Emploi des personnes en situation de handicap au Maroc

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Emploi des personnes en situation de handicap au Maroc
CINQUIEME DIALOGUE EURO MEDITERRANEEN DE MANAGEMENT
PUBLIC
AMMAN, LE 25, 26 ET 27 SEPTEMBRE 2012
Titre de la communication :
« Emploi des personnes en situation de
handicap au Maroc : état des lieux et
perspectives »
Badiâ SAFI-EDDINE
&
Chafik BENTALEB
Groupe de Recherche sur la Gestion des Organisations (GREGO),
Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Marrakech (ENCGM)
Université Cadi Ayyad de Marrakech (UCAM)
Contact : Email : [email protected], GSM : +212 663 580 461
Août 2012
Résumé
Un des aspects de la diversité que nous appelons aujourd’hui le Handicap naît de l’interaction
d’une déficience et de l’incapacité qu’elle engendre lorsqu’elle interagit avec un
environnement inadapté. Ce propos défendu par le modèle social du handicap sous tend les
contraintes qui laissent les personnes atteintes de handicap dans une situation d’exclusion du
marché de travail, voire et sans exagération d’une exclusion de la vie sociale en générale.
Outre, les contraintes personnelles liées à la déficience, autres éléments de l’environnement
comme les réglementations et les non accessibilités s’avèrent déterminants dans la génération
du handicap. Au-delà, les politiques publiques en la matière au Maroc s’avèrent incapables de
changer le vécu des personnes en situation de handicap pour des années. Elles sont jugées à
l’unanimité de moins participatives et elles font dichotomie avec les intentions exprimées lors
des discours officiels. Nous présageons qu’une incarnation de la perception réductionniste de
la déficience dans la mentalité des décideurs en est la cause.
Notre communication se veut une occasion pour repenser le handicap, qui est en croissance
dans le monde pour plusieurs raisons (guerre, accidents, stress,…), pour bannir toute sorte de
discrimination à l’égard des personnes à déficiences et leur permettre de jouir de leurs droits
en tant que citoyens à part entière, dont le droit à un travail décent et épanouissant.
Mot clés : Diversité, Handicap, Perception, Discrimination, Emploi
Summary
One aspect of diversity that we call now Disability arises from the interaction between
impairment and the inability caused by an unsuitable environment. This purpose defended by
the social model of disability underpins constraints that suffer people with disabilities which
are in a situation of exclusion from the labor market, and without exaggeration are in an
exclusion of social life in general. More than constraints related to personal disability, other
elements of the environment such as regulations and non accessibility prove crucial in the
generation of disability. In de Moroccan context, public policies are unable to change the
experiences of people with disabilities for years. They are judged less participatory and
disconnected to the intentions expressed in the official speeches. We presume an incarnation
of the reductionist perception of disability in the minds of decision makers is the cause.
Our communication is an opportunity to rethink disability, which is growing in the world for
several reasons (war, accidents, stress, ...), to ban all forms of discrimination against persons
with disabilities and let them enjoy their rights as full citizens, including the right to decent
and fulfilling work.
Keywords: Diversity, Disability, Perception, Discrimination, Employement
Introduction
« La différence », ce terme qui, il y a encore quelques années, était source de frustration et
de rejet, prend de l’ampleur aujourd’hui. Lutte contre la discrimination et respect de la
différence sont désormais le slogan qui marque les discours de plusieurs parties prenantes :
chercheurs, gestionnaires et politiciens. Ce changement de paradigme n’est pas fortuit mais
voulu et réactif à une hétérogénéité croissante des sociétés.
Dans un contexte de mondialisation, les gestionnaires sont devant de nouveaux défis : faire
face à une diversité croissante de la clientèle et des usagers et aussi et non des moindres une
diversité de la main d’œuvre. Parue dans les années 90 aux Etats Unis, La gestion de la
diversité s’impose comme une alternative qui permet entre autres de répondre à ce double
défi. Elle regroupe, en effet, des politiques et des outils de gestion qui visent à répondre aux
défis posés actuellement aux gestionnaires et aux acteurs du monde politique et du secteur
associatif, confrontés à l’exclusion sociale et à la nécessité d’augmenter les taux d’insertion
socioprofessionnelle de certains publics.
Or, si certains aspects de la diversité, comme le genre, prennent de plus en plus de place dans
la scène de gestion au Maroc, d’autres néanmoins sont encore dans la zone d’ombre ; le
handicap par exemple. L’exclusion consciente ou non des personnes à déficiences s’avère
stable pour des années malgré la volonté déclarée de faire changer la situation. On parle
même du phénomène de mort sociale pour certaines catégories.
Au Maroc, les actions en matière d’insertion des personnes en situation de handicap (PSH)
sont importantes mais non suffisantes. Celles menées jusqu’aujourd’hui restent en outre dans
l’approche de l’assistanat et elles sont moins participatives ; Les PSH ne veulent plus le
poisson ils veulent apprendre à pêcher. Le handicap est envisagé dans sa dimension médicale
et non pas dans une perspective sociétale. De surcroit, la question l’emploi des PSH s’avère
encore moins prise en compte ; Le taux de chômage frappant dans la population en situation
de handicap en âge d’activité en est la preuve, à peine plus d’une personne en situation de
handicap sur dix travaille (11,7%).
Selon l’ENH (Enquête Nationale sur le Handicap) menée en 2004, 5.12% de la population
marocaine totale seraient en situation de handicap et 1 ménage sur 4 au Maroc est concerné
par le handicap, compte parmi ses membres une ou plusieurs PSH. Aussi, et selon un rapport
de l’OMS publié en juin 2011, la population mondiale atteinte de handicap augmente de 10%
à 15%. Dans cette nouvelle donne, une prise en considération de l’emploi des personnes en
situation de handicap est incontournable.
L’emploi des personnes en situation de handicap n’est pas seulement une impérative sociale
mais elle est de l’ordre économique aussi. Recruter une PSH et lui adapter l’environnement de
travail pour la maintenir dans son emploi, s’avère plus avantageux que sa prise en charge.
Une récente étude a montré qu’au Maroc, l’exclusion des personnes en situation de handicap
fait perdre à l’Etat marocain 9,2 milliard de DH par année, soit 2% du PIB alors que le revenu
potentiel d’une insertion des personnes en situation de handicap est de 6,1 milliards de DH
dans le milieu urbain et de 3,02 milliards de DH dans le milieu rural.
Aussi et depuis le mouvement du 20 février, le Maroc a connu une dynamique sociale et
politique très importante. Dynamique qui jouera en faveur d’une refonte des structures
politiques et sociales sous l’impulsion de l’adoption d’une nouvelle constitution en juillet
2011 qui n’a connu de changement depuis 1996. Cette constitution est pour la première fois
dans l’histoire du Maroc instaure l’abolition de toute forme de discrimination quelque soit la
nature de cette discrimination, y compris la discrimination sur la base du handicap. Par la
nouvelle constitution, le Maroc est tenu d’interdire et d’abolir toute forme de discrimination
juridique, culturelle ou comportementale envers des personnes en situation de handicap.
Notre communication s’inscrit dans un contexte de recherche sur les perceptions et les
pratiques à l’égard de personnes en situations de handicap dans les administrations
marocaines et elle en présente nos efforts de l’exploration du handicap au Maroc. Nous
songeons présenter les contraintes et les opportunités quant à l’inclusion des PSH dans le
milieu de travail.
Notre communication s’articulera sur trois aspects :
-
Un bref aperçu sur le concept du handicap, son origine, ses classifications et ses
modèles et ce pour dissoudre le flou qui l’entache. « personne handicapée »,
« personne à besoin spécifique » et « personne en situation de handicap » sont souvent
utilisés dans les discours d’une manière confondue alors que chaque concept renvoie à
une approche bien différente de celles des autres. L’inclusion des PSH passe tout
d’abord par la compréhension du concept « Handicap »;
-
Une présentation des résultats de notre étape de contextualisation pour notre recherche
qui s’intitule « GRH et Handicap dans l’administration marocaine : perceptions et
pratiques » ; il s’agit de dresser un état des lieux de la question à travers la
présentation de quelques statistiques issues de l’ENH de 2004, la lecture critique des
textes réglementant le handicap au Maroc et quelques résultats de l’exploitation des
entretiens exploratoires avec les PSH et leurs représentants.
-
Une présentation de quelques aspects de la gestion de la diversité comme étant une
nouvelle perspective pour la gestion du handicap.
I- Le Concept de Handicap : Etat de l’art
1/ Origines du handicap
Pour mieux appréhender le concept du handicap, il est primordial de remonter à ses origines.
