Thomas Hobbes - Reseau
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Thomas Hobbes - Reseau
Th o m a s H o b b e s Voici un penseur renommé à plus d’un titre, qui a suscité et suscite encore plusieurs polémiques, tant ses idées politiques ont été approuvées ou contestées. On ne peut donc ignorer l’essentiel de sa doctrine, en cette matière. Philosophe anglais né en 1588, mort en 1679. Il prit très tôt en horreur la scolastique et les discussions politico-religieuses qui faisaient rage à l’Université. Il fut précepteur dans la famille des Cavendish. Il écrivit un De Corpore politico qui circulait sous le manteau. Craignant les conséquences de cet écrit sur la guerre civile anglaise, il se réfugia à Paris. Dans ce séjour de 11 années, il eut une controverse avec Descartes qui écrivit, en substance, que M. Hobbes était aussi remarquable politique que mauvais métaphysicien. Il enseigna les mathématiques au futur Charles II, publia le De Cive, ouvrage qui contient l’essentiel de sa pensée politique. C’est de retour en Angleterre qu’il fait éditer son ouvrage le plus connu : Le Léviathan (1651). Il découvre, à quarante ans, la géométrie en lisant Euclide. Il conçoit alors un système d’une grande rigueur, qui tente de tout expliquer à partir du mouvement. Son rationalisme est plutôt d’inspiration matérialiste : il rappelle plus la philosophie de Démocrite, père de l’atomisme, que celle d’Aristote, car Classement : 3Da06 il pense, à l’opposé de celui-ci, que les hommes ne sont pas naturellement portés à la sociabilité. Il s’en laissera influencer aussi bien dans ses conceptions psychologiques, morales que politiques. Galilée et Harvey lui semblent apporter des connaissances nouvelles et capitales sur le monde. COMMENTAIRE On peut le considérer comme le père de l’absolutisme, en matière politique. Peut-être le totalitarisme contemporain n’est-il pas totalement sans rapport avec sa philosophie politique. Rousseau s’opposera directement à lui, puisqu’il verra dans l’homme un être foncièrement bon. Hobbes, pense, au contraire, que la nature de l’homme est mauvaise et c’est ce qui justifie ses conceptions politiques absolutistes. Ses tentatives d’explication de l’origine du pouvoir par l’aspiration des hommes à la paix sont intéressantes. Mais le travers qui consiste à utiliser tous les moyens politiques pour la maintenir nous semble bien dangereux. ** cf. le glossaire PaTer version 1.3 • mise en ligne : 06/ 2012 Aller au dossier d’origine de ce texte - Aller à l’accueil du Réseau-Regain 1/3 HOBBES : LE POUVOIR ABSOLU La philosophie de Hobbes est d’inspiration matérialiste et rationaliste. Elle conçoit l’homme comme un mécanisme mû essentiellement par l’ambition et la crainte. Sur le plan politique, elle reprend la célèbre formule de Plaute : « l’homme est un loup pour l’homme ». De là sa vision de l’origine de la civilisation et les conséquences qu’il en tire pour sa conception du meilleur gouvernement, conception que nous tenterons de résumer. Rien de tel chez Hobbes que l’explication de l’obéissance à un souverain par le principe d’une quelconque « servitude volontaire ». Il lui semble, au contraire, que la nature humaine n’obéit que par obligation et contrainte. Réfléchissant sur l’hypothèse de « l’état de nature » (état originel de l’humanité avant la création de la première société politique), notre auteur voit se déverser, dans un tel état, la méchanceté naturelle de l’homme. Si un tel état originel a pu exister, il ne pouvait être, pensaitil, qu’un état de « guerre perpétuelle de chacun contre chacun ». Entendons-nous : non pas une guerre organisée socialement, puisque les hommes étaient censés vivre dans la plus grande solitude ; mais une guerre individuelle, suscitée par la simple convoitise, ne serait-ce que de la plus banale nourriture. État dangereux où se profilait à chaque instant, à chaque endroit, l’ombre de la mort. L’homme devait donc tôt ou tard finir par comprendre qu’il était avantageux d’y mettre un terme. Hobbes imagine alors nos lointains ancêtres concluant entre eux un « pacte » de paix. Êtres doués de raison — idée qui paraîtra incohérente à Rousseau, puisqu’il s’agirait d’êtres « naturels » — ils sont en mesure d’élaborer des lois réglant Classement : 3Da06 la vie sociale. Elles se résument en un mot : ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît. Le monstre politique Hobbes est conscient que l’on ne met pas fin en quelques instants à plusieurs siècles de barbarie. Il y faut, en effet, un élément majeur qui fait encore défaut à l’homme actuel : la confiance. « Words without swords are but words », dit-il, ce qui pourrait se traduire : « palabres sans sabres ne sont que palabres ». Les lois devaient donc être garanties par un souverain chargé de sanctionner ceux