1 DE GAULLE ANTHONIOZ Geneviève (1920-2002)

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1 DE GAULLE ANTHONIOZ Geneviève (1920-2002)
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DE GAULLE ANTHONIOZ Geneviève (1920-2002)
1) Le témoin :
Née le 25 octobre 1920 à Saint-Jean-de-Valeriscle dans le Gard, de Germaine Gourdon, sans
profession et de Xavier de Gaulle, frère du général Charles de Gaulle et ingénieur des mines. Du
côté maternel de Geneviève on appartient à une lignée qui a pris parti pour les chouans lors des
guerres de Vendée. On est hostile de père en fils à Bonaparte puis à la Monarchie de Juillet.
Famille attachée au combat monarchiste et liée à la noblesse locale par son catholicisme fervent
et son goût modéré pour la République.
Du côté des de Gaulle on est catholique. Le grand père de Geneviève a transmit à ses enfants son
goût des lettres, mais aussi le patriotisme virulent qui existe en cette fin de siècle. Ce grand père
était un érudit, un soldat, un catholique et un républicain qui était sévère avec ses enfants mais
juste et c'est de lui que Xavier de Gaulle, père de Geneviève, va garder le maintien des enfants
bien élevés, de ceux qui se taisent à table, et ne peuvent prendre la parole que si ils y sont
conviés. Cette éducation est du au cadre bourgeois duquel descend Geneviève du côté paternel,
qui veut au XIXème siècle apprendre à l'enfant à se tenir à sa place, qui est celle d'un être qui doit
savoir obéir pour apprendre.
Les parents de Geneviève sont donc issus d'un même milieu. Même si du côté de sa mère on ne
porte pas de particule nobiliaire leur passé vendéen vaut lettre de noblesse. Ils ne sont pas
particulièrement fortunés mais la famille tient tout de même sa place dans l'aristocratie locale et
va vivre pour plusieurs décennies dans un château. Même si du côté des de Gaulle on appartient
au contraire à une lignée aristocratique, leur niveau de vie les rapproche tout de même de la
bourgeoisie aisée.
Du côté maternel comme du côté paternel du témoin, on partage les mêmes valeurs : le goût du
travail, une attirance modérée pour l'argent, une réussite liée à l'industrie du textile, une solide foi
catholique, un respect de l'autorité et enfin une culture littéraire profonde.
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Au cours de son éducation, Geneviève de Gaulle assimile la notion de respect des autres, qu'on
soit riches ou pauvres, vieux ou jeunes, Français ou Allemand. Cette notion se transmet dans la
vie quotidienne : Geneviève, ainsi que sa sœur cadette Jacqueline, et son frère cadet, Roger,
doivent saluer les domestiques, embrasser la cuisinière. Cela montre bien qu'on a voulu éduquer à
Geneviève que malgré la différence du niveau de vie et du cadre de vie dans lequel peuvent vivre
chaque individu, chacun doit se respecter et ne pas faire cas de ses différences. Le témoin, ainsi
que sa sœur et son frère, sont également éduqués à développer un sentiment d'amour pour la
France, même si Geneviève a du quitter tôt ce pays pour la Sarre, suite au fait que son père y fut
nommé ingénieur divisionnaire. Du coup elle eu pour longtemps qu'une idée abstraite de ce pays,
qu'elle connaissait seulement par les récits de son père, les séjours qu'elle y effectuera lors des
vacances et grâce à son amour et sa culture littéraire que sa famille lui transmit, ce qui fit qu'elle
lit beaucoup de livre à propos de ce pays. Grâce à cela, elle retiendra de la France que c'est un
pays avec des valeurs universelles tel que les droits de l'homme, le respect de l'individu, la
tolérance, la démocratie. Valeurs que l'on retrouve chez les de Gaulle et dans leur mode
d'éducation. Dans son éducation, Xavier de Gaulle fut également attentif à éveiller sa fille au
monde qui l'entoure, ce qui n'est pas banal vis-à-vis d'une fille pour l'époque.