C'est dans le domaine des courses de chevaux sur pelouse (turf) que le handicap (en anglais
hand in cap, c'est-à-dire main dans le chapeau) prend son origine, en 1827. Selon le Petit
Robert (1988), il s'agit d'une course ouverte à des chevaux dont les chances de vaincre,
naturellement inégales, sont, en principe, égalisées par l'obligation faite aux meilleurs de
porter un poids plus grand (courses au galop) ou de parcourir une distance plus longue
(courses au trot). Selon Jacques Côté 1 qui a étudié la question, le moyen utilisé pour égaliser
les chances consiste à ajouter ou à enlever sous la selle des plaques de fonte de 2,2 kg (5
livres). Cette responsabilité d'égaliser les chances des concurrents incombe au commissaire
handicapeur ; il charge davantage le meilleur cheval et déleste le plus possible la monture
qu'il juge moins compétitive pour diverses raisons. Le principe du handicap au golf, c'est
d'égaliser les chances des concurrents dans un contexte de compétition. Ce principe permet à
quelqu'un de se mesurer avec des personnes de force supérieure en éliminant les différences
d'habileté entre les joueurs. Par exemple, un professionnel comblera 18 trous en 76 coups,
alors qu'un joueur d'expérience moindre fera le même trajet en 100 coups. Le handicap de
départ de ce dernier serait de 24. Si dans une autre journée cette même personne réalise le
parcours en 98 coups, étant donné son handicap de 24, c'est un parcours de 74 qu'elle aura
réalisé. Elle se rapproche ainsi de la performance du « pro », améliore ses chances de gagner
un trophée. L'égalisation des chances au départ permet au joueur moins expérimenté de garder
l'espoir de vaincre, de maintenir le plaisir de jouer en rompant avec la perspective de perdre à
coup sûr. Dans ce cas, il s'agit d'une épreuve sportive où l'inégalité des chances des
concurrents est compensée au départ. Cette situation sous-entend deux principes. Le premier
veut que le handicap n'existe pas en soi. Il se situe par rapport à une norme, se définit par la
comparaison avec quelqu'un d'autre. Ce propos rejoint celui de Becker 2 pour qui la déviance
et le handicap ne résident pas dans un comportement, un état donné, mais dans la réaction de
l'autre qui représente la norme désirable, valorisée dans le jeu, qu'il soit sportif ou social. Le
1
J. Côté, « La notion de handicap : l'histoire d'un prodigieux contresens », Synergie, vol. 3, 1991, p. 2.
2
H. Becker, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Éditions A.M. Métailié, 1985.
second principe fait état d'une convention qui vise à améliorer la position de la personne
désavantagée.
Comme dans le domaine sportif, le principe du handicap a touché d’autres domaines. Henri
Dorvil (2001) a le mérite de faire appliquer ce principe au domaine financier lorsqu’il a mis le
point sur l’intervention des décideurs pour redresser les déséquilibres émanant de la
dépréciations de certaines devises devenues faibles. Ainsi, selon Henri Dorvil, le ballottement
et ensuite la sortie à l'automne 1992 de la livre anglaise et de la lire italienne du système
monétaire européen (SME) ont sonné l'alarme, les partenaires de ce marché commun ont été à
la réalité de la force inégale des monnaies des différents pays. Pour la survie du système que
menaçait l'appétit glouton des cambistes, pour freiner la spéculation, pour maintenir les
grands équilibres économiques, bref, pour ne pas mettre en congé d'autres devises
« incapables » de suivre le courant, les « maîtres du jeu » ont dû élargir (en août 1993) les
marges de fluctuation au sein du SME. Dans ce même esprit, d'autres mesures sont prises de
temps à autre pour « soutenir » une devise trop faible : intervention des banques centrales par
leurs réserves de change, jeu des taux d'escompte, des taux d'intérêt, politique économique.
L'entrée en scène en janvier 1999 de la monnaie unique européenne (l'euro) pose un nouveau
jalon dans ce processus qui vise ultimement à attribuer la même valeur à la force de travail de
tous les habitants d'un même continent, et peut-être un jour du monde entier.
Le concept de handicap a beaucoup évolué du fait de l’intérêt croissant porté aux personnes
handicapées, dans le cadre de la promotion des droits de l’homme à travers le monde.
Différentes approches ont été formulées par les intéressés, les professionnels, en fonction de
leur perception et des besoins spécifiques de cette population. Le contenu de ces approches
révèle sans doute aucun l'engouement que suscite ce champ de recherche et montre surtout à
quel point il est encore actuel.
2/ Classifications du handicap
Les évolutions conceptuelles du handicap transparaissaient clairement dans les travaux de
l’organisation mondiale de la santé, qui dans un souci de systématisation et d’uniformisation
pour faciliter les échanges d’informations et de coordination entre les pays, travaillent de
façon permanente au classement des maladies et de leurs conséquences. A l’issue de longs
travaux d’expert et dans le prolongement de la classification internationale des maladies, il a
été publié en 1980 la première classification :
-
La classification internationale des handicaps (C.I.H)
Cette première version de classification des déficiences, des incapacités et des handicaps
(CIDIH) a été approuvée par l’assemblée Générale des Nations Unies en 1975 et publiée par
l’OMS en 1980. Cette classification, dite de Wood, a permis une importante clarification au
concept du handicap ; elle décrit trois niveaux distincts, le niveau lésionnel (les déficiences),
le niveau fonctionnel (les incapacités) et le niveau situationnel (le désavantage social). Philip
Wood, en introduisant la notion du désavantage social a mis en évidence le volet non médical
de la question du handicap et les conséquences sociales des déficiences et incapacités. Elle
marque selon Hollenweger Haskell (2001) (cité par lysiane Rochat, 2008), un changement de
paradigme, puisqu’elle implique « l’abandon du mythe de la guérison de toute maladie et de
la définition purement fonctionnelle du handicap ». La CIH est structurée autour de la
séquence suivante :
Maladie (ou trouble)
Déficience
Incapacité
Désavantage
La déficience correspond à « toute perte de substance ou altération d’une structure ou
fonction psychologique, physiologique ou anatomique ».
L’incapacité c’est toute réduction (résultant d’une déficience) partielle ou totale de la
capacité d’accomplir une activité d’une façon ou dans les limites considérées comme normale
pour un être humain.
Le désavantage est défini par l’OMS comme « le préjudice qui résulte de la déficience ou de
l’incapacité qui limite ou interdit l’accomplissement d’un rôle considéré comme normal
compte tenu de l’âge, du sexe et les facteurs socioculturels »
Cette classification a néanmoins fait l’objet de nombreuses critiques dés sa publication : les
facteurs de l’environnement sont absents, la terminologie est négative et surtout, elle reste
sous-tendue par une relation linéaire de cause à effet. Ceci a donné lieu à une nouvelle
classification
-
La classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé
(C.I.F)
La CIF a été publiée en 2001 par l’assemblée mondiale de la santé. Elle repose sur une double
critique de la CIH :
•
Le schéma linéaire est trop simpliste : le handicap ou le désavantage social peut
résulter d’une déficience sans incapacités (Exemple : une déficience esthétique). A
l’inverse, certaines déficiences peuvent entrainer une restriction de la participation
sociale sans nécessairement s’accompagner d’une limitation d’activité (exemple :
personne sous dialyse). Le désavantage social n’est pas nécessairement en bout de
course mais peut être lui-même une cause d’incapacité et de déficience. La CIH
n’intègre par les facteurs de l’environnement alors qu’il a une incidence sur la
situation de handicap.
•
La CIH met l’accent sur les aspects négatifs du handicap, sans porter suffisamment
attention aux capacités et aux possibilités de participation à la vie sociale
Cette classification, dite intégrative, remplace la notion d’incapacité par celle de « limitation
d’activités »3. L’écart de la capacité d’exercer l’activité par rapport à ce que l’on peut
attendre de la part d’individus n’ayant pas ce problème de santé peut être plus ou moins grand
tant en qualité qu’en quantité.
« Les restrictions de participation » remplace le terme de désavantage. La présence d’une
restriction de la participation se détermine en comparant la participation d’un individu qu’on
attend, dans telle culture ou telle société, d’un individu sans limitation d’activité.
L’élément le plus novateur de la CIF réside dans l’intégration des facteurs contextuels
(environnementaux et personnels).
La CIF rationalise la présentation des déficiences en distinguant les fonctions organiques et
les structures anatomiques.
3/ Modèles du handicap
Historiquement, deux modèles principaux du handicap se distinguent. Le modèle individuel
(aussi appelé modèle médical) et le modèle social. Plus récemment, un troisième type de
modèle s’est développé en réaction aux visions partielles que peuvent offrir les deux modèles
traditionnels. Ces nouvelles approches se veulent intégratives et dynamiques, et tentent de
dépasser le déterminisme individuel du modèle médical et le déterminisme externe du modèle
social.
