CR Salpêtrière 8 janvier 2011 CALM RV

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CR Salpêtrière 8 janvier 2011 CALM RV
8 janvier 2011
(CALM RV)
La Salpêtrière
Si l’hôpital de la Salpêtrière est aujourd’hui un des plus important au monde, si certains pavillons sont classés
monuments historiques (MH), il était à son ouverture en 1656 le plus grand établissement pour le "renfermement
des pauvres" et n’avait aucune fonction médicale.
À l’origine la Salpêtrière était composée de bâtiments dans lesquels on fabriquait la poudre à canon en
exploitant le salpêtre. Les bâtiments construits ultérieurement ont été financés par des dons de bienfaiteurs.
Deux architectes se sont succédé : Louis Le Vau puis Libéral Bruant.
La Salpêtrière constitue la direction de l’Hôpital général des pauvres qui comprend la maison de la Pitié et le
château de Bicêtre. En 1670, après la mort de Vincent de Paul, l’Hôpital général s’étendra à ce qui deviendra
l’Hôpital des enfants trouvés.
L’église et son dôme
Dédiée à Saint-Louis, elle fut livrée au culte en 1670 et pouvait accueillir 4000 fidèles. Elle offre un plan
octogonal de 30m de diamètre et est percée de 8 arcades communiquant avec 4 nefs et 4 chapelles ; la
disposition en forme de croix grecque permet à tous de voir l’autel placé au centre de l’édifice sous le dôme mais
empêche toute communication entre les chapelles, chacune possédant, à l’époque, son entrée particulière.
Murs nus, sans ornements, sont l’expression de l’élection des pauvres par le
Christ. Les plafonds sont en bois car le père de Libéral Bruant était
marchand de bois et c’est lui qui a fourni les matériaux.
Une chapelle est aujourd’hui chauffée car encore en activité pour les
malades de l’hôpital. Dans une autre, on trouve un lutrin liturgique en fer
forgé classé MH et une sculpture en bois réputée car copiant une célèbre
sculpture de marbre.
Une troisième comporte un autel du 19e siècle et un vitrail du 20e à la place de la
porte d’entrée qui a été condamnée ; un tableau d’Eustache Le Sueur (1615-1655)
intitulé "Le Christ dans la maison de Marthe" y est accroché.
La dernière est réservée à l’office des morts ; l’autel directoire est surmonté d’un
tabernacle du 18e sauf la porte qui est du 17e.
Il ne reste qu’une cloche dans le dôme, les autres ayant été fondues à la
Révolution.
L’enfermement des pauvres
La répression de la pauvreté à Paris date du Moyen-Âge ; le terme de pauvreté recouvrant les mendiants, les
vagabonds, les prostitués, les voleurs…
Mais c’est au 17e siècle, durant le règne de Louis XIV et sous la pression des dévots laïcs, que s’institutionnalise
l’enfermement, expression de l’ordre public. Le cardinal Mazarin, nommé par la régente Anne d’Autriche, en a été
l’instigateur. La mendicité est interdite et punie d’enfermement comme la débauche et la prostitution. Dans ce
dispositif, la Salpêtrière accueillera les femmes, les jeunes filles et les enfants.
L’enfermement est, bien sûr, destiné à ramener
toutes ses malheureuses dans le droit chemin ;
ce qui fait qu’on y trouvera également des jeunes
filles de bonne famille ayant refusé le destin que
l’on avait arrangé pour elles ou qui avaient
"fauté".
Rapidement c’est 2 à 3000 personnes qui sont
enfermées sur le site ; parmi les prisonnières
célèbres, on citera la comtesse de la Motte,
condamnée à perpétuité en 1786 dans l’affaire du collier de la Reine ou la Manon Lescaut de l’Abbé Prévost.
La Salpêtrière est une ville dans la ville avec des bâtiments, des rues, des jardins dont certains étaient cultivés
par les pensionnaires. Outre la maison de la Force (la prison), les loges pour les "folles", on y trouve le logement
des archers chargés d’amener en charrettes les pensionnaires, les ateliers des charrons, serruriers, menuisiers
nécessaires à l’entretien ; on y trouve aussi les écuries, les étables, les greniers à blé et à fourrage, la lingerie…
Un manège de chevaux (dont il ne reste d’une arcade) actionnait une pompe qui amenait l’eau de la Seine. Les
pensionnaires travaillaient et les enfants étaient apprentis dans les ateliers car quand on est enfermé ce n’est
pas à vie : on est logé, nourri et réinséré.