qui les enfreindraient. Ainsi — semblables aux grenouilles de la fable — ils élurent un souverain. Et, pour que celui-ci pût exercer sa force en toute impunité, il fallut que chaque homme lui abandonna la sienne, c’est-à-dire lui reconnût entière obéissance. Ce souverain est l’État qui ne peut qu’inspirer la terreur* s’il veut maintenir les individus dans la limite des lois, pour leur propre bien et la garantie de leur sécurité : « Telle est l’origine de ce grand Léviathan, ou, pour mieux dire, de ce dieu mortel auquel nous devons, avec l’aide du Dieu immortel, notre paix et notre protection. Car, armé du droit de représenter chacun des membres du Commonwealth (l’État), il détient par-là autant de puissance et de force qu’il peut, grâce à la terreur qu’il inspire, diriger les volontés de tous vers la paix à l’intérieur et l’aide mutuelle contre les ennemis de l’extérieur ». La paix est à ce prix ; et le pouvoir — homme ou assemblée, cela n’a pas d’importance — acquiert alors des droits exorbitants. Il est en conflit* perpétuel avec les citoyens. Quant à lui, ** cf. le glossaire PaTer version 1.3 • mise en ligne : 06/ 2012 Aller au dossier d’origine de ce texte - Aller à l’accueil du Réseau-Regain 2/3 il peut se dispenser d’obéir à la loi : « personne ne peut s’obliger soi-même ». Si l’État n’est pas doué d’une autorité absolue, il est miné, affaibli et il ne remplit plus ses fonctions de garant de la sécurité. Le retour à l’état de nature, c’est-àdire la guerre permanente, est alors inéluctable. Reste donc à savoir quels doivent être les principes d’autorité pour les citoyens dans un État chrétien. À qui doit-il obéir : à l’Église ou au souverain politique ? L’Église et l’État Paradoxalement le pouvoir absolu de l’État n’évacue pas, chez Hobbes, la possibilité de maintenir la religion. Il considère que l’Église est, elle aussi, garante de la paix, en tant qu’elle est une réunion d’hommes : « une réunion d’hommes professant la foi chrétienne, unis en la personne d’un souverain, sur l’ordre duquel ils doivent s’assembler ». Mais cette identification n’est possible qu’en affirmant du royaume de Dieu qu’il est un royaume civil. Dès lors, nulle autorité prétendue spirituelle n’est fondée à s’ériger en rivale du pouvoir politique. L’autorité du pape est alors contestée ; et le chef réel de l’État doit être celui de l’Église. Tout sujet de l’État chrétien est donc tenu d’obéir au détenteur du pouvoir politique, avant tout : « obéir aux lois de son souverain, en ce qui concerne les actes extérieurs et la profession de la religion ». Si Hobbes souligne : « extérieurs », c’est qu’il veut laisser chacun maître de sa foi « intérieure ». Car « Dieu seul, dit-il, connaît les cœurs ». Entendons que pour lui, l’État n’a pas à incarner une vérité religieuse. Mais cette distinction subtile n’a pas été du goût des autorités de l’époque. Croyant se garder de la religion officielle, comme du pouvoir politique de son temps, Hobbes dut pourtant cesser d’écrire sur les sujets de morale et de religion. Classement : 3Da06 Il consacra la fin de sa vie à la géométrie, pour assurer sa sécurité personnelle. • Commentaire : Voir dans l’homme une méchanceté originelle est sans doute d’un réalisme qui tourne au pessimisme lorsqu’on la croit incorrigible autrement que par la terreur. De cette position découlent les conceptions totalitaires de l’État. C’est là un point de vue inacceptable, par conséquent. Les principes de la paix doivent se trouver tout autant — et sans doute avant tout — au sein même de l’intelligence et de la conscience individuelles, pour tenter d’infléchir en ce sens les rapports interpersonnels. Si le rousseauisme qui ne voit dans l’homme qu’un être naturellement bon, n’est pas davantage satisfaisant, on est en droit d’espérer que la solution aux conflits n’est ni dans la politique seulement, ni en dehors d’elle. D’autre part, la distinction subtile entre « les actes religieux extérieurs » et les convictions intimes, reste tout de même fort controuvée. Car, un pouvoir qui oblige à une « profession de religion », incline, pour celui qui n’a pas la foi correspondante, à se comporter de manière hypocrite. Pour celui qui a la foi, la doctrine religieuse écarte souvent ce genre de distinction. Il y a tout de même une confusion des ordres politique et religieux, dans cette position, quoi qu’on ait pu dire. Jean-Louis LINAS Bibliographie : - Thomas Hobbes ; .De Cive (Sirey) .Le Léviathan (Sirey) - Jean-Jacques Chevalier ; Les grandes œuvres politiques de Machiavel à nos jours, (Armand Collin) pp. 44-55 - Raymond Pollin ; Politique et philosophie chez Thomas Hobbes (PUF) ** cf. le glossaire PaTer version 1.3 • mise en ligne : 06/ 2012 Aller au dossier d’origine de ce texte - Aller à l’accueil du Réseau-Regain 3/3