Comme le reste de sa famille, Geneviève est une jeune fille cultivée et brillante. Dès l'âge de 13
ans elle comprend qu'Hitler et l'idéologie nazie représente une menace pour la liberté et la culture
par la lecture de son livre, Mein Kampf. Se sera une élève brillante. Au même âge, Geneviève et
sa sœur, deviennent pensionnaires dans des institutions religieuses, en Lorraine puis en Alsace, à
Kintzheim. Elles vont toutes deux vite prendre goût à l'enseignement que va leur dispenser les
religieuses. Bonne élève et souvent première de sa classe, Geneviève va se battre tout le long de
sa scolarité pour le rester. Puis notre témoin et sa sœur Jacqueline partiront dans la banlieue de
Metz, à Montigny pour être exact, afin de poursuivre leurs études. Geneviève passa et eu le bac
en juillet 1938 dans l'académie de Strasbourg. Après l'obtention de son bac elle s'inscrit en
licence d'histoire à l'Université de Rennes. Deux ans plus tard, elle continue sa licence à la
Sorbonne.
Geneviève de Gaulle va vivre la mort de trois femmes proche de sa famille qui va la faire
s'interroger sur sa place de survivante et qui va créer en elle en quelque sorte des résistances
précoces car elle a la capacité de vivre malgré la douleur de la mort. En effet elle perdit une de
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ses sœurs à la naissance, puis sa mère en 1925 et sa sœur cadette Jacqueline, avec qui elle était
très proche, mort du typhoïde en 1938. Cette interrogation se fera d'autant plus vive quand on sait
que Geneviève resta au côté de sa sœur malade atteinte d'un virus extrêmement contagieux... plus
tard, c'est dans le camp de Ravensbrück que va se manifester une nouvelle fois cette
interrogation.
Notre témoin et notre témoignage racontent l'histoire d'une résistante. Ses premiers actes de
résistante Geneviève va les commencer lorsque son père est arrêté et fait prisonnier par les
troupes allemandes. Les accords de Munich, signés en 1938, qui prévoient l'évacuation du
territoire des Sudètes par sa population Tchèque et son occupation par les troupes allemandes,
indignent Geneviève. Par la suite, c'est le discours du Maréchal Pétain du 17 juin 1940, déclarant
qu'il faut cesser le combat, qui indignera Geneviève. Il était inconcevable pour elle que la France
se couche si rapidement devant l'ennemi lorsqu'elle se fait battre par les Allemands. Même si elle
a manifesté des actes de résistances déjà auparavant, il semblerait que la nièce du général de
Gaulle ait eu pleinement conscience et confirmation de sa décision de résister, suite à ce discours.
Le refus de la défaite et de la présence allemande est donc une première étape décisive de la
résistance. Elle va donc s'engager dans une action résistance de plus en plus marquée et de plus
en plus risquée. Elle va déchirer des affiches des occupants, fabriquer des petites croix de
Lorraine, arracher du pont de la Vilaine, lorsqu'elle était scolarisée à Rennes, un fanion nazi
qu'elle va rapporter chez elle comme un trophée. C'est une fois à Paris que son action deviendra
sérieuse en rejoignant le réseau « Musée de l'Homme ». Avec ce réseau, elle distribua des tracts
dans le métro, effectua des missions de renseignements, rédigea des articles, participa à la
création de maquis au sein du groupe « Défense de la France ». Elle va également aider sa tante,
qui l'héberge sur Paris, à transmettre des renseignements vers l'Angleterre et à diffuser des photos
du général de Gaulle car pour la plupart des français ce héros de la résistance n'est qu'une voix
sans visage. Mais Geneviève prenait des risques en diffusant ces photos qui pouvaient susciter la
curiosité des informateurs, risque d'autant plus grand quand on s'appelle de Gaulle. D'ailleurs, un
jour les allemands sont survenus chez Madeleine, tante de notre témoin, où rappelons-le, loge
