions de fonds... Des ovnis sur le marché de la formation ? Pas si sûr. Plutôt un regard décalé très utile en entreprise, notamment pour surmonter ou démêler des situations à risques et incertaines qu'ils connaissent par cœur sous d'autres formes. Leurs atouts : maîtriser des méthodes éprouvées lors de moments extrêmes et avoir dans leur besace des anecdotes fortes et insolites pour faire passer les messages. "Chez nous, inutile de chercher des stages PowerPoint", ironise Laurent Combalbert, ancien du Raid, formé à l'académie du FBI, fondateur de Ulysceo (gestion de crises et de conflits, négociations complexes). “On nous pousse dans nos derniers retranchements” Le premier choc, c'est la vue depuis la mer, sur le Zodiac, d'un blockhaus austère de 4.500 mètres carrés dans la rade de Lorient (Morbihan). Le second, c'est de devoir sauter en combinaison de plongée, à 21heures ou 22heures, dans l'eau des bassins de cette base de sous-marins de Keroman avant de faire des exercices de sécurité maritime, en immersion toujours. Tous les inscrits à l'un des cursus de Leadership Pegasus (gestion de crise et de l'imprévu, impulsion du changement, efficacité collective...) sont pris en main par d'ex-commandos marine dès le soir de leur arrivée. Gérer son stress. "Cela dépayse, on est tout de suite dans les sensations, du coup on gomme tout ce qui est rationnel, raconte Elena Maneru, DRH du spécialiste du marketing numérique Digitaleo à Rennes (55 salariés), qui a suivi un stage de deux jours et demi en avril. Et durant le séjour, on nous pousse dans nos derniers retranchements. Mais je ne me suis jamais sentie en danger." Il y a d'autres surprises, mais rien d'ultra musclé ! L'idée est de créer de la confiance, de mener chacun à gérer son stress face à la peur du noir, à la peur du vide et à se recentrer sur l'équipe. Rester concentré. De son côté, Bernard Thellier, ex du GIGN, frappe parfois fort. Il a déjà proposé à des commerciaux des séances de tir de deux heures à balles réelles sur cible fixe et mobile dans un centre ad hoc et encadrés par des instructeurs agréés. "Les gens ont peur des armes, mais ce n'est pas l'arme qui est dangereuse, c'est celui qui la porte !" Une épreuve qui pousse l'apprenant à tenir son objectif et à rester concentré. Négocier, une montée d'adrénaline ? Enseigné dans toutes les unités d'élite pour dénouer des crises, l'art de négocier est une arme tout autant précieuse dans les firmes ou en PME. "Certaines négociations commerciales sont plus stressantes que des prises d'otages, assure Laurent Combalbert de Ulysceo. Certains y jouent leur vie professionnelle, leur légitimité. Or c'est le facteur humain qui fait la différence." Prise d’otages. Mesurer son pouvoir de négociation se fait beaucoup grâce à son empathie, qui permet d'entrer dans la tête de l'autre et de trouver un terrain d'entente. Ce que Bernard Thellier, chez Précognition, nomme "l'hypnose conversationnelle". "C'est elle qui m'a permis de me dégager d'une situation critique avec un forcené, alors que j'avais un revolver sur la tempe et que les injures pleuvaient. Tout individu agressif a ses raisons. Il faut l'écouter, le comprendre et le rassurer." Une situation qu'il a fait revivre à des forces de vente, lui-même endossant le rôle de preneur d'otage, avant de transposer la scène dans un contexte professionnel, lui jouant le client hargneux. Secret de la réussite ? “À 80 %, la préparation” Chez Pégasus Leadership, de nuit ou de jour, les participants ont une mission à accomplir en un temps donné : élaborer l'implantation d'une exploitation conchylicole sur une île, ou un projet immobilier sur une friche industrielle... Le scénario est planifié mais l'organisation, les priorités, la reconnaissance des lieux, les discussions avec les pêcheurs ou riverains, les calculs économiques, tout est à faire. Le groupe agit en terrain inconnu, se heurte à l'imprévisible et doit s'entraider. Tout comme dans les forces spéciales, où chacun tient sa (ses) spécialité(s) et s'épaule. Simplifier au maximum. Le point fort c'est le débriefing sur les performances, les stratégies adoptées et le ressenti de chacun, rarement effectué à froid et en détails dans l'entreprise. Après, les ex-commandos marine expliquent ce qu’eux- mêmes auraient fait, en faisant le parallèle avec les enjeux professionnels. "Le grand public se focalise sur l'action des unités d'élite, mais la réussite réside à 80% dans la préparation, explique le colonel Jérôme Mandin, codirigeant de Pégasus Leadership. Dans les situations complexes, il faut simplifier au maximum la réalisation pour gagner en efficacité." Une leçon qu'a bien retenue Elena Maneru : "Désormais, au Codir, on a une grande liberté de parole, on se dit les choses pour pouvoir aller à l'essentiel et construire." (1) Le RAID (recherche, assistance, intervention, dissuasion) est une unité d'élite de la police nationale. Le GIGN est le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale. Les commandos marine sont des unités de combat de la Marine nationale. Marie&Madeleine*Sève*Janvier*2014*