Le modèle individuel
Suivant ce modèle issu de l’approche biomédicale, le handicap est considéré comme une
réalité intrinsèque à l’individu. Il est défini comme une « déficience corporelle, physique ou
mentale » lui appartenant et ayant pour conséquence de le limiter au niveau de sa participation
sociale. Ce modèle suit une logique de cause à effet : une maladie ou un traumatisme
provoque une déficience organique et fonctionnelle ; il en résulte une incapacité pour la
personne ; cette incapacité se traduit en désavantage social ou handicap. Le handicap est donc
3
Les limitations d’activités sont des difficultés qu’un individu peut éprouver dans l’accomplissement de ces
activités
clairement le résultat de la déficience de l’individu. Les interventions proposées sont d’ordre
curatif et visent, à terme, la guérison de la personne ou du moins sa réadaptation à la société
telle qu’elle existe pour les « valides ». Au niveau législatif et politique, les solutions
proposées font appel à des régimes de compensation, citons par exemple l’assurance
invalidité, qui évalue l’invalidité en terme de perte de gain en raison d’une déficience
personnelle.
Le modèle social
Suivant ce modèle apparu dans les années 1960, le handicap est considéré comme un produit
social, comme le résultat de l’inadéquation de la société aux spécificités de ses membres.
L’origine du handicap est donc externe à l’individu. Cette conception est clairement opposée
à celle sous-tendant le modèle médical.
Le type d’interventions proposées va ainsi se modifier : plutôt qu’une action curative visant la
normalisation de l’individu, l’approche sociale va abandonner l’idéal de guérison et favoriser
le développement des capacités restantes de la personne dans le but de la rendre autonome
dans sa vie quotidienne (logique d’autonomisation). Ce modèle prône également la
suppression des barrières physiques et sociales. Il s’agit d’adapter l’environnement et les
services, de les rendre accessibles et utilisables pour les personnes ayant des incapacités
physiques ou psychiques. Les législations contre les discriminations et pour l’égalité
s’inspirent de ce modèle.
4/ Le processus de production du handicap : une approche globale, dynamique et
intégrative
Le processus de production du handicap (PPH) est une approche globale qui considère le
handicap non pas comme un « état » figé, mais comme un processus qui limite les activités de
la personne. Le handicap est considéré comme une perturbation dans la réalisation des
habitudes de vie d’une personne, résultant, d’une part, de facteurs personnels, de déficiences
ou d’incapacités et, d’autre part, de facteurs environnementaux (obstacles). Il est donc une «
situation » relative qui varie en fonction du contexte et de l’environnement, mais qui peut
aussi être modifiée, tant par la réduction des déficiences et le développement des aptitudes
que par l’adaptation de l’environnement.
Facteurs de risques
Cause
Facteurs personnels
Facteurs environnementaux
Systèmes organiques
Intégrité
Déficience
Aptitudes
Capacité
Incapacité
Facilitateur
Obstacle
Interaction
Habitudes de vie
Participation sociale
Situation de handicap
Source : Réseau International sur le Processus de Production du Handicap (RIPPH), 1996
Un facteur de risque est un élément susceptible de provoquer une maladie, un traumatisme
ou toute autre atteinte à l’intégrité ou au développement de la personne.
Un facteur personnel est une caractéristique appartenant à la personne (âge, sexe, identité
socioculturelle, etc.).
Un facteur environnemental est une dimension sociale ou physique qui détermine
l’organisation et le contexte d’une société :
-
un facilitateur contribue à la réalisation des habitudes de vie. L’information pour un
changement d’attitude face à la différence, les politiques du handicap, les
infrastructures accessibles sont des facteurs environnementaux facilitateurs ;
-
un obstacle entrave la réalisation des habitudes de vie. Les attitudes discriminantes,
l’état des routes et des escaliers, la pollution atmosphérique peuvent être autant
d’obstacles.
Une habitude de vie est une activité courante ou un rôle social valorisé par la personne ou
son contexte socioculturel. Elle assure la survie et l’épanouissement de la personne tout le
long de son existence.
Une situation de participation sociale correspond à la pleine réalisation des habitudes de vie.
En revanche, une situation de handicap correspond à la réalisation partielle ou à la nonréalisation des habitudes de vie, résultant de l’interaction entre les facteurs personnels et
environnementaux.
II - Le handicap au Maroc : l’état des lieux
1. Histoire du handicap au Maroc4
Avant l’indépendance du Maroc, l’intérêt porté par les autorités coloniales au handicap a été
relatif, centré sur la protection de la population coloniale, comme pour l’ensemble des
problèmes de santé et la prise en charge des « invalides » ou « infirmes » générés par la
guerre.
Très longtemps, la question du handicap n’a pas été posée comme problème de société, mais
comme une fatalité assumée au niveau de la famille par le recours à la médecine
conventionnelle quand celle-ci était accessible, mais surtout par les thérapies traditionnelles.
La personne handicapée était le plus souvent maintenue à domicile, pour des raisons de «
pudeur » sociale, mais aussi du fait de l’absence de moyens de mobilité et d’accessibilité.
Les prémices d’un intérêt à la problématique de la protection sociale, dont le handicap,
apparaissent en 1957 par la création de l’Entraide Nationale, première expression de solidarité
nationale, qui a mis en place des institutions d’éducation et de formation des aveugles et des
malvoyants en 1958 dans les villes de Rabat, Fès et Marrakech ainsi que la publication le 15
Novembre 1958 du Code des libertés publiques (Dahir no 1-58-376 du 3 Joumada 1 – 1378)
réglementant le cadre légal à la création d’associations, notamment dans le domaine du
handicap.
C’est donc au début des années soixante que naissent les premières associations s’occupant de
personnes handicapées. C’est à cette même période que le Ministère de la Santé Publique avec
le soutien des organismes internationaux doit faire face en 1959 à l’intoxication collective due
à l’ingestion d’huiles frelatées ayant fait 12000 victimes, et en 1961 au tremblement de terre
d’Agadir. Ces deux catastrophes ont généré un nombre très important de personnes
handicapées venues s’ajouter aux handicaps déjà existant liés à d’autres causes
(essentiellement infectieuses). On assiste alors à la création au Ministère de la Santé, d’un «
service chargé de la réhabilitation et de la gériatrie ».
4
Extrait du rapport de la GTZ : « Une figure de l’exclusion : le handicap » par Latifa SERGHINI (2005)
Quelques structures de rééducation et d’appareillage voient le jour, mais ces mesures de prise
en charge sont ponctuelles et ne s’insèrent pas dans une vision globale et à long terme au
profit des personnes porteuses d’un handicap qui sont en situation de marginalisation.
L’année internationale des personnes handicapées en 1981 introduit le concept d’exclusion de
la personne handicapée et insiste sur la nécessité de mettre en place toutes les mesures visant
« la participation entière et l’égalité » afin d’assurer l’insertion sociale de cette population.
Au Maroc, les premières dispositions législatives et réglementaires datent de 1982, (6 mai
1982) : il s’agit de la loi 05/81 relative à la protection sociale des non voyants;
Le deuxième texte de loi (loi no 7/92) concerne la protection sociale des personnes
handicapées.
Par ailleurs, le programme élargi de vaccinations adopté en 1981 est mis en place et donne
d’excellentes performances en matière de prévention de la principale source de handicaps
moteurs qu’est la poliomyélite, maladie aujourd’hui en situation d’éradication définitive.
Sur le plan institutionnel, les problèmes concernant les personnes handicapées étaient traités
dans une Direction des affaires sociales dépendant du Ministère de l’Emploi et des Affaires
Sociales.
Création du Haut Commissariat aux Handicapés
Créé par décision Royale de Feu SM le Roi Hassan II le 30 Mars 1994 et rattaché directement
au Premier Ministre, il constitue un évènement important dans l’histoire du handicap au
Maroc. En effet, il est question de mettre en œuvre une politique visant la protection sociale
des personnes handicapées par l’implication transversale des différents acteurs et partenaires,
pour assurer l’insertion et la protection sociale des personnes handicapées.
Les attributions du Haut Commissariat fixées par le décret n° 2.94.201 du mois de mai 1994
sont les suivantes :
1) d’assurer, en collaboration avec les ministères concernés, la protection et la réinsertion
sociale des handicapés ;
2) de proposer au gouvernement, en liaison avec les départements ministériels et organismes
concernés, la politique de prévention et de réadaptation en faveur des personnes handicapées
et les mesures de toute nature en permettant la réalisation ;
3) de conseiller et assister les différentes administrations et les collectivités locales en matière
de protection sociale des handicapés ;
4) de proposer, en concertation avec les ministères concernés, les mesures d’application de la
loi n°07.92 relative à la protection sociale des handicapés et de la loi n° 05.81 relative à la
protection sociale des aveugles et déficients visuels ;
5) de représenter le gouvernement auprès des organisations et dans les conférences et
réunions, régionales et internationales traitant des handicapés, en liaison avec le Ministère
chargé des Affaires Étrangères et, le cas échéant, les autres départements ministériels
concernés ;
6) de délivrer la carte de handicapé et la carte spéciale pour aveugles prévues respectivement
par les lois n°07.92 et 05.81 précitées ;
7) de conseiller et assister les organisations nationales ayant pour objet la protection des
handicapés et donner son avis sur la reconnaissance d’utilité publique des associations
poursuivant le même but.
