Evolution de l`emploi dans le secteur des finances

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Evolution de l`emploi dans le secteur des finances
DOSSIER DE PRESSE - ACTION DU 03/04/2013
Les réductions de personnel dans le secteur des finances (banques, assurances
et autres institutions financières) sont une tendance de fond depuis une
quinzaine d’années. Un phénomène qui s’est encore accéléré avec la crise
financière. Les frais de personnel ont été visés comme des variables
d’ajustement afin d’améliorer toujours plus les résultats des entreprises
financières. La sécurité d’emploi que les employés de ces secteurs pouvaient
connaitre il y a encore quelques années n’est aujourd’hui plus qu’un vieux
souvenir. Et les perspectives de diminution d’emploi à court ou moyen terme sont
alarmantes.
L’action de ce 3 mai, organisée par les syndicats SETCa-BBTK, la CNE/LBC-NVK et la
CGSLB-ACLVB, vise à tirer la sonnette d’alarme à l’attention des représentants patronaux et
du monde politique. Nous estimons qu’il indispensable, tant pour les travailleurs que pour la santé du secteur, d’obtenir des
garanties de maintien de l’emploi dans les finances. Nous dressons ici une courte analyse de la situation à l’heure actuelle et un
récapitulatif des évolutions dans le secteur au cours des dernières années.
Le secteur des finances comprend diverses commissions paritaires:
 Assurances CP 306
 Entreprises de courtage et agences d’assurances CP 307
 Sociétés de prêts hypothécaires, d’épargne et de capitalisation CP 308
 Agents de change CP 309
 Banques CP 310
 Institutions publiques de crédit CP 325
 Employés occupés chez les notaires CP 216
Au niveau du secteur, ces commissions paritaires négocient les conditions de travail et de rémunération d’environ 120.000
travailleurs. Deux organisations patronales importantes prennent place autour de la table de négociation : « Assuralia »
réunissant les employeurs des assurances et « Febelfin » ceux des banques.
Evolution de l'emploi
dans le secteur des
finances *
Fusions, restructurations, réorganisations ou licenciements
individuels en cascades : les exemples ne manquent pas
que ce soit dans les banques (Belfius, ING, Fortis, etc.),
dans les assurances (Axa, Ethias, etc.) ou dans les autres
organismes des finances. Revenons sur quelques dates clés
qui ont marqué le secteur ces dernières années en termes
d’emploi.
140000
- 18,5 %
en 12 ans
130000
120000
Les banques et les banques d’épargne occupaient 76 541
personnes. Le nombre d’agences bancaires dans le pays
est de 17 757. Ce nombre ne cessera plus de diminuer.
110000
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
100000
* Basé sur des chiffres de Febelfin et Assuralia
Evolution de l'emploi
dans les assurances
Evolution de l'emploi dans
les banques *
*
56000
80000
- 15.442 emplois
en 12 ans
75000
- 7.600 emplois
en 12 ans
54000
52000
70000
50000
65000
48000
60000
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
42000
2001
50000
2000
44000
1999
55000
1999
46000
* Basé sur des chiffres de Febelfin et Assuralia
Les banques fusionnent : ING reprend la BBL, KB fusionne avec CERA pour devenir KBC, la CGER fusionne avec la
Générale de Banque pour devenir FORTIS banque et le Crédit communal s’allie avec le Crédit local de France
donnant naissance à Dexia.
Le secteur des assurances au sens large avec les intermédiaires et les courtiers (CP 307) occupait 55.000 personnes.
Les compagnies d’assurances occupaient 25.313 CDI. 20 entreprises concentrent 90% de l’emploi et de nombreuses
fusions absorptions ont eu lieu, notamment celle de grosses entreprises : AXA et Royale Belge.
Avec l’arrivée de la crise, les pertes d’emplois deviennent encore plus importante avec une diminution estimée à
11.000 jobs. FORTIS, DEXIA, KBC ET ETHIAS ont bénéficié de l’intervention de l’Etat.
Le nombre d’agences bancaires n’était plus que de 7 573. Le secteur bancaire n’occupe plus que 60 665 personnes
contre 75 554 en 2000 (-14 889) et les projections pour 2015 ne sont pas réjouissantes car ce secteur, moteur de
l’économie d’un pays, n’occuperait plus que 55 520 personnes.
Le secteur des assurances au sens large occupait encore 46.400 personnes et les compagnies d’assurances
comptaient 23.911 CDI.
BNPP annonce une diminution de l’emploi de 1800 ETP d’ici à 3 ans. BELFIUS annonce également une perte estimée
à 920 emplois d’ici à 2016. KBC aussi réduit l’emploi de 530 postes.
ING annonce, malgré les bénéfices réalisés, la perte d’un emploi sur 10, soit une perte d’emplois de 1000 ETP pour
arriver en 2015 à 8.560 emplois à temps plein au lieu des 9.560, aujourd’hui. La fusion de plus ou moins 40 agences
sur la Wallonie et Bruxelles est également au programme.
Pour la période 2013-2016, Belfius, BNPP et ING suppriment entre 3170 et 3470 postes de travail sur 33.000.
En moyenne depuis 15 ans, l’emploi s’est réduit
annuellement d’un peu plus de 2% par an.
20000
BNPP FORTIS
ING
KBC
Belfius
15000
-1456
-1343
-1952
-1676
10000
5000
0
BNPP
FORTIS
ING
KBC
2005
Belfius
2011
Parallèlement aux coupes dans l’emploi, les
employeurs n’hésitent pas à trancher dans les coûts
de fonctionnement et à augmenter toujours plus la
charge de travail et la flexibilité. Plusieurs enquêtes
réalisées au sein du personnel des finances par les
organisations syndicales confirment le malaise des
travailleurs vis-à-vis de la détérioration de leurs
conditions de travail.
