Bonheur(s) Magazine

MAI/JUIN 13
BONHEUR(S) MAGAZINE
Bimestriel
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N° de page : 5
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Bonheur(s)
Josh "Alika
Kalaunui" Stone,
l'ami hawaiien,
homme heureux.
île de Maui, 2013.
L'EDITO
« Peut-on décider de son bonheur ? »
par Stéphane Arfi, directeur de la rédaction
I y a près de vingt ans de cela, j'eu la grande
chance de travailler quèlques mois par an à
Hawaii, sur la merveilleuse île de Maui. Je suivais alors chaque hiver pour une revue de nautisme,
les exploits des champions de surf, véritables athlètes aquatiques au mental d'acier. Car il faut bien des
ressources pour affronter des montagnes d'écume si
imprévisibles, le tout pour le seul plaisir de glisser...
Au fil des années passées sur cette île Sandwich
saturée de vent, d'embruns et de soleil, je devins ami
avec Josh Alika Kalaunui Stone, un Hawaiien de
souche et l'un des meilleurs surfeurs locaux. Nos
origines sociales modestes, notre passion commune
pour l'océan et la culture hawaiienne nous avaient
rapprochées, plus que nos caractères totalement
opposés ! J'étais pour ma part fasciné par notre façon
si différente d'aborder la vie. J'avais depuis toujours
l'impression de la subir - ou de la défier, tandis que
Josh semblait la diriger sans aucun effort. Empreint
de Ho'oponopono, cette belle philosophie de vie
hawaiienne dont la psychologie positive s'est un brin
inspirée, Josh avançait dans la vie sans heurt, avec
un sourire immense. Le résultat est que l'un d'entre
nous était bien plus doué pour le bonheur que l'autre.
Quels que soient les évènements, a fortiori les
épreuves qu'il traversait, Josh les prenait avec une
égalité d'humeur, j'allais dire une bonne humeur, qui
ne cessait de m'étonner.
Un matin d'hiver, une puissante vague du spot
de Hookipa lui brisa le pied, ce qui compromit sa
saison de surf et les revenus attendus, qui faisaient
vivre une partie de sa famille. Dans pareil cas,
nombre de sportifs sont dans l'abattement. On le
serait à moins : il faut des mois pour revenir au
sommet dans une discipline aussi exigeante. Evacué
en ambulance de la plage, je retrouvais Josh à l'hôpital central de Maui. Ou plutôt, je ne l'y trouvais pas :
aussitôt pris en charge, il avait disparu de sa chambre. Je dû sillonner tous les services pour le découvrir, entouré de patients hilares, en train de regarder
sur une petite télé un bon vieux Laurel et Hardy...
Quand il me vit, sa première envie fut de me raconter l'extraordinaire vision que lui offrit le trajet en
ambulance, cette dernière prenant une route qu'il ne
connaissait pas. L'enfant du pays découvrit ainsi de
I
TRAJECTOIRE
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nouveaux paysages sublimes. « II fallait que je vois ça
un jour, me dit-il avec son sourire désarmant. Maui
est vraiment le paradis sur Terre ». Voici donc tout ce
qu'il pensa pendant son évacuation en ambulance !
Cet instant fut pour moi mémorable : la capacité de
ce jeune Josh Alika Kalaunui Stone à ne voir que le
positif en toute chose, ou du moins ce qu'il y a de bon
à prendre, me questionna : ce bonheur en lui, cette
« joie en acte » pour reprendre la jolie expression du
philosophe Robert Misrahi, était-ce inné ? Ou bien
était-ce un choix personnel ?
Je le demandais à Josh. « J'ai décidé, depuis l'âge
de 14 ans, d'être heureux, me dit-il sans lâcher des
yeux l'écran rempli des pitreries géniales de Laurel et
Hardy. J'ai grandi dans la difficulté. Mais je me suis
dit qu'il ne fallait pas que la difficulté devienne plus
forte que moi. Je ne la refuse pas. Je la regarde avec
distance. La vie n'est pas la difficulté. Parfois il faut
décider de ne pas s'appesantir sur la douleur. Parfois
il faut admettre que nous n'avons aucune vraie
raison d'être malheureux. Parce que la situation n'est
pas si grave. Oui, j'ai décidé d'être heureux. C'est une
décision à prendre seul, puis à mettre en pratique.
C'est un travail long, mais magique, parce que ça finit
par marcher ». Et il ajouta : « C'est parce que c'est
magique que ça finit par marcher ».
Le bonheur comme parti pris, comme choix de
vie ? Le bonheur à construire parce qu'on le veut ?
Oui, finalement, tout comme l'écrivain Christian
Bobin, je crois que c'est possible, au risque de
heurter nos certitudes freudiennes. Le bonheur, je
l'ai vu il y a près de vingt ans chez Josh Alika
Kalaunui Stone, jeune surfeur hawaiien. Je l'ai vu car
il était vraiment heureux. Et vingt ans plus tard,
tandis que l'on se retrouve à distance - via écran
Skype interposé - il l'est toujours, heureux, Josh,
entouré de sa famille. Le large sourire qu'il arbore n'a
pas pris une ride. Notre amitié non plus.
S.A
La Force de l'optimisme, Martin Seligman, InterEditions.
Méthode du Ho'oponopono, Laurence Luyé-Tanet, Dangles.
Le bonheur, essai sur la joie, Robert Misrahi, Bord de l'eau.
L'Homme-joie, Christian Bobin, L'Iconoclaste.
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