cette dernière, dans le cadre de la vague d'arrestation qui frappe en mars et avril 41 le réseau du «
Musée de l'Homme » auquel on la soupçonne d'appartenir. Madeleine va se sortir d'affaire mais
la plupart des membres de ce réseau vont être soit fusillés soit déportés. Cela va tout de même
faire prendre conscience à Geneviève qu'il n'est pas sans risque majeur à être résistant. Mais cette
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première menace ne freinera pas pour autant la volonté de résistance de Geneviève. Cette
dernière va par la suite effectuer un autre geste dangereux : entrer dans la clandestinité. Elle passa
à deux reprises sur le sol espagnol, chargée de courrier, et à son deuxième retour en France elle
ne porte plus son nom trop voyant qu'est de Gaulle et est donc munie de faux papiers. Mais elle
ne porte pas une nouvelle identité fixe ; en effet elle change souvent de nom et de domicile. Pour
traiter des affaires de Résistance, Geneviève dispose d'un bureau particulier situé dans le IV ème
arrondissement de Paris dans l'appartement d'une de ses grandes tantes où cette dernière y reçoit
des clandestins. Elle doit se résigner dans cette nouvelle vie clandestine à ne plus voir sa famille
car cela risquerait de révéler sa véritable identité et de compromettre les siens. Les de Gaulle sont
surveillés sans relâche par la Gestapo. Être clandestine n'est pas chose facile. Geneviève doit
travailler avec des dizaines de résistants, des employés de préfecture qui vont transmettre des
documents et des tampons afin de fabriquer des faux papiers, mais aussi des informateurs, des
passeurs de frontières... En 1943, la résistante commence à entrer en liaison avec le maquis des
Voirons, situé sur les hauteurs d'Annecy. Elle va finir par l'intégrer. Cependant, par les rumeurs et
les informations recueillies auprès de ses camarades, la nièce du général de Gaulle va finir par
savoir qu'elle est repérée en zone sud. Suite à cela Geneviève rentre donc à Paris. Au cours de ce
voyage elle décide de récupérer sa véritable identité mais il est traditionnel qu'un contrôle ait lieu
lors du franchissement de la ligne de démarcation. Quand le sous officier lit la carte d'identité de
Geneviève il la fait descendre du train. Elle aura prit soin avant de descendre du train, de laisser
sur son siège les faux papiers sortis de sa valise. Geneviève va être interrogée dans les bureaux de
la police allemande. Se que veulent les allemands c'est savoir les liens de parenté de Geneviève
avec le général, savoir où elle habite et se qu'elle fait dans la vie. On la fouille sans rien trouver
d'important hormis la photo de son oncle, Charles de Gaulle. On tente de lui interdire l'obtention
de cette photo mais le train étant arrêté depuis une heure et quart, les allemands doivent se
résoudre à laisser repartir la nièce du général avec la photo de ce dernier. De retour à Paris,
Geneviève écrira d'ailleurs deux articles à propos de son oncle dans le journal du réseau «Défense
de la France» pour montrer qu'il représente la continuité de la France. Évidemment, Geneviève
publiera ces deux articles sous un pseudo, qui est celui de Gallia, qui veut dire Gaule en latin. Ce
pseudo représente alors à la fois son pays et montre son côté patriotique, mais c'est aussi une
représentation cachée de son nom car elle en est fière. Au sein de ce réseau, Geneviève est
responsable de la diffusion de journal lors des réunions du réseau. Elle devient aussi secrétaire de
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rédaction, chargée de rassembler les articles rédigés par des résistants, inspirés des tracts largués
par avion ou empruntés à la presse suisse, voir allemande. Pour la distribution des journaux du