Création du Secrétariat d’État Chargé des Handicapés en 1998
Afin de souligner la volonté de promouvoir une politique de développement social, le
gouvernement d’alternance mis en place le 14 Mars 1998, érige le Haut Commissariat en
Secrétariat d’État chargé des Handicapés, sous la tutelle du Ministère du Développement
social, de la Solidarité, de l’Emploi, et de la Formation Professionnelle. Il s’agit donc d’un
département dont les attributions similaires à celles du Haut Commissariat exigeant un travail
horizontal avec les différents départements ministériels. Afin d’en renforcer l’efficacité, le
premier Ministre crée une Commission Interministérielle sur le Handicap qui s’est réunie
deux fois.
Dès la création du Haut Commissariat aux Handicapés, on constate la multiplication des
associations s’occupant de handicap dont le nombre va passer d’une soixantaine à plus de 230
en 1999 avec un dynamisme croissant. Aujourd’hui, ce nombre atteint 500 (janvier 2004). La
présence d’une société civile œuvrant dans le domaine du handicap avec motivation est
dorénavant un atout majeur pour la promotion des droits des personnes handicapées.
Lors du discours du trône du 30 juillet 1999, SM le Roi Mohammed VI annonce la création de
la Fondation Mohammed V pour la Solidarité en définissant son rôle : « la Fondation
Mohammed V pour la Solidarité qui voue son action aux affaires des pauvres, des nécessiteux
et des handicapés... », Plaçant ainsi les personnes handicapées au cœur du discours sur
l’exclusion et la pauvreté.
2. L’emploi des PSH au Maroc : quel état des lieux ?
Lors de notre investigation sur la problématique de l’emploi des personnes en situation de
handicap et d’après plusieurs entretiens exploratoires avec les intéressés et leurs représentants,
la situation des PSH dans le marché du travail est inquiétante et appelle à réflexion, elle est
principalement la résultante :
-
De préjugés et de représentations dévalorisantes, étiquetant les PSH de leurs
déficiences et les jugeant comme des êtres incapables.
-
D’une réglementation non adéquate ne permettant pas de défendre les droits des PSH
en tant que citoyen à part entière, y compris leur droit d’accès à un travail décent.
Ces deux facteurs entrainent, entre autres, une restriction quant à la participation sociale des
PSH d’une manière générale et à leur accès au travail de manière spécifique, les chiffres
relatifs à l’emploi de celles-ci en parlent suffisamment.
Dans ce qui suit et sans prétendre être exhaustif, nous nous attachons d’entamer une lecture
critique et constructive de la réglementation spécifique au handicap au Maroc et voir dans
qu’elle mesure elle contribue ou non à favoriser l’emploi des PSH. Nous nous attelons aussi
de clarifier l’état des lieux de l’emploi des PSH à travers une présentation brève de quelques
résultats de l’Enquête Nationale Sur le Handicap au Maroc de 2004.
Le référentiel juridique du handicap au Maroc
La loi n°05-81 relative à la protection sociale des aveugles et des déficients visuels :
Cette loi a été adoptée par la chambre des représentants le 29 décembre 1980 et promulguée 2
années plus tard, le 6 mai 1982. Elle est l’une des premières initiatives législatives en faveur
des personnes en situation de handicap au Maroc. Etant la résultante d’une prise de
conscience émanant de la sensibilisation naissant de la promulgation de 1981 comme année
internationale des personnes handicapées par l’ONU. Au-delà, cette loi reste très limitative.
En outre du fait qu’elle ne concerne que les déficients visuels, elle est jugé peu applicable.
Car elle ne déploie aucune obligation en mesure d’éliminer les formes de discriminations
basées sur le handicap. Elle ne garantie aucun droit sauf quelques avantages accordés aux
déficients visuels tributaires de l’appropriation de la carte des handicapées qui n’a pas encore
vu le jour.
La loi n°07-92 relative à la protection sociale des personnes handicapées :
Cette loi a été adoptée par le parlement le 26 décembre 1991 et promulguée 2 années plus tard
(le 10 septembre 1993). A la différence de la loi n°05-81, cette loi est la première à avoir
concerné « les personnes handicapées » sans distinction aucune. Elle est aussi considérée
comme le texte principal de la protection des droits des personnes en situation de handicap au
Maroc.
Son champ d’application couvre d’une manière générale, un grand nombre de droits, qui
relèvent de la « responsabilité et du devoir national ». L’obligation de l’Etat n’est pas
précisée, et les droits garantis sont associés à des avantages et facilités.
Malgré qu’elle concerne les personnes en situation de handicap, elle ne mentionne ni le
principe d’égalité, ni l’obligation de non discrimination basée sur le handicap.
Dans son article 2, la loi définie la personne handicapée comme suit : « Est considérée comme
handicapé au sens de la présente loi, toute personne se trouvant dans un état d’incapacité ou
de gène permanent ou occasionnel résultant d’une déficience ou d’une inaptitude
l’empêchant d’accomplir ses fonctions vitales, sans distinction entre handicapés de naissance
et ceux qui souffrent d’un handicap acquis ». Cette définition est très restrictive dans la
mesure où elle fait abstraction des facteurs environnementaux, des systèmes de valeurs, des
attitudes et des stéréotypes qui constituent les principales causes de discrimination à
l’encontre des personnes en situation de handicap.
L’article 12 de la loi en vigueur, pose le principe du droit à l’éducation, à l’enseignement et à
la formation en faveur des PSH, mais ce même article neutralise la dimension absolue de ce
droit humain en introduisant des expressions ambigües tel que « Chaque fois qu’il est
possible…» ou encore «l’administration procède, dans la limite de ses possibilités.. ».
En matière d’emploi, la simple lecture du texte de loi fait surgir son incapacité à inciter
l’intégration de PSH dans le travail. Le texte révèle des contradictions entre les dispositions
de certains articles. Par exemple, dans l’article 17 la loi stipule que le handicap ne peut être
cause de privation d’obtention d’un emploi dans le secteur public ou privé, mais dans le
même article elle annonce qu’il ne faut pas que le handicap entrave le fonctionnement normal
du service dans lequel la PSH est employé, sans aucune mention de l’obligation de faire des
aménagements raisonnables dédiés à l’emploi pour cette catégorie dans le même article ou
dans les autres articles.
L’article 19 restreint l’emploi des personnes en situation de handicap à un ensemble limitatif
d’emplois et fonctions pouvant être confiés en priorité aux PSH dans le secteur public (fixés
par voie réglementaire) et les a soumis aussi aux conditions des dispositions de l’article 17.
Ainsi, la loi laisse les PSH plus sujettes à une ségrégation horizontale ; les personnes aveugles
par exemple sont généralement cantonnées dans les postes de standardistes, alors qu’elles
peuvent disposés de qualifications qui restent sous exploitées faute d’adaptation de
l’environnement de travail.
L’article 20 dit : « le pourcentage des emplois à réserver aux handicapés par rapport à
l’ensemble des travailleurs et employés des administrations du secteur public, semi public et
privé est fixé, dans le cadre des listes visées à l’article 19 par voie réglementaire ». Un arrêté
du premier ministre consacre 7% de travail réservé dans le secteur public. C’est un taux
généreux mais irréalisable vu la modalité de calcul qui lui est associée.
La loi n°10-03 du 12 mai 2003 relative aux accessibilités :
Cette loi a vu le jour sous l’impulsion de la remonté en scène de la société civile, représentée
par les organisations des PSH, qui est devenue depuis lors plus active et plus présente en tant
que force de proposition et de contre pouvoir. Elle est apparue dans un contexte de
changement de paradigmes. Le handicap n’est plus considéré comme une affaire personnelle,
mais un problème de la société entière. Les facteurs environnementaux, physiques, sociaux,
économiques et culturels sont des obstacles générateurs de situations de handicaps qu’il faut
éliminer par la force de la loi.
La grande nouveauté de la loi sur les accessibilités c’est qu’elle a introduit la notion de
responsabilité de l’Etat et les mesures à prendre pour que les bâtiments et les aménagements
des territoires soient accessibles. L’Etat a l’obligation de prévoir les dispositions relatives aux
accessibilités dans les règlements généraux de construction et les plans d’aménagement ainsi
que dans les lois relatives aux lotissements, groupes d’habitations et morcellements. Il doit
également adopter des mesures réglementaires et les normes techniques d’exécution.
Cette loi est constituée de 5 chapitres et 31 articles touchant les domaines de l’urbanisme, de
l’architecture, des moyens de transports, la communication, les mesures de protection des
personnes en situation de handicap et les sanctions. Mais elle présente elle aussi des
insuffisances.