À l’époque, les pensionnaires mangeaient de la viande une fois par mois sinon elles avaient du bouillon et du pain ;
on leur allouait un vêtement tous les 3 ans et quand l’une d’elles tombait gravement malade on la conduisait à
l’Hôtel-Dieu.
De 1751 à 1770, il y eut même des mariages forcés entre femmes de la Salpêtrière et hommes de Bicêtre :
aussitôt bénis, on les envoyait peupler les îles appartenant à la France.
L’affaire de l’Hôpital général
Le personnel était entièrement laïc, bien que le nom des officières (appelées les "sœurs") prête à confusion. Dès
sa fondation, l’Hôpital général fut dirigé par des magistrats du Parlement de Paris qui en avaient rédigé les
statuts. A l’origine, ils étaient tous membres de la Compagnie du Saint-Sacrement. Lors de la disparition de la
Compagnie à la mort de Vincent de Paul en 1660, les directeurs furent souvent recrutés parmi les jansénistes.
Pour combattre leur emprise, le roi y fit siéger l’archevêque de Paris.
Lieu de toutes les exactions contre les pauvres sans défense et de la corruption la plus effrénée au 18e siècle,
l’Hôpital général fut au cœur d’un scandale qui ébranla le trône. Le roi demanda en 1747 à l’archevêque de Paris,
Christophe de Beaumont, d’aller y mettre de l’ordre, ce qui déclencha une fronde.
L’affaire, qui avait débuté lors de la nomination de Madame de Moysan, une amie de l’archevêque, au poste de
supérieure de la Salpêtrière en 1749, ne prit fin qu’après un total recul du roi qui accepta de rendre aux
magistrats leurs prérogatives et exila l’archevêque à l’autre bout de la France.
Vers la reconnaissance du malade mental
C‘est tout d’abord une infirmerie générale qui est installée pour soigner sur place les malades, un médecin y est
attaché.
En 1795, Philippe Pinel (1745-1826) est nommé médecin-chef à la Salpêtrière : il
va totalement réorganiser l’hôpital. C’est lui qui supprime chaînes, carcans, fers
aux mains et aux pieds "des folles". On lui doit la première classification des
maladies mentales : la mélancolie (délire partiel), la manie (délire généralisé), la
démence (affaiblissement intellectuel généralisé) et l’idiotisme (abolition totale
des fonctions de l’entendement). Pour lui, les troubles mentaux sont dus à des
atteintes physiologiques provoquées par des émotions : l’aliéné est un sujet, il
convient de prendre en compte son passé pour la mise en place d’une
thérapeutique.
En 1820 lui succéda Jean-Etienne Esquirol (1772-1840), considéré comme le père de l’hôpital psychiatrique en
France : c’est lui qui fait voter en 1838 la loi obligeant chaque département à se doter d’un tel hôpital, loi restée
en vigueur jusqu’en 1990. Il est l’un des premiers à avoir établi une distinction entre hallucinations (perception
sans objet réel construites par l’esprit) et illusions (mauvaise interprétation des objets réels).
Jean-Martin Charcot (1825-1893) est nommé en 1862 à la Salpêtrière. À partir de 1878, il aborde l’étude des
processus mentaux en étudiant l’hystérie, utilisant notamment l’hypnose. Il ouvre au public ses "Leçons"
exposant les cas cliniques de ses patients et examinant en direct ces derniers assisté de Joseph Babinski (18571932). Ce dernier a su codifier la neurologie et distinguer les grandes affections organiques neurologiques des
syndromes psychiatriques.
Charcot a eu comme élèves, entre autres, Georges Gilles de La Tourette et Sigmund Freud.
Au 19e siècle, les combles d’un bâtiment furent affectés à un hospice de la vieillesse (les vielles femmes étant
voûtées et courbées, le manque de hauteur de plafond n’était pas censé les gêner…).
Au 20e, la Pitié fut reconstruite car elle se trouvait auparavant vers le jardin des Plantes et l’ensemble acquis
une belle notoriété avec des unités connues comme celle, par exemple, du professeur Chabrol, unité surnommée
le "Palais du cœur".
Photos : Jean-Paul GAUCHET , Bruno GAY, Serge PLÉ, Robert TESSAURO, Texte : Marielle SOULIÉ

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