réseau, les jeunes du mouvement, dont Geneviève, partent à bicyclette chercher des exemplaires
dans les dépôts prévus à cet effet et qui sont dissociés du centre de fabrication pour des raisons de
sécurité. Geneviève et ses compagnons sont chargés d'enveloppe pour la distribution de la
production qu'ils font aux quatre coins de Paris de façon aléatoire. Mais le 17 juillet 1943, le chef
parisien de la Gestapo, Boemelburg, donne l'ordre d'arrêter les membres du mouvement. C'est
ainsi que trois jours plus tard, le témoin se dirige vers un de ces dépôts pour chercher des
exemplaires de journaux de « Défense de la France », qui est la librairie « Au vœu de Louis XIII
». Les policiers français liés à la Gestapo on tendu un piège à l'un des membres de « Défense de
la France » mais au départ personne n'attend Geneviève qui n'a pas été repérée. Mais la jeune fille
va attirer l'attention une fois à l'intérieur de la librairie. Jusqu'au bout elle cachera sa véritable
identité mais on retrouve ses documents compromettants ne laissant aucun doute sur ses activités
résistantes et qu'elle avait caché dans la librairie une fois qu'elle aperçut la police française. C'est
ainsi qu'elle du révéler sa véritable identité et qu'on procéda à son arrestation. Elle subit de
violents interrogatoires au cours desquels elle est battue mais pas torturée pour autant. Geneviève
sera le soir même, avec ses vingt- un autres camarades de Défense de la France qui furent eux
aussi arrêtés, livrée aux Allemands. Le groupe va être mené à la prison de Fresnes. Cette prison
comprend sous l'Occupation un quartier allemand et un quartier français. Geneviève sera
incarcérée dans le quartier allemand qui est réservé aux politiques. En septembre 1943,
Jacqueline d'Alincourt, résistance et amie proche de Geneviève, la rejoint à la prison de Fresnes.
Après avoir passée six mois dans sa cellule, la jeune de Gaulle est conduite au rez-de-chaussée où
elle se retrouve avec d'autres femmes. Geneviève et ces femmes sont poussées dans un car qui les
amène jusqu'à Compiègne, point de départ pour l'Allemagne. Notre témoin sera conduite dans le
camp de Royallieu, près de la forêt de Compiègne. Avec elle, des centaines de femmes abritées
dans des baraquements qui savent que leur voyage va les conduire en Allemagne. C'est de son
séjour dans un camp allemand, celui de Ravensbrück, que Geneviève nous livre le témoignage.
2) Le témoignage :
La traversée de la nuit. Il s'agit ici de la première et unique édition publiée aux éditions Seuil en
novembre 1998. Ce livre a été édité à Paris. Ce témoignage n'a pas été écrit au jour le jour mais
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cinquante ans après, il relève donc des souvenirs du témoin et ce dernier fait preuve de réflexions
tout le long de son récit par rapport à ces souvenirs. Ce livre est consacré à son engagement
résistant durant la seconde guerre mondiale. On peut douter de l'authenticité de ses propos
puisqu'ils sont mis par écrit cinquante ans après, les souvenirs ne sont donc pas exactement les
mêmes que dans la réalité. Pour autant rien n’est romancé, tout part de son histoire et de ses
souvenirs. Le témoin affirme avoir mit du temps à écrire ses mémoires de guerre car elle jugée
avoir besoin de temps pour formuler ce qui l'habite, sans doute est il compliqué de trouver les
mots assez fort pour traduire l'atrocité qu'elle, mais aussi les autres femmes, ont pu vivre dans les
camps. C'est un livre court mais simple. Elle mit également beaucoup de temps car elle doutait de
l'authenticité de l'écrit, en effet, jamais l'écrit ne pourra faire ressentir avec forme se que
Geneviève de Gaulle a pu vivre. La parole fait transmettre l'émotion. Son expérience à travers ce
livre elle veut la transmettre aux jeunes. Ses droits d'auteur sont donnés à l'ADIR.