Les personnes à mobilité réduite et les déficients visuels sont les plus citées dans ce texte de
loi, c’est comme si cette loi ne concerne que ces catégories, qu’en est-il des personnes atteinte
d’autres types de déficiences (auditif par exemple) ?.
Le plus grand défaut de cette loi réside dans le contenu de l’article 29. En vertu de cette article
les dispositions de la loi ne s’appliquent pas aux installations existantes ni à celles pour
lesquelles les permis de construire ont déjà été délivrés. Cette exception au sujet de
l’accessibilisation des bâtiments existant avant 2003 est beaucoup protestée par les militants
du domaine.
L’accessibilisation des milieux de travail est cité d’une manière très superficielle. Aucune
précision n’est faite sur les types des aménagements raisonnables qui peuvent être déployées
aux PSH et aucune mention de mesures coercitives en cas de violation à cet aspect.
D’une manière générale la loi de la prévention des PSH et la loi de la prévention des
personnes aveugles sont jugés, selon les déclaration de certains représentants de PSH comme
des déclarations d’intentions, ce sont des textes narratifs où il y a un peu de sentiment et de
mœurs et ne contiennent aucune appropriation juridique, elles encouragent à porter atteinte à
la règle juridique, qui est une règle contraignante et qui doit impliquer des sanctions en cas de
violation de droits. Or les lois précédentes ne mentionnaient aucune sanctions, aucune
obligation de l’Etat et à chaque fois où il y avait une déclaration d’un droit ; droit à
l’éducation, droit au travail, droit aux loisirs, , il y’avait toujours une mention qui venait
derrière qui disait : « chaque fois que c’est possible », chose qui rend les choses non possible.
Les lois spécifiques au handicap dans leurs globalité part d’une approche discriminatoire
(ignorance totale des personnes à déficiences psychiques ou mentales) et non pas une
approche inclusive et une approche droit, elles sont générales, flous et si on ne dit pas
improvisées, car elles sont en dichotomie parfaite entre la raison de leurs existence ; jouir les
PSH de leurs droits civiques, politiques, économiques, sociaux et culturelles et les impacts
mesurés ; limitation, enfermement, voire « la mort social ». L’application de ces lois est
malheureusement soumise à l’interprétation arbitraire des décideurs étant donné que les
décrets d’application et les dispositions administratives relatives à leurs mise en œuvre n’ont,
pour la plupart, jamais vu le jour.
Le code de travail : loi n°65-9 du 11 septembre 2003 :
Au vu du code de travail marocain, la discrimination fondée sur le handicap est interdite. Il
prévoit des obligations positives et des mesures préférentielles « ayant pour objectif l’égalité
effective dans les opportunités et le traitement entre les salariés handicapés et les autres
salariés ».
Le code impose aux employeurs l’obligation de préserver l’emploi du salarié devenu en
situation de handicap, sauf si cela s’avère impossible en raison de la gravité du handicap et de
la nature du travail. Il leur interdit d’employer les PSH dans des travaux à risque et exige que
les locaux soient équipés des accessibilités, et que la sécurité et l’hygiène soient assurées.
Le code ne contient pas de dispositions légales qui interdisent la discrimination pour l’accès à
l’emploi. Or, les PSH font face à toutes les sortes de pratiques discriminatoires qui les
excluent du marché du travail.
Certaines clauses du code ne sont pas suffisamment précises et peuvent donner lieu à une
interprétation défavorable aux PSH. Par exemple, l’obligation de se soumettre à l’examen
médical avant le recrutement et durant l’emploi. Le champ d’interprétation de la gravité du
handicap par rapport aux exigences de travail est très large et peut porter préjudice au droit de
la PSH à obtenir ou garder un emploi.
Lecture de quelques statistiques sur le handicap au Maroc
Financée par l’Union Européenne, dans le cadre du programme MEDA. Le secrétariat d’Etat
de la famille, de l’Enfance et des Personnes Handicapées (SEFEPH) a procédé en 2003 à la
réalisation d’une Enquête Nationale sur le Handicap au Maroc et qui a duré deux ans et demi.
Les résultats complets de cette enquête ont été diffusés en mai 2005, dont nous avons choisis
quelques résultats chiffrés jugés importants par tabler un état des lieux.
Prévalence du handicap
Selon l’ENH, 1.530.000 personnes seraient en situation de handicap au Maroc soit 5.12% de
la population marocaine totale. 1 ménage sur 4 dans le pays, soit plus de 1.300.000 ménages
est concerné par le handicap ; compte parmi ses membres une ou plusieurs PSH.
La prévalence du handicap est 3 à 4 fois supérieure dans les régions de Chaouia Ouardigha
(8.07%) et EL Haouz (6.28%) par rapport à des régions considérées plus précaires (exemple
Souss Massa Draa (2.3%)). Cette situation a été justifié entre autres au refus de déclaration
des situations de handicaps dans les régions plus précaires et ce en raison des représentations
culturelles rendant encore difficile l’acceptation du handicap et sa déclaration. Cette même
raison a été attribué pour expliquer la prévalence du handicap dans la population masculine
(5.49%) plus que la population féminine (4.75%), malgré le fait que les femmes sont plus
sujettes au vieillissement en raison de leur espérance de vie qui est supérieure à celle des
hommes. La probabilité de sous déclaration du handicap chez les femmes est forte en raison
de représentations inhibitrices du handicap chez la femme.
26.46% de l’ensemble des PSH sont des personnes avec handicap moteur, soit environ
404.850 personnes. Les personnes en situation de handicap multiple viennent ensuite avec une
prévalence de 24.85% (380.200 personnes), les personnes en situation de handicap mental
vient en troisième lieu avec un pourcentage de 22.69% soit 347.200 personnes, suivies des
personnes en situation de handicap visuel qui représentent 10.32% soit 157.900 personnes.
Les personnes en situation de handicap auditif, celles en situation du handicap du langage et
celles en situation du handicap esthétiques représentent respectivement 4.04%, 1.03% et
0.37%.
L’analyse détaillée des déficiences révèle les multiples interactions qui peuvent exister entre
plusieurs déficiences. La moitié des personnes en situation de handicap présente plusieurs
déficiences. Plus de 30% en ont deux. Près d’une sur cinq en a trois ou plus.
Des causes du handicap
L’ENH a recensé 5 principales causes de déficiences à l’origine du handicap :
-
Les pathologies périnatales et néonatales, congénitales ou acquises durant les cinq
premières années de vie, qui sont à l’origine par année d’un minimum de 100.000
nouvelles situations de handicap chez des enfants de moins de 5 ans ;
-
Les pathologies de la petite enfance, avec en tête la tuberculose, les maladies
carencielles, les diarrhées et les traumatismes liés aux accidents domestiques et de
loisirs ;
-
Les maladies infectieuses et parasitaires, qui atteignent des populations jeunes, sont à
l’origine de plus de 50.000 situations de handicap par an, dont les plus dévastatrices
sont le Rhumatisme Articulaire Aigu (dont l’origine est due au départ à des angines),
le Trachome, la tuberculose et les infections de la sphère ORL, alors qu’elles sont sans
doute les plus faciles à prévenir.
-
Les traumatismes et accidents, qui atteignent eux aussi beaucoup des populations
jeunes avec en tête les accidents de la circulation, suivis vraisemblablement de ceux
du travail (20% des causes des causes d’accidents déclarées par les PSH enquêtées) et
domestiques (noyades, empoisonnements et brulures particulièrement) ;
-
Les maladies cardiovasculaires et métaboliques, l’hypertension artérielle (HTA) en
premier lieu, très souvent associée au diabète et au surpoids.
L’impact de l’environnement sur la situation du handicap
Les entretiens qualitatifs menés dans le cadre de l’ENH ont bien révélé combien
l’environnement est limitatif à l’intégration des PSH dans la vie socio économique. Les
niveaux de limitations extrêmement élevés des PSH sont dus aux limitations fonctionnelles de
celles-ci en raison de leurs déficiences (facteurs personnels) mais aussi à de multiples
barrières dans l’environnement. Il s’agit de :
-
Manque d’accessibilité des infrastructures et des moyens de transport;
-
Manque de service à proximité (santé, éducation, loisir, etc.) et manque de moyens
pour y accéder ;
-
Manque de moyens humains et techniques pour une prise en charge adéquate ;
-
Manque d’adaptation des organisations de sortes qu’elles répondent aux besoins
spécifiques des PSH.