Les travailleurs pointent l’accroissement de la productivité et la régression de la dimension humaine, une
augmentation du stress. Les pressions des hiérarchies pour vendre des produits à risque en dépit de la mauvaise
qualité du service et/ou du produit ont porté un grand coup à la confiance des clients qui a fait naitre un profond
sentiment de dévalorisation.
L’incertitude face à l’avenir est un élément de plus dans le sentiment de pénibilité. Notons aussi :
 le manque de reconnaissance et de soutien de la part des responsables,
 l’excès de la charge de travail et le manque d’effectifs,
 les outils informatiques déficients, conséquence d’un désinvestissement dans certains outils de travail
 l’apparition de nouvelles organisations du travail (lean management)
La cause de la débâcle se situe dans la valeur de marché des placements. La solvabilité des établissements financiers
a été directement remise en cause par la crise. La situation économique des entreprises n’est plus vérifiée à la fin de
l’année, mais jour après jour. Notamment parce que les placements se font de plus en plus à court terme. C’est la
raison pour laquelle une comptabilité journalière a pris place à côté de la comptabilité officielle, « l’International
Financial Reporting Standards » (IFRS), qui enregistre la valeur de marché des produits habituels et des produits
dérivés. Les comptes annuels de différentes banques et entreprises d’assurances font apparaître que la valeur de
leurs placements diminue et qu’elles comptabilisent des réductions de valeur sur les placements.
La réaction des entreprises à l’égard du personnel ne s’est pas fait attendre. Les restructurations se sont succédées à
un rythme élevé. Le contenu des CCT relatives aux conditions de travail et de rémunération est remis en cause. Les
négociations d’entreprise deviennent de plus en plus difficiles. Le grand défi consiste dorénavant à trouver des
réponses syndicales, y compris dans le secteur des finances.
Outre les effets de la crise tels qu’on peut les rencontrer dans d’autres secteurs économiques, d’autres phénomènes
expliquent également en parties les pertes d’emploi.
Nous remarquons qu’une certaine concentration (dues au fusions) s’est produite particulièrement dans le secteur
des assurances (CP 306). Ce dernier organise pour une grande partie la vente de ses produits par le biais des
courtiers et d’agences séparées. En l’occurrence, on compte ici un certain nombre d’acteurs importants, mais aussi
de nombreux petits. C’est ce que l’on remarque au vu du nombre d’employeurs ressortissant à la commission
paritaire des entreprises de courtage et des agences d’assurances (CP 307). Dans le secteur des banques, le nombre
d’entités juridiques est resté quasiment inchangé. L’organisation de la vente de produits bancaires est quelquefois
détachée de la banque (outsourcing). Ces agences bancaires séparées sont rattachées à la commission paritaire
nationale auxiliaire pour employés (CPNAE - CP 218). D’autres activités à caractère plus technique comme le backoffice et les TIC sont aussi détachées de cette manière. Il s’agit de quelque 4.113 entreprises et de 28.021 employés
pour l’année 2008. En 2003, il s’agissait de 2.371 entreprises et de 13.673 employés (chiffres selon CEFORA).
Conséquence directe de la concentration, on assiste à un accroissement de la centralisation géographique de
l’emploi. L’emploi régional diminue donc encore plus vite, tant en volume qu’en qualité.
Aujourd’hui, plus de 50 % du marché belge se retrouvent aux mains d'institutions financières ayant leur centre de
décision en dehors de notre pays.
En tout état de cause, ce ne sont pas les coûts salariaux qui sont la cause de la débâcle du secteur. Les chiffres
relatifs au secteur bancaire font apparaître que le produit bancaire (=valeur ajoutée) a augmenté passant de 10,91
milliards en 1993 à 19,6 milliards en 2007, alors que les charges des rémunérations passaient de 4,3 milliards à 5,5
milliards. La part des rémunérations est tombée de 39% à 28%.
Dans les assurances, le résultat d’exploitation dépend de quelque quatre facteurs: le résultat technique, le résultat
des placements financiers, le résultat des réassurances et les frais. Le résultat technique représente les primes
reçues (encaissement) moins les indemnisations de sinistres prévues et les provisions. En l’occurrence, il s’agit de
l’activité d’assurance proprement dite. L’encaissement a augmenté passant de 11,75 milliards en 1996 à 33,22
milliards en 2007. Au cours de cette même période, les frais de personnel plus les commissions sont tombés
d’environ 24% de cet encaissement à environ 14%.
Le maintien de l’emploi a toujours été une revendication syndicale forte dans les différents secteurs financiers. Le
volume et la qualité de l’emploi sont suivis de très près dans les commissions paritaires. Concrètement, des
procédures ont été convenues pour encadrer la concertation sur d’éventuels licenciements collectifs. L’objectif de
ces procédures est de préserver l’emploi du personnel par toutes sortes de mesures : embauche de personnel
nouveau pour les fonctions concernées, transfert entre services, formation, solutions pour éviter les licenciements «
secs ». Par ailleurs, il y a dans la plupart des secteurs une procédure en cas de licenciement individuel. Elle concerne
tant les licenciements pour raisons économiques que les licenciements en raison de problèmes de fonctionnement.
Le travailleur doit être informé des motifs du licenciement, il a le droit de se faire assister par le délégué syndical et
la possibilité de se recycler ou de se reconvertir. Si l’employeur ne respecte pas ces procédures, une indemnité
supplémentaire est prévue.
Cependant, cela ne suffit pas à enrayer le phénomène dramatique de pertes d’emploi dans le secteur. Il faut donc
que les employeurs prennent conscience qu’il faut maintenir de l’emploi de qualité dans les entreprises et s’engager
concrètement avec les organisations syndicales dans cette voie.