3) L’analyse :
Ce témoignage nous est raconté par Geneviève de Gaulle Anthonioz. Elle parle en son propre
nom, en utilisant le « moi » et le « je » mais elle parle aussi de manière générale par l'utilisation
du « on » et du « nous ». Elle utilise ces derniers termes lorsqu'elle parle au nom des femmes qui
peuplent le camp, au nom de ses camarades car c'est une expérience qu'elle n'a pas vécu seul
autant sur le point des événements vécus que sur le point qu'elles se sont soutenues entre elles et
ont permis à chacune de survivre. Elles vécurent plusieurs mois dans ce camp de Ravensbrück, se
fut donc comme leur seconde « maison » et les gens autour qui cohabitent ensemble furent
comme une nouvelle famille. D'ailleurs, l'auteur n'hésite pas à nommer à plusieurs reprises ses
camarades pour montrer qu'elles sont proches. Les camarades de Geneviève sont donc nommées,
mais aussi décrites et mis en situation. Elle parle de ses camarades qui l'ont aidé, soutenu. Mais
notre témoin raconte également le sort subit par ses camarades, elle ne nous fait pas partager
seulement sa situation afin d'avoir une vue d'ensemble sur les conditions au camp et montrer
d'autant plus qu'elle n'avait pas la situation la plus détestable. Ses camarades se situent dans un
diamètre très proche puisqu'elles vivent toutes ensembles, pendant une période assez longue et
partagent leur quotidien. Ces prisonnières sont solidaires entre elles, hormis quelques exceptions
car parfois des clans se forment suivant la nationalité, l'âge... Le traitement que subit Geneviève
et ses camarades est décrit par cette dernière comme un « supplice » (p.11). C'est la solidarité
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avec les victimes qui permet de survivre à l'horreur. Geneviève va devenir inséparable avec une
certaine Jacqueline. Elle l'a considère comme une sœur d'autant plus qu'elle porte le même
prénom que sa petite sœur disparu en 1938. Les femmes avec lesquelles se lie Geneviève ont été
comme elle arrêtées pour fait de résistance, ce point commun leur permettant de lutter toujours.
A plusieurs reprises les différentes cellules occupées par l'auteur nous sont décrites. On voit
qu'elle passe d'une cellule austère à quelque chose d'un peu plus amélioré. Au départ elle n'a pas
de couverture ni de paillasse pour dormir. Le pain est distribué tous les trois jours et la soupe tous
les cinq jours. Elle nous décrit également le mauvais état des prisonnières du au manque
d'alimentation, à l'épuisement, à la violence infligée par les SS, aux travaux, aux expériences
médicales. La situation de notre prisonnière va évoluer au fil de l'ouvrage et on le ressent dans sa
manière d'être mais aussi dans son évolution matériel : une meilleure cellule, un meilleur travail,
une meilleure nourriture, une attention médicale présente, des nouvelles de sa famille (son père
par une lettre et son oncle à l'occasion des nouvelles de la guerre).
Face à la guerre elle relève d'un certain patriotisme puisqu'elle est là après avoir lutter pour qu'on
son pays résiste face à l'ennemi. Mais cette résistante montre aussi un sentiment de révolte qui lui
vaudra son enfermement dans le camp de Ravensbrück.
Au départ, comme on pourrait le croire,
il était difficile d'avoir des nouvelles de l'extérieur et de savoir comment évoluait la guerre mais
elles y parviennent quelque fois tout de même et c'est ainsi que le soir même de l'événement,
Geneviève apprend la libération de Paris, en 1945.
Les responsables du camp sont souvent décrits, ou alors au moins mentionnés, toujours avec une
formule pour les rabaisser. Pour dénoncer ces ennemis du camp Geneviève utilise des mots en
opposition avec les formules qu'elle peut employer pour désigner ces camarades. Par exemple
elle parle des «horribles expériences du professeur Gebhardt» (p.10). L'auteur ne montre pas
forcément de la haine envers les personnes qui gèrent le camp mais il n'y a pas pour autant de la
compensation. Elle montre son dégoût envers les SS par exemple en montrant de la compensation
pour la personne qui subit ses coups.