A ces barrières physiques – pour lesquelles les PSH sont plus ou moins convaincuss’ajoute les barrières d’ordre culturelles et sociales. Près de 6 PSH sur 10 déclare que les
croyances et les représentations de leur entourage sont un obstacle à leur intégration, à
l’exception des personnes en SH viscérale et métabolique, dont 53.2% déclarant le
contraire. La PSH est souvent étiquetée par sa déficience et elle est seulement considéré
comme le boiteux, l’aveugle, le fou, etc. ce qui constitue pour eux une réelle agression la
poussant fréquemment à se retirer de la vie sociale ou, du moins, en réduire son champ.
Dans un tel contexte, l’environnement familial est souvent jugé comme protecteur et
rassurant5. Nombre de PSH n’ont que très peu de lien avec l’extérieur. La vie se confine
au domicile. Cette non intégration sociale, éducative et professionnelle peut souvent
évoluer vers une sorte d’isolement total, voir de « mort social » qui caractérise le passage
d’une situation de déficience à une situation de handicap proprement dite.
Accès à l’emploi
La problématique de l’intégration professionnelle des PSH est celle qui révèle les taux
d’exclusion et de limitations les plus importants, selon l’ENH. Les taux d’activité
professionnelle chez les personnes en situation de handicap, de 15 ans et plus, sont
extrêmement faibles. Dans ces tranches d’âges, à peine plus d’une personne en situation
de handicap sur dix travaille (11,7%). Cela représente 153.778 personnes qui exercent une
activité professionnelle et 1.160.566 qui ne travaillent pas. Les taux d’activités des PSH
sont quatre à six fois inférieurs à ceux de la population marocaine en âge d’activité.
Parmi les personnes en situation de handicap en âge d’être actives (15 ans et plus), 74,9%
d’entre elles déclarent qu’il leur est impossible d’exercer un emploi ou une activité
professionnelle, rémunérée ou non. Sur un effectif total de 1.314.344 personnes en
situation de handicap en âge d’être actives, cela représente 984.444 personnes. Cela est
sans aucun doute dû à des limitations fonctionnelles « objectives ». Mais des barrières
socioculturelles de sous estimation des capacités, de discrimination, de rejet, portées
par l’entourage des personnes handicapées, mais aussi par ces personnes ellesmêmes, contribuent aussi sans doute à cette situation. De même, il est certain, que face à
un marché de travail déjà difficilement accessible pour les personnes sans handicap, celles
qui portent la déficience sont nombreuses à ne pas croire en leurs chances de pouvoir
l’intégrer. Ceci engendre aussi un sous investissement en formation de leur part ou de la
part leur entourage ; leurs faibles qualifications renforcent leur vulnérabilité dans le
marché de travail.
Le domaine de l’intégration professionnelle des PSH est celui où se manifestent le plus les
limites des mesures personnalisées en faveur de l’intégration des PSH. En effet, les
formations supérieurs et professionnelles ordinaires sont celles qui offrent les meilleurs
accès à l’emploi, mais elles sont encore très difficilement accessibles aux personnes en
5
Ce constat est à prendre avec beaucoup de nuance parce que dans plusieurs cas cet enfermement des PSH
dans le domicile n’est pas un choix volontariste mais imposée par leurs parents qui n’acceptent pas les
déficiences de leurs enfants et les entrainent dans une situation de handicap.
situations de handicap, alors que les formations professionnelles qui leurs sont réservés,
dans le secteur associatif essentiellement, leurs offrent très peu de débouchés.
Les entreprises sont également peu disposées à embaucher des PSH. Aucun texte légal ne
les oblige à ce jour et les associations d’appui à l’intégration professionnelle des PSH se
plaignent de trouver de moins en moins d’entreprises prêtes à les soutenir dans cette
démarche.
Les associations ne sont pas suffisamment nombreuses et ne disposent pas de
suffisamment de moyens pour développer réellement des emplois protégés au sein de
leurs structures directement ou via des centres d’aide par le travail.
Face à ce constat sur la difficulté pour les PSH d’accéder à l’emploi, les 7% d’emplois,
qui devraient leur être réservés dans la fonction publique, pourraient représenter une vraie
alternative. Mais à ce jour, cette réglementation n’est pas pratiquement appliquée. Le
nombre de PSH intégrées dans la fonction publique est infime (un peu plus de 600
personnes, selon les estimations de l’enquête auprès des PSH).
Dans ce contexte, l’auto emploi est le principal débouché pour les personnes n’ayant pas
de niveaux élevés d’éducation et de formation, c'est-à-dire la grande majorité des PSH.
III- Le handicap au Maroc : Quelles perspectives ?
Le handicap au Maroc connait un regain d’intérêt des pouvoirs publics, il marque de plus en
plus les discours officiels. Mais, dans la réalité, la situation des PSH n’a pas évolué au même
rythme de l’évolution des déclarations d’intentions. Encore pire, parmi les sources de
frustrations de notre cible et de leurs représentants sont les actes discriminants émanant des
intentionnés. Bien que les discours prônent une égalité des chances pour tous les citoyens,
leur analyse a bel et bien fait apparaitre une disparité quant au traitement du handicap dans
différents domaines. Les statistiques relatives à l’éducation et à l’emploi des PSH témoignent
de la schizophrénie politique en ce domaine. Notre propos, n’étant pas d’évaluer les politiques
d’emploi des PSH mais d’appeler à repenser le handicap dans ces politiques, dans ce cadre, la
responsabilité de l’Etat est importante.
Le contexte marocain est actuellement marqué par l’existence d’opportunités qu’il faut
incessamment saisir pour sortir les PSH de leurs états d’isolement et les faire jouir de leurs
droits civiques, dont le droit à un travail décent et épanouissant. La première est d’ordre
juridique, en l’occurrence l’adoption d’une nouvelle constitution en juillet 2011 et la
ratification de la CIDPH avec son protocole facultatif en 2009.
La coercition ou l’incitation financière que procurent les lois du handicap ne suffisent pas
pour garantir le droit des PSH au travail. Les expériences mondiales en matière de quotas ou
d’incitations financières pour employer des personnes à déficiences semblent montrer leurs
insuffisances. En France par exemple, les employeurs préfèrent verser les contributions à
l’AGEFIPH, qui peuvent aller jusque 1500 fois le SMIC horaire que d’employer une personne
portant une déficience. Une meilleure prise en compte du handicap passe inéluctablement à
travers une refonte de la façon de percevoir et d’approcher le handicap dans l’organisation,
c'est-à-dire comme une richesse et non pas une contrainte. La gestion de la diversité est en
mesure de le permettre. La gestion de la diversité est une approche globale et inclusive qui
répond aux enjeux juridique et sociétal du handicap mais aussi et non des moindre à l’enjeu
économique qui préoccupe les décideurs dans le domaine. Les adeptes de la diversité
proposent des politiques permettant de lutter contre les différentes formes de discriminations
et se penchent aussi à démontrer que l’inclusion des PSH dans le travail peut procurer à
l’organisation un avantage économique : c’est ce qu’on appelle le business case du handicap
La remontée en scène de la gestion de la diversité qui prend de plus en plus d’ampleur au
Maroc est une autre opportunité qui est en mesure de faire jouir les PSH de l’accès et du
maintien dans un emploi décent et épanouissant sans discrimination aucune.
Nous nous attachons dans ce qui suit à élucider en quoi peuvent ces opportunités changer la
situation du handicap au Maroc.
1. La convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH)
La convention relative aux droits des personnes en situation de handicap a été adoptée le 13
décembre 2006 durant 61ème session de l’Assemblée générale de l’ONU, avec la résolution
61/106. La convention a pour but d’assurer la jouissance effective des droits déjà reconnus
dans d’autres instruments internationaux. Sans en créer de nouveaux, elle précise ce que ces
droits impliquent pour les personnes en situation de handicap.
La convention internationale des droits des personnes en situation de handicap a été, en avril
2009, ratifiée par le Maroc avec son protocole facultatif. Ceci dit, le Maroc, en vertu de cette
ratification, est non seulement engagé à prendre toute les mesures pouvant protéger les droits
des PSH mais reconnait aussi la compétence du comité6 des droits des personnes en situation
de handicap et tenu de lui présenter des rapports.
6
Chaque état partie au protocole facultatif rattaché à la CIDPH reconnait la compétence du Comité des droits
des PSH pour « recevoir et examiner les communications présentées par des particuliers ou groupes de
particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être
victimes d’une violation par cet Etat Partie des dispositions de la convention » (art,1-1). Le comite informe
l’Etat concerné qui répond dans les six mois. Le comité examine les communications à huis clos et transmet ses
suggestions ou recommandations éventuels à l’Etat et au pétitionnaire (art, 5).
Dans son premier article au deuxième paragraphe, la convention a donné une définition des
« personnes handicapées » : « des personnes qui présentent des incapacités physiques,
mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières
peut faire obstacles à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité
avec les autres » cette définition basée sur le modèle sociale et l’approche environnementale
du handicap incarne le changement de paradigme par la CIDPH. Cette dernière reconnait de
manière expresse que le handicap est le résultat de l’interaction entre les personnes présentant
des incapacités et les barrières environnementales.
