L`image interdite

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L`image interdite
ASARU
Chronique
CINEMA
Le prophète au cinéma
L’image interdite
Salim Aggar
l n'y pas que les illustrations en miniature qui
soient interdites de diffusion en Islam, la
représentation du Prophète sur le petit et le
grand écran est aussi sujet à polémique. « Le
message », si ce film a pu exister, c'est en grande
partie à cause de l'opiniâtreté d'un syrien émigré
aux Etats-Unis, Mustapha Akkad. Devenu
producteur d'émissions de télévision et de films
d'horreur, il a travaillé pendant cinq ans pour
mettre sur pied le plus sacré des projets pour un
musulman : tourner l'histoire de l'Islam. Avec un
impératif lié à la religion musulmane :
l'impossibilité de montrer à l'écran le visage du
Prophète Muhammad (QSSSL).
C'est la raison pour laquelle, à de nombreuses
reprises, les protagonistes s'adressent aux
spectateurs ou regardent ailleurs.
D'ailleurs, l'idée de départ c'était de mettre un
acteur de renom pour jouer le rôle du Prophète et
les producteurs anglais et américains qui avaient
misé beaucoup sur ce film pour toucher la
communauté musulmane dans le monde, avaient
opté pour la star américaine Anthony Quinn.
Mais, devant le refus du réalisateur et des
producteurs arabes, le Koweït et la Libye ont opté
pour la première proposition.
D'ailleurs pour l'anecdote, Ahmed Rachedi qui
connaissait très bien Mustapha Akkad, avait
proposé au départ le nom de Mohamed Lakhdar
Hamina pour tourner le film. Ce dernier était
devenu une vedette du cinéma arabe et africain
avec son prix pour Vent des Aurès à Cannes. Mais
finalement Lakhdar Hamina a refusé de tourner le
film, parce qu'il voulait représenter le prophète à
sa façon, chose qu'Akkad a refusé.
Dès l'annonce du début du tournage du film en
1975, la plus grande instance religieuse de l'Islam
à la mosquée El Azhar, avait dépêché des
I
6 / Asaru Cinéma
émissaires pour surveiller
le bon déroulement du
tournage, mais surtout le
respect du script écrit sur
la base d'ouvrages
religieux par cinq
scénaristes.
Le tournage fut
commencé au Maroc, puis
interrompu pour incendie
du décor et terminé en
Libye, qui s'est investie
totalement dans la
réalisation de ce film.
Ce qui a convaincu le réalisateur syrien Mustapha
Akkad de réaliser, quelques années plus tard, une
autre superproduction sur la vie, cette fois, du
révolutionnaire libyen Omar El-Mokhtar.
Au-delà des problèmes rencontrés durant le
tournage, la sortie du «Message» fut accueillie
avec grand succès dans le monde arabe et
musulman, même si le film n'a pas remporté le
succès escompté en Europe et en Amérique.
L'impossibilité de montrer le visage du Prophète,
a été perçue par le public comme un signe de
«fanatisme» et de «sous-développement». Alors
que le fait de montrer le visage de «Joseph»
(Youcef pour les musulmans) qui était considéré
lui aussi en Islam comme faisant partie «des gens
du Livre» illustré par l'acteur français Michel
Piccoli, dans le film de Youcef Chahine,
L'immigré, a été perçu en Occident comme un
signe de lutte contre l'intégrisme et qui réfute
toute forme d'expression fanatique. Mais depuis, il
y a eu l'affaire des caricatures qui est passée par là,
et la question de la représentation sous toutes ses
formes du prophète a été cette fois bien exposée.