On a plusieurs pratiques pour tuer dans le camp : celle qui paraît la plus évidente sont les
chambres à gaz. Mais il y aussi des pratiques moins radicales dirons nous, qui tues lentement, par
exemple à coup de pioche. Les expériences médicales subies sur les prisonnières sont une arme
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également, elles ne tuent pas obligatoirement mais peuvent fortement handicaper où gâcher une
vie.
Ce qui fait tenir notre témoin est la solidarité entre les prisonnières, sa foi en Dieu. Même
si elle doute de sa présence à plusieurs reprises, elle lui fait tout de même toujours appel ou
référence. Enfin ce qui fait également tenir notre prisonnière sont les rares moments où elle se
laisse évader dans ses rêves ou encore dans ses pensées, en fermant les yeux, en explorant le
paysage. Elle tiendra aussi par le peu de bonnes nouvelles qu'il y a, comme la lettre de son père
ou encore la libération de Paris. Dans ces moments cauchemardesques il y a peu, mais ils sont
vécus de manière encore meilleur dans cette situation chaotique, de bons moments : par exemple
l'anniversaire de Geneviève toujours fêter avec ses camarades qui font l'effort de confectionner
un gâteau avec le peu de chose qu'elles ont. On peut dire que dans cette situation c'est le geste qui
compte. Elle décrit cela comme « un vrai moment de bonheur » (p.12).
Beaucoup de facteurs peuvent démoraliser la nièce du général de Gaulle. Sa santé est fragile, elle
mange peu ce qui la rend maigre et faible, elle connaît également l'oubli et l'isolement dans un
bunker. Mais l'ambiance générale du camp n'est pratiquement que démoralisante puisque les
exécutions sont omniprésentes, les mauvais traitements... L'auteur utilise à plusieurs reprises des
termes péjoratifs pour parler de sa situation : « cauchemar », «immonde », « insuffisante », «
interminable », « solitude », « horrible »...
La nuit revient constamment au cours de son récit, justifiant le titre la traversée de la nuit. Le
côté sombre de la nuit semble influencer sur les événements qu'il se passe à ce moment là : on
commence à travailler à ce moment là (3h du matin), c'est à ce moment là qu'il fait le plus froid.
Alors que la nuit semble être le moment où nous sommes le plus tranquille puisqu'on s'abandonne
normalement au sommeil, outre les événements qui se passent dans le camp, le matériel de
couchage lui même n'est pas propice à la tranquillité. On dort sur des paillasses rudimentaires et à
plusieurs se qui rend le sommeil presque impossible. C'est également la nuit que se passe les
exécutions. La nuit est aussi désignée par d'autres termes comme par exemple l'obscurité. De plus
elle nous dit « en une semaine (celle de nuit) j'ai été battue sauvagement plusieurs fois » (p.1617). Elle voit la nuit comme un désert, ce que l'on peut comprendre comme quelque chose de
vide, sans aucun espoir ni aucune jouissance. C'est aussi à ce moment là que Geneviève de Gaulle
est obsédée par la même vision d'horreur : « des têtes qui flottent sur une mer de sang, et elles ont
un immonde sourire » (p.24). La nuit coupe aussi ses espérances car elle nous dit « il y a un
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moment avant la nuit où une faible lueur traverse ma lucarne » (p.26). C'est la nuit que les
cadavres des bébés sont transportés à la morgue. Mais c'est aussi la nuit qu'elle peut rêver,
s'évader, se déconnecter du monde brutal du camp et c'est ainsi qu'en s'évadant on peut dire
qu'elle « traverse la nuit ». C'est en plus la nuit que le train embarquant ces femmes, est arrivé
dans l'horreur du camp de Ravensbrück.