La CIDPH réserve l’article 27 à la question du travail et de l’emploi des PSH :
« 1. Les États Parties reconnaissent aux personnes handicapées, sur la base de l'égalité avec
les autres, le droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant
un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et dans un milieu de travail
ouverts, favorisant l'inclusion et accessibles aux personnes handicapées. Ils garantissent et
favorisent l'exercice du droit au travail, y compris pour ceux qui ont acquis un handicap en
cours d'emploi, en prenant des mesures appropriées, y compris des mesures législatives, pour
notamment :
a) Interdire la discrimination fondée sur le handicap dans tout ce qui a trait à l'emploi sous
toutes ses formes, notamment les conditions de recrutement, d'embauche et d'emploi, le
maintien dans l'emploi, l'avancement et les conditions de sécurité et d'hygiène au travail;
b) Protéger le droit des personnes handicapées à bénéficier, sur la base de l'égalité avec les
autres, de conditions de travail justes et favorables, y compris l'égalité des chances et
l'égalité de rémunération à travail égal, la sécurité et l'hygiène sur les lieux de travail, la
protection contre le harcèlement et des procédures de règlement des griefs;
c) Faire en sorte que les personnes handicapées puissent exercer leurs droits professionnels
et syndicaux sur la base de l'égalité avec les autres;
d) Permettre aux personnes handicapées d'avoir effectivement accès aux programmes
d'orientation technique et professionnel, aux services de placement et aux services de
formation professionnelle et continue offerts à la population en général;
e) Promouvoir les possibilités d'emploi et d'avancement des personnes handicapées sur le
marché du travail, ainsi que l'aide à la recherche et à l'obtention d'un emploi, au maintien
dans l'emploi et au retour à l'emploi;
Selon l’article 6, le comité peut également effectuer des enquêtes qui peuvent comporter, avec l’accord de
l’Etat partie, des visites sur le territoire de cet Etat. L’enquête reste néanmoins confidentielle.
f) Promouvoir les possibilités d'exercice d'une activité indépendante, l'esprit d'entreprise, et
l'organisation de coopératives et la création d'entreprise;
g) Employer des personnes handicapées dans le secteur public;
h) Favoriser l'emploi de personnes handicapées dans le secteur privé en mettant en ouvre des
politiques et mesures appropriées, y compris le cas échéant des programmes d'action
positive, des incitations et d'autres mesures;
i) Faire en sorte que des aménagements raisonnables soient apportés aux lieux de travail en
faveur des personnes handicapées;
j) Favoriser l'acquisition par les personnes handicapées d'une expérience professionnelle sur
le marché du travail général;
k) Promouvoir des programmes de réadaptation technique et professionnelle, de maintien
dans l'emploi et de retour à l'emploi pour les personnes handicapées.
2. Les États Parties veillent à ce que les personnes handicapées ne soient tenues ni en
esclavage ni en servitude, et à ce qu'elles soient protégées, sur la base de l'égalité avec les
autres, contre le travail forcé ou obligatoire ».
La convention veille à l’abolition de toute forme de discrimination au travail basée sur le
handicap et considère le refus de faire des aménagements raisonnables comme une
discrimination à l’égard des PSH (article 2).
2. La
nouvelle
constitution
marocaine :
constitutionnalisation
de
la
non
discrimination à l’égard des PSH
L’adoption de la nouvelle constitution en juillet 2011 est un pas très important dans le
processus démocratique au Maroc, démontrant la volonté d’un roi et d’un peuple à abolir les
différentes formes de discriminations à l’égard des PSH. Cette constitution est la première
dans l’histoire du Maroc accorde une place à la non discrimination sur la base du handicap
dans ces articles. Ainsi, son préambule7 cite clairement l’engagement de l’état marocain à
bannir et combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque, en raison, entre autres, du
handicap.
Toujours dans le préambule de la dite constitution, une réaffirmation de
l’attachement de l’Etat marocain aux droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement
reconnus est expresse. L’Etat Marocain s’engage de ce fait à accorder aux conventions
internationales dûment ratifiées par lui et dès leurs publications, la primauté sur le droit
interne du pays, et harmoniser en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation
nationale. Cette stipulation de la nouvelle constitution est à même de donner espérance à la
7
« Ce préambule fait partie intégrante de la présente constitution », constitution marocaine, 2011
promulgation du projet de loi N° 62-09 relatif au renforcement des droits des personnes en
situation de handicap et qui a été ajournée8 et retransmis au secrétariat général du
gouvernement, après avoir été programmé a l’ordre du jour de la réunion du conseil de
gouvernement en date du 11 Mars 2010.
Comme précisé dans l’article 31 de la nouvelle constitution : « l’Etat, les établissements
publics et les collectivités territoriales œuvrent à la mobilisation de tous les moyens à
disposition pour faciliter l’égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions lui
permettant de jouir des droits : […] à l’éducation moderne, accessible et de qualité, […] au
travail et à l’appui des pouvoirs publics en matière de recherche d’emploi et d’auto emploi, et
à l’accès aux fonctions publiques selon le mérite […] ».
L’article 34 est considéré comme la principale nouveauté de la nouvelle constitution. Il est
devenu le slogan des militants dans le domaine du handicap, qui en vertu duquel, les pouvoirs
publics élaborent et mettent en œuvre des politiques destinées aux personnes et aux
catégories à besoins spécifiques, notamment réhabiliter et intégrer dans la vie sociale et
civile les handicapés physiques, sensorimoteurs et mentaux et faciliter leur jouissance des
droits et libertés reconnus à tous.
3. La gestion de la diversité : une nouvelle perspective pour le handicap
La gestion de la diversité est l’ensemble des politiques et des outils de gestion qui visent à
répondre aux défis posés actuellement aux gestionnaires et aux acteurs du monde politique et
du secteur associatif, confrontés à l’exclusion sociale et à la nécessité d’augmenter les taux
d’insertion socioprofessionnelle de certains publics (A. Cornet et PH. Warland, 2008). Malgré
son nouvel ancrage à la responsabilité sociale, la gestion de la diversité a su s’imposer en tant
que gage d’un management respectant les enjeux éthiques de l’organisation. Elle est la pierre
angulaire du concept de travail décent, elle consiste, en effet, à faire en sorte à ce que tous les
aspects de la diversité humaine soient valorisés et reconnus. La gestion de la diversité est
autrement une philosophie qui décline, entre autres, des principes de non discrimination dans
le management des RH.
Les personnes en situation de handicap occupent une position particulière dans la gestion de
la diversité, la spécificité de leur situation les laisse sujettes à plusieurs formes de
discrimination :
8
Le Collectif pour la promotion des droits des personnes en situation de handicap est convaincu que l’aspect
économique découlant de l’application des dispositions du projet de loi N°62-09 est l’un des motifs de cet
ajournement.
Une discrimination pure et directe par une exclusion explicite du marché de travail ; Leurs
handicaps moteurs, sensoriels ou autres les ont pour longtemps pénalisé d’accéder à l’emploi.
Toutefois, aucune adaptation de leur environnement de travail n’est généralement envisagée
chose qui constitue pour eux une discrimination indirecte.
Loin de garantir l’épanouissement et la dignité, telle est la revendication des personnes en
situation de handicap, les politiques de quotas non associées à des actions d’accompagnement
et de sensibilisation ne font qu’induire cette cible dans des situations de discrimination
positive.
Phelps (1972) et Arrow (1973) introduise une autre forme de discrimination, appelée
discrimination statistique qui est liée à l’existence d’information imparfaite sur le marché de
travail ; ainsi, la possession d’une caractéristique spécifique comme la déficience par un
groupe d’individus présentant une faible productivité entretient la croyance en une moindre
productivité de chaque individu ayant cette caractéristique.
Cette cible est très hétérogène et elle présente toute une diversité en son sein. En effet, les
PSH peuvent présenter une incapacité physique, une déficience sensorielle ou intellectuelle ou
des troubles psychiques. Leur handicap peut remonter à la naissance, à l’enfance, à
l’adolescence ou être survenu plus tard au cours de leur vie professionnelle. Le handicap peut
ne pas avoir une grande incidence sur leur aptitude à travailler et à prendre part à la vie
sociale, ou au contraire être tel qu’un appui ou une aide non négligeable leur seront
nécessaires. Cette complexité et cette spécificité du handicap, surtout lorsqu’il est associé à un
autre aspect comme le genre ou l’âge, ne peut être négligée. Dans ce propos, la gestion de la
diversité s’avère très utile pour mettre les personnes en situation de handicap au même pied
d’égalité avec les autres travailleurs de l’organisation.