L'auteur semble être angoissé par plusieurs points au cours de son séjour dans ce camp. Tout
d'abord les SS sont associés à certains bruits qui ne semble pas la rassurer quand il se manifeste :
« le bruit sourd des semelles de bois, à peine les aboiements des chiens et les cris rauques des SS
» (p.12). Mais il y a aussi l'augmentation du nombre de fours crématoires, dont la fumée est
percevable depuis sa fenêtre. L'exécution, la mort sont des ambiances omniprésentes régnant dans
le camp qui sont aussi des objets d'angoisse. Mais ce qui dérange le plus Geneviève c'est de
devoir mourir seul, de ne plus revoir sa famille et ses amis et que personne ne sache qu'elle va
mourir et comment elle va mourir. Elle veut oublier sa famille pour ne pas perdre courage car
certainement elle sait qu'elle ne les reverra plus jamais si elle meurt. L'auteur a un rapport à la
mort assez proche puisqu'elle y fut déjà confrontée à deux reprises dans son passé et avec des
femmes très proches d'elle puisque c'était sa mère et sa sœur. Se n'est pas le fait de mourir qui
l'angoisse le plus mais la façon dont elle peut mourir, sans que personne ne sache véritablement
comment, et le fait qu'elle ne puisse pas lutter contre cette mis à mort. Pourtant, elle échappera à
la mort comme à chaque fois de manière miraculeuse, elle ne doit donc pas douter de la présence
de Dieu, et sera comme toujours seulement touchée par cette mort de manière indirect (sa mère,
sa sœur, sa grand-mère puis ses camarades du camp). La première fois qu'elle échappe à la mort
c'est quand elle est oubliée pendant trois jours dans le bunker, sans eau, ni nourriture.
La
religion tient une place importante dans la vie de Geneviève et d'autant plus dans ses moments de
détresse. Même si on pourrait croire que la religion lui permet de tenir, la situation est parfois si
chaotique qu'elle en arrive même a douter de la présence de Dieu : « mon dieu pourquoi m'as tu
abandonné ? » (p.14). Cette peur de mourir Geneviève en a honte. Pourquoi ? Est ce du au fait
qu'elle pense passer pour une égoïste qui veut sauver sa peau alors que la majorité des femmes
meurent dans ce camp ? Ou peut être est ce du à sa personnalité de résistante qui fait qu'elle doit
être forte, et si elle meurt, se sera au nom de son combat pour la France, d'où une nouvelle fois un
côté patriotique. C'est surtout au début de son arrivée au camp que l'auteur est obstinée par l'idée
qu'elle va mourir : « mon exécution est proche » (p.14), cette idée s’estompera au fil du temps.
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Elle compense la cruauté de l'homme au sein des camps par le paysage de la nature, qui elle sait
garder sa beauté. Cette nature nous montre que dans une situation aussi dramatique que celle des
camps, peu de chose peuvent satisfaire pour paraître extraordinaire : « des brins d'herbes et de
plante » ou encore « une petite fleur pour une malade ou un anniversaire » (p.15). L'auteur
montre bien que ces paysages sont contradictoires avec l'ambiance qu'ils entourent puisque « le
paysage était beau et triste » (p.15).
L'entrée au camp est significative de la perte de liberté, puisqu'on est traité comme des
prisonniers, mais aussi de la perte d'identité. Les prisonnières n'ont plus de nom mais un numéro.
La culture et l'intelligence de Geneviève se manifeste dans ce camp, ainsi elle cherche à
s'informer : « je lis quelques nouvelles » (p. 22). Elle parvient à s'acquérir des livres à l'aide de
camarades qui ont pris le risque d'en dérober en violant les règles. Malgré le côté strict du camp
on arrive donc à passer outre certaines règles mais c'est fort dangereux et c'est pour cela que notre
témoin désignera ces femmes de « courageuse ». La lecture est un moyen de s'évader pour ces
femmes. Sa culture et son intelligence se manifeste dans cet amour de la lecture mais aussi
l'avantage pour comprendre les SS qui ne parlent qu'allemand, langue que Geneviève maîtrise.
Le témoignage s'achève par cette phrase : « l'aube se lève à peine, c'est peut être celle de
l'espérance » (p.59). En effet elle est arrivée dans ce camp la nuit et ce fut son cauchemar, la levé
du jour représente l'espoir de sortir de cette nuit de cauchemar ».
Thifaine CHAMPANHET (Université Paul-Valéry Montpellier III)