La multitude des approches et leurs successions prouvent d’une incapacité de cerner la
problématique du handicap. Pire encore, on risque de créer le handicap en cherchant de
l’effacer. Dans ce propos, il est utile de signaler l’insuffisance que présente les
discriminations positives qui pour longtemps ont marqué le domaine d’intervention en
matière de handicap et qui consiste à sélectionner et avantager des personnes sur la base de
certaines caractéristiques individuelles comme le handicap ; la discrimination positive semble
alimenter une forme de stigmatisation. Cette stigmatisation correspond au phénomène décrit
par Goffman (1963)9 c'est-à-dire la possession de certaines caractéristiques entraine le
déclassement social de l’individu qui en est doté. La discrimination positive peut ainsi
9
Cité dans « handicap et accès à l’emploi : efficacité et limites de la discrimination positive »
renforcer la stigmatisation qui existe déjà en rendant encore plus visible le handicap. Or, le
handicap, n’est tout simplement qu’un des aspects de la diversité humaine, qu’on peut mieux
comprendre et prendre en compte si on l’accepte. L’approche de la diversité mise sur
l’incarnation d’une nouvelle vision du handicap.
Le business case du handicap :
Outre les logiques sociales de la gestion de la diversité (social justice case), celle-ci présente
aussi des logiques économiques. Contrairement à ce qui est communément admis et à tort,
limités en matière de production et de capacités productives, et même comme un coût pour
leurs familles et la société dans son ensemble, les PSH sont très motivés par la peur d'échouer
et se mettent une pression interne pour être à la hauteur. Elles s’efforcent de se faire accepter
comme membres à part entière de la société, chose qui se répercute sur leur productivité, qui
dépasse quelque fois ce que l’on attend d’eux.
Depuis de trop nombreuses années, les personnes à déficiences ont été exclues du marché du
travail. Cependant, ce segment important de la population est composé de nombreuses
personnes dévouées et talentueuses, dotées de compétences qui ont été jusqu’à présent sousutilisées au sein du monde du travail. En contrepartie, les recruteurs paye une marge
supplémentaire pour recruter parmi les demandeurs d’emploi non handicapées au lieu de se
donner l’opportunité de choisir parmi une large catégorie de demandeurs.
L’exclusion des PSH engendre une méfiance dans la population des PSH et leurs proches et
les poussent à sous investir en matière de formation, chose qui explique leurs faibles
qualifications par rapport aux autres catégories. Ceci entraine des coûts additionnels de prise
en charge.
Une bonne politique du handicap misant sur l’éradication des stéréotypes, les préjugés et
l’étiquetage est en mesure de réduire les coûts générés des situations conflictuelles et du stress
lié aux tensions au travail, à contrario, l’inclusion du handicap, sur la base du mérite, loin des
actions positives devenues obsolètes et qui ne font que renforcer la stigmatisation, est à même
de renforcer la cohésion au travail qui se répercute positivement sur la performance et l’image
de l’organisation.
Le handicap résulte essentiellement de la non adaptation de l’environnement à la déficience
de la personne. Ainsi, le handicap entraine des coûts directs et indirects, dont certains sont
supportés par les PSH, leurs familles et amis, leurs employeurs, et d’autres par la société. La
plupart de ces coûts pourraient être réduits si l’environnement était plus inclusif et favorable
aux personnes en situation de handicap. A ce propos, A. Cornet et Ph.Warland (2008),
précisent que les politiques de gestion de la diversité en faveur des personnes en situation de
handicap mettent régulièrement en évidence les gains partagés liés à une adaptation du poste
du travail et des lieux de travail pour pouvoir accueillir une personne handicapée. Les
adaptations proposées peuvent bénéficier à d’autres travailleurs à mobilité réduite mais aussi
permettre un meilleur accueil des clients et usagers avec handicap, qui revendiquent de plus
en plus d’être considérés comme des acteurs à part entière de la société et des clients et
usagers comme les autres. Les dispositifs liés à ce groupe cible sont généralement regroupés
sous le vocable d’aménagement raisonnable.
Au Maroc, une récente étude a montré que l’exclusion des personnes en situation de handicap
fait perdre à l’Etat marocain 9,2 milliard de DH par année, soit 2% du PIB alors que le revenu
potentiel d’une insertion des personnes en situation de handicap est de 6,1 milliards de DH
dans le milieu urbain et de 3,02 milliards de DH dans le milieu rural. Cette étude a été menée
par le Collectif pour la promotion des droits des personnes en situation de handicap suite à
l’ajournement du projet de loi N° 62-09 relatif aux droits des personnes en situation de
handicap, après avoir été programmé a l’ordre du jour de la réunion du conseil de
gouvernement en date du 11 mars 2010, notamment en raison du prétendu coût qu’il
comporterait (selon le collectif).
Conclusion
Notre propos ne prétend être exhaustive et étoffer la problématique de l’emploi des personnes
en situation de handicap car elle est complexe et ne peut être traitée isolement d’autres
domaines comme la santé, l’éducation, etc. mais nous voulons au travers de cette présentation
mettre en avant une cause dont le slogan est l’adage chinois : « au lieu de me donner un
poisson apprend moi à pêcher ». Nous sommes partis, comme cela nous a été enseigné par le
courant de la diversité, de la conviction qu’en formant et recrutant une personne en situation
de handicap et en lui adaptant l’environnement de travail pour la maintenir dans son emploi
en aurait économisé les frais de sa prise en charge et favorisé un climat de bienveillance. Cela
ne s’avère pas si difficile avec l’évolution de la technologie. Désormais grâce à l’Internet un
sourd muet peut parler avec un aveugle, depuis qu’ils peuvent installer sur leurs ordinateurs
des logiciels de synthèse vocale capables de lire des textes ou d’écrire et éditer des messages
grâce à des claviers et imprimantes en braille.
Au delà des lois et des actions positives, l’inclusion du handicap, ne passe pas par les bonnes
intentions, mais par des stratégies participatives, ciblées et volontaristes, impliquant tout un
chacun (Etat, Société civile, secteur privé et citoyens) et misant sur l’incarnation d’une autre
façon de voir le handicap ; Le handicap n’est tout simplement qu’un des aspects de la
diversité humaine qu’il faut accepter et gérer.
Références
- Annie Cornet et Philipe Warland (2008) : « GRH et gestion de la diversité », Paris, Dunod
- Barth, I et Falcoz, Chr. (2007) « le management de la diversité : Enjeux, fondements et pratiques »,
Paris, Edition l’Harmattan
- Becker. H (1985), Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Éditions A.M. Métailié.
- Christine le Clainche et Geert Demuijnck (2006), « Handicap et accès à l’emploi : efficacité et
limites de la discrimination positive », centre d’etudes et d’emploi, n°63, juillet 2006.
- Côté. J (1991), « La notion de handicap : l'histoire d'un prodigieux contresens », Synergie, vol. 3
- Dorvil Henri (2001): « Le handicap : Origines et actualité d’un concept. » Un article publié dans
l'ouvrage sous la direction de Henri Dorvil et Robert Mayer, Problèmes sociaux. Tome I. Théories et
méthodologies. Première partie, chapitre 8, pp.191-215. Québec: Les Presses de l'Université du
Québec
- Goffman Erving (1977) : « Les usages sociaux des handicaps », Paris, Ed. de Minuit
- Sabeg Yazid et
Charlotin Christine (2006) : « La diversité dans l'entreprise : comment la
réaliser? », Paris : Editions d'Organisation.
- Walter Benn Michaels (2009) “ La diversité contre l’égalité”, Paris, Editions Raisons d’Agir
- « Population en situation de handicap au Maroc : profil démographique et socio-économique », Haut
commissariat au plan du Royaume du Maroc, Impression Editions OKAD, 2009
Autres
- Code de travail marocain (2004)
- Constitution marocaine (2011)
- Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées adopté le 13 décembre 2006
par l’assemblée générale des Nations Unis.
- Enquête Nationale sur le handicap, 2004, Maroc
- « Etude économique sur l’exclusion du marché du travail des personnes en situation de handicap »,
CPDPSH, avril 2011
- « Etude du cadre juridique relatif au handicap au Maroc », CPDPSH, avril 2011
- Loi n°05-81 relative à la protection sociale des personnes aveugles et des déficients visuels, 1982,
Maroc
- Loi n°07-92 relative à la protection sociale des personnes handicapées, 1993, Maroc
- Loi n°10-03 relatives aux accessibilités, 2003, Maroc
- Projet de loi N° 62-09 relatif aux droits des personnes handicapées, 2009, Maroc
- Programme d’action mondial concernant les personnes handicapées (1982)
- Recueil de directives pratiques du BIT « la gestion du handicap sur le lieu de travail » (2002)
- « Rapport mondial sur le handicap », Organisation Mondiale de la Santé, 2012
- Rapport de la GTZ : « Une figure de l’exclusion : le handicap » par Latifa SERGHINI (2005)
- « Stratégie nationale de la prévention du handicap », MDSFS, Maroc

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